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Full text of "Organisation physiologique du travail"

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ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE 



TRAVAIL 



OUVRAGES DU MÊME AUTEUR 



Le Moteur humain et les bases scientifiques du travail professionnel. 
- Préface de Henry Lk Chatelikr. In-8" de xvi-622 pages et 309 figures 
(Honoré d'une souscription du Ministère du Travail et du Ministère 
du Commerce, 1914 12 fr. 50 

Le Rendement de la maohine humaine. — Thèse Doctorat, Paris, 1909. 
Grand in-8^de 88 pag»»s et plusieurs ligures ; Honoré dune souscription 
du Ministère du Travail Épuisé 

Le Système musculaire. — (uand in-S^ de 850 pages et 400 figures. En 
pn'*paration. 

La Prothèse et le Travail des mutilés. — Conférence précédée d'une 
allocution de M. Paul Painlevé, Ministre de Tlnstruction publique, des 
Beaux-Arts et des Inventions intéressant la défense nationale, membre 
*le l'Institut. Brochure in-8° de 30 pages et 4 ligures; 1916 1 fr. 



ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE 



DU 



TRAVAIL 



PAR 



Jules AMAR 
</• 

DIKBCTEUH DU LAOOHATOIKB DES RECHEHCHES SUK LE TRAVAIL PROFESSIONNEL 

AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS 

DOCTEUR ES SCIENCES 



PaÉrACE DE Henry LE CHATELIER 

MEMBRE DE l'iNSTITUT 

INSPECTEUR GÉNÉRAL DES MINES 

PROFESSEUR A LA SORBONNE ET A l'kCOLE SUPÉRIEURE DES MINES 



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PARIS 

H. DUNOD ET E. PLNAT, ÉDITEURS 

47 et 49, Quai des Qrande-Augustins 

1917 

Tous droil.s de reproduction, traduction et adaptation réservés pour tous pays, y compris la Russie. 

Copr. by Dunod tt F*inat lOtT 



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PHÉFAGE 



Dans ses Principes d'organisation scientifique du travail 
f page 67), F. ïaylor se plaint que les expériences des phy- 
siologistes et des ingénieurs n'aient apporté jusqu'ici 
aucune indication sur Tendurance de Tètre humain. 
<c Les résultats de ces recherches, dit-il, étaient si mi- 
nimes qu'il était impossihle d'en tirer une loi de quelque 
valeur. » Le nouveau volume de M. J. Amar a précisé- 
ment pour but de combler cette lacune, et de montrer 
comment les méthodes expérimentales des physiolo- 
gistes permettront d'aborder à l'avenir le problème de 
la fatigue et de l'activité humaines. Ce problème est 
d'une importance capitale au point de vue de l'organi- 
sation du travail dans les usines. 

Avant de dire tout le bien que je pense de celle 
étude, je veux faire quelques remarques sur les cri- 
tiques adressées par l'auteur à Tœuvre de ïaylor. 11 
insiste, plus que de raison peut-être, sur Vinsuffisance 
de ses méthodes pour apprécier la faligue des ouvriers. 
Le reproche doit, en toute justice, être adressé aux phy- 
siologistes. Ce n'est pas le rùle d'un ingénieur d'inventer 
ces nouvelles méthodes de mesures; il n'a qu'à employer 
celles qui existent. F. Taylor s'est ainsi servi de l'ana- 
lyse chimique, de la mesure des températures, de celle 
des efforts exercés sur les outils. 11 aurait également 



. '* 






VI PRÉFACE 

employé les procédés d'évaluation de la fatigue humaine, 
si elles avaient existé. Il se plaint avec juste raison de 
n'avoir rien trouvé dans les travaux de ses devanciers. 
Espérons que le travail de M. J. Amar contribuera à 
lever cette difficulté. 

Le reproche d'avoir négligé le rôle de la volonté dans 
la production du travail me semble également peu fondé. 
L'exemple de Rachel, donné à cette occasion est tout à 
fait typique. La volonté ne peut pas suppléer à la force 
physique ; elle permet seulement de travailler au delà 
de ses forces, de se surmener. Cela a bien été le cas de 
Hachel, morte à 37 ans. Ce n'est pas là un exemple à 
imiter. L'organisation scientifique du travail, telle que 
l'envisage F. Taylor vise à obtenir de l'ouvrier la somme 
de travail qu'il peut fournir normalement, mais ne le 
pousse pas à dépasser cette limite par un effort de 
volonté. 

Ces réserves faites, je suis heureux de signaler l'uti- 
lité et l'intérêt que présente la lecture du livre de 
M. J. Amar sur l'organisation physiologique du travail. 
Cet ouvrage ne s'adresse pas seulement aux spécialistes : 
médecins, physiologistes ou ingénieurs ; tout esprit cul- 
tivé s'y instruira avec plaisir sur maints problèmes à 
Tordre du jour : mesure et enregistrement de la fatigue 
(les muscles ou du système nerveux ; relations psycho- 
physiologiques ; alimentation normale; art du travail 
économique, physique ou intellectuel; main-d'œuvre et 
apprentissage; rééducation des mutilés, orthopédie, etc. 

M. J. Amar décrit en détail les méthodes de mesure 
employées dans les laboratoires de physiologie pour la 
mesure du travail. Il est à souhaiter que de nombreuses 
études soient poursuivies à l'aide de ces méthodes de 
haute précision qui lui doivent beaucoup. Le problème 



PRÉFACE VII 

à résoudre est en effet très complexe. Il ne suffit pas de 
constater le degré de fatigue occasionné par un travail 
donné pour décider si le travail en question excède ou 
non les capacités de Touvrier soumis à Texpérimenta- 
tion. Tout travail musculaire sérieux entraîne néces- 
sairement une certaine fatigue, mais elle n'aura aucun 
inconvénient si les temps de repos intercalés dans le 
travail permettent à la machine humaine de se reconsti- 
tuer sans altération permanente. Une machine à vapeur 
ne peut fonctionner sans consommer du charbon; point 
d'inconvénient, si on l'alimente suffisamment pour ne 
pas la laisser s'arrêter. De même pour l'homme, la con- 
sommation d'énergie n'a pas de conséquences, pourvu 
que l'alimentation et le sommeil suffisent à réparer les 
pertes. Celte fatigue, bien loin d'être nuisible, est très 
favorable à la santé. Un paysan, qui fait souvent des 
journées de seize heures, atteint facilement quatre- 
vingts ans, tandis qu'un petit boutiquier des grandes 
villes, qui ne fournit pas toujours une heure de travail 
par jour, atteint difficilement la soixantaine. C'est là ce 
qui rend si difficile l'étude du surmenage. L'homme 
qui ne se fatigue jamais ne vit pas longtemps. Celui qui 
se fatigue jouit au contraire souvent d'une verte vieil- 
lesse. Le grand industriel Solvay en donne un exemple 
remarquable. Sur les soixante ans, il a commencé à 
faire de l'alpinisme, réglant sa vitesse d'ascension de 
façon à maintenir son pouls au rythme de 120 pulsa- 
tions à la minute. C'est certainement là une grande 
fatigue, et Solvay porte allègrement aujourd'hui ses 
soixante-seize ans, se surmenant encore par un travail 
intellectuel tellement intensif qu'il en perd souvent le 
sommeil. Tous les hommes, il est vrai, ne résisteraient 
pas à un semblable régime; il n'en résulte pas moins 



y III PRÉFACE 

que la question du surmenage nuisible est un problème 
extrêmement complexe, qui demandera encore de nom- 
breuses études avant d'être complètement résolu. 

L'emploi des méthodes de mesure recommandées par 
M. J. Amar aura un effet certainement immédiat dans 
les études relatives à la rééducation des blessés et mu- 
tilés. Les nombreux exemples qu'il en donne montrent 
comment on arrive, par un apprentissage méthodique, à 
diminuer rapidement les efforts nécessaires au début 
pour exécuter un travail auquel on n'est pas entraîné. 

L'évaluation systématique de ces efforts permettra 
d'abréger beaucoup le temps de rééducation, et contri- 
buera, dans une large mesure, à atténuer les maux 
causés par la guerre. 

Cette application particulière du système Taylor aura 
donc un autre effet très heureux, celui de fournir du 
travail aux estropiés de la guerre. Un des points les 
plus essentiels de ce système est de remplacer dans 
les usines un grand nombre d'ouvriers manuels par 
des employés chargés d'étudier les meilleures mé- 
thodes de travail, puis de les enseigner aux ouvriers, et 
enfin d'établir les tâches journalières. Ces fonctions 
peuvent, pour la plupart, être très utilement confiées à 
des blessés. L'expérience personnelle du travail est in- 
dispensable pour bien remplir ces fonctions, mais elles 
ne nécessitent pas l'exécution personnelle des mômes 
travaux. D'anciens ouvriers pourront ainsi utiliser l'ex- 
périence qu'ils ont acquise, quand ils jouissaient encore 
du libre usage de tous leurs membres. Cette utilisation 
des ouvriers mutilés a été essayée, avec beaucoup de 
succès, par M. de Fréminville, aux chantiers dePenhoete 
à Saint-Nazaire. C'est là une tentative qui mérite d'être 
développée. Il faut certainement, pour ces fonctions de 



PRÉFACE IX 

moniteurs, outre la connaissance manuelle du métier, 
une dose suffisante d'intelligence. Mais, de même que 
les aveugles voient leur sensibilité acoustique se déve- 
lopper par la concentration de leur attention sur les 
sens restés intacts, on peut escompter aussi un déve- 
loppement des facultés intellectuelles cliez des hommes 
privés d'une partie de leur activité physique. Par la 
force même des choses, ils dirigeront leurs eflorts dans 
des directions nouvelles. De toute façon, les hommes 
les plus intelligents pourront ainsi trouver une appli- 
cation immédiate de leurs facultés. 

Le livre de M. J. Amar soulève une infinité de pro- 
blèmes très intéressants pour l'avenir de la France ; 
espérons que de nombreux lecteurs sauront en com- 
prendre )a haute importance. 

Henry Le Chatelier. 

1" décembre 1916. 



AVANT-PROPOS 



Aider à organiser le travail d'après des lois ration 
nelles, assigner à chacun sa fonction véritable dans la 
machine sociale, faire collaborer à l'œuvre économique 
de demain Thomme valide et le mutilé, formuler en 
peu de mois la doctrine de Tutilisation maximum des 
forces physiques et psychiques, sans négliger le facteur 
moral, telles sont les raisons qui m'ont fait écrire ce 
volume. Il s'adresse résolument au grand public et 
aborde, dans un sens pédagogique, le domaine des 
applications usuelles. Qu'il s'agisse d'éducation phy- 
sique et d'hygiène, d'organisation de l'apprentissage et 
de la main-d'œuvre, ou encore de cette rééducation 
professionnelle dont il a fallu, en des temps doulou- 
reux, tracer le programme, et coordonner les efforts 
réalisateurs, chacun de nous a le devoir d'y participer 
activement. J'ai dit, en peu de mots, comment et 
pourquoi. 

Et j'ai fait toujours apparaître l'intime union de la 
science avec la richesse économique, de la méthode et 
de la technique avec la fortune nationale. 

Dans ce même esprit ont été développées les questions 
de Prothèse, car la France pourrait se placer à la tête 
de l'industrie orthopédique du monde entier, comme de 
beaucoup d'autres industries. La condition est qu'elle 



XII AVANT-PROPOS 

brise avec la routine, cet agent d'énervement de Tesprit 
inventif de notre race. 

Ma doctrine propre m'a conduit, naturellement, à 
exposer et discuter Tadmirable système de Taylor. J'en 
ai fait valoir les mérites essentiels, en le rectifiant là où 
il paraît méconnaître les lois profondes de la fatigue et 
de la conservation des forces humaines. Toute notre acti- 
vité, en elïet, doit être conditionnée physiologiqiiement, 
sous peine de graves mécomptes. Et elle Test en fait, de 
par les lois de la nature. Mais on s'obstine à le nier et à 
se réfugier dans Tabstraction. 

Il fallait donc, sur ces problèmes fondamentaux, 
démonstrations et témoignages en main, éclairer le 
lecteur. Grâce à une abondante illustration, originale et 
très nette, l'intelligence du texte est grandement faci- 
litée. Je remercie mes éditeurs d'y avoir donné tous leurs 
soins. C'est pour le lecteur, assurément, autant que pour 
me témoigner une bienveillance déjà éprouvée, que 
M. Le Chatelier, dont le nom définit une action sociale 
méthodique, a écrit la Préface de ce volume 

De part et d'autre, les documents sont interprétés 
avec sûreté et sincérité. Un livre qui prétend enseigner 
doit être comme un acte de conscience. Je souhaite que 

celui-ci le soit. 



• • 



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ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE 



DU TRAVAIL 



CHAPITRE I 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES 



1. — Le 25 janvier 1829, en ouvrant le Cours de Géométrie 
et de Mécanique appliquée^ ^I^^l professait au Conservatoire 
des Arts et Métiers, le baron Charles Dupin s'exprima en ces 
termes : 

« On s'est beaucoup occupé de perfectionner les machines, 
les instruments, les outils matériels dont Touvrierfait usage 
dans les arts méchaniques. On s'est à i)eine occupé de per- 
fectionner l'ouvrier même. Et pourtant, ne fùt-il considéré 
que comme un instrument, un outil, un moteur, il devrait 
élre mis au premier rang entre tous les instruments, entre 
tous les agents méchaniques, parce qu'il a l'avantage inap- 
préciable d'être un instrument qui s'observe et se corrige 
lui-même, un moteur qui s'arrête, qui se meut au gré de sa 
propre intelligence, et qui se perfectionne parla pensée, non 
moins que par le travail (*). » 

Dupin venait, en effet, de concert avec Poncelet ("), d'en- 
treprendre une admirable campagne en faveur de la diffu- 
sion des idées de méthode, et de l'enseignement du travail 

(}) Charles Dupin (178i-1873j, géomître et économiste français d'une grande 
originalité. 

(>) Jean- Victor Poncelet, mécanicien et général français, né à Metz en 1788, 
mort en 1867. 

OROANISATIOX PHYSIOLOGIQUE DU TRW AIL. 1 



• •_• •• • •/ • • • 



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2 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

professionnel dans les centres ouvriers. Il voulait aussi que 
la notion de fatigue fût approfondie, et préservAt le travail- 
leur du surmenage, — Mais ce mouvement échoua, d*abord 
à raison môme de Tesprit chimérique et trop généreux que 
Ton reprochait à Dupin, ensuite parce qu'on était aux envi- 
rons de 1830. Sollicité d'accorder son patronage, Charles X 
ne répondit pas. Il avait mieux à faire : s'en aller. Et enfin, 
la science elle-même, celle des Irai} s formations de ténergie^ 
n'était pas encore née; la plupart, sinon tous les savants, 
admettaient la doctrine des forces vitales^ réputées immaté- 
rielles, par conséquent soustraites à nos procédés de 
mesure. 

Quant aux ouvriers, ils n'avaient guère conscience de 
leurs droits, ni de leurs devoirs; fort peu instruits, ils 
balayaient nos usines où travaillaient surtout des Anglais. 
Et l'un de nos ministres, qui visitait un de ces établissements, 
ne fit que s'en étonner. Le contraste évidemment avait de 
quoi le choquer. 

Malgré cette indifférence officielle, Dupin et Poncelet 
réussirent à créer un modeste enseignement, bien vile popu- 
laire, à Paris, à Metz, à Rochefort. Le malheur est que, 
faute de ressources, d'expériences, la science du travail 
humain demeurait en retard; les j)hysiologistes et les éco- 
nomistes semblaient même en désespérer. 

Il a fallu notre époque, surtout depuis 1890, pour la con- 
duire, par des étapes victorieuses, vers les sommets d'où 
elle jette maintenant de si belles clartés. Elle doit ce succès 
à deux méthodes différentes : la méthode des physiciens et la 
méthode des physiologistes. Examinons-les séparément (^). 

II. — A. REcnERCHEs DES PHYSICIENS. — Préposés de tous 
temps aux arts et aux métiers, disposant presque seuls de la 
main-d'œuvre, les mécaniciens et les ingénieurs entre- 



(1) Consulter, dans la Technique moderne du 1"' mai 191 i, un intéressant histo- 
rique dû & Henri Verne. 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES 3 

prirent les premières recherches sur le travail de riiomme. 
Mais les plus habiles se bornaient à déterminer le plus 
grand effort ou la plus vive allure, rarement Vaction continue 
et de longue haleine. A ces expériences, très incomplètes, 
assistaient cependant des princes de la Cour, spécialement 
sous le règne du Grand Roi. De La Ilirc (1640-1718) et 
Amontons (1663-1703) tentaient les démonstrations; les 
BernouUi, et plus tard Euler, s'efforçaient à trouver la for- 
mule mathématique du travail maximwn i}). 

En 1722, le chevalier lorrain De Camus fit preuve d'un 
réel esprit pratique, en écrivant le Traité des forces mouvantes^ 
simplement, clairement, « pour Tusage des ouvriers ». 11 
définit le centre de gravité et en montre Timportance dans 
tous nos mouvements, dans nos altitudes, dans la fatigue. 
« Quand deux hommes portent un fardeau, cxplique-t-il, le 
grand est moins chargé que le petit, et plus le grand lève 
haut le fardeau, moins il est chargé et plus il charge le 
petit » (p. 35r). Et ainsi de diverses circonstances du travail 
professionnel. 

Pour ménager les forces humaines et instruire les travail- 
leurs, il n*était pas de livre plus estimable que celui de Tex- 
cellent gentilhomme. 

Vauban (-) donna un enseignement plus vécu et d'une 
portée plus haute dans un opuscule intitulé : Le Directeur 
général des fortifications^ apparemment de Tannée 1080. Il 
concerne les travaux de terrassements. J'en tire cette obser- 
vation : « Je m'assure, dit Vauban, qu'il n'y a personne, qui 
ait fait un peu travailler, qui ne demeure d'accord que 
quatre hommes bien surveillés font plus d'ouvrage que six 
autres qu'on abandonnerait à leur propre conduite... » — Et 
en 1729, Bélidor, également ingénieur militaire, ajoute : 
« La surveillance coûte moins que la diminution du travail à 



(1) Jules Amar, Le Moteur humain^ p. 235. 

(2) Sébastien Le Presire de Vauban (1633-1707), maréchal de France et ingé- 
nieur éminent; disgracié à cause de son li?re : La Dinie royale, où il plaidait en 
faveur de Tégalité des impôts. 



4 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

laquelle son absence donnerait lieu ». Ailleurs : « Il est cer- 
tain, dit-il, que dix heures de travail d'un homme qui a pour 
chassavant son intérêt en valent du moins quinze d'un autre 
qui a sa journée réglée (*). Les pousser plus loin, c'est les 
outrer et les exposer à devenir malades, et ne pouvoir pas 
tenir longtemps. » Premiers balbutiements du Contrat social, 
lorsque Bélidor réclame en faveur d'une condition de vie 
plus facile pour les ouvriers, vu « la cherté des vivres », — 
ou échos généreux de la grande voix qui s'était tue après la 
Dhne royale. Ce courage scientifique sonnait le réveil des 
consciences. 

III. — Coulomb. — Il faut arriver à Coulomb (^), pour 
trouver sur la fatigue, Tévaluation et la comparaison des 
divers travaux de l'homme, un tableau vraiment intéressant. 
Ce physicien, le plus grand du xvm" siècle, avait été envoyé 
à la Martinique comme officier du Génie. Là, il entreprit les 
déterminations en question, en occupant des personnes 
payées à la tâche. Par des mesures habiles sur le transport 
des fardeaux, les manœuvres de treuils, manivelles, son- 
nettes, les opérations du labourage, il réunit la matière d'un 
beau Mémoire sur la force des hommes. Ecrit en 1785, ce 
mémoire ne vit le jour qu'eu 1798, lorsque M. de Coulomb 
eut t*ait place « au citoyen Coulomb, de l'Institut ». 

Extrayons-en quelques considérations d'un caractère géné- 
ral : « Il paraît, écrit Coulomb, que la manière de couper 
en de petits intervalles d'action et de repos le travail des 
hommes qui portent de grands fardeaux est celle qui con- 
vient le mieux à l'économie animale, et que les hommes 
préfèrent de marcher avec vitesse pendant (|ucl({ues instants 
et se reposer complètement pendant quelques autres instants, 
à parcourir une môme course dans un temps égal à ces deux 
intervalles, avec une vitesse {)lus lente mais continue... » — 
El la quantité de travail ainsi effectué (^ varie suivant Thabi- 

(>) Proportion de 2 à 3 déjà indiquée par Vauban. 

(-) G tiarles- Auguste de Coulomb (1736-1806), né à Angonlôme. 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES 5 

leté, le choix des hommes, la nourriture..,^ le climat ». Ces 
deux derniers facteurs du rendement humain, alimentation 
et climat, sont ici formulés pour la première fois. Facteurs 
physiologiques essentiels, que Coulomb complète par une 
indication d'ordre psychologique sur la méthode de 
recherches. « Il faut, dit-il, suivre un bon ouvrier payé à la 
pièce ; mais en même temps, pour ne pas influer sur son 
travail momentané, il ne faut pas qu'il sache qu'il est 
observé. » 

Jusqu'à la fin du xix' siècle, il n'y eut pas d'étude plus 
importante que celle de ce savant; on a traduit, sous des 
formes différentes, ses idées, on a puisé dans ses observa- 
tions, on en a surtout exagéré la valeur; car, pour la plupart 
d'entre elles, il avait suffi d'une seule détermination directe, 
et pour quelques-unes, Coulomb emprunta à ses devanciers 
d'une main malheureuse. 

Mais la méthode des mécaniciens s'est illustrée, en ces 
derniers temps, par les brillantes recherches, théoriques et 
pratiques, d'un ingénieur américain Frédéric Taylor. 

IV. — Le système Taylor. — Les principes de Taylor 
sur l'organisation du travail sont assurément les plus péné- 
trants qui soient dans l'ordre industriel. Ils enseignent à 
l'esprit la force souveraine des vérités mathématiques, 
celle de Vordre et de la méthode dont ils sont la pure expres- 
sion (*). 

Frédéric Winslow Taylor [fig. i) est né en 1856, à 
Germann Town Pa., dans l'Amérique du Nord; il est mort 
à Philadelphie, le 21 mars 1915. Desimpie homme d'équipe, 
il s'éleva graduellement à la dignité d'ingénieur, puis de 
directeur d'usines. Son labeur opiniâtre, sa haute intelli- 
gence technique et pratiijue, le firent bien vite apprécier : 
ses initiatives dans le domaine économique l'ont rendu 
célèbre dans le monde entier, et légitimement enrichi. Le 

(1) Consulter : Le Moteur humain^ p. 345, 496 et suivantes; et H. LbChatelieh, 
Revue de Mélallurgiey p. 185; avril 1915. 



6 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

premier, il réussit à organiser d'une façon rationnelle et 
scientifique le travail humain. 

Deux entreprises ful-ent conduites par lui, simultanément, 
pour atteindre ce but : 

V Organisation de fou- 
lillage. — Il s'agissait 
d'abord de constituer un 
outillage très perfection- 
né, réalisant la forme, les 
dimensions, ie poidx, la 
qualité susceptibles de 
conduire à un travail ra- 
pide. Des éludes scienti- 
fiques étaient nécessaires 
sur ce point spécial ; ce 
sont elles qui, presque 
toujours, rebutent l'indus- 
triel, parce qu'elles lui 
coûtent et qu'il n'en voit 
pas immédiatement luti- 
lité. 
Fio. i. — F.-W,Taylor (1856-1915). Taylor parvini à triom- 

pher de ces résistances, 
et à consacrer plus d'un million de francs aux recherches de 
laboratoire, durant près de vingt-cini| ans, de 1880 à 1903 : 
argent et temps qui, assurément, ne pouvaient être mieux 
employés. 

2' Organisation de la main-d œuvre. — li fallait ensuite 
former un personne! approprié à cette technique, à ces con- 
ditions de vitesse, et tel, par conséquent, que chacun fût 
réellement à sa vraie place, soit j>our commander, soit pour 
obéir ; et il fallait l'instruire. Ce fut la tâche la plus malaisée. 
La ténacité de Taylor en vint à bout. — ^uant aux indica- 
tions relatives à la préparation et à l'exécution de l'ouvrage, 
elles étaient données par écrit, sur des cartes dinstruction, et 
on apprenait aux ouvriers à les interpréter sans hésitation. 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES 7 

On leur montrait surtout quels mouvements exige la ma- 
nœuvre d'un outil donné, ou telle opération de chantier, et 
quels mouvements doivent être épargnés, que l'on fait ordi- 
nairement sans réfléchir et par conséquent sans profit. Les 
mouvements utiles devaient être produits dans un temps mini- 
mum^ les autres évités. 

C'est pour satisfaire à cette loi d'économie que Taylor dut 
chronométrer les difl*ércnts actes et gestes de l'ouvrier, ne 
retenant que ceux dont l'efficacité n'était pas douteuse. Et 
comme tous les sujets que l'industrie embauchait ne pou- 
vaient pas se plier à ce mode d'activité, il ne gardait que 
les plus capables. Ainsi, chronométrage et sélection sont les 
deux caractéristiques du systhne Taylor. 



Prepapation 



Oir-WitCiiP 



( ^^ ) 

y fa(»f icnion J 


/Xhoi» desX 

/proodd6s,et > 

1 préparation 

V des ; 
\(n6tnjciioiis/ 




1 Ltudes \ 
/ de temps \ 
l etopix y 
\ de f^vicnt J 


T \ 

( Oisciplitie 1 


xV >^ 


— V, 




^ 




/ Chef de la \ \ 
1 distn'tution I \ 
\ du travail 1 


f Chef \ 
. des 


\ / 

1 f 


f Chef \ 
1 de 1 entretien \ > 
l de» machines- \/ 
V outils ^ 


f / inspectcup \ 
\ Contrôle j 


Exêcutiton 


^^ 


"Ouvriei» 


x:^^ 





FiG. 2. — Schéma de l'organisation taylorienne. 



S'agit-il, par exemple, de manœuvrer un bloc de fonte? — 
La décomposition des temps de cette opération sera la sui- 
vante : enlèvement du bloc du sol, ou du tas ; — marche 
avec cette charge; — projection du bloc à terre ou dépôt sur 
un las ; — retour à vide. L'analyse était faite, comme le 
voulait Coulomb (j^ 3), d'après l'examen d'un travailleur 



8 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUK DU TRAVAIL 

habile et bien poriant, payé 5 la tâche, servant de modèle^ et 
en quelque sorte d'éta/on. 

Les ouvriers sont alors entraînés par des instructeurs en 
vue d'atteindre au rendement de leur modèle; et les mouve- 
ments à faire, et les dispositions contre les relards, figurent 
sur les cartes qu'on leur donne. L'apprentissage devient 
rapide et méthodique, et dans tout l'atelier c'est une vie 
fonctionnelle intense où le temps est véritablement de Tar- 
gent. L'enchaînement des services est à peu prés symbolisé 
par la figure 2; il ne laisse place à aucune cause de gaspil- 
lage ni de ralentissement. Il reflète l'ordre et la mesure. 

V. — Avantages du système Taylor. — Dans les usines 
métallurgiques, spécialement, ces principes donnèrent d€s 
résultats surprenants. Un travail aussi simple <jue le trans- 
port de gueuses de fonte fut porté à 47 tonnes par homme et 
par jour, contre 12 à 13 que l'on chargeait d'habitude. C'était 
quadrupler l'effet utile du manœuvre. 

Mais le taylorisme a un caractère d'tfntversalité qui le fait 
servir h tous les modes de travail, industriels, agricoles, 
commerciaux, et sur lequel Henry Le Chatelier a tout parti- 
culièrement insisté. 

Une anecdote pourrait l'illustrer : Un disciple de Taylor, 
l'ingénieur Frank Gilbreth, ayant visité l'Exposition anglo- 
japonaise de Londres, aperçut une jeune fille qui plaçait des 
prospectus dans des boîtes de cirage, avec une dextérité 
merveilleuse et instinctive. 11 n'eut pas plutôt examiné ce 
travail qu'il se mit à noter les mouvemenis et à les chrono- 
métrer. Il fallait 40 secondes pour préparer 24 boîtes. 
Alors Gilbreth dit à la jeune employée qu'elle ne s'y prenait 
pas de la meilleure façon pour travailler vite. Très sûre de 
son habileté, elle se moqua de lui, mais consentit finalement 
à négliger les gestes qu'il estimait inutiles. Comme d'ail- 
leurs elle travaillait à la tache, elle fut tentée par l'idée 
d'un salaire supérieur. En peu de jours, elle réussit à faire 
les 24 boîtes, non plus en 40 secondc^s, mais en ^6 seule- 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES 9 

ment. Elle avoua en outre que la besogne lui paraissait 
moins fatigante. 

Petits faits, mais grands enseignements. 

La méthode américaine possède donc une vertu éducative, 
elle contient des vérités scientifiques incontestables. Elle est, 
d*un mot, la méthode^ c'esl-à-dire l'ordre et Tharmonie. 

Cet ouvrier qui se déplace de droite et de gauche à la 
recherche de ses outils, va, vient, repart, et tous les jours 
recommence, tandis que son ouvrage attend ; — cet indus- 
triel qui se refuse aux transformations en personnel et en 
matériel que son usine réclame, — et cet homme qui, à son 
bureau, égare constamment son porte-plume, ou une note, ou 
une lettre reçue, — ne sont-ils pas des exemples vivants de 
la routine et du désordre dont Taylor a fait justice? 

Désormais se trouvent mis en évidence les effets anti-éco- 
nomiques de la maladresse ordinaire des hommes. Petits et 
grands peuvent, à la lumière de cette doctrine, suivre une 
discipline scientifique et faire V apprentissage véritable^ celui 
de l'ordre. Les débutants ne peineront pas inutilement; ils 
deviendront vile adroits et habiles dans leurs métiers. Tout 
homme travaillant à la tâche, et soucieux d'augmenter son 
salaire, est ainsi gagné 5 la méthode. Sans doute la sélection 
ne s'effectue que par voie d'élimination, et beaucoup d'ou- 
vriers, qui auraient voulu adopter telle profession, s'enver- 
raient évincer par de plus capables. Ils ne seraient pas, 
cependant, réduits forcément à la misère. Comme le dit 
Taylor — et c'est plus vrai maintenant : « 11 y a, actuelle- 
ment, une telle demande de main-d'œuvre qu'aucun ouvrier 
n'est contraint de chômer plus de un ou deux jours ; en sorte 
que les travailleurs les moins bons ne sont pas plus malheu- 
reux que jamais. Au lieu d'éprouver de la pitié pour ceux-ci, 
on devrait, au contraire, se féliciter et se réjouir que b^u- 
coup d'ouvriers de valeur trouvent au moins la chance de 
gagner de gros salaires, et de marcher vers la prospé- 
rité. » 



10 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

VI. — Critique du système Taylor. — L'admirable 
organisation tayloriennc est, toutefois, passible de critiques 
qui, à travers elle, s'adressent à toutes les conceptions méca- 
niques sur le travail humain, et dont nous avions ajourné ici 
le développement. 

1** Le système Taylor manque de souplesse, — Une adapta- 
tion très étroite de Thomme à sa besogne, une différencia- 
tion très poussée à la fois et très nette des diverses compé- 
tences, se justifient en théorie; elles sont pratiquement 
impossibles si Ton songe que, d'une part, un appel plus 
pressant est fait à la main-d'œuvre, et que celle-ci, d'autre 
part, tend à se raréfier. On est donc obligé de se montrer, 
dans une certaine mesure, moins sévère dans la sélection, et 
de transiger sur la qualité — que l'on voudrait supérieure — 
pour avoir la quantité. On n'y est pas seulement obligé ; on 
doit faire fléchir les principes, sous peine de nier l'adapta- 
tion et rinfluence de la volonté. Tel ouvrier qui, à une pre- 
mière expérience, ne semble pas devoir être un modèle pour 
le taylorisme, le deviendra à force d'application. Dans les 
choses de Tart, on pourrait objecter le cas de la grande 
« Rachel » dont les tayloriens eussent ruiné la vocatio?i. Et 
justement, voilà le mot : les principes américains découra- 
geraient les vocations, car il y a dans celles-ci un élément 
non mécanique qui échappe aux calculs et aux prévisions. 

En d'autres termes, l'homme civilisé, instruit, môme peu, 
possède des réserves d'énergie morale qui peuvent lui faire 
surmonter bien des difficultés, et hâter sa formation. 

On ne saurait les nier absolument. 

Le système Taylor manque donc de souplesse, ou tout^au 
moins il pourrait ne pas s'enfermer dans un cadre trop 
rigide. 

2; Le système Taylor est incomplet. — Encore est-il que si, 
conformément i\ sa règle, on constituait des sujets modèles, 
très capables, il resterait un grave problème à résoudre. 
Car le choix de la main-d'œuvre et des instruments de tra- 
vail permet seulement d'améliorer la technique et d'aug- 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES il 

menter la produclion. Mais on ne voit pas comment l'orga- 
nisme humain serait préservé du surmenage, et quelles sont, 
en fait, les conditions physiologiques du meilleur travail. De 
même que de La Hire, Amontons, Coulomb, — Taylor n'a 
eu égard qu'à une partie de la machine humaine, celle qui 
exécute Touvrage, à VoiftiL II a négligé l'autre partie de l'en- 
semble dont l'outil reçoit la force motrice et qui, à cause de 
cela, s'appelle le moteur. 

Récepteur et moteur ne doivent pas être isolés l'un de 
l'autre quand il s'agit de la valeur productive de la machine ; 
ils sont inséparables dans l'homme qui travaille. Chez lui, 
surtout, le rendement du moteur se modifie considérable- 
ment s'il est alimenté de bon combustible et débarrassé à 
temps des déchets qui l'encrassent, s'il marche à telle 
vitesse et à telle charge plutôt qu'à telles autres, s'il se 
trouve dans un milieu extérieur qui, loin de troubler son 
fonclionnemenl, tend au contraire à le favoriser. 

Le svstème Taylor réalise à merveille l'entraînement de 
l'outil humain à travailler rapidement et au mieux; il est 
vide de renseignements sur le moteur proprement dit. 

Le savant américain avoue, par exemple, avoir observé des 
signes de « très grande fatigue » sur des trieuses de billes de 
bicyclettes. Obligées à un travail de vitesse et à beaucoup 
(Tattention^ ces ouvrières ne s'adaptèrent à ce métier qu'au 
nombre de 35 sur 120! Les autres durent y renoncer sous la 
menace d'un épuisement nerveux. 

La part croissante, dans les travaux modernes, de cette 
attention, de l'adresse et de l'habileté, augmente l'épuise- 
ment des centres nerveux, de l'énergie cérébrale, sur laquelle, 
de même que sur Ténergie musculaire, Taylor ne fournit 
point d'observations rigoureuses. Mais sa grande expérience 
des hommes a su éviter bien des dangers. Résultat fort beau 
assurément, et qui donnerait confiance si tout ingénieur 
avait un instinct aussi sûr. Des appréciations sur le degré 
de fatigue, faites au coup d'œil, ne peuvent remplacer les 
mesures et les expériences objectives, ni suppléer à l'en- 



12 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

semble des conditions physiologiques qui doivent gouver- 
ner Tactivité humaine. — Et que vaudraient-elles aujourd'hui 
dans le cas du travail des mutilés? La diminution physiolo- 
gique des gens très nombreux, de cette catégorie, la néces- 
sité de les utiliser à bon escient, le problème social que 
soulève leur emploi dans l'industrie, exigent un système de 
contrôle scientifique plus complet et qui analyse tous les 
facteurs d'énergie de Fêlre humain. 

Voilà pourquoi, technique précise, éclairée du rayonne- 
ment de la recherche mathématique, la doctrine américaine 
est néanmoins incomplète, parce que, pas plus que les essais 
des anciens physiciens, elle ne tient compte des données 
physiologiques, ni ne définit la marche normale du moteur 
humain. 

VII. — B. Recherches des physiologistes. — Avec plus 
de raison que les mécaniciens, les physiologistes s'atta- 
chèrent aux échanges d'énergie dont l'organisme vivant est 
le théâtre, tant au repos qu'au travail. Il y a, dans toutes les 
formes de l'activité humaine, une consommation, une 
dépense d'énergie effectuée sur les réserves de nos cellules, 
aux dépens des aliments. 

Cette énergie, les « forces vitales » d'autrefois, ils 
savent la mesurer. Une simple comparaison le démontre. 

La machine à vapeur, par exemple, développe puissance 
et chaleur en brûlant un combustible, en Toxvdantau moven 
du gaz actif de l'air : ïoj't/gène. Il est évident que la dépense 
d'énergie, au lieu de s'évaluer en charbon, pourrait aussi 
bien s'exprimer en litres d'oxygène, la quantité de ce gaz 
étant rigoureusement proportionnelle à la quantité de com- 
bustible qu'il transforme en chaleur et en travail. 

Pareillement, on observe dans le corps de l'animal une 
transformation des aliments absorbés, sous l'action de 
l'oxygène respiré, avec production de travail musculaire et 
nerveux et de chaleur. D'habiles expérimentateurs, comme 
Chauveau en France, firent la preuve définitive que l'animal 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIHE ET DOCTRINES 13 

est le siège des mêmes opérations que les moteurs tlier- 
miqucs, encore que nous ne sachions rien de la nature des 
combustions vitales. 

La force, sous ses asi)Ocls multiples, a pour origine ces 
phénomènes d'oxydation profonde : force de nos muscles, 
visible et mesurable : force de la pensée, mystérieuse en son 
essence et infiniment variée dans ses manifestations. 



FiG. 3. — Chambre rai o ri m étriqué de Boston. 

C'est ce qui fut vérilié, avec un lu.\e prodigieux, dans les 
laboratoires de Boston installés aux frais de M. Carnegie. 

Une chamhre cnhrimélriçue, d'environ 5 mètres cubes, est 
aménagée pour le séjour d'une personne. L'air y arrive de 
manière à pouvoir être analysé à son entrée comme à sa 
sortie. 

On peut môme mesurer avec une très grande exactitude 
la chaleur rnyonnée par le corps du sujet. L'ensemble de 
l'installation, décrite dans notre livre Le Moteur humain 
(]). 199), a coûté plus d'un million {fig. 3). 



14 ORGANISATION PHYSIOLOGigUE DU TRAVAIL 

Les expériences, habilement dirigées par. Alwater et Bene- 
dict, ont montré que la quantité d'oxygène consommé se règle 
très rigoureusement sur la quantité d'énergie produite^ celle-ci 
étant évaluée en calories ('). 

Le litre d'oxygène équivaut à -/,,W calories, c'est-à-dire que 
les divers aliments, brûlés par lui dans Tintimité de nos 
cellules, dévelo[)pent autant de chaleur qu'un poids de houille 
égal à deux tiers de gramme environ. 

Ainsi, graisses, sucres, albumines se concentrent dans les 
foyers microscopiques de la machine vivante, sous Tinsuf- 
flation continuelle de Toxygène, et mettent de Ténergie en 
liberté. De celle-ci dérivent la chaleur qui entrelient la tem- 
pérature constante du corps, ST" à peu près^ et le travail mus- 
culaire. On dira plus loin comment il est possible de mesurer 
à toutinstant, à chaque minute si Ton veut, la consommation 
d'oxygène respiré, et de suivre les étapes et les variations de 
l'énergie que l'organisme met en jeu dans n'importe quelle 
circonstance. Rien n'est plus fulèle ni \)\iis pratique que cette 
méthode. 

D'autre part, la physiologie s'adresse à l'analyse des phé- 
nomènes de fatigue dans leur répercussion sur la puissance 
névro-musculaire, les fonctions circulatoire et respiratoire, 
la production de poisons organiques ou l'auto-intoxication ; 
et elle vise à assigner les limites normales de cette fatigue, 
pour écarter d'une fa(;,on certaine le surmenage. 

Elle est donc science plus profonde et plus vraie que la 
méthode purement mécanique. C'est ce qui explique ([u'elle 
fut préconisée à l'aurore de ïénergétique par les fondateurs 
de cette doctrine : llirn, deColmar, et l'Allemand Ilelmholtz 
(1854, 1848). 

VllL — Lavoisier. — Mais il faut rappeler que le plus 



(') La calorie est ici la quantité de chaleur nécessaire pour élever de !• la tem- 
pérature d^un litre d*eau pure. Pour évaluer les kilogramme 1res de travail dans 
cette même unité, la calorie, on doit les diviser par 426, car il y a équivalence 
entre un travail de 126 kilogrammètres (5,68 HP.) et la calorie. 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES lo 

gcniiil chimisic des temps modernes, Lavoisier ('), ouvrit 



Fio. *. — Uvoisier(n«-n'Jt). 

l'ère des mesures et des rechcrclics c[ue nous signalons 

(') Antoioe-Laurent Lavoisier, né A Paria en 17i3, inorl tut l'écharaud ta 1194. 



16 ORGANISATION PMVSiOLOGIQCB DU TRAVAIL 

[(ig. 4). Il élabtit les rapports de l'oxydalion du coriis et de 
la production de « forces ». Sur son collaborateur Seguin il 
fit des déterminations d'oxygène respiré, tantôt au repos et 
tantôt au travail. Le visage recouvert d'un masque respira- 
toire, Seguin était d'abord maintenu Iranrjuille, puis, durant 
un quart d'heure, il soulevait un poids atlaclié à ses pieds 

(Ay.r,). 



Fie. 5. — Espérience de Lavoisier sur Seguin. 

De ces observations, Lavoisier tira d'admirables conclu- 
sions qu'il faul citer inlassablement : 

n Ce genre d'observations, dit-il, conduit à comparer des 
emplois de forces entre lesquelles il semblerait n'e-xister 
aucun rapport. Ou peut connaiire. par exemple, à combien 
de livres en poids répondent les efforts d'un homme qui 
récite un discours,'d'un musicien qui joue d'un instrument. 

«On pourrait racine évaluer ce qu'il y a de mécani<|uo dans 
le travail du philosophe qui réfléchit, de l'homme de lettres 
qui écrit, du musicien qui compose. Ces efforis, considérés 
comme purement moraux, ont quelque chose de physique et 
de matériel qui permet, sous ce rapport, de les comparer avec 
ceux que fait l'homme de peine. Ce n'est donc pas sans 
quelque justesse <|ue la langue française a confondu, sous la 
dénomination commune de travail, les efforis de l'esprit 



LE TRAVAIL HUMAIN. — HISTOIRE ET DOCTRINES 17 

comme ceux du corps, le travail du cabinet et le travail du 
mercenaire ('). » 

Ces lignes, écrites en 1789, contiennent toute la doctrine 
physiologique dans ses plus lointaines applications. On voit 
combien elle est féconde ; elle n'exclut pas la mesure méca- 
nique : elle la comprend, au contraire, comme un élément 
d'une vérité plus haute et plus achevée : f évaluation de 
r énergie vitale, 

(') Lavoisier, Œuvres complètes, II, p. 688 (édition officielle). 



ORGAMSATION PHYSIOLO(iIQUE r>U TItAVAIL. 2 



CHAPITRE II 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE L'HOMME 



IX. — Entre le capital et le travail, il n'y a pas qu'une 
question d'argent à débattre, il y a la vie humaine à sauve- 
garder. 

Les lois de la vie active sont donc essentielles à connaître 
pour organiser le mouvement, celui du corps et celui de 
l'esprit, pour en éviter, à coup sur, le dérèglement et le 
gaspillage. Elles ont même acquis une force nouvelle depuis 
que les événements de la guerre ont étendu le champ de 
leurs applications. Car Tétre humain a été meurtri, les bles- 
sures sont à peine cicatrisées, et les mutilations ont réduit 
la valeur sociale de millions de personnes; des tares orga- 
niques, qu'il faut savoir déceler, se sont constituées, et des 
douleurs morales subsistent dont il faut concevoir les pro- 
fondes répercussions. 

Allons plus au cœur du problème. Les générations qui se 
lèvent doivent être vigoureuses et saines; il faut organiser 
l'activité de la jeunesse. Les générations qui vont passer lui 
doivent de la conseiller et guider à la lumière de leur expé- 
rience et aussi de leurs vertus... Le devoir scientifique est 
donc dans la recherche des meilleures conditions de vie et 
de travail. 

11 est très vrai, malheureusement, que la j)lupart de nos 
maux ont pour cause notre ignorance, souvent notre faiblesse 
de volonté. Le capital de nos énergies ne devrait s'épuiser 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE l'hOMME 19 

qu'au terme le plus éloigne de la vieillesse, si nous savions 
vivre de façon tempérante et ordonnée. Nous en décidons 
autrement, à nos dépens. C'est pourquoi la connaissance du 
fonctionnement de l'organisme humain est la préface de 
toute culture physique^ de toute discipline dans le travail. Il 
ne s'agit pas de décrire par le menu les mécanismes innom- 
brables qui le composent. Le médecin, comme Tingénieur, 
ont besoin tout simplement de saisir l'enchaînement des 
fonctions physiologiques, et leur coordination dans .cette 
harmonie supérieure qu'est la santé. L'état normal et l'état 
pathologique, les prédispositions que l'exercice favorise ou 
aggrave, les indices bons ou mauvais, et les conditions d'une 
activité rationnelle, tels sont les éléments que ce livre s'effor- 
cera de réunir. 

Les grandes fonctions comprennent : la 'digestioriy la res- 
piration^ la circulation^ collaborant ensemble à former des 
réserves d'énergie ; le mouvement^ qui dépense et utilise cette 
énergie ; la pensée, qui est un mode de mouvement, mais 
invisible et encore inexpliqué. La solidarité du tout éclate 
dans la production de la force, 

X. — Fonction digestive. — L'appareil de la digestion 
est représenté par un groupe d'organes [fig, 6), schématisés 
sur la figure 7. On voit qu'en dehors du conduit appelé œso- 
phage, par lequel les aliments se rendent de la bouche à Tes- 
tomac, sur un parcours moyen de 20 centimètres, l'ensemble 
des organes digestifs occupe la partie inférieure du tronc. De 
la partie supérieure, où sont situés le cœur et les poumons, 
il est séparé par une membrane musculaire épaisse et large, 
une sorte de plancher nommé diaphragme. 

Les tronçons du tube digestif, en outre de l'œsophage, 
sont : V estomac AoniX^gratide courbure s'appuie au diaphragme 
à gauche, presque sous le niveau vertical du cœur, et qui, en 
.se dilatant fortement, peut gêner le poumon gauche et réagir 
sensiblement sur l'organe central de la circulation; — puis, 
le long canal de Yintestin grêle, environ 8 mètres sur 3 ccn- 



FiG. 6. — Prioeipaux organes du corps Immain. 

Légende. — re, œil : n, nei; b, bOUCbeg or, oreille; jfi.m, glande •out-maiillaîre ; la, Uryni : 
(ra, trachi»-tilère ; Pi' et Vg, poumoai droil el gauche ; CA, carilé Iboracjque; », cOle; 
rfi. muscle diaphragme; c, coaur ; ar.a, Milite uorle; t.b.a, iroDC brachlo-céphalique ; 
ar.c.d; ar.c.g, «Hères carat ides droite et gauche; ar.scl.d; ar.iel.f, artères tt)UB-cIaTlère« 
droite el gauche; vj.d, veine juRUlaire ; œi. œsophaite; ES. estninac; Ij, Intestin grile ; 
tT, ccecum ; ci. cAlon-, IC, gros insleilin-, v, appendice; Fo, foie; c.bi, vésicule biliaire ; 



LES FOKCTIONS ORGANIQUES DE l'hOMME 21 

timèfres de dîamôlre, que l'on distingue en rfHorfMwm (13ccn- 
tîmèlres), un étroit et court passage, en jéjunum et iléon, ce 
dernier tronçon s'ouvran t 
vers le gros înlestin par 
la valotile iléo-cœcale. Le 
gros intestin encadre 

l'autre; il est fermé à i* 

son bout de droite par 
un petit et mince appen- 
dice, ie sii'ge de la fa- 
meuse appendicite, — 

organe inutile supposait '""" 

Metsclinikofr('), et qui 
ira s'alrophiant jusqu'à 
ce qu'il n'en resle plus •• 
trace : la Nature sup- 
prime tout ce qui n'a 
pas une fonction déter- 
minée, et vise à Yécono- 
mie de matière. A gauche, 

le cadre intestinal de- F'"- "■ - Schéma de lappareil digeslir. 

vient à peu près verti- 
cal et recliligne ; d'où le nom de rectum donné à celle por- 
tion descendante, qui débouche au dcbors par Vaniis. 

Une vaste membrane, à deux feuillets glissant l'un sur 
l'autre, enveloppe tout l'appareil de la digestion : c'est ie 
péritoine. Le mouvement de l'estomac et des intestins se 
produit donc sans froltcmenl; il est libre, mais, à moins de 
chutes graves ou d'efforts violenls, il est guidé et se trouve à 
l'abri des secousses. Les aliments effecluent leur voyage à 
travers un canal à paroi musculeuse, souple et résistante, qui 
est animée de contractions progressives dirigées vers Vanits. 
Ce péristaltisme est très rapide lors de la déglutition; il est 
lent dans l'estomac, où les aliments peuvent séjourner le 

(') Savant rusie, aous-d ire c leur de rfnslilut Pasieur de Paris (1815-19)6). 



22 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

temps utile; il est plus vif dans rinleslin grêle, rare el 
brusque dans le gros intestin. En ajoutant aux aliments un 
peu de sous-nitrate de bismuth, on rend le tube digestif trans- 
parent aux rayons X et on étudie ses mouvements parla radio- 
chrono'photographie (^) ; alors on aperçoit que le parcours 
alimentaire dans l'œsophage seul dure 6 secondes (-), mais le 
séjour gastro-intestinal se prolonge de une à plusieurs heures. 

C'est durant ces étapes que s'effectuent les opérations chi- 
miques de la digestion, sous l'empire des siics sécrétés par 
la muqueuse interne de la paroi, aidés par les oscillations 
des organes eux-mêmes, et davantage par les liquides qu'y 
versent, au niveau du duodénum, des glandes spéciales an- 
nexées au tube digestif: le foie, qui, placé à droite de Tes- 
tomac, lui fournit le suc biliaire, agent puissant de transfor- 
mation des graisses et d'opérations antitoxîques; et dans le 
môme conduit duodénal, tout j)rès, arrive le suc du pancréas, 
dont les effets chimiques sur les substances alimentaires sont 
variés et énergiques. 

Il suffit de mentionner ces produits de l'usine abdominale, 
et ceux des glandes salivaires, pour se représenter les étapes 
et la durée totale du phénomène digestif. 

Rien ne doit le troubler ni le ralentir, pas plus dans ses 
conditions intérieures, relatives au choix et à la masse des 
aliments, que dans ses conditions externes réalisées par la 
protection contre le froid et la fatigue. 

Mais une découverte intéressante, due au savant russe 
Pawlof, ajoute, à cet ensemlile de faits, l'éclat d'une doctrine 
pour ainsi dire philosophi([ue. Paî^/o/ constate que : 

La nature du suc sécrété convient toujours à celle de fali- 
ment à digérer, — La seule vue de cet aliment, ou l'imagination 
(jue Vonen a, produisent ce même effet, et la sécrétion psychique 
est plus abondante et plus active que la sécrétion par contact 
direct de la substance. 

(1) J. Carvallo, Archivio di Fisiologia CCompte rendu du Congrès de Physio- 
logie de Ileidelberg de 1907; t. V, p. 97; 1908). 

(2) Meltzer, Centralb. f. Med. Wissensch., p. 1-4; 1883. 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE l'hOMME 23 

« Avoir Teau à la bouche » n'est donc pas un adage vide 
de sens ; tout Tari culinaire, les assaisonnements, la prépa- 
ration tendent à provoquer ces interventions psychiques sti- 
mulantes de Tappétit, et à faciliter le travail de la digestion. 
Manger d'un mets « trop vite pour en sentir le goût >>, comme 
disent nos paysannes, c'est le défaut que nous appelons la 
tachyphagie. Nos multiples occupations l'ont créé, au détri- 
ment de notre santé. Il faut prendre son temps pour bien 
mâcher et savourer les aliments. C'est du temps employé 
utilement. 

Quand toute la série des phénomènes qui débutent par le 
travail des dents [mastication) et se terminent à la paroi des 
intestins est épuisée, quand des aliments absorbés tout le 
suc utilisable a été extrait et le résidu évacué, il s'est formé 
un produit complexe : le chyle^ ayant l'aspect laiteux, con- 
tenant toutes les particules grasses, sucrées, albumineuses, 
tirées du repas. De nombreux suçoirs, \(iï^ vaisseaux chylifères, 
vont le pomper à travers la paroi intestinale ; ils le conduisent 
au foie. Cet organe, ne l'oublions pas, sert de magasin pour 
la matière sucrée du chyle; elle s'y dépose à l'état de glyco- 
gène, ce qui donne au foie une saveur douce. Et tandis que 
leglycogène reste en grande partie dans les mailles du filet 
tendu sur le passage du chyle, les éléments nutritifs con- 
tinuent leur cours et se déversent dans le sang par l'inter- 
médiaire du canal thoraciqite. Le sang les portera en tous 
les points de l'organisme, dans chacune de nos cellules, où 
ils brûleront comme le charbon sur la grille d'un foyer, et 
il se chargera encore des produits de cette combustion : 
xirée^ eau, gaz carbonique et divers corps plus ou moins 
toxiques. Par lui, ceux-ci se rendent aux r^m^ qui les fdtrent, 
aux poumons qui expulsent le gaz carbonique, lettrine rem- 
plit alors la vessie pour être ensuite éliminée. 

Il faut éviter de ralentir l'épuration rénale qui nettoie l'or- 
ganisme; Veau comme boisson, toujours saine et fraîche, 
satisfait admirablement à ce service. Il ne faut pas, non plus 
embarrasser l'estomac par des substances qu'il ne pourrait 



24 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

digérer facilement ou qui l'irritent. Défendons-Ie contre 
l'abus de la cuisine raffinée à lacjuelle notre palais s'est 
habitué ; défendons-le contre l'alcool et les spiritueux. Ainsi 
sera rendu possible le cycle normal des phénomènes de 
digestion (*). 

XI. — Fonction respiratoire. — Un autre cycle s'y su- 
perpose, presque invisible et non moins indispensable à la 
vie. C'est le cycle de V oxygène de l'air, gaz qui sert à brûler 
tout combustible, et dont l'utilisation au sein des cellules 
vivantes se régie sur l'apport alimentaire. L'oxygène est 
contenu, dans Tatmosphère que nous respirons, dans la pro- 
portion de !?/ OjO contre 79 d'azote, soit environ le cinquième 
du volume d'air inspiré. Il pénètre dans les poumons, à tra- 
vers la cavité du nez, la bouche, le pharynx, le larynx, la 
trachée-artère, les bronches (fig, 6) ; il se répand dans une 
infinité de vésicules pulmonaires (environ 2 milliards), comme 
dans autant de poches microscopiques; il y trouve les fines 
ramifications des vaisseaux sanguins. Entre l'air et le sang, 
la membrane interposée n'a pas plus d'un centième de milli- 
mètre d'épaisseur. L'oxygène, en vertu de sa tension propre, 
filtre de dehors en dedans et se fixe sur le sang, devenu 
ainsi son véhicule universel, ou, suivant le mot de Claude 
Bernard, « son milieu intérieur ». La respiration réalise cet 
échange gazeux, par lequel le sang se sature d'oxygène et 
rejette le gaz carbonique provenant des combustions cellu- 
laires. Ellecomj)rend les deux phases, inspiration et expira- 
tion^ qui se manifestent par une dilatation des poumons et de 
tout le thorax <lans le premier temps, dilatation qui cesse 
avec le second temps, généralement /?/?/.v long. 

Pour que la cavité thoracique s'amplifie de la sorte, le dia- 
phragme s'affaisse en pressant sur l'estomac et les côtes 



(ï) J.-P. Pawlof, Le Travail des glandes digeslives, passim ; Paris, 1901 ; — 
A.-P\ HoRNBORG, Skand. Arch. f, physioL, t. XV, p. 209 ; 1904 ;ce savant a vérifié 
les lois de Pawlof sur Tappareil digestif de riiomme. — Voir sur les peuplades 
qui mangent de la terre : Le Moteur humain, p. 180. 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE l'hOMME 25 

pbivolent sur leurs articulations en se relevant. Il en résulte 
une augmentation des diamètres vertical, latéral et antéro- 
postérieur du thorax, grâce au jeu combiné et réglé des 
muscles respiratoires. L'ampliation due au mouvement des 
côtes est plus importante que celle dont le diapliragme est 
Torigine; le rapport est de 2 à 1 environ. Cela est surtout 
marqué chez la femme, à raison des faits de la grossesse et, 
pour une part, des caprices de la mode (corset). Le dia- 
phragme jouit, en effet, d'excursions plus étendues chez les 
femmes sauvages. A chaque respiration, l'adulte introduit 
un demi-litre d'air dans ses poumons et le renouvelle, quand 
il demeure au repos, 15 à 16 fois par minute. C'est donc au 
moins dix mètres cubes d'air (jui viennent, journellement, 
prendre contact avec le sang circulant. Lors([u'on se livre à 
un travail continu, professionnel ou sportif, la consommation 
d'oxygène et l'activité de tout l'appareil respiratoire aug- 
mentent; la ventilation marche aux rythmes de 30 à 50 par 
minute, et mobilise un volume d'air deux à trois fois supé- 
rieur. Il y a là une excitation des centres nerveux de la 
moelle, au niveau du bulbe, par l'arrivée d'un sang riche en 
gaz carbonique et oxygène mélangés (*). 

Dans ces conditions d'activité, il faut des mouvements 
thoraciques et des voies pulmonaires bien libres. Certains 
états pathologiques atteignent les muscles préposés à ces 
mouvements, ou limitent la capacité des poumons (para- 
lysies, pleurésies, pneumonies); ils sont l'origine d'une 
prompte fatigue. On évitera aussi les vêtements serrés et 
les attitudes défectueuses du corps... 

Précisément, toutes ces circonstances produisent une ven- 
tilation de travail très accidentée, à rythme rapide et super- 
ficiel; les échanges gazeux sont alors insuffisants : c'est la 
dyspnée. Elle se révèle dans les exercices pénibles [cyclisme^ 
alpinisme), à la suite d'anémie, dans une atmosphère pauvre 
en oxygène ou riche en gaz carbonique. Ce dernier facteur 

(ï) C. FoA, Archivio di Fisiologia, t. VI, p. 536; 1908-1909. 



26 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

est particulièrement à retenir : la [dyspnée par gaz carbo- 
nique est certaine lorsque sa proportion s'élève à 10 0/0 du 
volume d*air ambiant. Mais ses effets toxiques sont déjà sen~ 
sibles aux centres nerveux à des taux inférieurs ; on les attri- 
bue ('•), sans preuves sérieuses je crois, à la présence dans 
Tair expiré de traces A' ammoniaque , ou encore de certains 
produits alcaloïdiques. Brown-Séquard et d'Arsonval avaient 
signalé ces produits que Weichardt et Slrœde ont appelés 
kênotoxines {^). Malgré les recherches de ces savants, il faut 
admettre que, dans un milieu confiné où séjournent des gens 
bien portants, les seuls facteurs redoutables sont la chaleur et 
V htmiidité , La preuve en est que si Ton y respire au moyen 
d'un tube amenant de Tair sec etfrais, on est tout de même 
incommodé ; et, par contre, si du dehors on inspirait par un 
tube l'air confiné, on n'éprouverait aucun malaise (^). De là 
l'indispensable précaution de ventiler ateliers, chambrées, 
appartements, et d'y faire passer un courant d'air frais. La 
respiration peut alors ravitailler en oxygène la masse san- 
guine des poumons et supprimer l'action déprimante de la 
chaleur humide. 

XII. — Fonction circulatoire. — Le sang se renou- 
velle en tous les points de l'organisme grâce au mouvement 
que le cœur lui imprime, et il y entretient la vitalité. Il con- 
tient, en effet, par millimètre cube, environ cinq millions de 
globules rouges, éléments albuminoïdeset ferrugineux dont 
la base est Vhémof/lobine,QX l'on sait que l'oxygène s'unit ai- 
sément à cette substance, devenue ainsi la réserve énergé- 
tique. 

Des poumons, où il s'est débarrassé de son gaz carbo- 



(ï) F()HM\NEK, Arch. f. Ilf/giène, t. XXXVIH, p. 1 ; 1900 ; — Gaudenghi, Giornale 
il. R. Soc. ilal. d'ff/iene, t. XXVI, 1904. 

('-) Brown-Séqcakd et d'Ahsoxval, Comptes rendus Acad. Sciences, t. CV'l, 
p. 106, 1G5; t. CVlll, p. 267, 1294; années 1888-1889; — Weichardt, Veber Er- 
mûdtuujsstoffe^ 2' édit., Stuttgart, 1912; — Stroede, Zeilsch. f. Schulges-tmd- 
heitspflege, t. XXVI, p. 135; 1913. 

(3) L. HiF.L et Flack. liuil. wens. office intern. Uyg. PuhL, t. VU, p. 716; 1915. 



LES FONCTIONS OEIGANIQUES DE L HOMME 



A.p. 

C. 

l. 



0. 8. — Les orgnnes de la circulation du sang. 

; I). diapliragine; oif. og, o^l^illeIles ilroite et gaiichs ; Vd, venlricule 
j>rle ; AC, ailére* curolidts : A.S.c/, arli'i-i' sous-clavièl-e droite ; Ar, nr- 

■ieiire; V.i., leiiiei- iliiniues; \.J.i.. \J.t., vpinsi jugulaires interne el 



28 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

nique el enrichi d'oxygène, le sang rclluc vers le cœur 
gauche par les veines pulmonaires [fig. 9), et vient emplir 
Xoreillelte. Mais celie-ci se cotilracle el le chasse dans le 
ventricule, landis que se Ternie lasoupape de coinmiinicalion 
ou valvule mitrale. Une forte contraction de ce ventricule 
gauche fait passer le sang dans la grande arlère aorte ot 
ses nombreuses branches : caroli<les, jugulaires, rénales, 



Km. 9. — Scliémade l'appareil circulatoire. 

ilia<|ucs, etc. [fig. 8), Telle est ta voie d'irrigation de tous 
nos organes, ceux de la force el ceux de la pensée. Le sang 
y répand ses principes nutritifs, et il emporte les déchets de 
la combustion vitale. \'icié, son liémoglobine désoxydce, il 
fail l'ctour au cœur par les veines caves. L'oreille droite qui 
le reçoit le relance aussitôt dans le ventricule droit, ot 
celui-ci dans les poumons, |>our une épuration nouvelle. 
C'est donc là un Iroisicmc cycle : celui du sang, à ajouter 



LES FOiNCTIONS ORGANIQUES DE l'hOMME 29 

aux cycles respiratoire et digestif. Ils assurent un mouve- 
ment incessant de matière à travers notre corps et, parallè- 
lement, un mouvement d'énergie. L'état normal veut que ce 
courant soit aussi pur que possible et régulier, qu'il com- 
pense les pertes et rétablisse le niveau : l'homme ne varie 
alors ni de masse ni de puissance. Il est en équilibre. 

Le rôle du cœur est, dans cet œuvre, tout à fait prépondé- 
rant. Par ses contractions ou systoles, il fonctionne comme 
une pompe foulante, et, entre ces contractions, il ouvre ses 
cavités et aspire le sang qui revient des poumons ou des 
veines caves : il se met en diastole. Dans une de ses révolu- 
tions, il effectue une bonne partie du nettoyage profond de 
l'organisme. 

Les systoles auriculaires ou ventriculaires ont lieu shmil- 
tanément, celles-ci plus marquées que celles-là et plus pro- 
longées. Les phases de la révolution du cœur, quant h leur 
durée, sont à peu près les suivantes : 

Systole auriculaire 18 0/0 

— ventriculaire 45 0/0 

Diastole générale 37 0/0 

Durée d'une révolution 100 0/0 

C'est la contraction des ventricules que l'on perçoit au 
toucher, vers le cinquième espace intercostal gauche ; elle 
constitue le choc du cœur ; on la voit même, qui, chez les 
sujets maigres, soulève la paroi de la poitrine au niveau 
indiqué, généralement au-dessous du mamelon. Le clinicien, 
qui observe du dehors, note simplement que la durée du 
choc représente le tiers ou le quart de la période totale; de 
sorte que le rapport entre diastole générale et systole est 
égal à deux ou trois. 

On écrit : 

- = 2,r)0 environ. 

Ce rapport se modifie par la fatigue; il tend à diminuer. 
Le poids d'un cœur adulte est de 250 grammes environ, et 



30 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

le rythme des battements, au repos, de Go à 70 par minute, 
s'élevant progressivement sous l'influence de ractivité mus- 
culaire. Le rythme est de 78 à 80 chez la femme, de 80 à 90 
en ce qui concerne Tenfant. 

Le mouvement, que les contractions du cœur impriment à la 
masse du sang, se propage aux artères où il s'accuse par une 
pulsation de la paroi de ces vaisseaux; il produit le pouls. 
Pour peu que Ton comprime une artère contre un os voisin, 
les battements du pouls deviennent perceptibles. Cela est 
particulièrement net sur la radiale^ la lemporalCy la fémorale, 
de préférence sur la première de ces artères. 

Les bruits du cœur sont plus forts si Torgane est hyper- 
trophié, plus faibles s'il est le siège d'une dégénération. 
L'auscultation permet encore, au cas de mauvais fonction- 
nement des valvules, d'insuffisance valvulaire (notamment 
mitrale), de déceler un bruit de souffle, 

La fonction du sang est essentiellement vitale. Tout ce qui 
l'arrête, toute compression sur le trajet circulatoire, diminue 
la puissance musculaire et nerveuse et peut, en un temps 
relativement court, compromettre l'existence elle-même. 

Une vieille expérience de l'évêque Sténon (*) démontre ce 
fait capilal : il lie la grande artère qui se rend dans les 
jambes du chien; aussitôt, quelques minutes à ]>eine, l'apti- 
tude à marcher disparaît : les jambes sont rigides. Alors il 
enlève la ligature, et de nouveau la mobilité revient aux 
membres. Cette influence du sang est plus délicate dans le 
domaine nerveux. Tandis que la compression de l'avant- 
bras laisse les doigts actifs, même au bout d'une demi- 
heure, il suffit d'appuyer, durant 15 à 20 secondes, sur les 
carotides allant au cerveau, pour que la conscience s'éva- 
nouisse. 

L'état de la circulation doit toujours faire Tobjet d'un 
examen sérieux, spécialement en vue des exercices de force, 
dans le jeune Age, ou pour le travail des blessés, 

(^) Nicolas Slénon, anatomiste danois, devenu évêque (1631-1687^. 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE l'hOMME 31 

XllI. — Fonctions de relation. — Le inoniemenL — 
Mais la fonction supérieure de riiommc, c'est le mouvement. 
Sans doute, les animaux en sont également doués ; ils le 
manifestent même avec une adresse et une sûreté incompa- 
rables. Toutefois, leurs actes sont purement insiinclifs, j'en- 
tends que la précision de ces actes est définitive. Ils sont 
automatiques, du fait de l'hérédité, et généralement non 
perfectibles. 

Au contraire, riiomme calcule ses effets, éduque et disci- 
pline ses mouvements et les harmonise dans un but qu'il 
comprend, dont il a conscience. Chez lui, la conscience ne 
saurait être totalement absente, encore qu'il s'agît de mou- 
vements apparemment automatiques, comme la marche : elle 
les rectifie à mesure. 

L'appareil du mouvement comprend les os, constituant le 
squelette, et aussi les muscles, ensemble réunis en systèmes 
articulés, en leviers qui réalisent tous les actes moteurs de la 
vie animale ('). 

L'énergie qui les anime est déclanchée par les excitations 
du système nerveux, lequel, aidé par les sens, surtout la vue 
et le toucher, coordonne et oriente les contractions muscu- 
laires. 

Il faut immédiatement noter que les organes actifs sont 
régis par une loi physiologique capitale, que j'appellerai loi 
de rhégémonie fonctionnelle. Elle veut que tout organe, 
capable de se contracter ou d'entrer en exercice, soit le siège 
d'échanges nutritifs et respiratoires plus intenses qu'aucun 
autre point du corps. Autour de la glande qui sécrète, du 
muscle qui se raccourcit, de la cellule nerveuse qui vibre à 
la sensation subie, affluent les liquides de l'organisme, le 
.sang et la lymphe ; l'irrigation des muscles contractés aug- 
mente, par exemple, de 4 à 5 fois sa valeur; il passe en une 
minute, dans ces organes, un poids de sang égal à 85 0/0 



(') Sur les moJeâ et les libertés des articulations, voir Le Moteur humain, 
p. lU-i42. 



32 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

environ de leur poids propre (*). Les éléments nerveux sont 
ébranlés et produisent la tonicité. Un labeur silencieux se 
poursuit dans la cellule ou la fibre vivantes, qui rend pos- 
sible el développe la fonction elle-même. 

Ce trop-plein de vie d'un côté amène ailleurs un ralentis- 
sement ; c'est surtout entre les organes digestifs et ceux du 
mouvement que la loi d'hégémonie fonctionnelle établit celte 
dénivellation si nécessaire au travail physiologique. 

XIV. — Système osseux. — Le squelette constitue la 
ctiarpente solide du corps ; la résistance des os est au moins 
double de celle du bois de sapin ; elle croît jusqu'au seuil 
de la vieillesse, el [)lus pour l'homme que pour la femme, 
car le tissu osseux du premier est dense et son squelette 
massif. D'ailleurs le genre de vie et le mode d'alimentation 
modifient cette résistance. C'est ainsi que les os des chevaux 
de course sont plus denses que ceux des chevaux qui vivent 
dans les pâturages. — Par contre, on observe des cas de fra- 
gilité toute spéciale et héréditaire du squelette : on lui a 
donné le nom à'ostéopsathyrose ; elle se révèle souvent dans 
les fractures du fémur et de l'humérus (^). 

Certaines affections se localisent, enfin, dans la substance 
osseuse et en com[)romettent la solidité. 

C'est à l'alimentation, par le véhicule du sang, que le 
squelette emprunte ses éléments formateurs, où dominent, 
de loin, les phosphate et carbonate de chaux. L'absence de 
sels minéraux dans les aliments, ou Y inanition minérale^ 
entraîne le ramoUissement el la déformation de l'os, en 
altère la structure (•^) et retarde, dans le jeune âge, la 
marche de l'ossidcation. La proportion de phosphate est 



(ï) Chauveau et Raupjakn, Comptes rendus Acad. Sciences^ t. CIV, p. 1352 ; 
4887. 

(2) Davenport et Co?îar!>, Proceed. Naf. Acad. Scierices, t. F, p. 537; 1915; 
— Washington, Uereditary fragilily of Bone {Bull, n* 14 de VEugenics Record 
Office: 1915). 

(3) KôNio, Landw. Jahrb., p. 421 ; 1874; — H. Weiskk, Zeit. f. Biol., t. VIT, 
p. 179 et 333; — t. X, p. 410 ; 1873-1874;— J.Forster, Ilnd., t.XlI, p. 46i; 1875. 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE L IIOMMF. 33 

réduite de 85 à 30 0/0 dans V ostéomalacie infantile, et 



.. Qlacrane 
■ ■ CubituB 



fiia/ançiss 



Fir. 10. — Dis|>osilioD générale du squelelle bumiin. 

(lavaiilage dans le rachitisme ('). 

(') H. Bhij«*cbék, Ztil. (. Bi'd., t. XXVII, p. 511; 1B90; — Gallimhu el K.o 
C. n. Acad. Se., t. GXL, p. 1332; 1903. 

■JIYSEOLOCIQI'E 1»; TIIAVAIL. 3 



34 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Au terme de IMnanilion minérale, de graves accidents ner- 
veux ne tardent pas à se manifester (F'orster). 

La disposition naturelle des différentes pièces du squelette 
est représentée par la figure 10. Celles-ci sont toutes articu- 
lées; leurs surfaces de contact sont recouvertes de cartilages^ 
matière lisse et souple qui réduit leur frottement relatif; les 
têtes articulaires sont parfois enveloppées d'une capsule qui 
contient la synovie^ liquide alcalin et visqueux favorable au 
glissement des surfaces osseuses (Ex. : genou). Le mode 
d'articulation est, de toutes façons, combiné géométrique- 
ment pour se prêter à toutes les exigences du mouvement. 

XV. — Système musculaire. — Mais ce sont les muscles 
qui achèvent de définir les positions des éléments squelet- 
tiques, tout en donnant, par leurs masses charnues, sa véri- 
table forme au corps humain, sa plastique. Et avant tout, ils 
sont les agents du mouvement, les moteurs proprement 
dits. 

Un muscle est un ensemble de fibres élastiques^ serrées 
dans une enveloppe mince et transparente, et capables de se 
raccourcir progressivement. A ses deux bouts adhèrent deux 
lames cohérentes et solides : les tendons. Un exemple très 
connu de ces attaches terminales, c'est le tendon d'Achille : 
il est à Textrémité inférieure du mollet et se fixe à Tos du 
talon ou calcancum. 

Suivant la partie du corps à mouvoir et l'adaptation orga- 
nique, muscles et tendons se développent d'après la même 
loi que le squelette ('), et les insertions osso-tendineuses 
prennent une remarquable fixité qui rend possibles les grands 
déploiements de force. 

Aux divers points du corps, les muscles affectent des dis- 
positions et des formes variables que la figure 11 met en évi- 
dence. Leur action, toujours solidaire, a pour effet de réa- 
liser soit la production d'efforts soutenus et, en quelque sorte 

(') Voir dans Ae Moteur humain (p. 162) rinfluence si curieuse des adaptations 
des organes de la force et du mouvement. 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE l'hOUME 35 

immobiles, d'elTorts dits statiques; soit, au contraire, l'exer- 
cice de mouvements plus ou moins rapides, à la vitesse du 
travail. C'est ce qui sera^préciséjplus loin. 



Fio. It. — Disposilion gônérale des muscles du corps ImmaÎD. 

La musculature représente environ 40 0/0 de la masse du 
corps, et c'est en elle que la nutrition op^re activement, 



36 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

avec une intensité qui augmente encore par le travail, par le 
froid extérieur. On pourrait presque dire qu'elle absorbe 
toute i*énergie des aliments, et que la masse de ces derniers 
doit, en conséquence, se régler sur Timportance de ce sys- 
tème. Les sujets peu musclés, comme aussi les obèses, ont 
moins que les autres besoin d'une grande consommation 
alimentaire. 

XVI. — Système nerveux. — La coordination, prescfue 
toujours parfaite, des contractions musculaires, est Tœuvre 
du sijstème nerveux, dont les centres supérieurs s'appellent : 
moelle épinière^ bulbe^ cervelet, et surtout le cervecm. 11 rem- 
plit à merveille ses délicates fonctions, parce (ju'il est à la 
fois sensitif et 7notew\ rendez-vous des sensations et origine 
des ordres de mouvement. 

Toute la surface du corps, la peau (jui forme le siège du 
toucher^ la rétine qui subit l'impression lumineuse, la 
muqueuse olfactive qui sert à l'odorat, et celle de la langue 
où se localise le goùt^ enfin la membrane la plus profonde 
de l'oreille, la cochléaire, qui vibre aux sons, tous reçoivent 
des centres nerveux plusieurs fibres sensitives cjui y recueillent 
les multiples impressions. 11 y en a jusque dans la profon- 
deur des viscères (cœur, estomac) et des muscles, aux arti- 
culations, aux tendons, et c'est par elles que cheminent, 
vers le cerveau, des renseignement ininterrompus sur l'état 
de l'organisme. Parallèlement, on a aussi des fibres motrices 
qui, dans les nerfs mixtes^ s'unissent aux premières. Les 
îierfs mixtes sont la grande majorité. 

L'élément nerveux a reçu le nom de neurone : c'est une 
cellule à prolongements nombreux, [et orientée pour conduire 
rimpression sensitive ou l'ordre moteur. D'où les neurones 
sensitifs et les neurones moteurs, constitués probablement 
par de lins granules noyés dans une matière visqueuse, et 
mobiles sous toutes sortes d'influences (*). Les neurones se 

^ (*) Marinesco, Comptes rendus Biologie^ 8 janvier 1915. 



pmrvmu 



opciquac 



LES FONXTIONS ORGANIQUES DE L*HOMME 37 

mcllenl en rapport de contiguïté par leurs terminaisons, 
forment une cliaîne dite arc réflexe^ depuis celui qui subit 
l'impression jusqu'à celui qui réagit par un ordre de mouve- 
ment. Soit le cas d'une personne touchant à Timproviste un 
corps brûlant; les filaments sensitifs S [fig, 12), irrités par 
la brûlure de la peau, transmettent une vibration spéciale au 
neurone moteur M, 
lequel met le muscle 
en étal de contraction. 

Ainsi, par une véri- couch. 
table réflexion de la 
sensation sur une cel- 
Iule nerveuse, le mou- 
vement succède à cette 
sensation, d'autant 
plus rapidement que 
celle-ci est plus vive 
et l'arc plus court. En 
général, la vibration 
nerveuse j>arcourt Si) 
à 80 mètres par se- 
condCy suivant (|u'elle 
est motrice ou sensi- 
tive. On sait, en outre, 
qu'elle suit de préfé- 
rence les voies accou- 
tumées, parce qu'elles 

lui opposent le minimum de résistance . Suivons la marche de 
l'excitation nerveuse i)ar brûlure, afin de nous rendre compte 
à la fois de la diversité des mécanismes en jeu, et de l'ad- 
mirable réglage de leur fonctionnement. De la peau irritée, 
le neurone sensitif apporte un ébranlement spécial, dolori- 
fique, dans la corne postérieure (dorsale) de la moelle, et là, 
entrent en relation d'énergie les filaments de ce neurone et 
ceux du neurone moteur de la corne antérieure [ventrale). 
Sur la figure, la moelle est supposée coupée horizontalement 




J>oau 



Fio. 12. — Connexions et voies nerveuses. 



38 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

en A, pour monlrer la région cellulaire, grise, où la sensa- 
tion devient, on ne sait comment, l'ordre d'agir sur le 
muscle. Il nous paraît admissible que tous les neurones vi- 
brent de la même façon, ayant la même nature histologique 
et chimique, et que, suivant les organes où ils aboutissent, 
leurs relations sont variées, ici sensitives, là motrices. 

XVII. — Mais nous voulions surtout noter que cet arc 
réflexe médullaire est le plus court possible. Ce n'est pas le 
seul ; car l'ébranlement suit une fibre de la moelle montant 
vers le cerveau et qui, parvenue au bulbe, trouve l'occasion 
de rapports nombreux ; elle peut agir sur un second neu- 
rone qui va droit jusqu'au cerveau, après une étape impor- 
tante dans la couche optique. La surface cérébrale, Yécorce 
comme on l'appelle, contient des cellules motrices à forme 
pyramidale . L'une d'elles recueille l'ébranlement et le com- 
munique à ses semblables. Après une série de transmissions, 
il aboutit à un centre : le corps strié^ d'où il revient au bulbe 
et à la moelle. 

La réflexion de la sensation a donc eu lieu sur Yécorce céré- 
brale, qui est une zone sensitive et motrice, et où siège le 
gouvernement général de tous les territoires de l'organisme. 
La longueur du réflexe accroît sa durée. L'acte volontaire, 
conscient, est ainsi en retard, nécessairement, sur l'acte 
involontaire, inconscient, du retrait de la main aussitôt 
brûlée. Ce dernier se produit et écarte le danger, l'autre suit; 
mais il n'y a pas lieu de répéter le mouvement de la main : 
l'ordre moteur est alors arrêté, inhibé par un neurone céré- 
bral inhibiteur qui l'intercepte jusque dans le bulbe (en 
pointillé). Le phénomène de conscience, la volonté apparaissent 
donc comme un travail de synthèse des sensations, qui rectifie, 
ordonne et adapte. Ils sont liés à la vie même du tissu ner- 
veux, où le sang afflue régulièrement, apportant l'oxygène 
indispensable. 

Les manifestations intellectuelles sont rudimentaires à la 
naissance, faute de sensations. L'adresse des mouvements 



LES FONCTIONS ORGANIQUES DE l'hOMME 39 

est médiocre chez Tenfanl, parce que l'écorce cérébrale n'a 
pas encore réuni en elle, par ses neurones cT association ^ les 
éléments de synthèse suflisanls desquels procède V éducation. 
il faut y adjoindre le cervelet, qui coordonne les attitudes du 
corps et assure Yéquilibre. Les cellules corticales du cervelet 
[cellules de Purkinje) ont la même importance que les pyra- 
midales du cerveau ; elles reçoivent les sensations tactiles, 
auditives et visuelles, et réagissent sur Tappareil muscu- 
laire par les voies bulbo-méduUaires et môme cérébrales. 

Ainsi, le système nerveux réunit la surface du corps à un 
axe central que termine la masse du cerveau. On a bien sou- 
vent comparé ces connexions de neurones à celles des fils 
télégraphiques qui, émanant de divers points, transmettent 
les événements, par des relais successifs, à un bureau cen- 
tral. La comparaison est bonne, si Ton ajoute que, dans ce 
bureau, les faits recueillis laissent une trace à peu près 
indélébile, car la matière nerveuse, plus que toute autre 
substance vivante, conserve une disposition à reproduire sa 
vie passée, à réagir identiquement sous la môme excitation, 
à prolonger dans le temps ses états vibratoires. Cette 
mémoire organique est la condition de la mémoire intellec- 
tuelle, dont Shakespeare disait qu'elle est « la sentinelle du 
cerveau ». Qu'importe, après cela, que nous soyons exacte- 
ment renseignés sur l'espèce de mouvement des sensations, 
sur la nature de Vénergie nerveuse, sur la part qui revient à 
tel ou tel nerf dans le cvcle sensitivo-moteur? — Il suffit de 
savoir que ce monde intérieur des forces dites psychiques 
reproduit le monde extérieur avec lequel il communique par 
les sens, et retentit à ses appels par des échos multipliés. 
Cette correspondance va nous expliquer queUpies-uns des 
faits de \di psycho-physiologie humaine (*). 

(*) Consulter sur les rapports du cerveau et de l'àme : E. Bêcher, (iehhm und 
See/e, Heidelberg, 1911. 



CHAPITRE III 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 



XVIII. — Évolution et résistance du corps. — L'en- 
semble des fonctions que nous venons d'examiner évolue 
assez rapidement avec Vàge, et c'est entre 25 et 40 ans que 
la résistance du corps humain est maximum. 

Notons, en effet, que le squelette achève son ossification et 
ses principales soudures, il se consolide au voisinage de la 
20** année, pas avant. La fo?x€ musculaire progresse suivant 
une courbe qui s'élève rapidement dès la W année, pour 
atteindre son sommet entre 20 et 21 ans. Alors, on peut 
admettre que Tarchitecture du corps est suffisamment 
robuste pour résister aux efforts ordinaires de la vie telle 
qu'elle se manifeste chez les jeunes gens de cet âge. 

La tailie comme \c poids ont suivi ce développement, et si 
l'activité ne s'écarte pas des conditions normales, tous les 
organes, internes et externes, travaillent sans surmenage. 
De sorte qu'un entraînement physiologique bien compris les 
met à l'abri des accidents et des germes infectieux. L'évolu- 
tion de l'organisme se poursuit donc assez vite et en toute 
sécurité. 

A partir de 50 ans, la marche se renverse ; c'est une des- 
cente relativement lente jusqu'à la soixantaine, quelquefois à 
j)eine sensible. Ainsi, de 20 à 60 ans, Thomme développe sa 
plus grande somme de travail, exerce au mieux toutes ses capa- 
cités, pourvu cependant qu'il sache éviter les excès et qu'il ne 



PSVCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 41 

présente aucune tare pi'é disposante (tuberculose, syphilis, 
hérédité alcoolique). — Mais il semble qu'aux environs de la 
cinquantaine, il se produise « comme un vieillissement de tout 
Tôlre... Cette crise, qui donne à l'observateur l'impression 
d'une crise ddge, débute le plus souvent par des troubles 
digestifs » (*). Elle se révèle aussi par une lassitude générale, 
un affaiblissement de la volonté, un ralentissement de la 
nutrition. 

Cet âge critique correspond à une période de quelques 
mois tout au plus, et ne laisse aucun trouble durable. — 
Uenfance connaît également une période critique, celle de 
Yanémie de croissance, entre 5 et 7 ans (-) ; le corps s'al- 
longe et s'amaigrit; le sang est moins riche, les forces dimi- 
nuent. 11 faut éviter à l'enfant tout excès d'effort, pour per- 
mettre aux organes d'évoluer normalement. — \J adolescence , 
qui débute vers la 16'' année, la jeunesse qui se prolonge 
jusqu'à 40 ans, forment làge de la puissance, celle du corps 
et de l'esprit; elles créent les œuvres que l'rf^^ rmV mûrit et 
fortifie. — La femme termine plus tôt son développement; 
suivant les climats, elle est pubère entre 13 et 15 ans, et sa 
taille et sa force sont définitives à 19 ans. 

Cette force est moitié inoindre que celle de l'homme, et 
plus lente dans ses exercices. A 50 ans commence la vieil- 
lesse, et c'est la ménopause : la cessation de la fonction 
menstruelle. On peut donc estimera 40 années pour l'homme, 
à 30 pour la femme, la période de pleine activité physique. 

XIX. — Activité psychique. — L'activité psychique suit 
à peu près la même évolution, sauf qu'elle survit à l'autre, 
et résiste parfois aux effets d'un âge très avancé. L'excitabi- 
lité nerveuse est plus grande chez l'enfant que chez l'adulte : 
c'est l'époque des sensations vives et des excès de mouve- 
ment; le système nerveux accuse sa prédominance sur les 



(ï) Maurice de F'leury, Tribune médicale, p. 65: 1910. 

(2) L. Flhst, Das Kind und seine Pflege..., Leipzig, 18T7 (2' édit.}. 



42 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

autres systèmes ; on en voit les filaments sous la peau ; les 
sens sont tendus vers Téducation; rcxpérience se forme et 
le moment est propice pour lui imposer une sélection et une 
direction. Le tra-vail intellectuel est pour plusieurs années un 
travail ^absorption. Il se transforme à 25 ans — pour la 
femme à 21 — en travail de restitution, lequel peut se révéler, 
entre 40 et 50 ans, par les plus hautes créations de Tesprit. 

La capacité créatrice, qui combine et ordonne les sensa- 
tions, est presque l'apanage de l'homme ; la survivance et 
le renforcement de ces sensations caractérisent l'autre sexe 
et le prédisposent à réaliser des œuvres à' imagination, de 
sentiment, bien plus que de pensée forte et de volonté. De 
môme s'il s'agit de V attention, qui demande que certaines 
sensations occupent, de préférence à toutes celles de notre 
vie, le champ de la conscience, et qui est, par cela seul, 
tributaire de l'organisation motrice et volontaire du mâle. 
L'écorce cérébrale, sur laquelle toute la musculature est 
pour ainsi dire projetée, qui remplit donc, chez l'homme, 
plus complètement des fonctions motrices, doit donner 
l'explication de ces différences entre sexes, différences où 
l'on a voulu voir, à tort, la distance d'un niveau intellectuel 
supérieur à un niveau inférieur. 

Mobius (*) a soutenu énergiquement cette thèse de Xinfé- 
riorité féminine, déterminée, à ses yeux, par la faible masse 
du cerveaKy la vive sensibilité de la femme^ et ses instincts 
très voisins de ceux de ranimai. 

A la vérité, le sexe mâle possède une masse cérébrale 
plus grande que celle de l'autre sexe. On l'évalue à 
400 grammes à la naissance, contre 380 grammes ("2). L'éco- 
lier a une plus grosse tète que l'écolière, même vers Tâge 
de 11 ans où, généralement, les filles sont plus développées 
que les garçons ('). Chez Tadulte, le cerveau de l'homme 

(') MôBius, Uebev den phi/siol. Schwachsinn des \Ve/6es ; Halle, 1912. 

{^) E. Handma:«n, Arch. f. Anal. u. Phys^ Anat. Abt.^ p. 1 ; 1906. 

(3) BETfBKTHAL, Jahrhri. il. d. SchillarzlUche Tàligkeil an den Hilfskhssen d. 
Slàdt. Vollischule in Worms, Schuljahr, 1904-1905; — Rose, -*47'c/i. /. Rassen u. 
Gesel. BioL. t. U, p. 689 ; - t. 111, p. 42 ; 1905-1906. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 43 

pèse, en moyenne, 1.370 grammes, celui de la femme 
1.223 grammes, et cet écart de 147 grammes subsiste à 
poids égal du corps (*). 

Mais cela ne veut rien dire, car les écarts sont parfois 
plus accentués entre individus de môme sexe, et sont sans 
relation aucune avec les capacités intellectuelles. Il peut y 
avoir des trésors de pensée dans une petite tête, et le cer- 
veau le plus pesant n*empôche pas l'imbécillité. 

Aussi, malgré les preuves qu'il s'est efforcé de fournir de 
rinfériorité de la femme, et le ridicule qu'il répand sur 
« Teffort contre nature du féminisme », Môbius me paraît 
avoir été victime d'une confusion d'idées. 11 n'y a pas, entre 
l'homme et la femme, une différence de degré intellectuel, de 
puissance cérébrale, de quantité d'énergie psychique ; c'est 
tout simplement une question de qualilé : les modalités du 
travail cérébral ne sont pas identiques. Ici, pour la femme, 
l'ordre sensitif l'emporte; il s'est imposé par l'habiludc et 
l'hérédité. Là — pour l'homme — c'est, au contraire, l'ordre 
abstrait de la raison et de la pensée ; en vertu de cette 
abstraction même, il s'établit une indépendance relative des 
fonctions motrices à l'égard des actions extérieures, et c'est 
ce que traduit le mot volonté. 

L'évolution de l'esprit s'effectue, par conséquent, sur deux 
plans très souvent distincts. Et j'accorde, volontiers, que les 
« féministes » confondent parfois ces deux plans, tout au 
moins physiologiquement. Mais le « féminisme » trouve sa 
profonde justification dans les applications sociales, je veux 
dire dans la vie telle que l'ont faite les usages du monde 
moderne, les lois et les conditions économiques. — Pour en 
revenir au cerveau humain, il semble difficile de tirer un 
enseignement quelconque de son poids, de ses replis, de son 
architeclonique. L'examen de cet organe n'a permis de rien 
conclure, non plus, quant à la race ; il a le même poids 
moyen chez les Australiens, Indiens, Chinois, Japonais et 

(1) FéHx Mahcha:«d, Biol. Centralblatt.i. XXll, p. 12; 1902. 



44 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Malais, que chez les Européens. Celui des nègres est, loule- 
fois, moins massif et moins dense (*). Mais aucun rapport 
réel entre la quantité et la qualité, entre les facteurs méca- 
niques et les facteurs j)sychiques. Les races, comme les indi- 
vidus, comme les deux sexes, ne présentent aucun indice 
cérébral visible de leur inégalité intellectuelle. 

XX. — La vieillesse. — L'évolution des fonctions change 
d'allure pendant la vieillesse, c'est-à-dire à partir de 50 et 
60 ans suivant le sexe. Tous les organes tendent alors à 
s'atrophier; la force, le poids, la taille diminuent; le corps 
peu à peu s'amaigrit et s'anémie {anémie sénile), A partir de 
70 ans, ces phénomènes s'accélèrent : le squelette devient 
fragile et moins dense, surtout les os des membres inférieurs 
[fragilitas vilrea), qui perdent une partie des substances cal- 
caires. Celles-ci vont calcifier les organes vasculaires et les 
rendent moins élastiques : \ artériosclérose se déclare, avec 
ses suites redoutables ; il y a une résistance plus grande à la 
.circulation du sang, déterminant une hypertrophie du cœur, 
ralentissant les échanges nutritifs. Suivant lemot de Cazalis: 
« on a l'âge de ses artères « Ç^). 

Le jeu des poumons est embarrassé, dépourvu de sou- 
plesse, et souvent on constate de l'emphysème. Les respira- 
tions ne sont ni fré<|uentes ni profondes; c'est une vie ralen- 
tie. Les languettes du poumon, insinuées entre le cœur et la 
paroi pectorale, perdent leur élasticité, si bien que le cœur 
devient solidaire de cc^tle paroi. « Sans qu'il y ait d'adhé- 
rences, dit Pierre Delbet, la solidarité cardio-thoracique... 
cause en quchpie sorte une symphyse (soudure) fonction- 
nelle (•^). » D'où l'essoumement qui accompagne les efforts chez 
la i)lupart des hommes qui ont dépassé la cinquantaine. 

(^) KoHLBuuoGE, Zelt . f. MorphoL u. anihrop.^ t. XI, p. 596;— Verhandl. cl. 
konike. Ak.v. Weiensch. te Amsterdam^ t. XV, p. 1 ; 1909. 

(■-; Consulter : Dexange, Étude sur la vieillesse; Alcan, 1886; — S. Mixot, The 
Vroblem o/' Afje^ groth and death, London, 1908 : — H. Ribbert, I)er Tod ans 
aller schwàche, Bonn, 1908; — E. Metschnikoff, Essais oplhnistes^ Paris, 1901. 

f ') Pierre Delbet, C. R., t. CLX, p. 402; 29 mars 1915. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 45 

Dans Tappareil locomoteur, les muscles sont devenus pales 
et maigres ; la matière contractile s'est raréfiée, sa structure 
altérée; elle ne répond plus à sa fonction, surtout que les 
articulations elles-mêmes sont rigides et douloureuses. 

Tout le système nerveux^ h son tour, subit une déprécia- 
tion ; la cellule, centre de forces, régulateur d'action, est 
envahie par un tissu de rebut, sans propriétés énergétiques. 
Le cerveau s'est atrophié, notamment dans le lobe frontal; 
c'est ce que llansemann (') a constaté chez l'historien 
Mommsen (86 ans), le chimiste Bunsen (88), le peintre Men- 
zel (89) ; mais l'atrophie esta peine sensible sur le cervelet {-). 
11 en résulte que si Véquilibre du corps est assuré, les mou- 
vements sont cependant plus lents, l'énergie nerveuse entre- 
tient mal l'excitation volontaire : de là une sorte de vacilla- 
tion qui eir>[\e tremblement sénilCj et l'impossibilité de soutenir 
longtemps un grand effort physique. 

Ouant à la cause^ une ou multiple, naturelle ou acciden- 
telle, de la vieillesse, elle a donné naissance à une série de 
travaux dont la discussion déborderait notre programme (•^). 
D'un mot nous dirons : la vieillesse est une étape — non le 
terme — des transformations cellulaires, étape qui dure plus 
ou moins suivant la quantité des produits toxiques de la vie. 
Tout ce qui diminue cet empoisonnement, surtout la sobriété 
alimentaire, doit être tenu pour un facteur de longévité. 

XXI. — Aptitudes humaines. — 1° Aptitudes physiques. 
— La forme générale du corps est, géométriquement, la 
moins encombrante possible pour être celle d'une machine 
aussi compliquée. Le tronc renferme les organes capables 
d'entretenir le mouvement, et d'alimenter les muscles en 
énergie. 11 est intéressant d'observer, à cet égard, que les 
tailles moyennes sont les plus robustes. Si l'on compare la 

(i)Hansbxaivn, Bibliot. Med., Abhandl. II, Anat., fasc. 5. 

(2) A. Léri, Le Cerveau sentie; Lille, 1906; — Anglade et Calmettes, Nouv. 
Iconogr, de la Salpétrière^ p. 357 ; 1907. 

(8) Consulter A. Dastre, La Vie et la Mort, p. 314; Paris, 1907; — Muhlmanx, 
Dos AU u. d, Physiol, Tod; léna, 1910 ; — Metschmkoff, loc. cit. 



46 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

iaille assise (buste) à la taille totale, on détermine un coeffi- 
cient thoracique de 0,54, Ce rapport est légèrement inférieur, 
soit 0,oS, dans les tailles élevées et chez la plupart des 
femmes ('). Au-dessous de 0,52, il est Tîndice d'une consti- 
tution plutôt faible. L'importance de la taille assise tient au 
rôle physiologique du thorax, et à la quasi-fixité de ses 
dimensions. Il renferme Taxe du corps, qui est la colonne 
vertébrale, à laquelle sont, en quelque sorte, suspendus cœur 
et poumons. Il est plus développé dans l'homme que dans la 
femme ; le premier, à raison de sa puissance musculaire, 
doit avoir une activité respiratoire intense, un grand tirage; 
la seconde a une prédominance marquée des fonctions végé- 
tatives. — L'homme moyen pèse environ 65 kilogrammes 
pour une taille totale de 165 centimètres. J'appelle coefficient 
morphologique le rapport de ces deux quantités, soit ici : 

65 

—— = 0,394; il ne doit pas descendre au-dessous de 0,360, 

165 ' 

sous peine de compromettre la résistance de l'organisme. Les 
deux coefficients, thoracique et morphologique, se com- 
plètent, et leurs indications sont presque toujours concor- 
dantes. Le corps humain est élargi à la manière des renfie- 
ments des colonnes qui s'observent sur les monuments ; le 
bassin subit, à ce niveau, un véritable renforcement; la 
robustesse, selon la sagesse antique, réside dans les « reins ». 
Mais un développement exagéré des os iliaques gênerait la 
marche, en produisant des rotations. Aussi, les peuples «mar- 
cheurs », nomades, ont-ils un bassin relativement étroit, 
contrairement aux lourds athlètes dont les hanches sont très 
écartées et bien musclées. 

XXII. — Les actions dynamiques (professions, sports) favo- 
risent la croissance ou raffinement du corps : les « forts des 
halles », les charretiers, coltineurs, débardeurs, sont souvent 
massifs ; les danseurs, coureurs, escrimeurs sont sveltes, 

(1) Sur ces mesures et leur valeur sociale, voir Le Moteur humain, p. 146. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 47 

presque maigres. Le port des fardeaux, ou chez les mutilés, 
celui des membres artificiels, modifie, à la longue, la forme et 
la puissance des membres : dans la marche, le pied finit par 
s'aplatir et s'allonger d'une façon permanente; il en est de 
môme de la main dans le maniement d'outils pesants (mar- 
teau, pioche, pelle, etc.) ; l'épine dorsale s'incurve sous le 
fardeau, en sens opposé (cas des paysans, portefaix, quelque- 
fois des fantassins); sous une pression continue, elle éprouve 
un tassement qui réduit légèrement sa longueur, c'est-à-dire 
la taille. Uéducation physique doit, surtout dans l'enfance, 
veiller au développement harmonieux de la charpente du 
corps et en opérer le redressement pour peu qu'elle se 
déforme. — Le chirurgien orthopédiste aura soin d'ajuster 
parfaitement l'appareil artificiel et d'éviter les frottements. 

Au physique, les proportionsdes membres conditionnent les 
aptitudes professionnelles; les membres longs ont des mou- 
vements amples mais lents; les membres courts dénotent la 
vitesse. Ainsi, le bûcheron, le forgeron, le scieur de long 
développent d'autant plus de force et d'effet que l'outil 
est à l'extrémité d'un bras plus long. La forme du corps 
est, souvent, sous ce rapport, un guide pour le choix 
d'ouvriers propres à tel ou tel travail ; mais ces indications 
sont loin d'être absolues, car Vadaptatioîi est un facteur de 
toute importance : l'escrimeur Kirschhofîer fit merveille en 
dépit de sa petite taille qui le désavantageait et épuisait ses 
forces. 

En général, cependant, les hommes sont organisés et 
agencés pour travailler A'une certaine façon, parce que c'est 
ainsi que leur travail est le plus économique. Ils pourraient 
être classés en types, d'après la fonction physiologique qui 
se remarque le plus chez eux, et semble gouverner toutes 
les autres. L'un est du type digestif, mangeant beaucoup 
travaillant lentement mais longuement; s'il a, en outre, des 
membres bien proportionnés, il devient apte à la course. Les 
courriers d'Orient, les « rekkas », parcourent de très grandes 
distances d'un pas rapide et allongé. Pour transporter cons- 



48 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

lammeiit de petils fardeaux, de tels sujets sont d'un rende- 
ment élevé {fifj. 13). 



13. — Type digeslif (daprés Thooris). Fig. li. — Type musculaire. 

Un second type esl dit musctt/atre ; il peut mettre en œuvre 
une puissance considérable, dont la durée n'est jamais bien 
fjrande ; mni.s il arrive aussi (|ue cette musculature soit dé- 
veloppée liaruionieusemeiit .surun corps tout à fait régulier, 



PSTCIIO-PHÏSIOLOGIE HUMAINE 



cl qu'elle soit d'une expression morplioiogi(|ue parfaite. 
L'homme est dans ce cas puissant et souple, capable [d'une 



Fie. 15. -- Typ« respiratoire. Fio. 16, — Type ncrreui ou Cérébral. 

action continue : le maximum d'ëncrgîe dan.s le minimum de 
masse. L'atlilèle accompli fournit ce modèle {^^. 141. 

Un troisième type, (|ualilié àe respiratoire, présenle l'avan- 

Ollli*:(ISAT1UX PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL. 4 



50 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

tage de pouvoir soutenir longtemps un effort relativement 
élevé; la cage thoracique est ici prépondérante, avec un 
grand développement des épaules [fig, 15). 

Enfin, il existe certainement un type nerveux qui, par la 
vitesse de démarrage de ses muscles, travaille avec écono- 
mie, est puissant grâce à cette vitesse même et résiste, du 
fait de sa complexion, aux élancements de la fatigue. 

Sigaud, qui a distingué des types humains, spécialement 
au point de vue de révolution morbide (^), s'est attaché au 
développement de l'appareil nerveux encéphalique; il fait 
donc ressortir le type cérébral {fig, 16), où nous voyons, 
plutôt, le nerveux à prédominance psychique. Dans les 
figures 13 et 16, Thooris a groupé les modèles des quatre 
classes d'hommes qui viennent d'être décrites. Ils sont très 
expressifs ; encore faut-il ajouter qu'ils sont cAowi^, que, dans 
la réalité, la moyenne se rapproche de Tun ou des autres, 
sans caractères bien tranchés, et qu'il convient, pour tout 
dire, de ne pas négliger les admirables ressources à* équilibre 
et d'entraînement dont dispose l'organisme. « L'exercice 
peut tout», enseignait, il y a vingt-cinq siècles, le philosophe 
grec Périandre. — Il n'en est pas moins vrai que la distinction 
des quatre types est physiologiquement très intéressante, car 
elle indique la fonction organique prédominante et ce'qu'elle 
réclame pour son exercice normal. Donner, par exemple, 
au nerveux^ le régime de travail et d'alimentation du digestif, 
ce serait un contre-sens ; l'homme ne produirait pas tout son 
etTet utile, et sa santé pourrait en souffrir. Les modalités à 
observer, au point de vue de la culture physique, seront 
également différentes, et appropriées à chacun de ces états 
fonctionnels, énergétiques. 

XXIII. — Aptitudes psychiques. — Considérons, d'autre 
part, les qualités psychiques des individus ; elles sont le reflet 
de leur état physiologique; on a même simplifié la question 

(i) G. SiGAOD, Traité de la di(jestion\i. n/Paris,'1908 ; — La Forme humaine, i.]^ 
p. 32; 1914. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 51 

en les attribuant à des structures spéciales du cerveau. Mais 
il ne reste plus grand'chose de ces spéculations qui ont 
substitué Técorce cérébrale aux hosses crâniennes du fameux 
phrénologiste Gall (1758-1828). Aujourd'hui, la surface sen- 
sitivo-motrice du cerveau a été suffisamment analysée par 
Texpérimentation physiologique pour que nous puissions tirer 
de celle-ci quelques enseignements. D'abord celui qui a été 
formulé déjà (§XVII), à savoir que les cellules de la couche 
grise corticale appartiennent à des neurones sensitifs ou 
moteurs, ou à des neurones d'association ; certains rempli- 
raient un rôle d'inhibition^ et il en est qui, excités du dehors 
et dans des conditions spéciales — par un son, un choc, une 
lumière, — renforcent la réaction motrice et favorisent les 
exercices (*). Puis on a vu que Texcitation de Técorce produit 
des mouvements avant un caractère d'ordre et de coordina- 
tion, tandis que la suppression dune zone de cette écorce 
rend impossibles certains de ces mouvements et diverses sen- 
sations. Par exemple, un chien, qui est ainsi opéré, pourra 
marcher et sauter, il ne saura plus tenir un os et le ronger (2). 

Cette méthode d'examen a permis de distinguer des terri- 
toires corticaux et de faire de véritables « localisations céré- 
brales » p) : celle du tact, la plus étendue, couvrant les cir- 
convolutions rolandique, frontale et pariétale ascendante; de 
V audition, située dans la zone temporale ; de la vision, au 
lobe occipital ; du langage articulé ou centre de Broca {iS6l) , 
contesté trop absolument par Marie, admis par Marinesco, 
e'i qui occuperait la troisième circonvolution frontale 
gauche ('•). 

L'ablation de Vécorce pariétale sur un chien lui retire la 
faculté de gravir un escalier ou de le descendre, comme aussi 



(1) C'est le phénomène de la Baknung ou de V accélération nerveuse^ des auteurs 
allemands (Voir Le Moteur humain, p. 343). 

(5) Fbrrier, Les Fonctions du ceroeau, Paris, 1878 ; — Rosexfeld, Die Physiolo- 
gie d. GrosshirnSy Leipzig, 11)13. 

(•) J. Dbmoor, Les Centres sensitioo-m)teurs ; BruxeUes, 1899; — Von Moxakow, 
Neue Gesichtsp. in d. Frage nach d. Lokal. in Grossgehirn, Wiesba-len, 1911. 

(*) Marie, Semaine mhl., mai 190J ; — Mvrixesco, Reo. Gén. Sc.^ p. 826; 1910. 



52 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

de « donner la patte ». 11 y avait là une fonction d'associa- 
tion et de coordination des actes élémentaires de l'intelli- 
gence. — Toutefois, le lobe frontal, qui représente à lui seul 
le tiers de la surface cérébrale, et se limite aux scissures de 
Rolando et de Sylvius, a plus d'imporlance. Sa lésion, chez 
le singe (') ou l'homme, rend le caractère impulsif et violent ; 
son rôle modéraleur est évident ; avec lui disparaissent les 
rouages de direction et de contrôle des réflexes ; moins de 
neurones sont en jeu, et la conscience s'affaiblit; la durée 
des réflexes diminue d'environ le quart de sa valeur, faute 
de ce travail intérieur qui les harmonise ('). Brodmann a 
d'ailloiM'6 constaté sur le cerveau humain un développement 
exagéré de la partie inférieure du lobe frontal. On est donc 
très enclin à y \oq^^\<>^v\ activité psychique (•^). « Ami, frappe 
ton front, c'-esl là qu'est le génie », disait le poète. Mais, en 
vérité, on ne saurait admettre rien de plus qu'une action 
supérieure de contrôle et de modération de la part des neu- 
rones de la région frontale, action qui se développe par 
rhabitude, créant la force de volonté, le sang-froid, l'appa- 
rente insensibilité morale. 

Certains auteurs attachent une importance non moins 
grande aux circonvolutions pariétales parce qu'elles sont 
développées chez des hommes supérieurs (Kant et Gauss 
notamment) ' '•), et {)arce qu'elles sont réduites chez les 
hommes peu instruits, les gens très arriérés, les nègres. 

Or, cela n'est pas très décisif, attendu (jue le cerveau de 
Gauss, par exemple, est à lobe fiontal prédominant; on y a 
trouvé de fins et abondants replis, dont on voudrait faire les 
indices du génie mathématique. 

Jusqu'ici nous devons déclarer qu'aucun signe certain des 



(M BiAXCHi, fîm/w, t. XVIII, p. 497 ; 1895. 

(2) Fako et LiBEMTi.si, Arch. îtaL Biol., t. XXIV, p. 438 ; — Oddi, Ih., t. XXIV, 
p. 360; 1895. 

(•*) K. Bhodmasn, Vergl. Lokalisafions lehre d. Grossh.^ Leipzig, 1909; — 
Verhandl. </. Anal, iiesellsch., avril 1912. 

(<) Le premier, philosophe; le second, mathémaUcien aUemands. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HtlUAINE 53 

dispositions psychiques ne résulte de l'examen du cerveau, 
encore moins de celui du crflne. 

Sur la figure 17 nous avons schématisé, d'après les récentes 
notions, les localisations cérébrales. Si l'on lient compte du 



Fio. n. — Schéma tles localiBations cérébrales. 

fait que les fibres nerveuses de ia moelle s'enlre-croisiiil au 
niveau du bulbe, on aura la raison de la correspondance de 
l'iiémisphcre cérébral f^auclic avec la partie droite du corps, 
et réciproquement. 

XXIV. — Équation personnelle. — En définitive, c'est 
dans ses propriétés ])hysiologiques, dans les opérations ner- 
veu.ses elles-mêmes, que le cerveau doit être étudié. 

On sait, à cet égard, que les réflej-es n'ont pas la même 
rapidité pour tous tes individus humains. Les plus lirels 
durent 4îi 5 centièmes de seconde; l'âge modifie, d'ailleurs, 
cette durée : longue cliez le nouveau-né, elle diminue beau- 
coup chez l'adulle, et à mesure de l'exercice. Au coiilraire, 
elle augmente dans certaines lésions des centres nerveux, 



54 OHGANISATION PHYSIOI.tKilUUK DO TRAVAIL 

principalement de IVcorce côrébrale. On a appelé équation 
personnelle le temps qui sf^pare l'inslanl où nous percevons 
une sensation tactile, visuelle, auditive, et l'instant où nous 
réagissons par un mouvement. Bieu des pliénoméncfi s'inter- 
calent entre ces deux moments, qu'il ne nous est pas pos- 
sible d'analyser en ce court aperçu de la dynamique ner- 
veuse. Disons simplement que l'adulte normal possède une 
équation personnelle qui a les valeurs suivantes : 

Réaction tactile 14 centièmes d« seconde 

— auditive 15 — 

— visuelle 19 — 



Fn>. i8. — Dispositif pour la mesure de l'équation personnelle. 

Pour la mesurer, il convient de se servir de l'excitant 
lumineux : un courant électrique illumine une ampoule, tantOt 
rouge, tantôt bleue, et déelancbe en mi^me temps un Signal 
de Desprez {/ig. 18). Le sujet perçoit cette sensation, et réagit 
en appuyant un doigt sur la louche rouge ou bleue qui com- 
mande un tambour à transmission. Le temps est inscrit en 
centièmes de seconde. 

L'écart des tracés du signal et du tambour donne la durée 
de la réaction, comprenant ici un élément de plus : le choix 
entre les deux touches ('). 

('■, Voir, pour d'autres diKpositifB : Toulouse et Piéron, Technique de Psycho- 
logie eipévimenlale, t. 11, 2' fdit-, Pari» 1911. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 55 

L'observation a clairement enseigné qu'il y a des sujets 
à équation longue, et d'autres à équation courte, c'est-à-dire 
qu'ils se distinguent en sujets lents et vîtes. C'est là un clas- 
sement qualificatif important, intrinsèque aux individus, 
fondé sur leur état réactionnel propre où se confondent les 
effets de l'hérédité et de l'éducation. L'homme qui a des 
réactions lentes, des sensations obtuses, ne convient pas aux 
travaux d'adresse et d'attention ; il ferait, par exemple, un 
mauvais wattman. Nous verrons plus loin que l'équation 
personnelle peut se déterminer très simplement (voir § LXVI). 
Les mouvements volontaires^ ordonnés par le cerveau directe- 
ment, sans sollicitation extérieure, sont évidemment plus 
brefs, leur durée peut s'abaisser à 7 centièmes de seconde. 

Quant aux qualités purement intellectuelles, elles naissent 
d'un entraînement cérébral discipliné et méthodique, de l'ins- 
truction, s'ajoutant aux influences héréditaires. Elles se 
révèlent spécialement dans la droiture d'esprit et le juge- 
ment, dans Yattention, qui relèvent bien plus de la volonté 
que de la sensibilité. La pratique des hommes permet d'ap- 
précier, sans grande erreur, le degré d'intelligence et l'équi- 
libre des forces psychiques. Mais il serait à désirer que, dès 
l'école ou l'atelier, on s'en rendît compte, on constituât une 
soric de fiche ps?/chométrirjue sincère et précise. Elle donne- 
rait, plus tard, des renseignements utiles,, que l'on complé- 
terait au moyen d'enquêtes discrètes et adroites auprès des 
amis et des parents eux-mêmes. Car vouloir s'en tenir, dans 
le choix des personnes, à l'impression qu'on a d'elles en les 
voyant, en les faisant parler, c'est s'exposer à des erreurs 
grossières. Très souvent, leur « tête » ne dit rien, et l'objet 
de la conversation, et les circonstances, sont défavorables à 
leur mise en relief. En matière de savoir et de conduite, de 
capacité intellectuelle et physique, l'expérience, longue et 
méthodique, doit être le seul guide ('). 



(ï) Constxtler sur cette question : M"« Gilbreth, The Psychology of manage- 
ment; New- York, 1914 (Editeurs Sturgis et Walton). 



56 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

On n'oubliera pas, non plus, que les qualités psychiques 
sont, en majeure partie, héréditaires, et se transmettent, 
comme les troubles physiologi(jues et la faiblesse mentale, à 
plusieurs générations. Il en est de même des habitudes in- 
tellectuelles acquises par le travail. Humphry Davy faisait 
observer que ce fut la raison pour laquelle Moïse interdit 
autrefois aux Hébreux les mariages avec les idolâtres (M. 
C'est une raison qui n'a rien perdu de sa force, appliquée 
aux choses de la civilisation et de la culture. 

Et tous ces éléments, physiologiques et psychologiques, 
considérés par groupe isolé, on doit les situer dans la réalité 
en considérant leurs relations mutuelles, qui sont intimes et 
profondes et non pas seulement parallèles. Les rapports 
psycho'physiqties intéressent le maître, le chef d'usine, le 
médecin, le législateur. 

XXV. — Rapports psycho-physiques. — Le plaisir. — 
Nous avons dit que toute impression extérieure est l'origine 
d'une sensation. Cette sensation peut demeurer latente, neu- 
tralisée par d'autres, et plus tard déclancher un réflexe; il 
n'en est pas moins vrai que l'énergie nerveuse est diminuée 
ou augmentée au point qui a été affecté. 

La sensation peut aussi, ce qui est fréquent, déterminer 
Aqs actes émotifs apparents, Aq joie on Aq douleur (-). On a vu 
des émotions réfrénées, et un homme tomber raide mort de 
chagrin alors que rien ne trahissait sa douleur grandissante. 
La neutralisation des émotions est du pouvoir de l'écorce 
cérébrale agissant par l'intermédiaire des couches optiques 
ou du bulbe (voir fig, 12) ; mais elle dépend du bon état des 
organes digestifs et du cœur, qui sont innervés par ces 
centres {^). Et surtout, il ne faut pas douter que les émotions 
contenues puissent modifier, en plus ou en moins, l'qnergie 

(') H. Davy, Les Derniers jours d'un philosophe^ traduction C. Flammarion; 
Paris, 4869. 

(2) Voir Bechtekew, Psychologie objective ; Paris. Alcan, 1914. 

(•"*) Bri8"4auo, Leçons à la Salpétrière, t. 1, Paris, 1893; — DECiiTErtEW et Mis- 
LAwsKY, Soc. neiirol. et Psych.. Kazan, 1893. '■ 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 57 

ncvro-muscuiairc. En tout cas, elles révèlent une volonté 
éduquée. 

Mais Tabsence de signes visibles, de réflexes,* est parfois 
liée à un état de déchéance intellectuelle. Il est nécessaire 
de bien reconnaître, par une analyse prudente, si l'émotivité 
est intacte. Mieux vaut, à cet égard, le plus que le moins, 
car on doit se rappeler que rintelligence a sa source directe 
dans la sensibilité. 

L'homme qui éprouve une émotion se comporte diver- 
sement, suivant qu'elle est gaie ou triste. 

Les émotions de plaisir et de joie élèvent la tonicité des 
muscles volontaires et les disposent au travail; elles ont 
une influence d'arrêt sur les sensations douloureuses et font, 
dans une certaine mesure, oublier la fatigue. Observation 
connue de toute l'antiquité : 

Molliter austerum studio fallente /aiorem (Horace). 

La respiration devient plus vive et entretient les forces; 
le cœur augmente l'amplitude de ses battements et la circu- 
lation du sang s'anime à la surface : il y a vaso-dilatation 
cutanée. Tout ce qui peut contribuer à ces phénomènes de 
tonicité nerveuse et cardiaque doit être recherché: les récom- 
penses, les prix, les concours, les décorations, les avan- 
tages moraux ; ils ne répugnent à aucun ège ; c'est affaire de 
proportion, et nous sommes naturellement portés à la 
montre. Les jeux et les distractions constituent de véritables 
tonifiants quand on les emploie sans excès ; il en faut à 
l'atelier comme à l'école ; une salle ou une cour de récréa- 
lions est un instrument de bon travail dont le prix est à né- 
gliger devant son utilité. 

Ce n'est pas seulement la gradation des plaisirs qui 
mérite l'attention; c'est aussi leur sélection et appropriation, 
eu égard à TAge, au sexe, aux coutumes, au degré d'intelli- 
gence. 

Les sensations joyeuses font mieux que stimuler l'acti- 



58 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

vite ; elles favorisent les opérations de la vie : on digère 
plus facilement ses aliments, les sucs digestifs sont plus 
abondants et plus efficaces. Et dans le cycle de réparation 
des organes, on voit la rénovation cellulaire s'effectuer plus 
vite. Les soldats qui ont fait quelque action d'éclat se réta- 
blissent rapidement de leurs blessures. « Les joyeulx, disait 
Paré ('), guarissent toujours. » 

XXVL — La douleur. — Les phénomènes, dus à la tris- 
tesse et à la douleur^ sont absolument contraires des précé- 
dents. Ils se caractérisent par un trouble de Finnervation 
musculaire, une inhibition qui « cou{)e les bras et les 
jambes ». La respiration est gênée, dyspnéique; le cœur a 
des mouvements de faible amplitude, et la circulation cuta- 
née est rare ; il y a vaso-constriction périphérique. 

Les manifestations cardiaques sont très marquées et sou- 
vent graves, notamment dans la colère et la peur. Le chirur- 
gien Desault, sous la Révolution, avait remarqué que les 
maladies du cœur et les anévrysmes de l'aorte s'étaient 
multipliés à cette terrible époque. Le nombre des vieillards, 
morts au cours de la guerre de 1914, a été très élevé. Il 
doit, en partie, s'expli(iuer par le récit des horreurs com- 
mises, et l'usage inouï des nouvelles armes : aéroplanes 
et dirigeables, bombes incendiaires, sous-marins, gaz as- 
phyxiants, etc. 

La violence de l'émotion excite fortement le bulbe et 
détermine, soit des palpitations, soit une syncope avec toutes 
ses conséquences. Vaxt au bulbe prend naissance un des 
nerfs les plus importants de l'économie : le nerf vague ou 
pneimio-gastrique, dont les rameaux se distribuent à la tête, 
au cou, au thorax, à l'abdomen. II arrête le cœur, tout rempli 
de sang, dans \^ phase diastoliqiie. Par lui, le cerveau est aus- 
sitôt frappé dans sa vitalité, la conscience s'évanouit, les 
organes deviennent insensibles et les muscles se relâchent. 

{}) Ambroise Paré, grand chirurgien français, né à Laval (1517-1590 . 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 59 

La syncope cardiaque se complique ainsi d'une anémie 
cérébrale et d'une dépression physique. 

Etant donné l'importance de la circulation sanguine à 
travers les tissus, on conçoit que toutes causes qui Ten- 
travent compromettent la vie et l'énergie de l'homme. Du 
cœur au cerveau la relation est nettement établie, et c'est la 
plus active, la plus essentielle de l'organisme. Elle inter- 
vient dans la colère comme dans le découragement et la 
peur, pour engendrer les troubles de la locomotion, le 
désordre des mouvements, et, suivant les cas, une véritable 
paralysie musculaire des membres; elle retentit par inhibi- 
tion sur les sécrétions glandulaires et digestives, mais favo- 
rise celle des larmes, et accroît le périslaltisme intestinal 
comme aussi les contractions de la vessie. L'expérimentation 
a démontré que de telles émotions excitent certainement la 
zone rolandique de l'écorce cérébrale (^). 

On doit faire rentrer Vennui dans la catégorie des sensa- 
tions pénibles; il diminue la tonicité dos muscles, qui se con- 
tractent alors moins vivement et sans ampleur, et développent 
moins de force ('^). Il anémie légèrement le cerveau, le rend 
incapable d'un travail régulier et de bonne qualité, dilate 
enfin les vaisseaux en produisant une stase sanguine : ce qui 
se traduit par la tendance au bâillement. Une émotion 
agréable dissipera aussitôt ces fâcheux phénomènes. 

Quant à la douleur, elle n'a d'effet sur le cerveau que par 
sa relation au cœur, car l'organe de la pensée est indolore 
par lui-même : on peut toucher le cerveau, on peut presser le 
cœur, en découvrant ces organes, il n'y aura perception d'au- 
cune douleur. C'est, encore une fois, tant i>is pour la poésie. 

Ce qui peut devenir douloureux, ce sont les membranes 
cérébrales enveloppantes, surtout la dure-mère ; les sensa- 
tions désagréables n'atteignent qu'elle et produisent les 

(ï) Bechterew et Mislawskt, Arch, f. Anat, u. Physiol. Suppl., p. 243; 1S89; 
p. 380; 1891; — Bochefontaine, Arch. de Physiol., p. 140 à 172; 18*6 ; — Bechte- 
rew, Die funclionen d. Nervencentra ;\énGL^ 1908-1911. 

(2) W.-C. Lombard, Journ. of Physiol., t. XIII, p. 1 ; 1892; — Jules Amab, Le 
Moteur humain, p. 294. 



60 ORGANISATION PHYSlOLOGigUE DU TRAVAIL 

maux de tête (*). Mais la douleur psychique pure est œuvre 
de rimaginalion, elle s'avive au foyer de la mémoire et 
réveille tous les échos du passé. On peut presque dire, avec 
Richei, qu'elle est « fonction de l'inlelligence » p), car elle 
s'atténue chez les gens simples et ne persiste pas, « ne veille 
pas » ; elle est à peu près nulle chez les idiots, les déments, 
les imbéciles. 

Physique ou psychique, la douleur est proportionnelle à 
notre sensibilité, à la délicatesse de nos sens, à Tintensité 
de l'excitation ; Yaccoiitimiance en atténue les effets. L'enfant, 
habitué à être roué de coups, l'apprenti ou l'élève qui 
cssuyent constamment grossièretés et injures, n'en éprouvent 
])Ius qu'une douleur indifférente. L'élément nerveux, dont 
l'énergie a été ainsi épuisée, reprend difficilement sa puis- 
sance de réaction et d'irritabilité, d'autant plus qu'il aura 
été surmené par de très fortes excitations dolorifiques. 

Le champ de la douleur est le plus étendu de tous parce 
qu'il embrasse toute Y aire tactile. Et il est non moins étendu 
dans le temps, car la douleur se survit dans la conscience 
par une sorte de vibration lente à s'amortir, et la première 
occasion en augmente de nouveau l'amplitude. Cette survi- 
vance fait d'elle un guide vigilant pour fuir le mal sous tous 
ses aspects, pour enseigner et discipliner. « Les émotions 
douloureuses, écrit Ch. Richet [loc, cit., p. 191), nous 
émeuvent profondément, restent fixées dans le souvenir, et 
alors elles dirigent notre conduite. Tout le développement 
intellectuel, moral et social de l'humanité, est la consé- 
quence de cotte émotion douloureuse à laquelle il faut 
échapper. La connaissance des choses ne nous intéresse que 
j)arce que c'est un moyen de mieux combattre la douleur. 
La froide science n'émeut pas; elle ne dirige pas, elle n'est 
pas un mobile d'action, tandis que la douleur est le grand 
mobile de la vie des êtres. » 

(1) Lenn\nder, MiHeUungen aus ci. Greuzgeb. d. Med. u. C/t/r., t. X, p. 38 à 104 
et 164 à 202; t. XIII, p. 303 à 372 ; 1902 et 1904. 

(2) Ch. UiCHKT, art. Douleur, du Dictiouji. de Physiul.. t. V, p. 173. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 61 

11 est clair, cependant, que pour être ainsi salutaire, « pour 
être le premier ressort de nos actions » (Voltaire), la douleur 
doit respecter Tordre et Tintégritc de l'économie, ne pro- 
duire aucun trouble profond, menacer sans nuire irrémédia- 
blement. C'est par là seulement qu'elle est un facteur 
d'énergie. 

XXVII. — Loi psycho-physique. — Mais ce qui, dans la 
sensation, quelle qu'elle soit, tactile, sonore, visuelle, domine 
notre faculté de perception, c'est la mesure même de cette 
sensation, autrement dit le rapport que notre conscience'doit 
établir entre elle et l'excitation qui l'a déterminée. 

L'expérience vulgaire nous apprend que telle personne 
apprécie mieux que telle autre une minime différence de 
poids; mais cette même différence peut passer inaperçue 
quand la valeur des poids augmente. 

Edouard Weber avait remanjué que, pour être nettement 
perceptible^ la différence entre les deux poids devait en 
représenter une fraction constante, égale à 1/17 de chacun 
d'eux ('). Or cela n'est pas exact, la dilTérence n'a pas besoin 
de croître aussi vite que les poids, autrement dit Yintensité 
de la sensation progresse moins rapidement que rintensité de 
[excitation; la courbe de l'une est toujours au-dessous de 
celle de l'autre. Ce genre de progression est dit loga- 
rithmique ; il fut reconnu par Jaccpies Bernoulli, mieux 
défini par Laplace (-), à i)ropos du bien moral que l'on 
éprouve lorsque les biens matériels viennent à s'augmenter. 

Et divers auteurs ont trouvé que c'est, généralement, la 
relation qui existe entre les sensations et les excitants. Par 
exemple, d'après Nicati (•*), les sensations lumineuses sont 
dans un rapport logarithmique avec les intensités des 
sources offertes à la vue. 



(1) E. Webkr, Wagner's Handwôrt., t. III, 2- part., p. 481 ; 1846. 
(') Jacques Bernoulli, Ars Conjectandi, trad. franc, de Vastel, p. 61 ; Paris, 
1801; — Laplacb, Œuvres (éd. officielle), t. VU, p. 441*; 1820. 
(S) Nicati, la Psychologie nalurelle, p. 165, 225; Paris, 1898. 



62 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Mais, à la vérité, la loi psycho-physique n'est exacte que 
dans des limites très étroites de l'intensité des excitations, 
et c'est à tort — un double tort — que Fechner Tappelle 
« formule de la mesure psychologique » et Tait laissé 
appeler : loi de Fechner {*) ; car elle est dépourvue de 
valeur théorique et pratique. « Elle restera, suivant l'appré- 
ciation de James, comme un fossile dans l'histoire de la 
psychologie {^), » 

Et cependant, il y a, il doit y avoir une loi de ce genre, 
mais plus complexe, et dans laquelle figurera le temps, vu que 
la sensation dépend à la fois de l'intensité et de la durée de 
l'excitation. Par cela même, elle est perfectible j de sorte que 
dans l'expression de cette loi psycho-physique il faut intro- 
duire une constante individuelle. Nous n'approfondirons pas, 
dans ce livre élémentaire, un problème de nature mathéma- 
tique, et particulièrement difficile. 

XXVIII. — Conclusion. — Et nous concluons que, 
d'une manière générale, l'âme et le corps ont une évolution 
qui obéit, pour une part, à des influences héréditaires inévi- 
tables ; c'est le « naturel qui, chassé, revient au galop »; 
mais pour une autre part, elle est tributaire du milieu, soit 
physique, soit social, j'entends par là cet ensemble d'idées, 
de sentiments, d'aspirations plus ou moins confuses, qui 
travaillent l'humanité. Notre évolution peut ainsi subir des 
améliorations et tendre à la perfection. \'oilà précisément 
où se trouve la place de Védnca/ion, une éducation métho- 
dique qui adapte ses effets à l'âge et à la constitution de 
l'individu, qui ne chôme pas, mais qui ne brusque pas, dont 
les principes soient ceux d'une saine culture et non point du 
forçage. Quoi de plus coupable que de former des doctes et 
des érudits de 15 ans ! Et quoi de plus criminel que de con- 
fier, à des enfants qui n'ont pas iS an^i accomplis, des tra- 
vaux pénibles et de longue haleine ! 

(•) FEcimEn, Elemenle der Psf/chophysik^ Leipzig, 1860, 

(2) W. Jambs, Précis de Psyefiolor/ie, trad. fran»;aise ; Paris, 1909; — et Pi'in- 
ciples of Psycholorjy^ t. l, p. 549 ; 1901. 



PSYCHO-PHYSIOLOGIE HUMAINE 63 

La science s'inscrit en faux contre tout ce dérèglement et 
ces abus qui nous prépareraient, si le législateur n'y prenait 
sérieusement garde, des races mal conformées, chétives, une 
humanité rabougrie. 

Réalise-t-on, au contraire, par des mesures efficaces, le 
développement normal de la personne humaine, toutes les 
aptitudes se manifestent et s'épanouissent, complètement, 
sainement. Alors, chacun révèle ses capacités spéciales, 
pour la science spéculative ou pour Tart. L'industrie, qui 
doit approprier l'homme à la tâche qui lui convient, dans 
laquelle il fera valoir tous ses mérites, aura vite fait de 
sélectionner. Et ainsi dans toutes les professions, dans les 
carrières aujourd'hui si nombreuses, un examen judicieux, 
une enquête loyale et sûre, permettront de répartir le travail 
social, l'œuvre du progrès éternel, à des compétences recon- 
nues : The right man in the right place. Leur classement 
n'est pas leur subordination ; tout homme qui sait un métier 
et le fait avec conscience doit en être fier; le travail du 
manœuvre est solidaire du travail de l'ingénieur. J'irai 
même jusqu'à prétendre, avec Voltaire, que « celui qui ima- 
gina \dinavette l'emporte furieusement sur celui qui imagina 
les idées innées ». 

Et ce serait, enfin, justice d'avoir égard à la valeur morale ; 
elle est un des leviers de la prospérité; c'est, de toutes 
façons, le meilleur préservatif contre les tentations où peut 
sombrer l'intelligence. L'idée de devoir et de responsabilité 
s'acquiert aisément quand elle est enseignée dès le jeune âge, 
et représentée par l'exemple domestique. Elle est donc, sur- 
tout, un attribut familial et, à la longue, une vertu hérédi- 
taire. 

La moralité me paraît plus développée dans les couches 
inférieures de la société ; elle le serait davantage si l'on 
pouvait diminuer la misère. L'homme du peuple possède, 
plus que l'homme instruit et raffiné, la franchise et la sincé- 
rité, car il ignore l'art de déguiser sa pensée ; il parle et agit 
naturellement, et la nature ne trompe jamais. 



64 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

\J égalité morale des deux sexes ne semble pas douteuse au 
médecin allemand Mobius, donl on a vu plus baut la thèse 
sur la supériorifc intelleeluelle du mâle [loc, cil,, p. 60). Je 
crois avoir combattu fortement cette dernière prétention, 
mais sur l'autre je dirai, comme le philosophe ancien : 
« Craignons d'agiter ce problème, ce serait offenser la divi- 
nité ». 

Veillons seulement à ne pas étouffer, sous les abus et les 
passe-droits, la fleur de la moralité française. Encourageons 
de notre mieux ceux qui, à un jugement solide, joignent une 
honnêteté sans défaillance : ils gardent le trésor delà Civili- 
sation. 



CHAPITRE IV 



TRAVAIL ET FATIGUE 



XXIX. — On a expliqué que la machine humaine se trouve 
régie, eu égard à la force motrice, par les mêmes lois que 
les moteurs inanimés; elle possède dans les cellules un 
foyer innombrable et silencieux ; elle s*alimente en combus- 
tible et en oxygène; elle tire, de Ténergie chimique des «//- 
me/? /5 absorbés, chaleur et travail ; elle arme les muscles et 
les prépare à se co/i/mc/er, parlant à actionner les outils que 
représentent les membres robustes de l'ouvrier, adroits de 
l'artiste, agiles du typographe, de l'écrivain, du pianiste, de 
la couturière. 

Voilà donc la force disponible. Comment agit-elle? Et 
comment la mesurer, la discipliner, l'utiliser avec soin et 
économie? — C'est ce ([ue nous allons examiner briève- 
ment. 

A. Le travail musculaire. -^ Si nous n'avions pas, dans 
la grandeur des échanges respiratoires, l'expression réelle 
de toute factivité musculaire, nous ne pourrions nous en faire 
qu'une idée approchée, car les efforts statiques ne consti- 
tuent pas un travail, ne se mesurent pas, et cependant ils 
affectenl la résistance de l'organisme, ils nous fatiguent. 
(Test déjà se fatiguer que de rester debout , toute une journée, 
môme sans faire un pas, à surveiller un chantier. 

Cette forme d'activité est la moins utile. Généralement, il 

ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DV TIlAVAIL. T) 



66 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

y a tnouvement, marche, course, travail (*) sur des instruments 
divers, et dépense de force à la fois physique et intellectuelle. 

Nos membres, notre corps se déplacent, mus par Faction 
musculaire. Quand un membre s'éloigne du corps, il est dit 
en abduction^ et en adduction quand il s'en rapproche. Sa 
position ventrale (avant-bras tendu, la paume de la main 
regardant le sol) représente le mouvement de pronation ; la 
position inverse, dorsale, c'est la supination. 

En outre de la variété de ses positions, un même membre 
fait intervenir, suivant les cas, des muscles différents, qui 
ajoutent et harmonisent leurs effets. On se figure, par 
exemple, que les muscles du bras actionnent l'avant-bras. 
Mais ceux de l'épaule y contribuent plus effectivement, les 
autres agissant sur le coude quand on veut un effort de 
simple traction par les mains. L'articulation très mobile du 
poignet ne subit presque pas d'effort ; elle est d'ailleurs très 
délicate et convient aux exercices de vitesse bien plus qu'à 
ceux de force. 

A l'action des muscles qui produisent le mouvement 
s'ajoute celle de leurs antagonistes, comme pour les fléchis- 
setirs et les extenseurs ; et c'est à une combinaison d'efforts 
musculaires que l'on doit de pouvoir déplacer un membre 
dans une direction et avec une vitesse voulues. 11 ne serait 
donc pas suffisant, pour apprécier le travail musculaire 
dans la flexion de l'avant-bras, de connaître la force du 
biceps et la grandeur du déplacement ; il faut aussi con- 
naître le travail du triceps, son antagoniste. La muscu- 
lature joue, comme on sait, sous l'empire d'excitations ner- 
veuses coordonées, chaque groupe de muscles agissant 
synergiquement. — Veut-on lever les bras? — C'est aux 
abducteurs, adducteurs et releveurs à intervenir, les pre- 
miers aidant à porter les bras en avant ou en arrière. — 
Veut-on abaisser les mômes membres? — C'est alors aux 

(M On sait que le travail s'exprime par l'cITort, que multiplie le chemin par- 
couru. Ainsi, quand on fait monter rie Teau du fond d'un puits, les termes du 
travail sont : X effort exercé sur la corde, et la profondeur du puits. 



TRAVAIL ET FATIGUE G7 

muscles abaisscurs à agir, non point comme antagonistes 
des releveurs, mais comme modérateurs du mouvement de 
chute. Le biceps brachial n'est pas, d'autre part, exclusive- 
ment fléchisseur; c'est également un supinateur : on en sent 
le gonflement quand on tourne une grosse clef. 

Le droit antérieur (voir fig, 11) n'est pas seulement exten- 
seur de la jambe : c'est aussi un fléchisseur et releveur de 
la cuisse, et il sert à maintenir l'équilibre des hanches. 

Les modalités de Taction musculaire sont nombreuses et 
influent sur le degré de fatigue ; il faut savoir l'appropriera 
reffel strictement utile, avec la plus petite dépense d'éner- 
gie; il faut éviter les contractions superflues, les mouve- 
ments dans lesquels une partie de l'effort se trouve gaspillée 
ou stérilisée. Cette économie est précieuse dans la prothèse 
pour amputés. 

Les sports, la boxe et l'escrime notamment, sont logés à 
la même enseigne que les travaux de l'industrie ; mais ils 
ont su bien mieux éliminer les mouvements inutiles. Les 
bons athlètes les évitent avec soin, parce qu'il y va de leur 
réputation et parfois de leur vie. L'éducatiofi physique doit 
employer les mêmes moyens d'épai^ne pour la discipline 
et la santé. 

L'usage éduque l'activité des muscles et lui donne une 
régularité parfaite ; V automatisme, grâce aux réflexes médul- 
laires, se saisit de nos mouvements, et une sorte d'instinct 
dynamique finit par imposer à notre machine ses lois souve- 
raines. 

XXX. — Mesure de' Faction musculaire. — L'évalua- 
tion directe de toutes ces forces est chose intéressante. 
D'abord, elle renseigne sur la difficulté de telle ou telle 
manœuvre, et sur la possibilité de la faire exécuter par des 
femmes ou des enfants, ou encore par des invalides, des 
mutilés, des accidentés du travail. Elle est également néces- 
aire pour apprécier les progrès de Vêducation physique, la 
restauration de la puissance musculaire, et enfin pour com- 



68 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TBAVAIL 

parer le travail effectué à l'énergie qu'il a fallu y consacrer, 
ce qui indiquera les bons et les mauvais rendements. 

Nous obtenons celte mesure des forces par les procédés 
jra^A(yM^5, l'enregistrement direct, d'après les règles formu- 
lées, il y a cinquante ans, par le célèbre physiologiste 
français Marey (1830-1904). 



Fm. 19. — Scliéma d'un dynamographe. 

On fera agir les muscles sur des ressorts qui se déforment 
légèrement dans les conditions de l'expérience, et chacun 
de CCS ressorts, terminé par un disque, viendra comprimer 
une petite poire de caoutchouc. Un i-éunit celle-ci, au 
moyen d'un tube souple, à une petite cuvette métallique 
formée par une membrane également en caoutchouc et 
constituant ce que l'on appelle un Itimbour de Marey {fig. 19). 
Une compression d'un côté jiroduiru une chasse d'air dans 
le tambour et soulèvera le levier inscripteur ou nlffle qui se 
trouve lié à la membrane. En disposant le style devant un 
cylindre enregistreur, comme celui de.s baromètres, on aura 
le tracé des efforts musculaires, amplifié -au degré voulu 
(A- 20). 

Je me suis astreint, précisément, à combiner des méca- 
nismes dynamographiciues s'adaptant à tous les outils, et 
qui me donnent, en toutes circonstances, des tracés nets et 
lidèles. 

S'agil-il, par exemple, d'analyser les efforts F et F' d'un 



TRAVAIL ET FATIGUE 69 

ouvrier limeur dans le travail du lailon ou de l'acier, au 
moyen des grosses limes ? — On munit l'oulil de méca - 



nismcs convenables, aux jioiuts unîmes où les bras le sai- 
sissent, cl on les mol en raj>|iorl avec des tambours de Marey 



FiG. 21. — DOco m position des efforts dnns 1c travail & la lime. 



montés sur un chariot. On peut donc curegi.slrcr toutes les 
forces en action et toutes les composanles de ces forces. Il 




PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

J t'st facile (le voir que 

1 les composanles ver- 

licales \' fl V s'ajou- 
t<'iil pour presser sur 
la lime et la faire 
mordre, tiiniJis que les 
efforts horizonlaux II 
et 11' délerminent le 
glissement, etparcoii- 
sé<iuenl le travail itlile 
ijig. 21). 

La figure 22 moiilre 
les transforma lions 
que la lime doit subir 
pour devenir dynaino- 
grapliique; on y ajoule 
un support spécial 
l>our mesurer la pres- 
sion exercée sur le 
bloc de mêlai. 

La lime esl munie 
fl son exlrémilé libre, 
en 1), de ressorts qui 
eonii)rimenl chacun 
une poin; et donnent 
la poussée et la pres- 
sion de la main gau- 
che : d'autre pari, le 
manche comporte in- 
téri<'uicment un res- 
sort à boudin R et une 
poire P qui fournissent 
la poussée de la main 
droile. Pour le détail 
des calculs, nous ren- 
verrons à notre ou- 



TRAVAIL ET FATIGUE 71 

vragc {loc. cit., p. 528-552) où sont indiquées de nombreuses 
transformations d'outils en vue de les rendre inscripteurs 
(pelle, marteau, sécateur, brouette, etc.). Toutefois, nous 
décrirons encore ici la varlope inscrioante et la pelle. La 
force du bras, agissant sur le manche de la varlope [fig. 23), 
se décompo.so en l'effort horizontal qui transporte l'instru- 
ment, et l'effort vertical de pression sur ta planche à rabo- 
ter. On mesure, par l'office d'organes en caoutchouc dis- 
posés convenablement, cette dernière pression et la force 
totale exercée sur le manche; on en déduit la composante 



Via. 23. — Varlope inscrivanle. 

horizontale, qui mesuri-, en l'espèce, la résistance du bois 
au fer de la varlope. D'autre part, la planche est placée 
entre deux barres parallèles qui peuvent <'tre écartées ou 
rapprochées à volonté. Sur chaque barre est fixe, tout du 
long, un tube en caoutchouc très souple, que le moindre 
contact de la varlope déforme. En réunissant ces tubes i\ 
des tambours de Marey, on a i'înscriplion des chocs résul- 
tant des mouvements maladroits pendant le travail. 

EitHn, les mécanismes cjui rendent une pelle djnamogra- 
phique, soit dans les travaux de terrassements, soit dans 
ceux de la culture, sont évidents sur la figure 24 ; ils enre- 
gistrent la poussée totale ou résistance de la terre, et les 
efforts des mains pour enlever la pelletée. 



PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 



Fio. 2(. — Pelle dïnamograpilique (détails ÎDlérieurs). 



TRAVAIL ET FATIGUE 73 

XXXI. — Mesure de la vitesse. — Ouait ^ 'i "iiesse des 
mouvements lohnlaires, il est possible de l'enregislrer simul- 
tanémenl aux efforts, en utilisant un chronograpke rapide 
donnant les fractions de seconde. Il est rare que même avec 
les doigts, qui sont les plus vites, on effeclue plus de sept 



MU. 23. — lirapliiquc ilu liuvaii d uji tiuii ouvrier limeur. 

mouvements par seconde, — Pour une vitesse déterminée, 
on s'assure, a la varlope inscrivante, de la régularité, de la 
rectitude des mouvements; le nombre de chocs fournis sur 
ie tracé, à droite ou à gauche, renseignera sur les défauts à 
corriger. 

On pourrait également se servir du cinématographe et 
recueillir, sur un lilm, h une vitesse connue, les différentes 



74 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

positions de l'oulil. Ce dernier procédé révèle aussi toutes 
les attitudes du corps pendant le travail, et permet d'en 
reconnaître les défectuosités. On peut, enfin, à Texemplc de 
Gilbreth, fixer une i)etite lampe à incandescence sur la main 
de Fouvrier, et relever, par la photographie, le cycle de ses 
mouvements. Le cyclographe présente, sinon de l'originalité, 
du moins certains avantages qu'il n'est pas possible ici de 
développer (*). 

Sur le graphique d'ensemble, on lira donc la succession et 
l'intensité des efforts musculaires, leur vitesse, leur plus ou 
moins grande régularité avec une clarté et une fidélité incom- 
parables. On y recueille aussi les efforts de la respiration 
[fig. 25). La vie active du travailleur met, en quelque sorte, 
sur le papier du graphique, une empreinte indélébile, la 
niarqite personnelle. 

XXXII. — B. La dépense d'énergie. — Au travail ainsi 
produit par Thomme, et graphiquement mesuré, correspond 
une dépense d'énergie prélevée sur les réserves de l'orga- 
nisme. Non point sur les aliments qui viennent d'être absor- 
bés, mais sur ceux que la cellule a eu le temps iV élaborer, de 
fixer, de mettre dans cet état particulier qui leur permet de 
s'oxyder facilement et de produire de l'énergie. 

La dépeme est proportionnelle à l'activité des muscles^ à 
rensomble synergique de leurs contractions, intensité, 
vitesse, durée, tout étant compris dans cette activité, qui 
s'étend aussi bien à l'élément nerveux (ju'à l'élément muscu- 
laire. Et c'est tout cela qui détermine la fatigue, qui régie 
la consommation d'oxygène respiré, ajoutant une quantité 
nouvelle à celle que nous absorbons déjà pendant le repos. 
L'énergie totale de l'homme actif est donc une somme où l'un 
des termes, celui du repos, ne varie presque pas à tempé- 
rature extérieure constante, l'autre terme augmentant en 
proportion de l'activité musculaire. 

(i) Voir \SL Revue de Métallurgie, p. 203; avril 1)15; — Revue générale des 
Sciencetj p. 173; 1916. 



TRAVAIL ET FATIGUE 7.> 

Sans entrer dans de longs dùlail.'s sur le mesurage des 
volumes d'oxygène consommé, voici, ii la lumière d'un 
exemple, le principe de noire leelmique : le sujet respire par 



t'iG. 26. — Edinnlillonncurrespirutoii'e. 

la bouche — *ce qui est commode en casde grande fatigue — 
et le nez se trouve serré par une petite pince en bois ayant 
les mors feutrés. 1,'ne soupape à doitlile valve se tient, par 
une embouchure en caoutchouc, entre les lèvres et les dents ; 



76 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Tair extérieur est aspiré d'un côté; il est rejeté, par l'autre 
ouverture, à travers une petite cloche C et un compteur à 
gaz G {fig, 26). La cloche est réunie, au moyen d'un tube de 
caoutchouc étroit, à un système de réservoirs de mercure R 
et R'. Suivant que R se vide dans R' ou vice versa, une déri- 
vation sur le gaz expiré se trouve réalisée, ou bien l'échan- 
tillon renfermé en R est envoyé dans un eiidiomètre pour 
l'analyser. 

On a donc le débit total de la respiration, ou ventilation 
pulmonaire, durant l'expérience, et en outre la composition 
de l'air expiré. 

Normalement, l'atmosphère qui nous entoure contient 
21 0/0 d'oxygène, en volume. Comme il y en (xmoins dans les 
gaz expirés, la différence représente la consommation de l'or- 
ganisme ('). 

Tel est, décrit sommairement, l'échantillonneur respira- 
toire j)our Tévalualion de l'énergie dépensée. 11 se monte sur 
une table à roues caoutchoutées, qui roule sans trépidations, 
suit le sujet dans tous ses déplacements, et sert à l'élude de 
la locomotion normale ou pathologique, des exercices 
physiques, du travail professionnel. 

I^e port de la soupape buccale est aisé, sans aucune 
gêne pour la personne, quelle que soit la durée de l'expé- 
rience. 

Connaissant le volume total d'oxygène utilisé par l'orga- 
nisme, on l'évalue en calories, comme il a été dit, à raison 
de 4,90 calories par litre. On obtient l'expression de l'énergie 
développée par la combustion vitale. 

La distribution de cette énergie est multiple. Elle entre- 
tient les activités physiologiques profondes : mouvement et 
nutrition des appareils circulatoire, respiratoire, digestif. — 
Elle maintient à un niveau constant la température ducorps, 

(1) Ainsi, on trouverait à l'eudiomètre 17 0/0 au lieu de 21 0/0, soit une diffé- 

150 X 4 
rence de 4 0/0, et le débit total étant de 150 litres, le produit — donnerait la 

100 

consommation totale d*oxygène, soit 6 litres. 



TRAVAIL ET FATIGUE 77 

en compensant les perles qu'il subit au contact deTair et par 
rayonnement. Elle assure enfin le travail si intense des 
muscles et celui, moins onéreux, des tissus nerveux. Tandis 
que la dépense au repos Meinl S. iOO calories en moyenne 
en 24 heures, pour un adulte, le froid Faugmenle : elle est 
de 3.500 calories par un hiver de 3 à 2"*. En été, par 25 à 
30°, elle tombe aux environs de 1.800 calories. 

Si Ton compte que le plus grand travail journalier con- 
somme de 2.000 à 2.500 calories, à ajouter aux précédentes, 
on arrive à un total de 4.000 calories en été — que la cha- 
leur empêche souvent d'atteindre, par diminution de Ténergie 
des muscles — et à 5 à 6.000 calories pour la ration de tra- 
vail durant Thiver. 

L'alimentation suffit à ces diverses dépenses. Mais, chose 
remarquable, si toute substance capable de brûler convient 
à un moteur thermique, il n'en est plus de môme dans l'or- 
ganisme vivant, car il n'est pas indifTérent à la qualité de son 
combustible. V aliment par lui utilisable est toute substance 
qu'il peut élaborer pour la mettre en réserve dans ses cellules. 
Cest la seule provision qu'il exploite immédiatement et sans 
déchets, celle qui peut assurer sans trêve son entretien. La 
dépense dénergie est continue, puisque toute interruption 
.serait l'indice de la mort. La vie est doncrénergie. 



XXXIIL — C. La FATIGUE. — Le point de vue physiolo- 
gique offre encore, sur tout autre, l'inappréciable avantage 
de déceler les effets de la fatigue, de la très grande fatigue, 
et de fournir les moyens d'éviter qu'elle franchisse les bornes 
normales. \J éducation physique, sans cela, serait un contre- 
sens ; elle conduirait au surmenage, ou ne remplirait pas son 
but. Il faut ajouter que les troubles organiques, les défail- 
lances des centres nerveux sont devenus plus fréquents par 
l'effet d'une guerre terrible, comme jamais les hommes n'en 
ont connue. Le déficit de Tactivité cardiaque est particuliè- 
rement à surveiller chez les anciens blessés militaires et les 



78 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

mutilés. La recherche des indices de fatigue est donc une 
chose capitale. 

La fatigue est la résullantc de phénomènes musculaires et 
nerveux qui produisent un malaise grandissant, et avant 
tout une sensation d'impuissance. Celte sensation passe 
par tous les degrés, depuis la simple lassitude jusqu'à la 
douleur la plus vive, et persiste un temps variable. Elle 
provient de sources d'excitations différentes : des fibres ner- 
veuses qui se terminent, on Ta dit déjà, dans les muscles et 
les tendons, et aux surfaces articulaires, dans les enveloppes 
des viscères où Lennander a situé l'origine de la douleur 
organique ; par là elle prend un caractère général, et finit par 
embrasser toute l'étendue du corps. Car, au fond, la fatigue 
est une intoxication : si le cerveau, si les muscles fonc- 
tionnent d'une façon désordonnée, par suite d'efforts exces- 
sifs, ou d'une vitesse d'exercice trop grande, le sang ne 
parvient pas à suffire à sa tache d'épuration. Les déchets de 
cette activité cellulaire intense s'accumulent ; le sang, chargé 
de produits toxiques, produit la fatigue chez tout animal 
dans les veines duquel il est injecté. Il agit d'abord à la pé- 
riphérie où sont les fibres sensitives, de sorte que c'est sur 
les organes musculaires que retentit la fatigue, alors môme 
que le cerveau seul a travaillé. Singulier paradoxe que de 
prétendre, à l'exemple de certains pédagogues, délasser l'es- 
prit par la fatigue du corps! C'est avouer n'avoir jamais mis 
à l'épreuve ni l'un ni l'autre. 

D'autre i)arl, il est essentiel de distinguer fatigue et dou- 
leur^ celle-ci pouvant être parfois tout à fait accidentelle^ et 
le résultat d'un effort exagéré ou maladroit, d'une attitude 
défectueuse, d'un étal palhologi([ue ; dans ces divers cas elle 
est d'ailleurs circonscrite au membre ou à l'organe affectés; 
elle n'envahit pas toute l'économie. Pas plus dans l'organi- 
sation de l'éducation physique que dans celle du travail pro- 
fessionnel, il ne doit y avoir de place pour cette sensation : 
ce serait un vice de méthode. 

La recherche des signes de fatigue demande à être pour- 



TRAVAIL ET FATIGUE l'J 

suivie (lans^toules I«s fonctions de la \ic. Une lolle étude est 
il peine commencée aujourd'hui ('). Examinons IcsTails. 

XXXIV. — 1° Circulation du sani/. — Ce n'est pas ici que 
l'on pourra formuler en détail la lecliniiiue des observations. 



Fio. 27. — Prise d'un tracé du pouls pendant un exenùce de fatigue. 

Indiquons simplement (|ue la personne expérimentée s'eii- 
Iralne sur le ci/c/e ergomélrique dont on parlera plus loin. 
Elie afïit sur les pédales |)ar la contraction des jambes, ou 
sur la manivelle en contractant les bras {/ig. 27). 

On enregistre sur elle, h la fois les battements du cœur et 
du povh, et on mesure la pression artérielle ; les premiers, en 
faisant usage du cardiographe et du sphggmograpke de Ma- 

[>) X. Mosso. La halif)ue 
OhstfBalïoiu sur lu fatigue 
202; 1914). 



80 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU 1 

rey ('), la seconde au moyen de Voscillomètre de Pacfion, qui 
donne successivement les pressions si/stoiiqne el diasioHçue, 
c'est-à-dire la plus forte el la i)lus faible. — Je conseille, 
toutefois, de se contenter du tracé cjue donne le cardio- 
graphe : cet instrument, applique selon la figure 28, demeure 



Flti. 28. — Cardiographe et pneu m ri graphe en place. 

en |)hioc pendant les exercices, et ses indications sont assez 
lidèles. 

Les résultais des exptjricnciïs sont intéressaiils. Au furet 
h mesure que les muscles travaillent, en régime régulier, 

lents et ta lechnirgue soDt détaillées dans Le 



TRAVAIL ET FATIGUE 



81 



normal, la fréquence des pulsations va en augmentant ; 
mais, pourvu que deux heures de travail tout au plus soient 
suivies à'un quart d'heure de repos, la fréquence moyenne ne 
dépasse pas iSO pulsations par minute, de 70 environ qu'elle 
est au repos; elle tend à demeurer constante. — La vitesse 
du travail vient-elle, au contraire, à sortir des limites nor- 
males, les battements se précipitent et atteignent rapide- 
ment à 120, 140 et même 160 par minute. Celte dernière cii*- 
constance est des plus fâcheuses ; elle est heureusement assez 
rare, sauf dans Tathlétisme (courses). 




Fio. 29. — K\'thme du ccriir suivant le travail (fatigue). 



Mais alors même que le nombre des pulsations, sous 
Teffet d'une grande vitesse alliée à un effort modéré, s'élève 
à 120 seulement, la prolongation de la durée du travail 
fatigue l'appareil circulatoire. Celle fatigue se traduit par un 
fléchissement régulier de la fréquence, qui finit par s'abaisser 
à 100 et parfois à 96. Le cœur n'est plus à môme de suivre 
l'allure du travail et d'assurer les besoins de l'organisme. La 

ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL. 6 



82 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

solidarité physiologique est troublée, sinon rompue (^j.29). 
Dès que l'observateur a constaté celte discordance entre les 
fonctions musculaire cl cardiaque, il doit faire cesser tout 
exercice, ou en modérer considérablement la vitesse. 

Les courbes cardiographiques renseignent, pour le rjUime, 
tout autant que celles du pouls. On constate, en outre, que 
l'amplitude, c'est-à-dire la force des battements augmente, et 



Fin. 30. — Tracé du cœur d'un joiEue pymnisle [repos el falisue). 

le cœur subil un léger et niomenfané accroissement de 

volume. Ce dernier fait a été observé en fatiguant le sujet 

par une marche sur trottoirroulant, et en soumellant la cage 

Ihoraciquc h re.\amt'n radioscopîqne ('). 

, , diastole . . . , 

Le rapport ^ ^^ est voisin de 2, même de 1 ,50 ; la con- 

tiiiction des oreillettes s'accentue, Xomlultitian de droite du 

(i; ZiNTiet NitOLAi, Btrl.Klin. Wochenuck.. n* 18, I9U. 



TRAVAIL ET FATIGUE 83 

plateau systoliquc descend vers le tiers inférieur de la hau- 
teur de la courbe. L'aspect de ce tracé de fatigue est carac- 
téristique [fig. 30), il dénote une décontraction brusque des 
ventricules, une absence d'effort cardiaque soutenu. En pres- 
sant le tracé, on observe une sorte <Xg périodicité des systoles, 
dont le type est frappant {fifj. 3i), 1! n'y a donc pas lieu 
de nous attarder à sa description ni, surtout, à sonintcrpré- 
talion. 



Fie. 31, — Cardiogrammes i\e repus el de très (iiande falifiiie ;siijet normal,. 

Quant h la pression arl(-rieUe, de 15 à Kî rentimétres iiu 
ropos, elle atteint parfois 33 centimètres, et flécliil éj^ale- 
menl à rextrénie fatijjue. Dans ces conditions d'activité 
moyenne, où le cœur ne cesse pas d'être rép'ulier, la pression 
systolique varie peu et oscille autour de lo valeur 35. 

On voit à quels indices se reconnail le travail normal, qui 
n'eJ^pose pas au siirinpnnge : les mouvements du cœur doivent 
avoir une fréquence de Ij.i à /^,7, et les cardiogrammes un 
semblant de plateau si/slolique. à ondulation li'-gi-iement abais- 
sée ; la tension artérielle In plus forte sera de W centimètres. 
Aussi bien, les exercices athlétiques, (pii surmènent souvent 



84 OBGAMSATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

ie muscle cardiaque, rendent-ils son examen préalable abso- 
lument nécessaire. La force elle débit de l'ondée sanguine, 
non moins que son renouvellement suffisanl, sont indispen- 
sables à la vie intense des athlètes, comme dans tous les tra- 
vaux pénibles des ouvriers, 

XXXV. — 2° Respiration. — La fatigue relonlit peut-être 
plus vivement encore sur ia fonction respiratoire. Outre 
qu'elles deviennent très fréquentes, les respirations cessent 
d'être régulières; elles sont dyspnéiqucs, saccadées. — 



u pneuniograplie. 
le cycip.) 

L'enregistrement des respirations peut se faire au moyen du 
pnevmographe double appliqué, par un ruban péritboracique, 
sur la poitrine, ou mieux sur ie dos, pourne pas embarrasser 
le travail {voir la /ig. 28 ci-dessus}. 

Les graphiques expriment les variations d'amplitude et 
de rythme du thorax avec ses muscles plus ou moins conlrac- 



TRAVAIL ET FATIGUE 85 

lés [fig. 32). — Mais on peut placer une dérivation sur la 
soupape buccale comme le montre la figure 33, et enregistrer 
les mouvements de l'air dans les poumons, les lonogrammes 
[fig.Zi), c'est-à-dire les variations de pression (en grec tsvsç: 



pression). A cet effet, on forme la soupape au moyen d'un 
bouchon traversé par une petite canule qui reçoit le tube 
de caoutchouc d'un tambour inscripteur — Les pneumo- 
grammes et les lonogrammes se complètent dans l'analyse 
de la fonction respiratoire, ces derniers étant plus fidèles 



86 ORGANISATION PHVSIOLOGIQL'E DU TRAVAIL 

et plus signilicalifs de l'étal réel des cavités pulmonaires. 
Tous deux traduisent les iioubks qui pourraient siéger 



dans les poumons, ou encore dans le système musculaire 
qui en détermine le fonctionnement Ifig. 35 et 36}- 
On sait que, dans le repos, l'expiration E a une durée au 

moins double de celle de l'inspiration 1. Le rapport y va en 



TRAVAIL ET FATIGUE 87 

diminuant avec la fatig:ue, landis que les respirations 
deviennent de plus en plus profondes. A un certain moment, 

ce rapport -T- faiblit beaucoup, !a ventilation cesse d'être 

ample et d'avoir un grand débit. Le volume d'air expiré 



par minute, i[u\ allait en progressant et qui atteint géné- 
ralement W litres au cours du Iravail, lend à diminuer. 
Ainsi, on relève sur te compteur, dans une fatigue normale, 
les débits suivants : 

.iK repos: débit moyen par minule... 7 lilres 

/ 13',20; 191,80; 20',75; 21',35; 

Travail au cyrie h 192 (ours par mi- ) 20i,70; 19',70; 22i.S0; 20',85; 

uule et frein de2kilogruiiiiiie5.. 23i,IS ; 20 I.; 22 1. ; 2O',i0; 

( 20',60; 19',50; ao'.SO 



Soit une moyenne de 20', 25 



i PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

La courbe {/ig. 37) accuse, par un plateau, une période de 
venlilation constante, qui ne prend fin qu'au seuil de la 
période dangereuse, c'est-à-dire du surmenage. 



On peut donc afiirmcr que, tandis qu'un Iravai! normal 
développe la ventilation des poumons, et accroît mOme un 
peu le calibre des broncbcs('), la grande fatigue nuit à la 

(1) Ualuase et Doi-oLAs, Journal of PhyaiotoQij, t. Xt.V. p. 335 ; 1912-1913 ; — 
Rroch elLiNDHAHo, Ibid., t. \LVtl,p. 30; t'.lt; — Kj'ugh,Theresplratoryexchaogc 
or aminals and Mno ; LoodoD, 1916. 



TRAVAIL ET FATIGUE 



89 



régularité des échanges gazeux ; alors le gaz carbonique^ pro- 
duit toxique de la combustion vitale, s'accumule dans le sang 
et détermine V essoufflement; la résistance des centres nerveux, 
et partant la puissance musculaire, décroissent rapidement. 
L'observation la plus élémentaire montre aussi que ces 
troubles respiratoires de fatigue sont dus bien moins à l'exa- 
gération des efforts musculaires qu'à la vitesse excessive des 
contractions, laquelle produit une désharmonie entre les 
rythmes solidaires des fonctions de la vie. 



I 



Courbe narmale de le venKlahon pulmonaire. 



mausn/re àe 20 f £5 




24.^j5^: 777/nu/e 



Pendant I Exercice 
FiG. 37. — Courbe de la ventilation pulmonaire. 

Il est remarquable, d'autre part, que la respiration se pro- 
longe toutes les fois que Ton soutient un grand effort^ de 
quelque durée [fig, 38) ; une branche nerveuse, émanant du 
bulbe, réalise surtout une expiration prolongée. Mais, précisé- 
ment, l'effort soutenu tend à devenir impossible dans la fatigue, 
parce que l'empoisonnement bulbaire précipite et fausse 
l'action nerveuse; les expirations se font brèves, saccadées, 
signe d'essoufnemcnt. Il est possible cependant de faire pro- 
vision d'oxygène, par une inspiration très profonde, et de 
prolonger la durée de l'expiration; toutefois, ni souvent, ni 
plus de 2 minutes. Les plongeurs arabes de Ceylan, qui 
pochent professionnellement les éponges, restent 90 secondes 
au-dessous de l'eau (*). Malgré cet effort qui semble immo- 
biliser la cage thoraciquc, l'air oscille dans les poumons, 
comme le montrent les tonogrammes. Les poumons con- 
servent leur rythme et leur amplitude (/?^. 39). 



(•) Vernon, Amer, Journ. of PhysioL, t. XXI, p. 126. 



90 ORGANISATION PBYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Mesurons, maîntcnanl, la consommation d'oxygène : nous 
la verrons croître, pour un mfme travail, avec les progrès de la 
fatigue. Le moteur musculaire rend de moins en moins ; il 
gaspille l'énergie. J'avais constaté au contraire une économie 
quand, en réglant l'effort et la vitesse, le travail s'effectuait 
sans grande fatigue (<). 

A quelle valeur inférieure du rendement peut-on estimer 



Fie. 38. — rneuniograrnmes montrant t'nrrCt eiipiratoire rlu thorax 
pendant l'elTort 3taliq<ie. 

dangereuse la continuation du travail? — C'est une question 
bien complexe, car le rendement dépenil de la personne 
elle-m<5me ; c'est un coefficient individuel: il se rapporte i» 
un genre d'activité nettement spécifié, et ne saurait être 
généralisé îi tous. Il faudrait avoir, en quelque sorte, fait 
ries essais pour se rendre compte de la dt-préciation que 
subissent des muscles fatigués. D'ailleurs, il peut y avoir une 
fatigue statique, sans mouvements, utiles ou inutiles, par le 
seul fait de déployer des efforts; cela épuise les terminai- 
sons nerveuses périphériques ("*), et complique l'interprétation 

{') Le MoUur humain, p. 353-256. 

(') K. Fmujehie, Skand. Arch. f. Ph'j3hl.,t. XXX. p. 409 ; W3. 



TRAVAIL ET FATIGUE 91 

du phénomène respïraloire, lequel cesse, par conséquent, 
d'élre exclusif de toute autre donnée physiologique. 



Fie. 39. — Tonogrammes durftDt l'effort slntique 

XXXVI. — 3° Énergie nét^ro-musculaire. — On conçoit 
d'ailleurs que la sensation d'impuissance, signe de la fatigue, 
.se localise dans l'appareil névro-muscitlairr. Un homme, 
lancé à vive allure, en arrive fatalement à réduire son effort 
et à ralentir sa marche. On a divers procédés pour s'en 
assurer. D'abord celui du cycle etgomélrigne, actionné aux 
pédales ou à la manivelle. On emploie un poids fréiialeur de 
'i kilogrammes et une cadence de 200 tours par minute. La 
roue inscrivant elle-même, par un signal électrique, ses ro- 



TRAVAIL ET FATIGUE 93 

(allons, on note bientôt un tracé à intervalles plus espacés 
et irréguliers. Avec le ehirograpke ('), qui sera décrit plus bas, 
on suit la décroissance de l'activité musculaire, soit des 
doigts séparément, de toute la main, soit du poignet {fig. 40). 
Le rythme est réglé au métronome, et le poids à soulever 
dans les contractions ne varie pas {yîj, 41), 



Les facteurs concernant la rorinc c\ la fréquence des con- 
Iraclions étant ainsi déterminés, c'est la liauleur, l'amplitude 
des soulèvements qui va seule diminuer par la fatigue. Le 
travail développé est donc bien décroissant. L'allure d'un 
ckirogramme. est caractéristique : elle est d'autant plus fléchis- 
sante que la fatigue est plus avancée, ou que celle-ci est 
plus inilueiicéeparlescircousianci's: mauvaise alimentation, 
manque de sommeil, dépression morale, température élevée, 
alcoolisme, état d'impolenco non apparent. 

Je dis que pour un œil exercé, la comparaison des cblro- 
grammes avant et après un exercice doit renseigner sur le 
degré de fatigue. Étalons une des courbes du tracé en faisant 

[>) J. AiiAR, Le Moleui- hamain, [.. 391; — Jomn. de l'bysiot., p. H49; 191li. 



94 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

tourner plus vile le cylindre enregistreur, et nous remar- 
querons le ralentissement de la contraction dans toutes 
les phases qui la constituent. La volonté n'agit pas sur 
les muscles par June excitation unique, les centres nerveux 
doivent multiplier leurs impulsions, et alors cette paresse de 
la contraction trahit la fatigue simultanée du système ner- 
veux; simultanée parce que la fibre musculaire elle-même, 
elle surtout, se fatigue, devenant moins irritable, moins élas- 
tique ; elle s'altère jusque dans sa structure élémentaire. A 
la suite de mouvements puissants, d'efforts considérables, les 
muscles souffrent de la contracture ; ils sont rigides, ne 
reprennent que lentement et péniblement leur souplesse pri- 
mitive. C'est, par exemple, le torticolis rhumatismal, qui 
affecte le muscle du cou (sterno-cléido-mastoïdicn) ; c'est le 
spasme dénommé crampe des écrivains, et auquel sont éga- 
lement sujets les dactylographes et les couturières. 

La fatigue du système nerveux est en proportion du nombre 
d'impulsions motrices (pi'il doit fournir au système muscu- 
laire pour le faire fonctionner; cette dépense est élevée 
dans le travail qui demande une grande fréquence des mou- 
v(»mcnts. De petits j)as, très souvent renouvelés, sont plus 
onéreux que de bonnes enjambées, et l'on ai)erçoit la raison 
qui, dans certains travaux ne nécessitant pas de force, rend 
l'épuisement nerveux important et hâte la latigiie. 

('e phénomène a, de plus, pour conséquence, des trouI)les 
de la sensibilité générale; on réagit moins vite: l'équation 
personnelle augmente ; la vue perd de son acuité : c'est Vas- 
thénopie oculaire des typographes, cordonniers, etc. ; on ne 
peut plus distinguer les couleurs sans augmenter l'intensité 
de la lumière (') ; de même, l'activité cérébrale est plus lente 
à distinguer les idées ou les images. 

La sensibilité tactile, source de nos plus fréquentes sensa- 
tions et notre [principal moyen d'éducation, est à son tour 
amoindrie. On l'évalue en eflleurant avec deux pointes en 

(') Altobeixi, Ai'ch. ilal. BioL^ t. XL, p. 1)9; 1903. 



TRAVAIL ET FATIGUE 95 

ivoire la surface cutanée ; au lieu d'un écartement normal de 
ce compas spécial ou esthésiomètre, il faut séparer davantage 
les pointes et embrasser une aire sensitive plus grande. Ces 
diverses manifestations de la fatigue nerveuse résultent sou- 
vent d'un déficit d'oxygène dans le sang, ou d'un excès de 
gaz carbonique, ayant pour cause la vitesse de travail. Ce 
sont là des circonstances où V excitabilité des centres nerveux 
s'affaiblit, tout au moins pour un certain temps(^), et entraîne 
la dépression de la sensibilité périphérique. Les actes volon- 
taires et les actes réflexes s'accomplissent dans l'hésitation 
et parfois dans le désordre. — Par exemple, une jeune fille 
([ui joue longtemps à la corde finit par se tromper et s*cm- 
barrasser dans ses mouvements. 

Tous ces éléments, sur lesquels je ne puis jeter qu'un rapide 
coup d'oeil, sont des grandeurs mesurables; on forme des 
tableaux de chiffres représentant les valeurs de ces réactions 
avant et après la fatigue, et on en tire les enseignements 
utiles. 

Dans plusieurs cas, il m'a été possible de remplacer les 
tracés chirographiques par un procédé plus expédilif pour 
évaluer la plus ou moins grande résistance des centres ner- 
veux : le sujet, à un instant donné, saisit deux poids de 
5 kilogrammes, placés à portée de ses mains, un de chaque 
côté, les bras étant tendus latéralement et sur une ligne hori- 
zontale. Il ne doit les laisser tomber que sous l'efTet de la 
fatigue î à cet instant, les bras commencent à s'abaisser et 
à trembler. On note la durée de cet effort statique^ et on 
reprend à intervalles d'une minute, tant qu'on jugera néces- 
saire le renouvellement de l'épreuve. 

Le produit du poids par le temps, P X/, en kilogrammes- 
secondes, varie d'un individu à un autre ; à l'origine des 
épreuves, la durée peut osciller de 78 à 20 secondes. Mais il 
est remarquable que, dans une heure d'expériences. Vendu- 
rance, où s'exprime la totalité dos produits P X ^ caracté- 

(*) PiOTROWSKY, Du Bois-Reym. Arch. f. Phys.^ p. 205 ; 1893; — Bagliont, Arck. 
ital. BioL, t. XLII, p. 83; 1904. 



96 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

rise un homme, parfois un groupe d'hommes, habitués aux 
mômes exercices. En vingt reprises, par exemple, elle a une 
valeur à peu près constante. L'endurance-limile se révèle 
comme suit : d'abord, un coup de collier, puis une chute 
brusque, et le refus absolu de continuer à porter les poids. 
Après un repos d'une heure, la courbe s'abaisse encore très 
vite, et l'on est en droit de dire que l'excitation nerveuse 
motrice tend à s'épuiser comme l'énergie musculaire elle- 



I 

1 



Jàrme ^énéia/c des ùx/ièes d endurance. 



Timp» 



FiG. 42. 



mémo. — La forme des courbes dejidurance est hyperbolique 
[fig. 42). On aura, par exemple : 44", 30", 29", 19", 16", 15", 
14", 13", 13", 11", 10", 11", 10", 11", 11", 11", 8", 10", 11', 11" 
= 308", soit un total de 308" X lO"^*^' = 3.080 kilogrammes- 
secondes. — En moyenne, les adultes bien portants, non 
fatigués, fournissent 3.000 kilogrammes-secondes. Toute 
irrégularité frappante, toutes valeurs inférieures à 2.000 ki- 
logrammes-secondes, trahissent une grande fatigue des 
centres nerveux. 



XXX VII. — 4° Signes biochimiques de la fatigue. — La 
nature de la fatigue est, on l'a vu plus haut, une intoxication 
qui, produite aux points où l'activité a son intensité maxi- 
mum, s'étend peu à peu à l'organisme tout entier. 

Ces poisons résultent de la transformation des a/6w/wmo?rfe5 
cellulaires^ qui est une opération toujours mauvaise pour la 



TRAVAIL ET FATIGUE 97 

santé, car non seulement elle est dispendieuse — nécessi- 
tant beaucoup plus d'oxygène que s'il s'agissait de subs- 
tances grasses ou sucrées — mais elle met en liberté préci- 
sément des corps toxiques ou ponogènes. Il s'en forme sur- 
tout lorsque les muscles déploient des efforts excessifs. Ces 
dérivés sont des bases nucléiniqties^ dont l'origine est le 
noyau de la cellule ; ils sont acides et phosphores ou azotés. 
Aussi, trouve-t-on dans les urines ces bases nucléiniques, 
des phosphates et de Y acide urique. Ce dernier, que riiomnie 
élimine à raison de 8 milligrammes par kilogramme et en 
2i heures, à taux constant (*), est plus abondant à la suite des 
fatigues (^). Et tous ces produits, charriés par le sang, 
empoisonnent Torganisme. On a vu que leur injection à un 
animal entraîne la dépression des forces et les troubles de 
la fatigue; ils diminuent l'excitabilité musculaire, ce qui 
nécessite une dépeuvse croissante d'énergie nerveuse, un véri- 
table gaspillage des ressources de la vie; ils altèrent jus- 
qu'à la matière vivante, celle des nerfs et des muscles ; ils 
gênent la régularité des phénomènes respiratoires et circu- 
latoires. 

Tandis qu'une activité normale réduit la proportion des 
toxines urinaires (•^), un travail intense, une fatigue extrême 
l'augmentent visiblement ; et Bouchard a constaté qu'elles 
ont un effet narcotique certain, pouvant aller de la simple 
somnolence jusqu'à la mort. 

Malheureusement, les mesures pour déceler, à l'examen 
des urines, la borne dernière de la fatigue physiologique^ 
font encore défaut. Et ni de Y analyse du sang y ni de la toxi- 
cité de la sueur, on ne peut tirer de meilleurs renseigne- 
ments. II faut confronter de multiples données — sommai- 
rement indiquées ici — pour apprécier l'intensité de la 
fatigue. 

(ï) Fal'Stka, Pfl. Arck., t. CLV, p. 523; 1914. 

(2) IIerther et Smith, Maiys Jahrsh., t. XXU, p. 200; 1892; — Dlnlop, etc., 
Journ. of PhjsioL, t. XXII, p. 68; 1898. 

(3) Ch. BoucHARi), Leçons sur les aulo-in fox. dans les maladies; Paris, 1887; — 
CoLASANTi, liicerche Islit. Farmacol. sper.^ t. 11-1 V; 1895-1899. 

OHOANISATIO.N PHYSIOLOGIQUE DU TIIAVAIL. 7 



98 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Le caractère vraiment physiologique de celle-ci est la 
disparition de tous ses effets par le i*epos et le sommeil^ tous 
deux nécessaires, tous deux conditionnés par rauto-inloxi- 
cation elle-même. La toxine qui détermine le sommeil, 
Yhypnoloxiiie, se forme dans Tétat de veille, se rencontre 
dans le sang et plus spécialement dans le liquide cérébro- 
spinal ; elle produirait dans le cerveau frontal de j)assagères 
altérations ('). Fatigue et veille engendrent la torpeur des 
organes du mouvement, et relâchent la tonicité musculaire, 
et dépriment l'innervation; elles rendent inéluctables le 
repos et le sommeil, car à un certain moment elles deviennent 
inhibitoires, réalisant un mécanisme de défense contre l'acti- 
vité exagéré(\ \Joxi/gène du sang rétablira la vitalité. 

Si, par une fausse conception des lois du travail, on 
passe outre à ces avertissements de la fatigue, les limites 
normales sont vile franchies: l'intoxication s'aggrave et 
donne lieu à une courbature fébrile, à des maux de tète, à 
des manifestations doloritiques. La résistance des centres 
nerveux s'affaiblit beaucoup, et, pour tout dire, la résistance 
organique s'effondre; c'est ce cpii réveille les souffrances et 
les maladies latentes, maladies très souvent insoupçonnées, 
c'est ce qui brise le ressort que les germes infectieux 
avaient tant de peine à surmonter. La fièvre typhoïde et la 
tuberculose se déclarent, et l'on sait qu'elles sont le triste 
lot des armées surmenées par la guerre. 

Le but de l'organisation physiologique de notre activité 
es! de rendre impossibles les circonstances dans lesquelles 
naît le surmenaire et se ruine la santé. Elle vise à la conser- 
vation de l'espèce humaine j)ar l'hygiène sociale. 

(^} n. PiKUDX, Le l*rohfèni" phi/siolo;/ique du som'Hi'il; Maason, 1913. 



CHAPITRE V 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 



XXX VI II. — Pour organiser le travail humain, il faut 
connaître les lois de Faclivité musculaire et nerveuse, et les 
nombreux facteurs dont elle dépend. 

Déjà, chez les Anciens, des préceptes avaient cours qui 
recommandaient d'exercer le corps avant gI non pas après les 
repas, et de pousser ces exercices « jusqu'à ce qu'on se 
sente une légère lassitude, qu'il survienne une petite sueur, 
ou au moins qu'il s'exhale une vapeur chaude de l'habitude 
du corps (*) ». Ces notions rudimcntaires de physiologie et 
d'hygiène cessaient, d'ailleurs, d'avoir la moindre impor- 
tance quand il s'agissait de l'armée. La conception militaire, 
pour les Romains surtout, était celle du plus intense entraî- 
nement^ à tel point que le soldat parvenait à effectuer des 
parcours de 40 kilomètres par jour avec un chargement 
moyen de 35 kilogrammes. Il faut bien reconnaître que ce 
genre de vie lui donnait une trempe solide, et que l'orga- 
nisme s'habitue aux fatigues extrêmes. 

Les principes de l'entraînement se perdirent à la longue, 
et sous Louis XIV les victoires étai(*nt payées cher. 
En 173i, Montesquieu écrivait avec raison : « Nous remar- 
(|uons aujourd'hui que nos armées périssent beaucoup par le 
travail immodéré des soldats ; et cependant, c'était par un 
travail immense que les Romains se conservaient. La rai- 

i}) G.\UE.\, De S:inîtale tuemia, livre 11. 



100 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

son en est, je crois, que leurs fatigues étaient continuelles ; 
au lieu que nos soldats passent sans cesse d'un travail 
extrême à une extrême oisiveté, ce qui est la chose du 
monde la plus propre à les faire périr... Nous n avons plus 
une juste idée des exercices du corps (*). » 

Il aurait fallu, pour avoir cette juste idée, interroger la 
Nature, qui, suivant le mot de Newton, « ne fait que de la 
géométrie », et s'inspirer des principes de cette géométrie. 

Galilée (^) fit la constatation que, de tous nos muscles, 
celui qui travaille sans repos, sans accident, celui qui se 
montre réellement infatigable, c'est assurément le cœur. Il a 
une masse déterminée et se contracte au rythme de 72 par 
minute environ ; et comme « il ne meut que sa propre 
masse », ce serait là l'explication de son infaligabilité. Les 
autres muscles, au contraire, doivent mouvoir le squelette, 
et quelquefois tout le poids du corps ; il en est ainsi des 
muscles des jambes. 

Ces vues spéculatives du grand savant italien sont d'ac- 
cord avec nos idées modernes sur le travail musculaire. Il y 
a, en effet, pour chaque appareil locomoteur, un rythme de 
contraction et une résistance à vaincre parfaitement adaptés à 
son fonctionnement normal, en apparence indéfini. Et, de 
plus, il y a des valeurs qui correspondent au rythme et à l'ef- 
fort économiques par excellence {^)j ceux qui coûtent le moins 
d'énergie. 

Nous ne pouvons que formuler brièvement, à cet égard, 
les lois admirables établies par les physiologistes, en parti- 
culier par Chauveau. 

XXX IX. — Lois de Chauveau. — V La dépense d'éner- 
gie est proportionnelle à report de contraction des muscles, à 



(ï) Montesquieu, Considérations sur les causes de la (jrandeur des Homains et 
de leur décadence, p. 10 (édition Barckhauseii ; Paris, 1900). 

{■*') Gaulée (1564-1642), Opère, t. XI, p. 558 (édition de Milan, 1811). 

(3) Si tous nos muscles pouvaient réaliser les conditions d'activité du cœur, ils 
produiraient en 24 heures près de 3 77iHlions de kilogrammèlres, soit, par exemple, 
le travail nécessaire pour faire quatre fois l'ascension du mont Blanc ! 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 101 

sa Jurée ei au degré de leur raccourcissement. — Le sens de 
cette première loi est évident : l'énei^ic dépensée, ou lu 
fatigue, augmentent si les elTorls sont plus intenses et 
dui-ent plus longtemps ; mais il faut ajouter que celle fatigue 



est, toutes chose s. égal es. double si les muscles se raccour- 
cissent deux fois plus. L'observation de bons ouvriers con- 
lirme cette partie de la loi ; en agissant sur les brancards 
d'une brouette, ils laissent leurs bras s'éfendrc^ au lieu de les 
flécliîr, et ils développent ainsi le même efloit de soutien 
avec le minimum de fatigue {fig. 43). 

S'il peut être nécessaire, parfois, de déployer une grande 



• • • t • • 

. v ' • : • - 



."•• •• ••!" ••- 



102 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

force, il faut se dire que celle-ci augmente de moins en moins 
à mesure que le raccourcissement du muscle touche à son terme. 
Sous peine de gaspillage, on doit éviter d'aller jusqu'au 
bout de la force de contraction. Les exercices pénibles 
constituent des conditions anormales d'activité musculaire, 
aux êiuites irréparables. 

2** La dépense d'énergie^ pour produire un travail déterminé j 
diminue à mesure que la vitesse des contractions augmente. — 
Mais cela n'est vrai qu'entre certaines limites de vitesse, 
sans quoi il y aurait épuisement nerveux et des troubles phy- 
siologiques profonds. Comme je l'ai dit plus haut, les 
allures rapides ne sont permises qu'à la condition de ne pas 
surmener les appareils de la circulation et de la respiration ; 
et alors elles sont réellement économiques. L'industrie 
moderne, qui exige des qualités de vitesse et d'habileté, 
bien plus que de force, doit s'en tenir, précisément, à ces 
allures économiques, que le système Taylor soupçonne, sans 
pouvoir les indiquer. 

3° // eociste un effort et une vitesse optima pour réaliser le 
maximum de travail avec la moindre fatigue, — C'est la con- 
séquence de ce qui précède, et c'est l'objet véritable de l'or- 
ganisation scientifique de l'énergie humaine. ()u'il s'agisse 
d'un travail délicat ou d'un travail dur, toujours on doit pro- 
portionner l'effort et la vitesse en se guidant uniquement sur 
les données expérimentales. 

4° Loi du repos (de Jules Amar). — Le muscle revient d'au- 
tant plus vite à son état de repos que son travail a été plus 
rapide, — Cette loi, formulée en 1910, est tout à fait ana- 
logue à celle du refroidissement des corps chauds. En 
effet, la température d'un corps qui a été chauffé s'abaisse 
d'autant plus vite qu'on l'a portée plus haut (Newton). De 
même, la consommation d'oxygène, qui exprime la dépense 
d'énergie, va décroissant depuis l'arrêt du travail jusqu'au 
retour à l'état de repos, et cette décroissance s'effectue rapi- 
dement, le retour à l'état initial se fait vite quand on a tra- 
vaillé avec intensité, entre certaines limites évidemment. La 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 103 

loi de celle décroissance permet donc de délermiiier Vialer- 
vaiie de repos nécessaire, chaque fois, ix la rcslauralion des 
condilions pbysiologicjucs du débul, et de couper le travail 
en périodes ralionnelles. Ainsi l'on alteint les grands 
rendements journaliers sans entamer la résistance de l'orga- 
nisme. Parallèlement, le taux de la ventilation va en décrois- 
sant; il doit reprendre la valeur du repos 4 minutes après 
la fin du travail, quel qu'il soit. Les courbes lonographiques 
reviennent aussi à leur amplitude initiale {/ig. 44). 



Toute la science du travail humain est condensée dans ces 
quatre lois, et tout Varl de travailler, et toute l'cducafion 
pliysique, résident dans leur application. Proportionner 
l'effort et la vitesse, régler les intervalles de repos, c'est le 
secret d'une activité normale, exempte de surmenage, et, ce 
qui est mieux, favorable à l'épanouissomenl complet des 
fonctions de la vie. Toul, dans les exercices physiques ou 
intellectuels, est 'question de mesure, de discipline, c'est-à- 
dire à'ordrc et à' harmonie . 



104 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Mais cet ordre et cette harmonie doivent rayonner au 
dedans et au dehors, gouverner la machine vivante intérieu- 
rement comme aussi dans ses relations avec le monde 
extérieur, car la vie est sans cesse influencée par de nom- 
breux agents physiologiques et cosmiques. L'activité humaine 
en est donc tributaire, et nous allons voir par quels liens 
puissants ils tiennent à elle et la commandent. 

XL. — A. Facteurs INTERNES nr travail. — Nos aliments. 
— Aucun moteur ne peut fonctionner et produire du travail 
s'il n'est alimenté coiivejiîablement. Dans le moteur vivant, 
le combustible est appelé alimertt et le phénomène de com- 
bustion porte le nom de nutrition : cVsl, nous Tavons dit, 
une oxydation alTectant les réserves des cellules, « Ce n'est 
pas ce que Ton mange actuellement i\\x\ fournit l'énergie em- 
ployée aux travaux physiologiques de l'organisme, écrit 
Chauveau, mais bien le potentiel fabriqué avec ce que Ton 
a mangé antérieurement (^). » 

Os travaux physiologiques exigent la présence de l'ary- 
gène et de Veau et de diverses substances salines : sels de 
chaux (carbonates et phosphates) et de soude (chlorure de 
sodium), qui consolident le squelette et prennent part à des 
opérations digestives ou d'équilibre humoral. Nos rations 
alimentaires apportent presque toujours les sels nécessaires, 
et les 2 à 3 litres d'eau qu'il faut à un adulte. Elt dans toutes 
se mêlent, en proportions variables, trois matières alimen- 
tailles : les graisses (lard, beurre), les albuminoïdes (œuf, 
viande maigre), et les hydrates de carbone (sucreries, fécu- 
lents). L'expérience a montré que les aliments doivent four- 
nir à notre corps un gramme d^ albuminoïdes par kilogramme 
de poids, afin de réparer l'usure organique. Elle a surtout 
enseigné, confirmée par la théorie énergétique, que le travail 
des muscles, et probablement aussi du système nerveux, 
consomme à peu près uniquement des hydrates de carbone, La 

(^) \\ est impossible de développer ici le probh'me deralimentalion; nous ren- 
voyons à notre ouvrage déjà cité, p. 176-217. 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 105 

véritable source d'énergie utilisable est dans ces aliments 
sucrés, qui dérivent du glycogène accumulé dans le foie. En 
passant de celui-ci aux muscles, ils se transforment en éner- 
gie utile, mécanique, presque sans déchet : 100 calories des 
dits aliments fournissent bien 100 calories de travail dispo- 
nible, soit dans les cellules musculaires, soit dans les cel- 
lules nerveuses. Tout au contraire, les albuminoïdes et les 
graisses sont des combustibles de gaspillage, moins diges- 
tibles que les précédents (*), moins purs, les premiers sur- 
tout, puisqu'ils donnent naissance à des dérivés toxiques qui 
liAtent la fatigue. Ils perdent, en se transformant, respective- 
ment 45 et 15 0/0 de leur énergie utilisable, perte qui se 
retrouve dans une simple production de chaleur, forme 
dégradée de l'énergie. 

Ainsi, plus notre genre de vie est actif, plus nous ferons 
usage d'aliments liydrocarbonés ; et en principe, il y a pour 
le corps un minimum dalhuminoïdes relativement bas, — et 
un minimum plus élevé d'hydrates de carbone. Ici rexcès est 
un avantage, là un inconvénient, parfois un danger. 

Ajoutons (|uo l'aliment provoque mieux les sécrétions 
digestives quand il est assaisonné légèrement ; (|u'il est plus 
digestible sous tel étal que sous tel autre ; nous donnerons 
plus loin quelques indications sur ces faits. La manière dont 
un mets se trouve préparé agit, d'après Pawlof, pst/chique- 
ment, sur l'intensité de la digestion (voir îij 10); les tradi- 
tions culinaires doivent donc être respectées ; il suffit 
d'améliorer la qualité des aliments et de les donner en 
quantité suffisante. 

XLI. — Faim, inanition. — La mauvaise alimentation 
ou son insuffisance dépriment les forces et produisent l'ané- 
mie. Dans V inanition y il se manifeste même des troubles 
nerveux, encore que le cerveau soit, de tous les organes, 
celui qui résiste le plus à l'épuisement matériel. Mais les 

(') Best, Die l'mschau, n» 40; 19H. 



106 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

muscles perdent beaucoup ; par conséquent, c'est l'ouvrier 
qui souffre le plus de lu faim. Il en est de même de Venfant, 
à raison des besoins de la croissance ; l'enfant qui a été mal 
nourri subit une dépréciation que le meilleur des régimes 
ne compensera plus. J'ai trouvé que, pour cette réparation, 
il est avantageux de ne pas dépasser un taux d'albuminoïdes 
de 2 grammes par kilogramme, et de recourir aux hydro- 
carbonés ; en un mot, il faut réparer progressivement, len- 
tement. — J'en dirais autant de la jeunesse qui s'adonne 
ardemment aux sports, et pratique des exercices dont une 
bonne alimentation peut seule compenser les effets et les 
rendre utiles. 

La faim est une sensation défensive, qui débute par un 
tiraillement au niveau de l'estomac, et de fortes contrac- 
tions. Au moyen de ballonnets minces introduits dans cet 
organe, on a enregistré ces contractions et constaté leur 
intensité, leur rythme et leur synchronisme avec celles de 
l'œsophage inférieur ('). La douleur de la faim se répercute 
ensuite sur le pharynx, les tempes, et produit des maux de 
tête — de la céphalée. Elle est plus vive dans les exercices 
de fatigue, surtout en hiver. 

On connaît enfin le cas des boulimiques qui, pour satis- 
faire ieur faim dévorante, sont obligés de manger sans cesse. 
Mais, hors cet état anormal, on doit éviter r excès cT aliments 
et la cuisine raffinée. Nous mangeons malheureusement trop 
et nous varions beaucoup trop nos aliments. Il en résulte un 
surcroît de travail digestif nécessitant une dépense supplé- 
mentaire d'énergie (^) ; l'estomac se dilate, la respiration est 
gênée; il y a souvent des vertiges, de l'insomnie, une accé- 
lération cardiaque ; on devient impropre au bon travail phy 
sique et la pensée elle-même s'obscurcit. L'influence toxique 
de ces repas copieux est absolument incontestable. 

Et, d'autre part, la richesse des excitations alimentaires 
fatigue l'appareil nerveux digestif. « La plupart des mets 

(') Cahlson et LuKiiARDT, Amer. Journ. ofPhysiol., t. XXXIII, p. 126; 1914. 
(•-) Laulanik, Comptes Rendus Biologie, p. 548 ; 1904. 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 107 

raffinés... irritent les organes de la digestion et de la sécré- 
tion d'une façon défavorable(*). » Tout cela se complique de 
désordres plus graves, tels que rhumatisme, goutte, albumi- 
nurie — ou encore obésité, suivant que Talimentation est en 
majeure partie albuminoïde ou grasse. L'abondance de 
nourriture est le défaut éclatant de la société bourgeoise. 

XLII. — Rations alimentaires. — Toujours est-il que, 
pour suffire à la dépense que nous faisons tant au repos 
qu'au travail, pour couvrir les frais d'entretien du corps, la 
ration alimentaire doit se régler sur la masse de ce corps et 
la grandeur du travail musculaire. Pour être une véritable 
ration dentretien, il faut qu'elle puisse réparer l'usure orga- 
nique et maintenir le poids du sujet, La constance de ce 
poids chez l'adulte est donc un témoin de l'intégrité des 
fonctions et de la bonne composition de la ration. En s'abs- 
tenant d'aliments albuminoïdes, on use l'organisme, et son 
poids s'abaisse de 1 0/0 par jour environ ('-). Il faut donc, 
avec les calories nécessaires, une alimentation parfaitement 
appropriée aux besoins physiologiques les mieux définis. 
On doit y trouver le minimum d' albuminoïdes ou protéiques, 
que nous avons fixé à 1 gramme par kilogramme du corps, 
et un minimum dhydrates de carbone dont le taux s'élèvera 
avec l'intensité de notre travail. Les graisses, faiblement 
représentées dans ces rations, seront, au contraire, en plus 
grande proportion par un temps froid. 

Et toujours ces aliments seront préparés de façon à sti- 
muler Vappétit, ce réflexe compliqué par lequel l'âme et le 
corps traduisent leur vie intérieure, et qu'il est bon de 
consulter. Toujours les aliments seront bien mâchés et lente- 
ment ingérés dans le tube digestif. 11 paraît qu'il y avait, 
autrefois, à Rome, des personnes chargées d'enseigner à 
mâcher. Et, plus récemment, les Flelchériens ont fait de cet 
exercice un devoir de haute hygiène. Le fictchérianisme 

{}) E. MiTscHniKOFF, Éludes sur la nalure humaine, p. 379 ; Paris, 1908. 
(2) s. Hataï, Amer. Journ. of Physiol., t. XU, p. 116; 1904. 



108 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

iiiérile mieux qu'une simple mention. En 1890, un riche 
Américain, Horace Fletcher, à peine Agé de 40 ans, résolut 
de se débarrasser d'un mal dont il souffrait beaucoup : 
Yohésilé. 

« 11 était devenu incai)able de s'occuper de ses affaires, 
de fré((uenter les cercles, de vivre la bataille de la vie 
sociale... ; il se trouvait dans un tel désordre physique <|ue 
les (^lompagnies refusèrent de Tassurer... Alors il s'avisa que 
h* désordre de sa machine dépendait spécialement du trop- 
manger^ et il chercha lui-même le inoyen de se soigner : ce 
lui par une alimentation économique. » Il avait composé ses 
rations d'une forte proportion d'hydrates de carbone et 
d'une quantité d'albuminoïdes correspondant à 0^',()0 par 
kilogramme. Le tout ne comprenait ((ue légumes, céréales, 
sucre, lait, et valait 1.600 à 1.010 calories pour un homme 
de 72 kilogrammes ; valeur insuffisante, mais ((ui convenait 
à un sujet devant consommer la surcharge graisseuse de 
son obésité. Remarquons, en effet, ((u'un homme à jeun, et 
au repos complet, fait une dépense minimum de 1 calorie par 
kilogramme-henre ^ d'ajïrès un ensemble d'observations con- 
cordantes (*). Ce (jui donnerait pour Fletcher : 

le X 72 X 2fr — 1 .734 calories. 

Par ce moyen, F'ielcher se refit une admirable santé phy- 
sicjue et morale. Durant toute Tannée 1903, il consentit 
môme à se laisser expérimenter par le physiologiste 
C^iiittenden, et ce fut l'origine de très belles études sur cette 
alimentation hygiénicjue et économique, le point de départ 
aussi du fletchérianisme , car cet homme curieux trouva de 
nombreux et zélés partisans. Ceux-ci disciplinèrent leur 
goût, triomphèrent peu à peu de la tyrannie du palais en 
l'habituant à savourer longtemps des aliments mâchés avec 
patience et qui, plusieurs fois retournés dans la bouche, sti- 
mulent les sécrétions digestives, et finissent par plaire. Le 

(') R. TiEGEHSTEDT, Avc\u iU fisioL, t. vil, p. 426; 1909. 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 109 

raflinemeiil de la cuisine fui, à bon droit, combattu rigou- 
reusement. Il ne s'agissait que de s'entraîner. D'aucuns esti- 
meront excessive une telle gymnastique, cadencée, calculée, 
pour l'acte élémentaire de la inastication. C'est un peu vrai, 
mais je voudrais (ju'elle nous corrigeât de l'excès contraire, 
de la tachyphagie dont nous sommes, à table, les victimes 
souvent inconscientes. 

Concluons donc en indiquant le mode iV évaluation ^i (ï ap- 
propriation de nos aliments, c'est-à-dire les rations qui con- 
viennent à chacun suivant son Age et son genre de travail. 
Dans ce livre, à la fois simple et pratique, je m'interdirai 
toujours de donner des conseils impossibles à suivre. Les 
meilleurs sont ceux-là qui respectent la vérité scientifique et 
lui gagnent des suffrages. X'im|)Osons pas trop les chaînes 
du laboratoire à cette chose mouvante qu'est ïéducation. 



liO 



ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 



TABLEAU DES RATIONS ALIMENTAIRES 

(Nombre de calories par kilogramme de poids du corps et en 2i heures) (*). 

i*" Travaux intellectuels et travaux légers (écrivains, gens 
de laboratoires ou de bureaux, membres de renseignement, ecclé- 
siastiques, bijoutiers, tailleurs, couturières, etc.) : 

30 calories (de préférence pâtes, légumes frais, lait, poissons^ 
délicats, pâtisseries), dont le dixième en albuminoïdes. 

2** Travaux moyens «ouvriers d art, boutiquiers, coiffeurs, tein- 
turiers, cheminots, employés de magasins, domestiques, etc.) : 

36 calories (mêmes observations que ci-dessus, et usage modéré 
de pain, très modéré de viandes : 73 grammes par jour, légumes 
secs). 

3° Travaux de fatigue (soldats, marins, hommes de peine, 
ouvriers de port, mécaniciens, manœuvres, terrassiers, cultiva- 
teurs, etc.) : 

50 à 70 calories^ suivant la quantité de travail (mômes observa- 
tions que ci-dessus, cl usage de pain, pommes de terre, fruits tels 
que pruneaux, châtaignes, figues, raisins frais ou secs, et pas plus 
de 200 grammes de viandes). 

Table des aliments usuels (^) 



100 GHAM.MES DALIMKNTS 



Abricots frais 

Amandes sèches 

Artichauts do Paris (fond) 

Asperges. 

Bananes de Paris 

Beurre d'Isigny 

I (^œur 

Bœuf ! Rognons 

( Graisse 

Cacao du ('.ongo 



HYORATKS 
de 

CARBONE 



grain rocs 

8,tO 

18,00 

13,07 

4,72 

21, im 

0,00 

2,20 

2,54 

0,00 

30,25 



GRAISSK5 



grammes 

0,12 

5V,20 

0,21 

0,41 

0,09 

83,58 

4,8'f 

1,82 

9J,94 

42 , 40 



[•ROTKigl >:: 



grammes 

0,48 

18,10 

3 , 68 

3,38 

1,H 

2,52 

15,25 

10,30 

0,76 

11,35 



POUVOIR 

CALORIKI<^i;iC 



calories 

36,06 
641,23 

70,00 ! 

36,94 

96, ,51 
770,91 
115,59 

93,81 
830,67 
556,40 



(») En hiver, augmenter toutes res rations 'du f/unrl. — On choisira et calcu- 
lera les rations d'après la lahle suivante. 
(2; Sauf indication spéciale, ce sont dos aliments frais, achetis à Paris. 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 



lii 



Table des aliments usuels (suite). 



100 GRAMMES D'ALIMENTS 



Cacao de New-York (*) 

Carottes 

Carpe 

rprisps \ douces 

Cerises j ^^.^^^ 

Champignons de couche 

Châtaigne (») 

Cheval (filet de) 

Chicorée (scarole) 

Chocolat I MeïeT(3^ 

Chou-Ueur (lleurs) 

Chou de Bruxelles 

Couscous ( *) 

Crème de Saint-Julien 

Dattes 

Doura (sorgho d'Afrique). . . . 

Ëpinards 

Fèves décorticiuées sèches. . . 

Figues sèches 

Foie de veau 

Fraises des bois 

Fromages ! fjameinbert: . . . . 

® j Gruyère 

( Roquefort 

"""•engsîfi^i;::::;:::;; 

Haricote \ ^««"^v •. ;•• 

( secs !Soissons) . . . 

Huîtres 

Jambon (Pâté de) 

Lait de vache 

Laitue ^romaine) 



HYDRATES 
de 

CARBONE 



grammes 

37,70 
9,50 
0,52 

14,12 

11,97 
3,68 

33,16 
1,44 
4,02 

62,65 

68,90 
4,89 
9,62 

85,40 
1 , 60 

67,10 

52,50 
5 , 58 

54,41 

5:^,67 

1,83 
8,85 
4,85 
5,95 
1,79 
3,00 
0,46 
0,71 
4,17 
53,68 
7 , 33 
0,73 
4,83 
1,74 



GRAISSES 



grammes 

28,90 

0,19 

3,56 

0,09 

0,40 

0,32 

0,89 

2,95 

0,10 

25,50 

21,00 

0,38 

0,58 

2,07 

26,52 

0,06 

0,44 

0,33 

1,35 

2,10 

7,13 

0,99 

22,45 

21,65 

26 , 95 

38,30 

4,80 

14,97 

0,28 

1,44 

1,43 

33,83 

4,12 

0,15 



PROTÉIQUES 



grammes 

21,60 

1,19 

15,34 

1,02 

1,26 

4,50 

2,47 

21,95 

1,04 

8 , 35 

8,75 

3,51 

3,80 

9,80 

2,58 

1,96 

8,33 

4,06 

27,32 

2,26 

19,12 

1,36 

19,94 

18,72 

36,06 

25,16 

17,23 

51,62 

1,99 

20,18 

8,70 

18,60 

3,23 

0,92 



POUVOIR 

CALORIFIQUE 



calories 

506,12 

.45,56 

97,42 

62 , 89 

57,88 

36,45 

154,18 

1 22 , 74 

21,65 

523,10 

514,83 

37 , 90 

60,30 

409,16 

258,47 

283,69 

253,40 

42,53 

347,38 

248,42 

150,78 

50.87 

305 , 93 

298,16 

400,43 

464,00 

116,21 

350,74 

27,86 

315,93 

78,74 

387,10 

70,54 

12,27 



(0 D'après Atwater et \Vood8, Bullttin de Washin{/ton, n« 28, p. 41; 1806. 

î*-') 11 s'asil des chftlaiKnes du Limousin, qui sonl les plus abondantes; la châtaigne 
est un aliment important dans plusieurs d«éparlemenls (Centre et Midi); la France en 
produit quatre millions de quintaux environ. 

(3) Le chocolat renfenne du cacao, qui lui fournit un principe alcaloidique, excitant 
neuro-musculaire, la caféine; ilv a 0,16 0/0 de caféine dans le cacao, et 18^'^0 par 
100 grammes de chocolat Menier, d'a|»n's nos renseignements peraonnols. Le chocolat 
américain est très riche en graisse»; voici sa compositicm : hydrates de carhone *^tt,80; 
graisses, 47,10; prolèiques, T^.JO. C"e*l un pouvoir calorilique de ;»H<K»'.'i4 (Alwalor et 
AVoods. Bulletin n« 28, p. 41). Mais le pouvoir calorifique ne r.'naeigne pas sur la qualité 

d'un aliment. ., . .«,., ,^ • j/mr. n . . 

(4) Jules Amar. Le /{endement dr la Machine htonatne, p. o0-51. Pans, 100'). 11 s agit 
de matière d»'sséché<'; mais il v aune humidité moyenne, à l'elat frais, de 08 0,0, el 
une acidité de 7'-:'..') 0,0 'état sec) en acide sulfurique normal. 



112 



ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 



Table des aliments usuels {suite). 



100 GHAMMËS D'ALIMENTS 



, . ( cuisse 

L*^P»° î lilet 

Lentilles sèches 

Lièvre (cuisse) 

Macaroni (*) 

Maquereau 

Marrons 

Melon (cantaloup) 

Merlan 

Mouton (gigot) 

Navet 

Noisettes sèches 

Noix 

Nouilles, .r 

(*:uf de poule 

Oie crasse 

Oseille 

I en (Irtte 

Pain ) ^^ ferme (*) 

1 de munitions (-*) 

( viennois 

Pèches 

Poires 

Poiî-il^»'* 

( secs 

Pommes (fruits) 

Pomme de terre ordinaire. 

Porc (cuisse) 

Poulet (cuisse) 

Pruneaux (pulpe i 

Raie 

n ' • i frais (chasselas) . 

1^^»^»°^ î secs.. 

Riz blanc 

Rouget 

Sardines fraîches 

Saumon 

Sole 

Tomate rouge 

Tripes de Gaen 

carré 

Veau { cervelle échaudée.. 

épaule 



HYDRATES 
de 

CAHBONE 



GRAISSES 



grammes 


gran: 


0,77 


3, 


1 


,90 


1, 


:i6 


.07 


1, 


2 


,:i5 


3, 




.70 


0, 





,28 


15, 


32 


rl7 


1, 


3 


»72 


0, 


1, 


,25 


0, 


2, 


,36 


6, 


5, 




0. 


13, 


,22 


61, 


17, 


.57 


41, 


75, 


,21 


0, 


1 


,43 


11. 





r\% 


18, 


3, 


57 


0, 


01. 


59 


0, 


.^8 


,04 


0, 


53, 


,58 


0, 


57. 


29 


0, 


10, 


36 


0, 


9, 


93 


0, 


r*. 


02 


0, 


57, 


76 


1, 


14, 


41 


0, 


17, 


:i8 


0, 


1, 


58 


3, 


1, 


16 


10, 


71, 


44 


0, 


0, 


17 


0, 


17, 


69 


0, 


76, 


70 


0, 




22 


0, 


2, 


29 


0, 


0, 


57 


2, 


0, 


08 


20, 


1, 


11 


0, 


2, 


92 


0, 


4, 


73 


16, 





,92 


2, 


0, 


,12 


16, 


1, 


22 


4, 



14 
97 
4:*) 
34 
65 
04 
08 
11 
46 
53 
06 
16 
98 
60 
04 
85 
40 
24 
40 
40 
11 
48 
04 
24 
40 
06 
04 
10 
95 
40 
45 
38 
56 
30 
98 
33 
00 
81 
10 
79 
28 
33 
08 



PROTÊIgUES 



grammes 
23,49 



18 
23 
29 
10 
15 

3 


16 
17 


15 
11 
11 
11 
14 

2 

7 

8 

7 





4 

20 

1 

1 

20 

17 

2 

22 





8 

22 

22 

17 

17 



19 

20 

13 

22 



66 
04 
88 
89 
67 
15 
60 
15 

m 

47 
58 
05 
58 
59 
24 
74 
99 
25 
05 
03 
86 
24 
47 
56 
44 
71 
30 
19 
37 
08 
49 
45 
89 
85 
12 
65 
26 
89 
06 
40 
26 
27 



POUVOIR 

CALORIFIQUE 



calor 

126 

102 

337 

163 

361 

202 

154 

18 

75 

142 

25 

674 

499 

361 

153 

232 

29 

279 

271 

254 

264 

50 

42 

78 

335 

65 

79 

117 

174 

306 

95 

78 

313 

347 

112 

114 

254 

82 

16 

250 

108 

203 

133 



«s 

81 

22 

55 

36 

02 

26 

64 

71 

53 

32 

31 

64 

36 

30 

85 

30 

51 

26 

33 

14 

71 

37 

06 

00 

85 

53 

45 

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58 

26 

32 

00 

41 

58 

00 

23 

69 

69 

53 

33 

16 

46 

43 



(i) I^cs difTérentes pâles ■, macaroni, nouilles, vermicello) ont 9en$ibiement la même 
composition, celle des sembulert. 
C-i) Vieux de cinq jours. 
(■<) A. Ballanu, iicrufi de l'intendance^ p. 031 ; 1007. 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 113 

XLIIl. — Observations et cas particuliers. — En géné- 
ral, il est bon de faire prédominer les alinients végétaux dans 
tous nos repas, sans les employer exclusivement, sans 
exclure par exemple les œufs, lait, poissons délicats (sole, 
merlan, brochet). 

On veillera soigneusement à la bonne <|ualilé des aliments. 
11 devrait v avoir un contrôle très sévère des restaurants, 
car les ouvriers surtout sont exposés à se nourrir souvent 
d'alimenls avariés, au détriment de leur santé. Le bon mar- 
ché ne doit, en aucun cas, servir d'excuse à la fraude, ici 
moins que jamais. 

h'enfant, après la période iV allaitement, doit consommer 
beaucoup à cause de la croissance. Le lait malerncd lui sera 
toujours avantageux, sinon le lait de vache bouilli et légère- 
ment dilué avec une solution de lactose à 10 0/0. Ensuite 
on aura recours à la panade; au bout de 18 mois, on don- 
nera du bouillon de viande, du poulet haché menu, de la 
jmrée de pommes de terre, des confitures. A cet âge, comme 
plus tard pour l'adulte, il faut veiller au poids du corps ; 
constant chez l'un, progressivement croissant chez l'autre. 
Mais le régime du nofniisson demande une surveillance 
compétente ; en cas de chloro-anémie, dyspepsie ou catarrhe 
<les intestins, on n'hésitera pas à consulter un spécialiste. 

De Tàge de 2 ans à celui de 9 à 10, l'enfant absorbe /m/' 
kilogramme 90 à 70 calories, soit 2 à 3 fois pluscpie l'adulte. 
On ne saurait, sans danger, réduire sa consommation et son 
activité, car ses organes se forment et apprennent à fonc- 
tionner. Education n'est pas limitation. 

A l'autre versant de la vie, chez les vieillards, la fonction 
digestive s'affaiblit et la dépense d'énergie diminue peu à 
peu. Il faut alors éviter de fatiguer l'appareil gastro-intesti- 
nal et lui donner des aliments qui se digèrent bien : fécu- 
lents, nouilles et macaronis, viandes blanches très tendres, 
légumes frais et compotes. La sobriété ici est une nécessité, 
sobriété que l'on étendra à toutes les causes d'excitation 
pour ne pas mettre à l'épreuve le système cérébral. Cette 

OKOANISATION PllYSIOLOtilQUB DU THAVAIL. S 



114 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

économie d'aliments et de stimulants prolonge la vie; on 
connaît Fexemple du gentilhomme vénitien Louis Coniaro 
(1464-1566) ([ui poussa l'économie alimentaire jusqu'à la 
parcimonie, et à 94 ans ! prêcha sa doctrinedans un ouvrage 
« plein de bon sens et d'esprit (^) » : Melodo di vitere a lungo, 
ou Discorsi délia vita sobria (Padoue, 1558). Malade jusqu'à 
Tàgc de 40 ans, ayant abusé de la vie, il réussit à rétablir 
complètement sa santé et à se passer, grAce au régime qu'il 
s'était imposé, de toute espèce de médication. Presque cen- 
tenaire, il eut même un procès qui lui causa du chagrin sans 
l'ébranler, et il fit une chute de voiture qui ne laissa aucune 
trace. « C'est ce qui fait voir clairement, écrit-il, que ni la 
mélancolie, ni les passions de l'Ame ne peuvent causer de 
fAcheux effets en ceux qui vivent de régime... et que la plu- 
part des accidents ne seraient pas fort dangereux. »{Loc, cif., 
p. 49, 53.) 

Il n'entrait pas dans notre plan de traiter, môme en pas- 
sant, des régimes et de la science qui les adapte à l'état des 
malades. La diététique est placée comme au carrefour de la 
physiologie, de la pathologie et de la thérapeutique; elle ne 
saurait être ravalée à une des formes de l'art culinaire. Dès 
qu'un malade a reçu l'avis éclairé de suivre un régime déter- 
miné, il devra faire effort pour s'y soumettre. L'ordre et la 
mesure gouvernent l'univers entier. Singulière prétention que 
de vouloir en affranchir notre vie végétative ! 

XLIV. — Nos boissons. — L'alimentation, au sens vrai 
de ce mot, comprend aussi la boisson qui, pour une très large 
part, est rei)résentée par les liquides entrant dans nos ali- 
ments. 

Ueau est incontestablement la boisson naturelle et hygié- 
nique par excellence, parce qu'elle est un des éléments cons- 
tituants des êtres vivants. On oublie trop que le but de la 

('^ Appréciation de Addison 'Joseph), dans Le Spectateur du 13 octobre 1711 
(Introduction de la traduction anglaise du livre de Cok.naiio, The Art of Living 
Long^ p. 21 ; édition de 1903). 



I 

LES FACTEURS DU TRAVAIL 115 

boisson est essentiellement un but physiologique, auquel ne 
satisfait aucun autre liquide que l'eau : l'organisme s'efforce 
à conserver un taux invariable d'hydratation ('). Encore 
faut-il que l'eau soit saine, non surchargée de sels, ni infec- 
tée de microbes. // est toujoKrs avantageux de la faire bouil- 
lir et de la mettre f24 heures dans la cave. On est ainsi à l'abri 
de toute contamination, et certain de boire une eau agréable 
au goût, — D'autre part, elle favorise la digestion, spécia- 
lement celle des graisses et dos hydrates de carbone (^). Elle 
désaltère à coup sûr, car la soif est une sensation résultant 
du manque d'eau comme Vappétit est une sensation qui 
annonce la fai?n, le besoin d'aliments. L'une et l'autre ont 
pour origine un trouble de l'état dynamique cellulaire, ce 
<jui entraîne des ébranlements du système nerveux. 

L'usage a, malheureusement, prévalu d'estimer les //ywirf^.s 
alcooliques au môme titre que l'eau, et presque tout le monde 
en consomme. C/est une erreur absolue. L'alcool est, avant 
tout, un combustible; il fournit plus de 7 calories par 
gramme ; il peut, à la dose de 50 à 60 grammes par joir, 
procurer de la chaleur à l'organisme, et décharger en partie 
de ce soin les aliments usuels. Mais il ne doit jamais être 
considéré comme une source prochaine d'énergie supérieure, 
ni mécanique, ni psychique. 

Surtout, on ne saurait perdre de vue ses e/fets toxiques, 
auxquels est particulièrement sensible la cellule nerveuse. 
Les vinSj bières et cidres, les produisent à raison de l'alcool 
qu'ils contiennent: par contre, les spiritueux y ajoutent la 
terrible influence des essences stupéfiantes qui entrent dans 
leur composition ; et de môme que Y absinthe — aujourd'hui 
interdite définitivement grâce au zèle éclairé de M. Ribot — 
il convient de les défendre, ou tout au moins d'en restreindre 
la vente. Les autres boissons alcooliques peuvent être auto- 
risées sans qu'il y ait danger grave, et pourvu que la con- 
sommation journalière ne dépasse guère un demi-litre de vin 

(^) Tehroi.xe, Comptes Rendus Biologie, 28 mars 1914. 

(îJMATTii.LetnAWK, The Journ.ofUie Amer. Chem,Soc., t. XXXIII, p. 1978; 1912. 



J 



116 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

OU un litre de bière ou de cidre. Une doclrinc hygiénique, qui 
préconiserait de. tels principes, sérail comprise de toul le 
monde et Iriompberail à la longue de ce mal hideux qui a 
nom : alcoolisme {^). 

XLV. — Effets de ralcoolisme. — Il est utile également 
de décrire les ravages de c(* mal. « Le meiMeur moyen de se 
garantir de l'ivrognerie, disait Anacharsis le Scythe, phi- 
losophe grec du vr siècle* avant notre* ère, c'est de se repré- 
senter la dégradation des yens ivres. » 

Je passe sur c(*lle déchéance morale; mais l'aulre! Tout 
\ appareil digestif est irrité ; ses sécrétions s'accumulent ; 
peu à peu rirritalion fait place* à un ulcèn* ([ui perfore l'esto- 
mac. La « pituite* matinale » esl le pre'inieM' sympteime de* ce* 
processus. Kyrie et Schopper (-) ont constaté que l'alcool 
de vin, employé à la ele>seî de 100 à HO grammes pour un 
adulte, elétermine le's ulcérations gastrique^s, la congestion 
et la dégénération du fe)ie, pour conduire à la cirrhose hépa- 
tique. Le foie, ce magasin de* glycogène où les muscles se 
ravitaillent par l'inteTmédiaire du sang et ((ui contribue à 
la i)roduction de chale*ur de Torganisme, s'altère profonde'^- 
ment, il de*vie*nt lihreux e't dur, et cesse de remplir ses mul- 
tiples fonctions. 

S'agit-il de* Vappareil circulatoire ? L'alcool exe*rce sur le 
cerur une action elépre*ssive: la puissance contractile de cet 
organe tombe rapide*ment; il n'a. plus ni son effort normal ni 
sa capacité ordinaire de travail; se*s mécanismes nerveux 
régulateurs sont abolis elès la dose de 2 grammes par kilo- 
gramme d'animal (•^); la fréquence des battements diminue, 
et Finlluence dépressive s'accuse par un re^pos diastolique 
prolongé ('•). 

(>) J'ai donné dans Le Moteur humain, p. 198, 283 et 596, tous les arguments 
de fait et de doctrine sur lesquels s'appuient mes conclusions. 

(•-) Kyrie et Schoppeu, Arch. f. Path. Anal. u. Phys., t. CCXV, p. 309 ; 1914. 

(») Pektimalli ctDi CHRiSTiNA,ylrc/iii;. d. Fisio/., t. Vill, p. 131 ; 1910. 

(*) Chistoni, Arch. int. de Phf/siol., t. XIV, p. 201 ; 1914; — Galeotti et Di 
JoRio, Arch. di Fisiol., t. XII, p. 401 ; 1914. 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 117 

La dégénération du cœur peut entraîner la mort; les vais- 
seaux sont, d'ailleurs, moins élastiques, et leur rupture a lieu 
fréquemment : d'où les hémorragies foudroyantes. A cet 
égard, on observe, comme aux confins de la vieillesse, une 
dégénération des tissus, leursclérification, rartério-sclérose. 
Les observations de Lian (*) ont conclu à l'hypertension arté- 
rielle chez tous les grands buveurs. 

Enfin les troubles nerveux, Lussana, qui expérimenta avec 
des doses moyennes de 2 grammes par kilogramme, vit 
s'afi'aiblir la tonicité musculaire et les mouvements réflexes, 
ce qui est Teffet d'une dépression nerveuse (^). Et quand on 
recherche la présence de l'alcool dans les organes, on cons- 
tate qu'il se localise de préférence dans le cerveau, dans le 
bulbe, arrêtant finalement le jeu de la respiration et produi- 
sant l'asphyxie (^). La mort des alcooliques est souvent une 
mort asphyxique et soudaine. 

On observe d'autres manifestations de l'alcoolisme, qui 
sont les plus connues : tremblement caractéristique des 
mains, maux de tête, vertiges, crampes, hallucinations des 
sens, cauchemars, et surtout le delirium tremens, crise vio- 
lente où la conscience s'évanouit et rend l'homme capable 
de tous les crimes. Même quand il est encore éloigné de cet 
état aigu, le contrôle de ses sensations et l'association de ses 
idées sont moins bien assurés; l'esprit est flottant; on est 
diminué moralement et physiquement. 

L'alcoolique résiste peu aux maladies infectieuses ; c'est 
sur lui que s'acharne la tuberculose^ c'est en lui que s'accu- 
mulent toutes les tares et les germes de morbidité que, par 
une loi physiologique fatale, il léguera à sa descendance (*); 
ses enfants, débiles, atrophiés ou idiots meurent en bas âge. 
Ne serait-ce pas à cette loi cT hérédité que les premiers législa- 
teurs avaient songé lorsqu'ils annoncèrent aux coupables 



(>) C. Lian, Bull. Acad. de Médecine, du 9 novembre 1915. 

(•-) Ldssaîia, Arch. di FisioL, t. X, p. 269 ; 1913. 

<»; Sabbataxi, Ibid., t. VU, p. 49-80 ; 1909. 

(*; Stookard et Papamcolaoi', The American Saluralisl, t. L, février et mars 191C. 



118 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

humains que Dieu les punirait dans leurs descendants jus- 
qu'à la quatrième génération!... L'alcoolique est impropre 
aux travaux qui exigent deVattenlionei de la délicalesse,de 
la précision dans les mouvements. S'il se blesse, s'il a une 
fracture, sa guérison est longue et difficile. 11 est bien plus 
vite à charge à la société. Comment la société pourrait-elle 
ne pas le traiter avec mépris? [Voir, sur l'organisation de la 
lutte antituberculeuse et antialcoolique, un bel article d'Al- 
bert Robin ('), et une discussion très intéressante entre 
Chauveau et Landouzy ('^).j 

XLVI. — Conditions physiologiques. — L'organisation 
du travail est fondée aussi sur les aptitudes individuelles et 
l'état général de l'organisme (voir chap. ii). Un examen mé- 
dical attentif permettra de savoir si la profession que l'on 
veut suivre s'accorde avec les ressources physiologiques. 
Les travaux intellectuels et ceux de vitesse épuisent l'énergie 
nerveuse cérébrale, surtout quand il faut les prolonger. Les 
penseurs dont la santé est faible, dont le potentiel nerveux 
est bas, sont contraints de couper leur travail par de fré- 
([uents repos et de ne pas entreprendre une œuvre de longue 
haleine : le lien qu'ils doivent mettre entre leurs idées, les 
proportions à établir entre les parties d'un tout immense et 
complexe, les obligeraient à un effort d'attention dont ils ne 
sont pas capables. Pour pou qu'ils s'obstinentdans cet effort, 
des troubles de l'ouïe et de la vue, une impatience de neu- 
rasthénique les avertissent du danger, la neurasthénie 
n'étant qu'une forme de l'épuisement nerveux. Dans les 
exercices manuels, ces troubles affectent la coordination des 
mouvements : le sporlsman cesse d'avoir un jeu assuré; 
les dactylographes, sténographes, typographes manquent les 
mots; les couturières « ratent » les points. Leur sensibilité, 
en général exquise, ne peut être suppléée par la volonté ; il 

(M A. Robin, BulL Acad. Méd., 15 juillet 19.3. 

(•-) A. Chauveau, C. H. Acad. Sciences, t. CLXII, p. 800 et 932 ; juin 1916. — 
L. Lanoouzy, ibid., p. 903 et 967. 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 119 

y faut donc une disposition organique. De ces exercices, les 
alcooliques doivent être écartés absolument. J'en dirais 
presque autant des sujets ané7niqiies. Dans les travaux de 
force, les luxations, entorses « coups de fouet », déchirures, 
sont assez fréquents ; il y faut une constitution robuste, 
exempte de tares qui prédisposent aux accidents. Ne con- 
viennent pas à ce genre de travail les alcoolique, parce que 
leur myocarde est déprimé et sujet aux défaillances ; les 
diabétiques, parce que leur puissance musculaire est réduite 
au moins de moitié (*) ; les grands tuberculeux, les her- 
nieux, etc. Il est clair que les blessés de la guerre et les ac- 
cidentés du travail, les premiers tout spécialement, devront 
faire l'objet d'un examen qui suppute leur degré de résis- 
tance physiologique à la fatigue. 

On doit écarter des travaux durs les enfants qui n'ont pas 
atteint dix-huit ans, et les femmes, car ils manquent de la 
force nécessaire, vu leur maigre musculature. Ces dernières 
sont aflaiblies par les menstruatiofis (règles) et la grossesse; 
les douleurs, la lassitude des lombes et des jambes per- 
sistent 4 à 5 jours après chaque menstruation. Et du fait de 
la grossesse, l'utérus envahit l'espace sous-diaphragmatique, 
comprime le cœur et diminue l'amplitude des respirations. 

Les muscles tlioraciques sont en contraction forcée, ce qui 
met dans un réel état de fatigue permanente, ajoutée à un 
ralentissement de la nutrition. Durant cette période, le 
milieu industriel est funeste aux femmes, car elles sont 
devenues très sensibles aux substances toxiques et aux 
germes infectieux ('), lesquels, en passant du corps de la 
mère à celui de Tenfant, seront pour ce dernier une cause 
de dépérissement ou de mort. C'est ici ou jamais que l'hygiène 
sociale exercera utilement sa prévoyance, en préparant la 
résistance de la race et organisant la prophylaxie. 

L'attention se portera enfin sur l'état de nos sens, rare- 



(1) DuccESciii et Albakenque, Archiv. di FisioL, t. VIII, p. 589-600; 1910. 

(2) Lbwin, Berl. Klin. Wochensch., p. 701 ; 190.j. 



120 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

ment parfait. 11 convient de corriger la vision des myopes 
pour qu'ils n'aient pas à se pencher sur leur ouvrage; sinon 
le corps se déforme [scoliose des écoliers) et se fatigue dans 
une plus large mesure. L'horizon des myopes est borné ; les 
lentilles concaves semblent l'agrandir et l'éclairer ; ils mo- 
difient alors leurs attitudes, rectifient leurs mouvements, 
apprécient lîiieux les proportions relatives des objets. — Cette 
correction est indispensable aux bijoutiers, ciseleurs, gra- 
veurs, typographes — aux écrivains, aux écoliers. 

La vision des coulenrs demande à être surveillée chez les 
peintres, décorateurs, teinturiers, conducteurs de trains. La 
personne qui néglige cet examen de la vue peut s'attendre à 
des déboires nombreux. 

h'onïe donne à l'ouvrier son allure normale comme elle 
donne la note au chanteur, le Ion à l'orateur; elle rvlhmela 
phrase. Elle règle aussi le mouvement des outils dont l'ac- 
tion est périodique (rabots, scies, limes, etc.). Les forge- 
rons, terrassiers, par exemple, frappent de leurs marteaux 
sans que ces instruments se rencontrent. L'audition In-auri- 
ciilaire contribue à situer exactement Torigine des sons; 
elle est d'ailleurs beaucoup plus fine que si une seule 
oreille entendait. — 11 importe, enfin, à certaines profes- 
sions que ceux qui les exercent aient un odorat bien aiguisé. 
Tels les pharmaciens, œnologistes, marchands d'huile, 
cuisiniers. L'odorat peut s'affiner à l'usage, comme il se 
fatigue sous l'inHuence continue des odeurs (cas des mégis- 
siers, égouttii^rs). 

On poursuivrait encore l'exposé du sens du toucher^ mais 
il en a été parlé incidemment et nous y reviendrons au sujet 
des aveugles ; c'est donc assez pour clore ce bref aperçu 
sur les facteurs internes de l'activité humaine. 

XLVII. — B. Factkirs exterm:s di: travail: milieu atmos- 
piiKiuyiE. — Je serai, pour la même raison, parcimonieux 
de détails sur Ic^s facteurs externes, dont le j)rincipal est la 
température de Cair, Ouand celle température s'abaisse, les 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 121 

échanges respiratoires sont activés, la production calorifique 
augmente et permet à notre corps de rester à son niveau 
thermique normal. C'est par l'intermédiaire des contractions 
des muscles cutanés, du frisson (Ch. Richet) que ce phéno- 
mène de suractivation a lieu; il est d'origine réflexe péri- 
phérique (^). A mesure que la température extérieure s'élève, 
on a moins hesoin de cette thermogénèse. Dès 20°, l'orga- 
nisme entre dans la zone des températures indifférentes, et 
le minimum d'échanges respiratoires correspond à 27** ou 
28° ('). Mais, par suite de l'effort de contraction des muscles, 
et sous peine de le diminuer beaucoup, il ne faut pas tra- 
vailler dans un milieu chauffé au delà de 18°. En été, ou 
dans les climats chauds^ les muscles sont rapides, mais 
incapables d'action soutenue; c'est la fibre elle-même qui est 
déprimée, car les centres nerveux sont peu affectés par des 
températunvs de 35 à 40° (^). 

Les déchets toxiques deviennent abondants; il y en a 
dans le sang, la sueur, les urines. Il est alors nécessaire de 
nettoyer l'intérieur des organes par une alimentation végé- 
tale sobre et par l'usage de boissons où domine l'eau, 
comme aussi de netlover l'extérieur en lavant souvent et 
proprement la surface cutanée. 

En hiver, ou dans les climats froids, les mouvements sont 
paresseux, lents, mais capables d'une action soutenue; les 
réactions nerveuses manquent de vivacité, et il arrive que 
Touvrier coordonne mal ses gestes et les nuance sans déli- 
catesse. J'ai constaté, dans plusieurs ateliers, que le meilleur 
travail se développe dans une température de l^i à / /°, quand 
les pièces sont vastes et bien aérées. Les bureaux et appar- 
tements doivent être chauffés à 17-18". Pour les personnes 
tenues au repos, il est utile que la température de l'air ne 
s'abaisse pas au-dessous de 17°. 

L'atmosphère nous soumet, d'ailleurs, à des inlluences 

(*) Sjostrôm, Skand. Arrh. f. Pfiysiol., t. XXX, p. \ : 1913. 
(•^) loxATius, Llnd et WÂRRi, ibid., t. XX, p. 226: lb08. 
{*) Bi(0€A et RiciiET, Avcli. de Vlvjsiol.^ p. 811 ; 1897. 



122 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

variées : pression bar orné trique ^ état hygrométrique (humidité 
ou sécheresse), courants aériens, poussières, etc. Les inconvé- 
nients qui en résultent sont multiples. C'est à l'excès de 
chaleur et d'humidité qu'il 'convient de remédier, dans les 
lissages etfilatures, en utilisant des ventilateurs appropriés; 
autrement, de graves accidents se déclarent dans l'économie: 
la transpiration diminuant en milieu chaud et saturé, il 
s'ensuit une rétention des substances toxiques dans le sang, 
un empoisonnement que trahit l'aspect anémié des travail- 
leurs des filatures, et leur moindre résistance aux infections. 

L'influence de la pression barométrique et de Valtitude est 
également intéressante; mais c'est une question complexe 
pour laquelle nous renvoyons à notre ouvrage [Le Moteur 
humain, p. 322-332). Et le froid ajoute son effet à celui de 
l'altitude : l'organisme est, par eux, affaibli ; la fatigue sur- 
vient rapidement; et tandis que le cœur demeure normal, 
avec une pression artérielle constante (^), on voit au con- 
traire la puissance musculaire s'abaisser et les centres ner- 
veux fonctionner irrégulièrement (^). Un ingénieur a même pu 
écrire qu'à 5.000 mètres d'altitude, « une mine de louis d'or 
tout battus ne serait guère exploitable ». 

Nous signalerons aussi le cas du travail dans Yair com- 
primé, pour les ouvriers des cloches à plongeurs et les sca- 
phandriers. Il donne lien à la « maladie des caissons ». La 
respiration se ralentit; l'air comprimé se dissout dans le 
sang en plus grande masse, et, en le quittant au moment de 
la décompression, se dégage dans le tissu cellulaire. Il en 
résulte des démangeaisons, des piqûres et parfois des tumé- 
factions. L'instant le plus redoutable est celui de la sortie 
du caisson. « On ne paie qu'en sortant. » Les embolies 
gazeuses sont plus dangereuses et plus fréquentes chez les 
sujets gras ; elles peuvent être mortelles. 

A la plongée, c'est un tintement dans les oreilles, quelque- 



(1) GuiiXEMAiiD cl Regmeh, G. fl. Ac. Se, 8 novembre 1913. 

(2) A. Mosso, risiol. de l uomo suite AIpi, p. 7, 11; Milano, 1897 (2" édit, 1910). 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 123 

fois douloureux, et que l'on fait disparaître par un mouve- 
ment de déglutition. Durant le travail, on éprouve une cer- 
taine difficulté de mouvement, et comme de la rigidité aux 
articulations. 

Enfin, la pression artérielle augmente de 1 à 3 centi- 
mètres (^), et dénote un excès de travail du cœur; il y aune 
disposition marquée à la fatigue. Le sang présente les carac- 
tères de l'anémie : diminution du nombre d'hématies et de 
la dose d'hémoglobine, persistant môme quand le travail a 
cessé ; ce qui est Tindice d'un certain trouble de l'hémalo- 
poiese (-). 

XLVIII. — Vêtement. — Contre la température nous 
nous défendons en nous couvrant plus ou moins ; mais 
contre les variations de pression atmosphérique et l'humi- 
dité, nous sommes mal protégés. 

Le choix du t;<?/^m^n/ doit satisfaire à une triple condition : 
soustraire le corps au froid ou à l'ardeur du soleil, — per- 
mettre une facile transpiration cutanée, — et laisser aux 
membres toute leur liberté. 

La laine est le tissu hygiénique par excellence; toutefois, 
en été, on peut recourir à la flanelle de coton blanche, qui 
absorbe très peu les rayons solaires, et s'oppose à une 
rapide évaporation de la sueur. Les ouvriers qui exercent de 
rudes métiers feraient sagement d'employer toujours des 
vêtements de laine plus ou moins légers. Il faut remplacer la 
ceinture par des bretelles élasti([ues, et ne pas se serrer dans 
un vêtement qui gêne la circulation et la respiration ; une 
ceinture bien sanglée empêche les efforts soutenus et dimi- 
nue l'amplification thoracique. Est-il nécessaire d'ajouter 
que la propreté du vêtement concourt à la santé de celui qui 
le porte, et montre qu'il est soigneux, attentif, ordonné. 

XLIX. — Distractions. — Spectacles. — Repos. — 

(>) A. Javal, C. R. Ac. Se, 22 novembre 1913. 

(2) SoLOVTSOv, iiousski Iralch, t. XIII, p. 511, 616; 1914. 



i2i ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Nombreux les fadeurs externes que je ne puis mentionner 
dans cet aj)ei\'u, et qui favorisent ou contrarient Tactivité 
humaine. Mais je voudrais dire un mot des distractions et 
spectacles ; ils sont utiles; ils sont même nécessaires; dans 
Texistence uniformément dure de Touvrier, ce sont de véri- 
tables reconstituants nerveux ; les excitations qu'ils apportent 
aux sens déterminent un renforcement des réactions mo- 
trices musculaires. Si, comme on s'en est assuré expérimen- 
talement, ces excitations sont parfois désagréables, inhibi- 
toires, l'ouvrier les fuit. Par conséquent, tout spectacle 
recherché, et qui n'est pas malsain, constitue un facteur de 
travail. Une salle de récréations^ tout près des ateliers et des 
usines, est vite payée par l'augmentation de la production qui 
résulte du contentement des travailleurs. 

Les moments de repos de la journée trouveront là un 
excellent emploi. Et j'imagine qu'une partie du repos hebdo- 
madaire, l'ouvrier s'habituera à la consacrer aux promenades 
instructives et récréatives, ou simplement aux spectacles ; le 
reste étant destiné à la vie domestique, aux affaires de sa 
famille, à son « home ». S'il régie son existence, s'il a un 
peu de méthode, ces dernières occu[)ations seront aisées et 
passagères; le repos hebdomadaire sera donc ce (ju'il doit 
être humainement, physiologiquement, le rej)OS qui répare 
l'organisme, une véritable trêve dans la fatigue. Combien 
dhonïmes le comprennent ainsi ? — 11 ne serait pas difficile 
de les compter. 

L. — Outillage et travail. — Je noterai, en terminant, 
que les conditions mêmes du travail musculaire, réglées 
quant à l'effort, la vitesse, le temps d'emploi, sont aussi des 
facteurs proprement externes — et les principaux. Nous les 
avons, d'ailleurs, dévelo[)pés en tête de ce chapitre. Reste la 
question de Voiitillage. C'est l'évidence même que chaque 
personne se compose un outillage adéquat à son genre de 
travail, et choisisse les meilleurs instruments, et adopte 
l'attitude qui diminue le plus sa fatigue. Il en est ainsi pour 



LES FACTEURS DU TRAVAIL 125 

lire el écrire, coudre ou broder, observer et expérimenter. 11 
doit surtout en être ainsi pour Touvrier, et tout particulière- 
ment pour le blessé, le mutilé (pi'on rééduque ou réadapte, 
— Trois conditions demandent à être réalisées : 

Disposer l'atelier pour qu'il n'y ait pas de temps ni de 
forces perdus ; 

Rechercher la forme, les qualités, Tallure pouvant assurer 
le rendement maximum des outils et favoriser l'usage des 
machines ; 

Remplir, dans râtelier, les conditions de température, 
d'éclairage et d'aération compatibles avec une activité nor- 
male. 

J'illustrerai ces principes par un exem])le tiré de VArt du 
maçon, spécialement étudié par Gilbreth {}). 

1° Le maçon est-il gaucher? — On changera de place 
briques et mortier pour rendre les mouvements plus com- 
modes ; 

2'' Les paquets de briques auront de 27 à 40 kilogrammes 
suivant la force des sujets, et on aura un marteau de l''«,800 
pour casser, de l'*^,950 pour creuser, une pelle de O'^^jToO 
pour remuer les matériaux, et deux truelles différentes pour 
briques ordinaires et briques agglomérées ; 

3*^ Briques et mortier seront disposés par un aide à portée 
de la main du maçon, afin (ju'il saisisse la brique d'un mou- 
vement naturel, par l'effet de la pesanteur, et non par un 
geste contraint; et surtout qu'il n'ait pas à se baisser, à 
se déplacer, à imprimer à son corps de grandes oscilla- 
tions ; 

4** On ne ramassera pas le mortier tombé pendant le tra- 
vail ; on n'ouvrira pas une poche de ciment en déchirant les 
papiers et séparant les morceaux; mais d'un couj) de j)elle 
on fendra le papier à la base du sac et on le videra en 
tirant par un bout. Enfin, il coûte moins de combler avec du 
bon ciment un intervalle inférieur à une demi-brique que 

(1) Frank Gilbreth, Motion Sludtj, 1911, 



126 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

d'en broyer une ou d'en chercher un morceau qui comble 
cet intervalle ('). 

A ces mesures qui luUenl et simplifient le travail, ajoutons 
i-elles qui économisent TefTort de l'homme, qu'il s'agisse 
d'un outil nouveau, permettant de faire l'ouvrage sans 
fatigue, ou des machines perfectionnées dont la commande 
<^st un jeu i)our l'ouvrier. Quand on songe au grand nombre 
de mutilés et d'impotents qui trouvent, dans cette transfor- 
mation de l'outillage, le moyen de se faire valoir et d'assurer 
leur existence, on doit souhaiter que de tels progrès se 
poursuivent dans nos industries, trop lentes, malheureuse- 
ment, à secouer le joug de la routine. 

Ces simples indications ])ermettent d'apprécier l'impor- 
tance de l'organisation rationnelle de l'outillage et de la 
main-d'œuvre, l'économie qu'elle procure et les enseigne- 
ments dont elle est maîtresse incomparable. Sans elle, Vart 
de travailler n'existerait pas, art qui est la source de toute 
prospérité. 

{}) Voir les délails dans Le Moteur humain^ p. 575 à 583. 



CHAPITRE VI 



L'ART DE TRAVAILLER 



L'ACTIVITÉ PHYSIQUE 

LI. — L'activité iiumaine offre des modalités infinies 
qu'il est nécessaire d'analyser en leurs éléments divers, 
mécaniques^ physiologiques, psychologiques, alin d'y apporter 
tous les progrès désirables. 

L'œuvre sociale urgente consiste précisément dans la 
recherche des moyens propres à développer et consacrer à 
des fins utiles les ressources d'énergie de l'homme. En cela, 
elle intéresse l'économiste et l'ingénieur, le législateur et le 
médecin, les parents et les maîtres; car elle est tour à tour 
Énergétique sociale, Travail professionnel, Education physique. 

Le grand nombre de blessés que la guerre a faits dans le 
monde entier rattache à cette science des mouvements les 
procédés de la rééducation fonctionnelle, branche importante 
de réducation physique. 

L'activité de Thomme est ?me quant à ses lois essentielles; 
mais ses formes, ses aspects sont variés comme ses appli- 
cations ; nous en limiterons l'exposé à ce qui est indispen- 
sable pour une étude rapide. 

LU. — A. Travail professionneL Exemples de Touvrier 
limeur et du menuisier ('). — On se fera une juste idée de 

(') Jules Amah, Journal de Physiologie, p. 62; 1913. 



128 ORt.AMSATION PlIVSIOLOGIQUi: nU TRAVAIL 

la inétlintlc ijui nous inspire par I'oximuiiIc suivant concernaiil 
ie travail II la lime. Ainsi qu'il a »H(' luonlrépltis liaul, l'oulil 
sn trouve ageiici' «lo manière à tracer direrloineni tous les 
i,'lî(H"ls (le l'ouvrier, (le cjuî donne, graphiquement, la forme 



et lit vitesse des mouveineiils, la notion i)réeisede leur régu- 
larité ou de leur inijierrectiou, el la giandeur des forces 
museulaires dépensées. 

D'autre part, l'énergie <|ue l'or^fimisme consacre au travail 
esl évaluée en calories, 1res exaelement, d'après la mesure 
el l'analyse des éeluinges nispiralnires. Les appareils em- 
ployés sont i-(!)>réseiilés sur la figure 4o, où il s'agit d'un 



L*ART DE TRAVAILLER 129 

jeune apprenti limeur. On y voit la soupape buccale mainte- 
nue par un arc métallique qui s'adapte au sommet de la 
tète. L'air pur est amené du dehors par une large canalisa- 
tion, et les gaz expirés vont s'accumuler dans un compteur 
où, plus tard, on prélèvera un échantillon pour l'analyser. 
Essayée d'abord et plusieurs fois sur nous-même, cette tech- 
nique a fait ses preuves de simplicité et de fidélité pendant 
une dizaine d'années, aussi bien sur les ouvriers parisiens, et 
les soldats, que sur les indigènes de l'Afrique du Nord, 
environ un millier de personnes. Elle est donc applicable 
universellemenl, et, à ce titre, éminemment scientifique. 
La manœuvre des grosses limes, étudiée conformément 



£tai 




I 

l^J 

lE. 

\^ 
I 



l 



^ — 0**.1& 




FiG. 46. — Attitude économique du limeur. 



aux règles précédentes, s'est révélée parmi les plus intéres- 
santes à considérer. Confiée à un bon ouvrier, adroit, en- 
traîné, elle fournit, à l'analyse graphique, des courbes 
régulières, sans dépense excessive de force; l'action muscu- 
laire est égale, disciplinée, et les respirations sont uni- 
formes ; c'est ce que nous a montré le tracé de la figure 25 
(p. 59). 

En corrigeant les petits défauts d'attitude de l'ouvrier, en 
rectifiant ses habitudes routinières, d'après les résultats des 
mesures dynamiques et énergétiques, nous avons pu déter- 
miner la position normale des pieds, la distance du corps 
par rapport à l'élau, verticalement et horizontalement, les 

ORGANISATION PllYSIOLOOIQUE DU TRAVAIL. 9 



130 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

rapports des mains avec Toutil [fig, 46). Dans ces condilions, 
la fatigue diminuait sans nuire au rendement journalier. 

On peut vérifier, sur la figure 25, la grande régularité du 
travail, Faction bien horizontale de la lime se traduisant par 
des courbes égales, et les retours à vide comme il convient : 
le limeur travaille, en outre, à une cadence normale, le coup 
de lime développant toute la longueur utile de l'instrument. 
Après huit mois de recherches, nous avons réussi à dégager 
les lois du maximum de production pour la moindre fatigue, 
le métal étant du laiton, et la lime, une demi-douce de 0",35: 

« Le corps du sujet doit être vertical, sans raideur, distant 
de 0",20 de Tétau, et ce dernier au niveau de Tombilic; la 
position des j)ieds telle que leur angle d'ouverture soit 
de 68° et la distance entre les talons de 0'",25; le bras gauche 
en complète extension et appuyant sur l'outil un peu plus 
que le bras droit : 8*'*^,500 et 7*^,500 pour leurs efforts res- 
pectifs. Les retours de la lime doivent consister en un 
simple glissement sans appui des bras. Enfin, le rythme des 
mouvements est de 70 par minute. 

« Toutes ces conditions étant remplies, on fera suivre un 
travail de 5 minutes d'une minute de repos complet , les bras 
tombant le long du corps. 

« Respirations et battements du cœur ne subissent alors 
qu'un accroissement moyen de 25 et 20 0/0, comparative- 
ment à l'étal de repos. La fatigue locale de l'avanl-bras 
droit est supportable, et la fatigue générale se laisse voir à 
peine. Le travail maximum est au moins double du travail 
ordinaire de la grande majorité des ouvriers. » 

Ce sera, dans notre cas, 600 grammes de limaille de laiton 
par journée de 7 heures de travail effectif. 

LUI. — Cas des apprentis. — A côté de ce rendement 
idéal, on trouve un rendement moyen, celui que fournissent 
la plupart des ouvriers qui savent un métier et sont consti- 
tués normalement. 11 varie peu, et correspond à des tracés 
d'efforts analogues et réguliers. On remarque, en effet, que 



l'aut de travailler 131 

l'action inu^culain- s'exerce el se décompose de la môme 
façon, ou presque, pour tous ces hommes, quand ils ont à 
manœuvrer le même outil. Elle ne varie qu'en valeur absolue, 
surtout si l'ouvrier manque d'iiabilclé, à plus forte raison si 



Fiii. il. — Graphique du travnil d'iia npprenli limeur. 

c'est un débtitaiU . Mais dans le casd'ujie atrophie desmu.icle.'-, 
d'une impotence fonctionnelle i\y\\ diminue la force el l'am- 
plitude des membres, les Iract's deviennent irréguliers, l'ac- 
tion musculaire est inégale el francliemenl anormale. 



132 ORGANISATION PHYSIOLOCrQUE DU TRAVAIL 

Chez le débulanl ijui manœuvre une grosse lime, les 
efforts sont considérables, inégaux, mal dirigés, trop 
bruscjues. Au bout de de^ix minutes, le jeune homme est es- 
soufflé, ses res[)iralions sont accidentées et procèdent par 
saccades {fig. 57); rien de plus intéressant que de les com- 
parer à celles d'un bon ouvrier. Un arrêt s'impose, qui n'est 
pas le repos voulu et réparateur; le gas[)iirage d'énergie 
atteint 06 0/0 sur le meilleur rendement. 

L'apprenti s(»mble se précipiter sur l'étau, il penche le 
buste en avant et le redresse au retour de la lime ; ces oscil- 
lations du corps l'épuisent, d'autant plus que pour se donner 
un élan dans l'aller de l'outil, il place mal ses pieds, 
manque de stabilité, et stérilise, en un mot, une partie de 
son activité. Oscillations et maladresses sont frappantes 
({uand on vient à cinnnatographier le jeune homme devant 
l'établi, (iénéralemenl, les prétendus instructeurs, pour cor- 
riger les débutants, leur conseillent de se tenir droits et 
raides. Or, cette absence de souplesse crée des contractions 
fatigantes dans les muscles du tronc; c'est, d'ailleurs, le 
défaut habituel qui s'appelle « gaucherie »... Il y a du gri- 
bouille dans l'apiuTntissage classi([ue (voir p. 197). 

Nous avons, à titre de démonstration, formé un apprenti^ 
jeune homme de 15 ans, en le guidant d'après la méthode gra- 
phique. 11 lisait lui-même, dans l'irrégularité du tracé, l'effet 
de son inexpérience, et se rectifiait à propos; il s'assurait, par J 

le poids de la limaille enlevée d'heure en heure, de la vérité 
des principes scientifiques de travail, et, à côte des renseigne- 
ments individuels, il recevait une véritable leçon de choses 
de l'ouvrier qui, dressé intelligejnment, fait plus de besogne 
utile et prodigue moins ses forces. Les courbes dynamogra- 
phiques et les valeurs de la consommation d'oxygène en 
témoignent. 

Ayant fixé les idées par cet exem])le du travail à la lime, 
nous n'avons j)as besoin de détailler les éléments du travail 
à la varlope de menuisier [fig. 48). (r<*st encore une action pé- 
riodique, un va-et-vient supjiosant un rythme et un efTort déter- 



LAItT DE TRAVAILLER 



minés. Noire dispositif pcrmel.comnieila été dit, de discipli- 
ner les mouvements et de les orienter convenablement. On 



i 



discipline (.'galenieiii les cfToHs : un circuit électrique, fenué 
sur une sonnerie par le style inscripieur et un conlacl, pernirl 
de réglera 5, 10, 113 kilogrammes la pression de la main, cor la 



131 Olir.AMSATION PIlYSlOLOflIQUE Dl' TRAVAIL 

sonnorie sr rail orileiulre d^s «|uc la voleur choisie se trouve 
dépassée. De soHe que l'apprenti peut se renfler el mOine ac- 
<|iiérir, eu peu de temps, le s^ns de Vtfjori, la not ioii du /raroj'/ 
régulier. Vient-on à lui changer le bois de la planche qu'il 



FK'. 49. — Travail d'un npprenli 

■rabote, il s'aper(;oJt delà vaiialion que sou effort eu éprouve, 
et il se Tail une expérience rapide de la valeur de ses outils. 
La pression totale sur le maiiclie, dans le cas d'une varlope 
bien conditionnée, olteint 25 kilogrammes en moyenne; la 
pression sur le bois 12 kilogrammes; il en résulte une 
résistance opposée au fer de l'outil égale sensiblement h 



l'art de travailler 135 

22 kilogrammes. Les muscles d'un apprenti ou d'un blessé 
peuvent être surmenés par un exercice prolongé de ce genre. 
Mais il est clair que de nombreux facteurs modifient la force 
nécessaire pour ce travail (nature du bois, épaisseur des 
copeaux, elc), surtout Tinslruction technique [fig, 49). 

LIV. — Cas des incapacités de travail. — Toutes diffé- 
rentes sont les conditions d'activité des sujets atteints, à un 
degré quelconque, d'une incapacité fonctionnelle^ ou d'une 
mutilation. Il s'agit des accidentés du travail et des nombreux 
blessés de la guerre, La question a été réservée. Mais nous 
ferons de suite ressortir le rôle pédagogique de la méthode 
précédente pour rééduquer et réadapter tous ces blessés, 
déceler l'importance de la diminution physique qu'ils ont 
subie, et guider le choix des métiers. 

h' apprentissage ^ à quelque personne qu'il s'adresse, exige 
une réforme conçue d'après les données de cette expérimen- 
tation. 

LV. — Transport des fardealx. — En 1907, nous eûmes 
l'occasion d'étudier le transport des fardeaux conformément 
aux règles qui viennent d'être exposées (*). Des centaines 
d'ouvriers et de soldats furent mis à notre disposition pen- 
dant plusieurs mois. Indiquons seulement les résultats 
obtenus : 

1® Marche en palier, — Sur un terrain bien horizontal, la 
vitesse de marche la plus économique est de i^'^.SOO à 
l'heure. Elle permet de faire, à vide, 45 à 50 kilomètres par 
jour, avec des repos de 2 minutes à chaque kilomètre. 

Quand on est chargé, l'allure économique, celle qui coûte 
le moins à l'organisme, est celle de -/""', !?^(^, le fardeau étant 
de SO à SS kilogrammes. Mais pour réaliser le maximum de 
rendepient journalier, il faut : Charge de 45 kilogrammes. 
Vitesse horaire de 4^'^^800^ Durée du travail : 7 heures et 

(*) Jules Amar, Le rendemeni de la machine humaine, Thèse ; Paris, 1909 
(épuisé). 



136 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

demie, avec repos de 2 minutes lous les 600 mètres. Un 

adulte de 25 à 40 ans pourra transporter les 45 kilogrammes 

sur une distance moyenne de W kilomètres par jour. Mais si 

la vitesse est augmentée jusqu'à 5''", 500, le parcours se 

réduira presque à la moitié, quelque combinaison que Ton 

adopte pour les înlervalles de repos. Multipliant la distance 

en mètres par le poids en kilogrammes de Thomme chargé, 

nous aurons au plus trois millions de mètres-kilogrammes 

comme production journalière, la moyenne étant de 2.500.000 

1 
mètres-kilogrammes. L'expérience a donné - calorie pour 

prix de 1 .000 mètres-kilogrammes, 

11 convient de noter que dans le transport des gueuses de 
fonte, pesant chacune 42 kilogrammes, Taylor (1912) obtint 
des résultats analogues, soit 2.500.000 mètres-kilogrammes; 
toutefois Tallure et les repos ne concordent pas tout à fait 
avec les nôtres, et les méthodes elles-mêmes sont différentes. 
Mais cela n'en est que plus intéressant. A Tégard du fantas- 
sin, il est avantageux de constituer un chargement total de 
30 kilogrammes, Tallure normale ne dépassant j)as 5 kilo- 
mètres à l'heure. 

Au point de vue de la marche des trou[)es, il y a lieu d'in- 
sister sur une pratique assez mal comprise, qui consiste à 
reposer les hommes par quelques minutes de piétinement. Or 
le piétinement est dispendieux; le pas piétiné coûte, en éner- 
gie, le tiers et parfois la moitié du pas marché. Nous avons 
mesuré cette déj)ense d'énergie et trouvé qu'elle augmente 
en proportion de la cadence et de la hauteur à laquelle les 
pieds sont levés. Il faut donc modérer le j)iétinement quant 
aux deux facteurs qui le constituent, pour le réduire à un 
simple massage qui « dégourdisse les jambes ». 

LVI. — 2° Déplacement sur escalier. — Dans le transj)ort 
des fardeaux sur escalier, les conditions du rendement 
maximum sont : Charge de 40 kilogrammes. Vitesse horaire 
de 430 mètres. Durée totale de 7 heures, en prenant des 



l'art de travailler 137 

ropos (le 2 minutes à chaque voyafife de 8 mèlres de liauleur. 

Alors on dcpensf 8 calories par 1.000 kiloyrammèlres, 
c'csl-à-dire que l'unilé appelée kilograiiiinèirc (') équivaut, 
au sens énei^éliriue du mot, à 16 fois Tunilé tonveulion- 
nelle appelée méli-e-kilogramme. lîn d'autres termes, on 
éprouve la même falîf^ue à parcourir IG mètres en palier qu'à 
s'élever à i mèlre de hauteur dans le même temps. 

Quand on descend un escalier, la coniraclion des muscles 
est moindre que dans l'ascension ; elle s'emploie surloul i\ 
réfréner la chute el travaille d'autant moins que la descente 
est plus rapide. On peut évaluera 50 OjO l'économie d'éner- 
gie ainsi faite par les muscles, de sorle iju'on dépense à 
peine 4 calories par 1 .000 kilogrammèlres de descente. 

L\'ll, — 3° Marche sur terrains tncHiiéx. — Le problème de 
la inarclie sur terrain en pente mérilail une étude s])éciale. 



t'ic.: 30. — Éluile de la marche sur un |>lan jnclinf [fntitassiri), 

qui exige'.'une inslallalion expérimeidale coûteuse. Je me 
hornerai ici aux quel(|ues résultats <|ue m'oni jiermis d'ob- 

(') On seil que le kiloiiraiii mètre est l'imit£ de Irin-ail; c'est le travail que l'ctn 
produit enporlantiin poids de 1 kil-f/rninme ii lu liiuileurde 1 mèlie, «u bien en 
exerçunl un elTori de i kilogniniine le Inng iliin clieniiii O^iaï â 1 mutre. 



138 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

tenir des moyens de fortune [fig, 50), et auxquels n'a guère 
ajouté la récente contribution des laboratoires Carnegie (^). 

La pente de mon plan incliné variait de 8 à 13 centimètres 
par mètre. Appelons i cette inclinaison (en centiriiètres). Le 
parcours L', sur un sol en pente, se déduit du parcours L 
sur terrain plat, grAce aux relations suivantes : 

A la montée : 

I / L 

' ■" 1 -f 161* 

A la descente : 

L' 



L' = 



1 -1- lOi 



Ces relations sont approchées, mais très suffisantes en 
pratique. 

LVIII. — 4" Cf/clisme professionnel, — Des très nombreuses 
expériences, effectuées avec notre cycle ergomélrique^ nous 
avons tiré cet enseignement que la cadence normale des 
coups de pédale est de 45 à 46 par minute. Elle correspond 
à une allure économique de 16 kilomètres à r/ieure, n'entraî- 
nant pas de surmenage. D'après Léo Zuntz, les 1.000 mètres- 
kilogrammes reviennent à 0,^7 calorie, la moitié de ce que 
coûte la marche 5 pied. 

La bicycletle doit toujours convenir à la taille du cycliste, 
[)our la hauteur de la selle et^\la longueur du levier de la 
j)édale. Et il faut savoir surveiller Tattitude du corps afin 
d'en réduire les oscillations, et diminuer la courbure du 
buste. 

Le parcours journalier sera déterminé aj)rès examen de 
l'état physiologique de la j)ersonne, qui, de toutes façons, 
mais spécialement si elle pratique les sports, devra s'inter- 
dire l'usage des boissons alcooliques. 

Lorsque la bicyclette est chargée, ou pousse un véhicule, 
ce qui est le cas des livreurs, la vitesse sera diminuée en 

(*) Bbnkihct et Ml'rschhauser, Energy irans formations during horizontal Wal- 
kingj public, n-231; Washinglon, 1915. 



l'art de travailler 139 

proporlion de la charge. En supposant que les roues des 
deux véhicules aient même rayon, que la charge à transporter 
soit d'un poids P, Tallure sera : 

35 
VP 

V étant exprimé en kilomètres à Theure et P en kilogrammes. 
Cette formule est déduite de la considération des forces 
vives du mobile et du moteur. Toutefois, le fardeau ne sau- 
rait être tel que v fût inférieur à 5 kilomètres. 

LIX. — 5® Travaux agricoles. — Le cultivateur devra, 
désormais, dans une très large mesure, pratiquer la culture 
mécanique, et employer les petits moteurs. Nous en verrons 
Futilité à propos des blessés de la guerre. Mais nous don- 
nerons brièvement quelques indications sur le 7neilïeur ren- 
dement des travaux de la terre : 

Le pellage oupelletage exige l'emploi d'une pelle de 1^^,700, 
qui, chargée, ne pèsera que 10""^, 250 au plus. L'effort de 
poussage dans la terre est de 15 kilogrammes en moyenne. 

La brouette aura une charge de 100 kilogrammes, don- 
nant une pression aux brancards de 20 kilogrammes et une 
résistance au roulement de 4 kilogrammes seulement. 11 est 
très avantageux d'employer une brouette à deux roues. 

Au point de vue agricole proprement dit, chaque plante, 
chaque terrain constituent un problème à données variables : 
nature du sol, nature et quantité des engrais, proportion et 
pression de l'eau d'arrosage, préparation de la terre, germi- 
nation des graines, nombre de plants par unité de surface, 
fauchage, lutte contre les parasites et les orages, époques 
propices à chacune de ces opérations, outillage perfectionné ; 
toutes questions que nous ne pourrions détailler sans sortir 
de notre programme. 

Nous renverrons donc, pour le développement, au livre VI 
du Moteur humain. 



140 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

LX. — B. Éducation physique et rééducation fonc- 
tionnelle. — L'organisalion pliysiologique du travail a, 
dans notre pensée, un but essentiellement utilitaire. Les 
sports de luxe et les prouesses nous intéressent peu : un 
manœuvre solide et entraîné vaut infiniment mieux que 
l'athlète le plus en renom; les courses de chevaux, qui 
reviennent si cher à nos populations, ne serviront jamais au 
progrès de la race chevaline. La guerre a, je crois, dessillé 
tous les yeux à cet égard. 

Cependant, comme hygiène efficace, et discipline corpo- 
relle, V éducatio?i phî/sique pos^èdo une vertu très puissante 
dont il faut savoir tirer parti. Elle apprend à gouverner nos 
attitudes, approprier nos mouvements, entraîner nos muscles ; 
elle donne leur plein épanouissement aux énergies de 
rhomme. 

Elle ne s'adresse pas exclusivement aux sujets normaux, 
pour les parfaire el les surélever de niveau physique ; elle 
étend ses effets aux constitutions débiles, en retard ou en 
misère physiologique ; elle vise surtout à rééduquer fonction- 
nellement les impotents, si nombreux aujourd'hui. Je ne 
sépare point l'éducation de la rééducation ; elles ont le 
même but, la même mélhode, le même domaine. Les mêmes 
principes scientifiques les dirigent toutes deux. 

LXl. — L Principes d'éducation physique. — Ces prin- 
cipes sont ceux d'une action musculaire variant, par degrés 
insensibles^ son effort et sa vitesse^ pour se régler sur fétat 
général de V organisme. 

Cet effort sera constant, car il en est ainsi dans les cir- 
constances de la vie, et l'éducation [)hysique ne devra /a/waî.v 
solliciter les forces totales de l'individu, pour les faire 
décroître ensuite. C'est à tort que de nombreux appareils de 
mécanothérapie appliquent celle loi de l'effort décroissant, 
connue sous le nom de loi de Schwann, La loi de Schwann, 
formulée par son auleur en 1837, dit ceci : « L'effort absolu 
de contraclion, qui reste disponible dans un muscle rac- 



L ART DE TRAVAILLER 141 

i*ourci, diminue à mesure que le raccourcissement augmente ». 
Notons que la loi de Chauveau exprime le môme fait dans 
une formule inverse, mais plus complète : « La force déve- 
veloppée par un muscle augmente avec son degré de rac- 
courcissement ou de contraction, et avec la résistance qu'il 
doit surmonter ». 11 s*ensuil que la puissance nntsculaire se 
régie sur la résistance et ne se prodigue pas en vain ; elle peut 
s'accroître dans de larges proportions sans mettre en jeu le 
raccourcissement, de même qu'elle le peut grâce au seul 
raccourcissement. Elle ne met donc en œuvre la contraction 
isométrique et Idi contraction isotonique {^) que pour atteindre 
des valeurs très élevées. Tel n'est point le cas dans une acti- 
vité normale, et telles ne sont en aucune façon les circons- 
tances propres à entraîner physiologiquement les muscles. 
Quelque modalité que le mouvement doive présenter, l'exer- 
cice de l'effort aura pour but de vaincre une résistance cons- 
tante, qu'il sera loisible d'augmenter de jour en jour si l'on 
veut 'pratiquer ledit entraînement ; mais la faire varier au 
cours d'un même exercice, et soumettre la tension muscu- 
laire à des changements brusques et à de véritables chocs, 
qui tiraillent les fibres et lacèrent les filaments nerveux, 
c'est la négation même de toute méthode scientifique d'édu- 
cation fonctionnelle. 

Du moment qu'il ne doit pas être question, sous peine de 
surmenage et d'atrophie des muscles, de demander à ces 
derniers leur effort maximum, rien ne justifie le principe de 
la résistance variable, même décroissante. Les exercices 
n'ont de valeur physiologique et ne sont utiles que si les 
forces mobilisées par eux sont sous-maximales et continues. 
Alors ils produisent toutes leurs conséquences sur l'appareil 
locomoteur, assouplissant les articulations et développant la 
puissance des muscles. De même que, j)Oussés à l'excès, ils 
déterminent la contracture et une fatigue élastique des ten- 
dons, de même leur usage harmonieux provoque l'irritabilité 

(ï) Isométrique, sans raccourcissement ; isotoniqtie, avec raccourcissem nt. 



1*2 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

des fibres nerveuses, musculaires et tendineuses, stimule 
leur élasticile el augmente leur force: il entraîne une activité 
circulatoire et respiratoire plus grande qui retentit profondé- 
ment sur les phénomènes de nutrition. Il en résulte ce qu'on 
a appelé Y hypertrophie fonctionnelle. On voit la masse des 
muscles s'accroître, non i)ar addition de fibres nouvelles, 
mais par épaississement des anciennes qui grossissent et 
mettent en réserve les matériaux azotés (»). 

C'est donc un efTet total, une action de masse sur dos 
groupes musculaires définis, que réalisent l'éducation physique 
el la rééducation fonctionnelle. Elles font œuvre de syn- 
thèse^ d'entraînement synergique. 

Vanalyse des mouvements est nécessaire dans des cas 
tout à fait sj)éciaux et transitoires: mais, en définitive, on 
se trouv(» ramené à la synergie telle que^ l'exige la nature, 
conformément aux jdus srtrs enseignements de la théorie et 
de Texpérience (-). 

LXII. — Facteurs d'éducation physique. — État orga- 
nique. — AUmentation. — Saisons. — Toutefois, il n'y a 
pas, dans l'éducation physique, qu'un réglage de l'act'^ion 
musculaire. L'esprit du géomètre n'y suffit pas. On doit être 
attentif à V état des organes, à la puissance cardio-vasculaire, 
a la soujilesse des respirations, et à Vdge des sujets. Ven- 
fant est naturellement porté à gaspiller ses forces ; l'éduca- 
teur, tout en laissant cette activité s'épanouir, y mettra la 
discipline nécessaire, qui préservera du surmenage et des 
déformations corporelles ; il a donc besoin de posséder des 
notions claires et suffisantes de physiologie humaine. — 
L'adolescent est plutôt exposé à surmener son cerveau dans 
la fièvre des diplômes, pour la carrière entrevue et les joies 
du succès. Il faut l'amènera reposer ce genre d'activité dans 
les occupations d'un exercice physique modéré, dans les 

(>) MoRPUHOo, Arch. ital. bioL, t. XXIX, p. 63 ; 1898 

Jni'l^""'" '7 '* «-fé^lucation fonctionnelle et professionnelle un Mémoire de 
Jules Amar dans : Journal de Physiologie, p. 821-87! ; 1913. 



l'art de travailler 143 

jeux et la gymnastique, qui rélablironl, s'il ny a pas excès, 
réquilibre de ses énergies. 

Jusqu'à l'âge de 45 ans environ, les sports dépourvus de 
violence constituent un puissant facteur d'entraînement pour 
le système névro-musculaire, et accroissent la résistance 
organique. A mesure qu'on avance en Age, la fonction des 
muscles cède le premier rang à la fonction du cerveau ; 
l'homme s'élève pour ainsi dire en dignité; il est plus occupé 
aux choses de la pensée; il est plus homme... « Toute notre 
dignité consiste en la pensée », disait avec raison Pascal. 

L'éducation physique manquerait son but si elle n'avait 
le souci de l'intelligence humaine. Toutes les fois qu'elle 
désignera les exercices propres à délasser les personnes qui 
travaillent de l'esprit, elle les choisira parmi les plus simples 
et les plus automatiques. Autrement, ce serait brûler la 
chandelle par les deux bouts. Au vieillard, dont les mouve- 
ments ont perdu la vitesse et la vigueur, dont les organes 
cardio-vasculaires sont moins résistants et moins élastiques, 
conviennent les efTorts modérés et les allures lentes, tels que 
ceux des promenades à pied. Les jeux et spectacles, pourvu 
qu'ils ne provoquent pas de vives émotions, sontpour lui des 
reconstituants des centres nerveux. Il faut bien se pénétrer 
de cette idée que la vie augmente rapidement d'intensité, 
puis celle-ci demeure constante, et, dans une longue et der- 
nière période, s'affaiblit peu à peu. La courbe de ténergie 
finit en pente douce [fiq, 51). Et, de même que cette période 
correspond à un travail nutritif délicat et modéré, de même 
la dépense d'énergie active doit se limiter au strict néces- 
saire; sans quoi, l'organisnie serait hors d'état de compenser 
les prodigalités. 

On voit à quel point l'éducation physique est gouvernée 
par les principes de la physiologie, et pourquoi sans eux elle 
irait à la dérive. Ils sont sa raison d'être, et ce qui lui a 
permis de s'édifier. De toute antiquité, on savait, en effet, 
que le mouvement des muscles entretient la santé, et les 
jeux naquirent de cette pensée utilitaire. Cyrus, roi des 



144 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Perses, interdit de manger avant de s'être fatigué par 
quelque exercice. Lycurgue établit bains et gymnases, et en 
éliminant cruellement les sujets débiles, fut, à sa manière, 
Fancétre des Eugénisles, (Irecs et Romains organisèrent 
admirablement les sports athlétiques, Hippocrale et Galien 
dissertèrent à leur endroit, souvent judicieusement. Jusqu'au 
fond de l'Asie, ce fut aussi la préoccupation des classes 
dirigeantes. En Fan 23 avant Jésus-Christ, lalutie avait Tat- 
trait d'un très noble sport dans Tempire des Mikados... De 
la gymnastique on en vint à la « gymnastique médicinale » 
ou hygiène. 

8 
1 

U^ 10 ^0 50 AO 50 60 70 60 30 100 

FiG. 51. — finergie produite en vingt-quatre heures. 

L'hygiène est donc à la base de l'éducation physique. Il 
faut qu'elle rende les sports sains et agréables, qu'elle les 
ordonne et en fixe l'intensité et la durée, pour les approprier 
à l'âge et à la constitution. 

Elle tiendra comi)te aussi du principe d'hégémonie fonc- 
tionnelle^ en vertu duquel le maximum de vie se porte dans 
les organes actifs au détriment d(*s autres. Il s'ensuit qu'une 
bonne hygiène interdira de se livrera un fort travail aussitôt 
après les repas, c'est-à-dire en pleine dig(*slion, et elle n'au- 
torisera pas qu'un travail intellectuel intense succède à la 
fatigue des muscles. 



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: 1 : 1 : 


jfnnées . 



l\rt de travailler 145 

La nature de V alimentation, nous l'avons déjà dit, est 
elle-même un facteur d'entraînement (voir § 40). On obser- 
vera (*), entre le début d'un travail quelconque et la fin du 
repas, un intervalle d'une demi-heure quand le régime est 
riche en hydrocarbonés. Un régime mixte ou albuminoïde 
nécessite un intervalle double ou triple. Ainsi, les féculents 
et aliments sucrés favorisent la durée des exercices ; ils 
assurent à l'énergie humaine une économie de 5 0/0 environ, 
et préservent des troubles organiques. La valeur des exer- 
cices et des rations dépend assez étroitement des saisons. 
Le lecteur en a vu plus haut la démonstration (Climats, § 47.) 

LXIIL — Rééducation fonctionnelle. — Lois générales. 

Quant aux impotences, qui affectent généralement l'appareil 
locomoteur, et diffèrent d'aspect et de gravité, elles ressor- 
lissent à la rééducation fonctionnelle proprement dite. 

Les personnes que nous soumettons à la rééducation fonc- 
tionnelle se trouvent dans cette période, assez mal définie, 
(jui précède la guérison absolue, période dite de consolida- 
tion. A ce moment la vitalité cellulaire est en plein travail; 
les tissus se régénèrent et augmentent de résistance, tandis 
(pie les fonctions se rétablissent. Toutefois, cette restaura- 
tion anatomique et j)hysiologique se ressentira, au point de 
vue dynamique, des déformations, soudures, déplacements, 
ankylosesei atrophies des organes. Les consolidations vicieuses 
ne sont pas rares, dont l'origine remonte souvent aux mau- 
vais procédés d immobilisation des mejnbres fracturés, et 
parfois aux exercices d'une mécanothérapie irrationnelle,.. Le 
but réel de la rééducation fonctionnelle consiste à rétablir, 
ou tout au moins à améliorer Y état moteur de l'homme, en se 
guidant sur les formes du mouvement et la puissance moyenne 
des muscles (\m les produisent; enfin à stimuler les processus 
réparateurs des tissus. 

Les mouvements naturels se ramènent à trois tyi)es : 

(«} J. Amab, Journal de Physiologie, p. 298, 1912. 

OnOA^ISATIOX PHYSIOLOGIQUE DU TKAVAIL. 10 



146 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Le mouvement de trandation^ dans lequel le membre se 
déplace sans tourner^ restant parallèle à lui-même. Il en est 
ainsi quand le membre actionne un rabot, une varlope, une 
scie, une lime, et dans plusieurs exercices de gymnas- 
tique; 

Le mouvement de rotation, dans lequel certains points 
demeurent fixes et constituent Taxe horizontal ou vertical 
autour duquel s'efTectue la rotation. Celle-ci est, en général, 
partielle^ et se limite à un jeu de charnière, comme celui 
d'une porte tournant sur ses gonds; ce peut être aussi une 
simple oscillation ; 

Le mouvement hélicoïdal ou à vis combine les deux précé- 
dents ; c'est une translation avec rotation. Tel est le cas de 
la main agissant sur un tourne-vis, ou de tout le membre 
supérieur actionnant une grosse clef. Il est digne de remarque 
que la vis s'enroulant de gauche à droite [hélice dextrorsum) 
soit plus fréquente (pie l'autre, et (|ue d'elle procèdent les 
vis, les tire-bouchons, etc. Cela doit tenir à ce que les 
« droitiers » sont la majorité, et que Y hélice dextrorsum réa- 
lise un mouvement économique pour le bras droit, comme 
Vhéiice sinistrorsum le fait [)our le bras gauche. 

Toutes les formes du mouvement se ramènent aux trois 
types qui précèdent; il suffit de reproduire ces derniers 
dans les plans ou ils ont lieu normalement, avec la force et 
l'étendue ([ui les caractérisent chez l'homme sain, pour être 
assuré de donner au système musculaire Venfrainemeni phy- 
siologique réel, en dehors duquel il n'y aurait qu'empirisme 
et péril. (Ju'il s'agisse de personnes tout à fait normales ou 
d'impotents, toujours cet entraînement sera gradué comme 
effort^ vitesse et durée totale. On n'oubliera pas que la con- 
traction des muscles produit un mouvement néc(*ssairement 
alternatif, oscillatoire, au lieu d'une rotation continue, laissant 
à la réparation le temps de s'effectuer à l'intérieur des cel- 
lules. La vie de relation apparaît donc comme une série pério- 
dique d'actions et de repos. 



LART DE TRAVAILLER 147 

LXIV. — Force et amplitude. — La force et l'amplitude 
des mouvements des membres doivent être déterminées sur 
la personne à rééduquer, et comparées à celles du sujet 
normal. En pratique, on compare le membre blessé au 
membre sain. J'ajoute que les mêmes observations seront 
faites utilement sur les divers segments et les moignons des 
amputés. 

Mais il arrive qu'une articulation étant raidie^ celle du 
genou, par exemple, la plus voisine la supplée^ ici l'articula- 
tion de la hanche; les conditions du mouvement, de la 
marche, sont changées et favorisent un nouveau mode de 
synergie musculaire. Il faut, alors, chercher les dispositions 
mécaniques pouvant empêcher l'atrophie du quadriceps, et 
imprimer de petits mouvements aux os ankijlosés, tout le 
temps que leur revêtement fibreux et tendineux gardera 
quehjue souplesse, ou que la radiographie n'a point révélo 
une soudure osseuse irrémédiable. 

Tous les actes de la locomotion seront ainsi traités, avec 
la double préoccupation, ou de rétablir dans le membre atro- 
phié sa fonction normale, ou de lutter, par la rééducation, 
contre l'impotence plus ou moins compliquée, afin que de 
simples raideurs ne dégénèrent pas en ankyloses, et que les 
atrophies soient au moins enrayées. Seuls les cas définitifs 
seront compensés grAce aux suppléances articulaires et muscu- 
laires du segment de membre voisin, stimulées par un exercice 
de véritable entraînement. C'est seulement au cours de cette 
activité de renfort qu'une suppléance rationnelle, écono- 
mique, peut s'établir, guidée par l'instinct du « moindre 
effort», ou du « minimum de contrainte ». Les /misons que la 
blessure a fait naître se rehlchent peu à peu et laissent plus 
d'amplitude au mouvement des surfaces articulaires, l'élas- 
ticité des ligaments augmente, et les pièces du squelette se 
polissent dans un frottement renouvelé, détruisant les aspé- 
rités qui subsistent après la consolidation des fractures. 

On n'oubliera pas, non plus, que la contraction d'un 
muscle peut modifier celle de muscles plus éloignés : 



148 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

c'esl ainsi, par exemple, que la force des fléchisseurs des 
doigts diminue si l*articulation du poignet est le siège d'une 
raideur qui le maintient fléchi, ou d'une dégénération ner- 
veuse qui relûche les extenseurs... 

Il ne faut jamais tenter de rééduquer une articulation 
capable encore de suppurer, un membre douloureux au tou- 
cher ou mal consolidé, cl il ne faut jamais brusquer rentrai- 
nement physiologique. 

De classification des rééducables fonctionnellement ^ il n'y 
en a pas, il ne peut pas y en avoir, car la diversité des 
cas de blessures — vu leur gravité, leur localisation, Tâge 
du blessé — est innombrable. Ce qu'il faut classifier, ce sont 
les mouvements que la blessure a compromis, et leur impor- 
tance dans le cycle locomoteur, dans la vie active des per- 
sonnes traitées. On fera une place à part aux amputés, chez 
qui on développera la force des muscles du moignon et la 
mobilité de l'articulation maîtresse. Cette préoccupation se 
justifie par les nécessités qu'impose le port d'un appareil 
prothétique brachial ou jambier, souvent trop lourd pour le 
moignon. Nous nous réservons de revenir sur ce sujet 
quand nous traiterons du travail des mutilés et de la 
prothèse. 

LXV. — H. Technique d'éducation et de rééducation 
physiques. — L'éducation physique et la rééducation fonc- 
tionnelle n'auront guère à emprunter, pour réussir dans le 
sens que nous venons de préciser, aux techniques souvent 
malheureuses de la mécanothérapie et de la culture physique. 
Elles ont à substituer une méthode rationnelle à l'empirisme 
des vieux procédés. 

Il faut, disions-nous, entraîner l'activité des membres supé- 
rieurs et inférieurs^ graduellement, et sans aboutir au surme- 
nage. L'organisme se ressentira de cette progression dans 
un exercice synergique. On obtient ce résultat au moyen du 
cycle ergométrique et du chirographe, déjà signalés plus 
haut, et de la poire dynamographique . On le vérifie grâce à 



l'art de travailler 149 

Varthrodynamomètre. Nous allons décrire les détails el l'em- 
ploi de ces inslrumeiils. 

1° Cycle erg orné trique. — Le cycle er^oinélriquc se com- 
pose d'un volant V de 36 kilogrammes environ, formant la 
roue arrière d'un bicycle dont on n'a conservé que le cadre 
et les pédales; le tout est calculé pour les tailles moyennes; 
on pourrait, d'ailleurs, agir sur la hauteur de la selle, s'il en 
était besoin. Dans la gorge du volant passe un ruban 
d'acier R faisant frein; il porte, d'un côté, un plateau P où 



Fie. 52. — Srhf'ma <lu cycle ergomélrique. 

l'on placera des poids, et de l'autre, il s'altaclie à un dyna- 
momètre à Irariion I) muni |d'un cadran, et que l'on peut 
rendre enregistreur [fig. 52). 

Vient-on à agir sur les pédales L? |Le ruban produira un 
frottement F qui uiodifiora l'elTort marqué au cadran. Le 
parcours virtuel de la roue-volant sera donc multiplié par 
celte force de frottement F, el donnera la jnc-sure An travail 
des jambes. Chaque couji de pédale correspond à un déve- 
loppement de fi mètres, soit trois tours de roue, celle-ci 
ayant un périmètre de 2 mi'-lres. Dans ces conditions, le 
buste demeurant parfaitement au repos, les jambes si'ules 
travailleront, sur une résistance réglée Èi volonté par le poids 



150 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

(le freinage, et à une allure que le sujet choisira lui-môme; 
la masse du volant empochera les écarts de vitesse. 

D'autre part, la roue dentée du pédalier L transmet son 
mouvement à une roue semblable qui reçoit une mani- 
velle M, de sorte qu'en agissant sur cette dernière, les bras 
feront un travail qui se mesure comme précédemment. La 
position la plus élevée de celte manivelle développe les 
bras dans un plan horizontal (cas des tailles moyennes). Le 
sujet peut être assis devant ;la manivelle, à hauteur conve- 
nable, sur un tabouret à vis ; s'il se tient debout, le mouve- 
ment de ses bras utilisera les articulations du poignet, du 
coude et de l'épaule, de même que tout à l'heure on avait 
celles du pied, du genou et de la hanche. 

En outre, en s'écartanl assez du i)lan vertical de la mani- 
velle, il sollicitera davantage les muscles de l'épaule et 
d'une partie du tronc, tandis que le coude réduira son effet, 
et réciproquement. 

Dans cet exposé, relativement bref, je ne saurais discuter 
les conditions de la marche graduelle de l'entraînement 
physiologique, au moyen du cycle ergométrique. Je me con- 
tenterai de dire que, pour les adultes, on emploiera les 
poids frénaleurs suivants, dans l'ordre croissant : 300, 500, 
700, 1.000, 1.200, 1.500, 2.000, 2.500 grammes et 3 kilo- 
grammes. 

Avant noté au chronomètre la vitesse tolontairement clioi- 
sie jiar le patient, on Faugmenlera de 10 tours de roue par 
minute tous les deux jours, les séances durant de 10 à 15 mi- 
nules. La cadence sera donnée par un viétronome, marquant 
de 30 à 300 battements. 

On peut estimer satisfaisante Taclivité qui surmonte un 
j)oids frénateur de 3 kilogrammes à l'allure de 200 tours par 
minute, et pendant un quart d'heure sans arrêt. 

C'est à ce moment qu'il sera bon d'évaluer la dépense 
d'énergie et de noter le degré de fatigue, conformément aux 
indications fournies plus haut. 



l'art de travailler 151 

LXVI. — Lo dispositif ex))érimeiiial est complété, dans 

le cas des ani|)utés, par une goiiltière métallique qui se visse 

à la place de la manivelle et fait le même office, avec cet 



Fie. 'îî. — UééJuvJilion de» moignons. 

avantage que le moignon peu! y être serré au moyen de 
courroies entourant la gouttière. Clelle-ci se déplace, en 
outre, devant un cadran (J gradué de à 180" de pari et 
d'autre de la verticale ; elle entiaînc une aiguille indicalrice, 



152 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

ce qui fournit Tamplitude des mouvements articulaires, dans 
l'abduction et Tadduction. 

Pour que le centre de l'articulation de l'épaule se trouve 
sur l'axe môme de la gouttière brachiale, on fait asseoir le 
sujet sur le tabouret à vis dont on règle la hauteur suivant la 
taille [fig. 53). Les muscles du moignon entretiennent son 
oscillation, et on pourra Taider, au début, en agissant dou- 
cement sur le volant. Un amputé de bras, par exemple, ac- 
tionnant les pédales, dirigera les mouvements du moignon. 
Rythme des oscillations et résistance au frein seront modé- 
rés ; on se guidera sur la longueur utile et la force actuelle 
du moignon, plus grandes évidemment chez les amputés 
d*avanl-bras. 

Dans le cas des amputés de jambes, l'articulation du genou 
étant conservée, un appareil prolhélique d'expériences assu- 
rera l'exercice du moignon ; la jambe saine soutiendra l'effort 
strictement nécessaire pour le rééducjuer et solliciter son ac- 
tivité la plus régulière. Mais, à la vérité, le membre inférieur 
se rééducjue mieux [)ar l'usage d'un simple pilon rigide, ou 
par l'emploi d'une gouttière jambière (p. 246). 

Dans ces diverses circonstances, ce n'est pas seulement la 
gradation des exercices qu'il faut surveiller, c'est aussi leur 
continuité, en jirogressanl jusqu'aux limites de l'entraîne- 
ment physiologicpie. 

Enfin, on a fixé sur la jante du volant une lamelle élas- 
li(pie F en métal (jui, en passant devant la fourche, prend 
contact avec une lamelle semblable. Il en résulte wn tic-tac i\wG 
l'on demande au sujet de faire coïncider avec celui du métro- 
nome. On relève au chronomètre le temps nécessaire pour 
obtenir celte coïncidence; il sera la mesure pratique de 
Véquation personnelle. Toutes les fois que ce temps ne 
dépasse pas /;ï secondes, la personne est rapide ; eï\e a une 
faible équation personnelle, et convient aux métiers de 
vitesse. Au delà de 25 secondes, c'est une personne lente. Un 
classement des hommes ainsi effectué guidera la rééducation 
professionnelle des blessés et leur placement. 



l'art de travailler 153 

La fourche du cycle présente deux bornes B, réunies à une 
pile dans le circuit de laquelle se trouve un signal inscripteur 
de Déprez. A chaque tour de roue, on a la fermeture du cir- 
cuit et une encoche sur le papier enregistreur; toutes ces 
encoches doivent êlre à intervalles égaux quand le sujet est 
-en marche normale; sinon, il faudra soupçonner soit un 
défaut de coordination des mouvements, soit un peu de rai- 
deur tendineuse, soit encore de la rétraction musculaire et 
des lésions secondaires. Le cycle, avec ses accessoires, cons- 
titue le principal appareil d'éducation physique. 

LXVn. — 2" Chirographe. — Je donne ce nom à un 
modèle d'ergographe de la main, considérée dans la gamme 
infinie de ses mouvements, ceux du poignet comme ceux des 
•doigts. L'ergographe digital de Mosso, dont c'est ici une 
transformation et un perfectionnement, sert uniquement à 
enregistrer les flexions du médius droit. Son rôle est donc 
très limité, de plus il présente divers inconvénients que nous 
avons déjà signalés en le décrivant [Le Moteur humainyp. 391). 
Au contraire, le chirographe possède un excellent organe 
fixateur de Favant-bras, qui laisse libre toute la main, y 
<*ompris le poignet, et en permet les flexions, extensions, 
abductions et inclinaisons latérales. L'organe inscripteur est 
le chariot habituel de Mosso, construit avec le minimum de 
frottements (voir /î^. 40). 

Grâce à cet appareil, la main, ce segment délicat du 
membre supérieur, si propre aux exercices d'adresse et de 
vitesse, est soumise à une éducation fonctionnelle dont les 
effets — nous nous en sommes assuré — ne se font pas 
beaucoup attendre. 

L'organe fixateur du chirographe, monté sur un bâti 
lourd, s'incline à droite ou à gauche pour soutenir Tavant- 
bras droit ou gauche; il est muni à cet effet d'un axe de rota- 
tion et d'un bouton de serrage latéral B' l/ïg. 5i). L'avant-bras 
est saisi solidement et apj)uyé dans les demi-bracelels6", s', 
convenablement disposés. La main vient alors reposer sur 




a. 

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2 

b 



l'art de travailler 155 

une plaline amovible P où les doigts prennent toute leur exten- 
sion. 

Au-dessus, se trouve placé un arc portant (piatre tiges oii 
sont enfilées des cupules métalliques D ; des vis et manettes 
commandent leurs déplacements. Amenées sur la plaline, 
ces cupules coifTenl les phalanges et maintiennent les doigts 
immobiles. On est donc maître de libérer tel ou tel doigt à 
volonté, de le faire travailler, les autres restant immobiles. 

D'ailleurs, la main est appuyée contre la platine, grâce à 
une pince immobilisante P', qui agit au milieu du méta- 
carpe. Enfin, sur le coté, se trouve un mécanisme à poulie de 
renvoi P' qui transmet au chariot inscripteur les mouvements 
du pouce. On sait que cette transmission s'effectue au moyen 
d'un cordonnet qui s'attache à une petite bague de cuir 
serrant la deuxième phalange, et va rejoindre, d'autre part, 
Torgane inscripteur. 

Platine et couronnes de cupules, ainsi que la poulie, 
peuvent être rejetées latéralement, et laisser un espace creux 
où la main et le poignet dévelojjperont leurs mouvements de 
flexion, d'extension et de latéralité. Dans ce but, le fil s'at- 
tache à une pince analogue à P", dans laquelle la main est 
engagée et ensuite termée, le poignet demeurant parfaitement 
libre. 

Tous les mouvements possibles se ramènent, en définitive, 
à une traction sur le fil (jui, au bout du chariot, supporte un 
poids variable au gré de l'opérateur. L'enregistrement est 
donc toujours de même sens, mais d'amplitude diverse. Il 
faut veiller à ce que la position initiale soit réglée par la vis 
et ne laisse pas de jeu au cordonnet, sans quoi les tracés ne 
seraient plus comparables. 

Si l'on prend ces précautions, et si l'on fait soulever des 
poids appropriés — de 200 à 1.500 grammes pourles doigts, 
en observant le rythme volontaire du patient, et en augmen- 
tant ce rythme jus(|u'à 60 contractions par minute, — bien 
vite on s'aperçoit à quel point de tels exercices sont salu- 
taires. Les séances seront de 3 ci 10 minutes. 



1S6 ORr.ANISATIOX PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Sur les Iracés recueillis, on |)OUiTa suivre les progrès de 
l'amitliludo des courbes. «|ui témoiffuero du degré de Hexion 
el de mobililé des arliculalioiis, lii graphique obtenu avec 
un même poids, à des iiériodos éloignées les unes des autres, 
rendra coinjilc fidèlcuitMil ti<' l'état rouctionncl de la main, 
et ]>erniellra les coni[>araisons ultérieures. Ce sont surtout 
les exercices de vitesse (dactylographie, sténographie, es- 
crime), et les raideurs articulair<\s ijui retirent un grand pro- 
fit de cet entraînement. 

LXVIII. — 3° Pnire lii/namographiqiie. — En vue de pour- 
suivre l'entradiemeiit de la main, quant à son elTort total de 



■e dynaiiKigrapliiquc 



pression ou de serreineiit, nous avons fait usage d'un dispo- 
sitif sjjécial très simple : la poire dynamograpliiijue. 

C'est une poire de caoulchouc. tort, ayant une capacité de 



l'art de travailler 157 

125 centimètres cubes, où l'on comprime l'airaii moyeu d'une 
petite pompe à bicyclelle, à la pression voulue. On la met en 



Fio. 36. — Rntrninaiiient et fallgLie à la poire dyanmographique. 

communication avec un manomètre à mercure dont l'une des 
branches est assez large pour contenir au moins 500 cenli- 



158 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

mètres ciibes de ce liquide, et l'autre plus longue, environ 
30 centimètres. Celle-ci reçoit un flotteur inscrivant, et de la 
sorte tous les déplacements du mercure, sous la pression des 
doigts, et en parlant d'une tension connue de la poire, se 
trouvent recueillis sur un cylindre enregistreur (/!^. 55). On 
amortit les oscillations du mercure en ménageant un étran- 
glement sur le tube de raccord des deux branches. 

La dilTérence de niveau du liquide dans celles-ci mesure la 
pression totale. Nous avons marqué, sur une lige verticale 
graduée, les valeurs en grammes par millimètre de déplace- 
ment (différence du niveau). 

Le serrement des doigts fait osciller la valeur initiale, et 
ces oscillations fourniront un tracé qui est étalonné une fois 
|)our toutes. L'action musculaire sera éduquée dei)uis une 
pression de 100 grammes jusqu'à 5 kilogrammes, ce qui est 
une limite très élevée. Une centaine de contractions mettent 
la main en moiteur, et assou[>lissent le système (ibro-mus- 
culaire tout entier. Elles permettent de suivre la marche de 
la fatigue en lonction de l'effort de la main, et de la cadence 
des mouvements {fig. 56). 

LXIX. — V" Arlhrodynamomètre , — Au fur et à mesure des 
progrès de Tentraînement, Yamplitude des mouvements et la 
force des muscles augmentent. Ces deux facteurs, qui 
donnent la mesure exacte des résultats, se déterminent 
grâce à Yarthrodynamomètre. 

Cet instrument fournit, en effet, les râleurs des déplace- 
ments angulaires des membres ou segments de membres^ et les 
forces absolues des groupes de muscles qui les commandent^ 
pour tous les degrés de flexion à considérer (^). 

11 se compose {fig. 57) de deux règles plates en acier, arti- 
culées en compas, et tournant à faible frottement autour de 
l'axe; il donne tous les angles de llexion j)ratiquement utiles, 
soit entre 180° et 30". L'usage de cet instrument en fera com- 
prendre, ainsi que nous Talions voir, la disposition. 

(*; Voir Comptes rendus Académie des Sciences^ du 7 juin 1915, t. GLX, p. 730. 



LAHT DE TRAVAILLER 159 

Mesure des déplacements angulaires des membres. — L'ar 



Km. 57. — Plan de 'arlhroilynamomt'tre. 

Uirodynamomttrc s'applique sur deux segments du membre, 
de part et d"autrc de 
l'arficulation, et dans 
un plan déterminé. II 
fïst muni de demi-bra- 
D^lets en acier mince 
et souple uux(|uels 
sont fixées ilos bre- 
telles très résistantes. 
On serre fortement 
))Our que les attaches 
soient solides cl im- 
mobiles [fig. 58). 

Pour effectuer une 
mesure angulaire, on 
desserre l'écrou cen- 
tral E de la lOfe arti- 
culaire, et l'on relève 
le cliquet C dont la 
pointe engrène avec 
une roue dentée D. 

^ . . , Fio. 38. — Manii-re de placer rnrllhrotlyaaiiioiiiitr» 

Puis, agissant sur le 

bouton de réglage U situe sous des laines de ressort H, 



160 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

on ramène aucontaclde la rotule sous-jacenle T. Si, alors, 
on vient à fléchir un segment de membre sur Tautre (pied, 
jambe, main, avant-bras), la branche P du compas entraîne 
une poulie placée sous le cadran Q el, par elle, commande 
la rotation de la petite aiguille — celle des angles de flexion, 
que l'on lit sur une circonférence du cadran. On évalue de 
même les mouvements de latéralité de la main et du pied. 

Pour les déplacements du membre tout entier, soit dans un 
plan frontal, soit dans un plan sagittal, la manœuvre de 
Tinslrument consiste à serrer Técrou pour immobiliser Tar- 
liculation. L'angle de déplacement es! donné par la position 
que prend Xaiginlle folle A du môme cadran, aiguille à 
contre-poids servant de fil à plomb. Elle indique l'écart 
angulaire du membre par rapport à la verticale, dans un sens 
ou dans le sens opposé. 

I/amplitude des mouvements, dans tous les plans pos- 
sibles, est ainsi correctement déterminée. On la compare à 
celle que nécessitent les exercices sportifs, ou les manœuvres 
des machines et des outils. 

Mesure de la force absolue des muscles. — Quant à la force 
des muscles, on peut en trouver \di valeur absolue on xndLxhnyxwi 
à tous les degrés de flexion. Dans ce but, l'écrou est desserré 
et le cliquet C rabattu sur la roue dentée où il est appuyé, 
tandis qu'on dévisse le bouton de réglage pour l'amener l\ 
loucher les lames de ressort. Gela engage bien l'extrémité 
du cliquet dans l'intervalle de deux dents, et sup[)rime tout 
jeu lors de l'entrée en action des muscles. 

L'effort exercé sur le bras de levier du compas se transmet 
donc à la roue dentée, puis aux lames de ressort sur les- 
(|uelles fait pression le bouton de réglage B. La déformation, 
à peine sensible, du ressort, est amplifiée par un levier 
coudé L, terminé en crémaillère courbe à convexité externe, 
et celle-ci commande un pignon auquel obéit l'aiguille dyna- 
mométrique. Les indications sont relevées sur le cadran Q'. 

Graduations. — Sur le cadran des angles de flexion, on a 
marqué les angles de 180'' à 30"; sur celui des déplacements 



l'art de travailler 161 

de tout le membre, on les a figurés de 0'' à 360**, mais il est 
bon de préciser le sens de Técart angulaire par les mois 
/aléral {droit ou gauche), ou .ça^ï7/fl/ (antérieur ou postérieur), 
afin de ne pas se tromper. Des explications plus détaillées 
sont nécessaires à l'endroit de ces mesures de force absotne. 
Les muscles, en tirant sur le segment mobile du membre, 
tandis que le ressort s'oppose à la flexion, agissent sur un 
bras de levier de moment variable (^). Leur force, mêine si 
elle était constante, produirait sur le dynamomètre un effet 
d'autant plus grand que le moment par rapport à l'axe est 
lui-même plus grand, ce qui a lieu à mesure de la flexion et 
jusqu'à une certaine limite. Or, la force absolue n'est pas 
constante, elle tend à s'épuiser dans le raccourcissement 
musculaire (loi de Schwann). Il est donc difficile de l'éva- 
luer exactement, sur le vivant, à toutes les étapes de ce 
raccourcissement. 

C'est pourquoi nous avons adopté une graduation conven- 
tionnelle : la force est supposée agir normalement à Textré- 
mité de la branche de compas, au centre de l'attache, placé 
à huit centimètres du centre de l'articulation. Ce bras de 
levier étant connu une fois pour toutes, on s'est contenté 
d'inscrire les efforts en kilogrammes sur le petit cadran, au 
lieu des kilogrammes-centimètres qui expriment les moments. 
Si l'on se donne la position exacte de l'insertion musculaire 
sur l'os mobile, on en pourra déduire la composante efficace 
de l'effort, et calculer la puissance réelle des muscles 
actifs. 

Ce genre de mesure permet de suivre la variation des 
forc€s au cours du mouvement, et d'apprécier les effets de 
l'entraînement. Il s'impose toutes les fois que l'on entreprend 
d'organiser scientifiquement la rééducation, tant fonction- 
nelle que professionnelle. 

5° Enfin, pour rétablir les inouvements de rotation des bras, 
je fais usage d'un dispositif à came, dit gyrographe, qui 
exerce à la fois la force et le mouvement, et les mesure. 

(') On appelle moment le produit d'une force par son bras de levier. 

OHfJANlSAtlOX PHYSlOLOfilQUE nU TRAVAIL. li 



162 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

LXX. — III. Applications. — Attitudes du corps, — L'édu- 
cation physique, conduite suivant les principes de la technique 
ci-dessus, produira des résultats rapides et durables ; elle 
mènera aisément aux confins de Vathlétisme le plus presti- 
gieux, car les fonctions organiques ayant été surveillées e 
entraînées, il n'y aura place pour aucune défaillance (voir 
tout le chapitre Fatigue), 

Mais la rééducation fonctionnelle^ s'adressant spécialement 
aux blessés, doit demeurer dans des limites de modération , et 
suivre une progression très lente, sous peine d'accidents. 

L'une et l'autre procèdent, en définitive, de cette notion 
que le mouvement humain se règle physiologiquementy qu'il 
devient, par cela même, économique et hygiénique. 

Attitudes, — Remarquons que, déjà, pour nous tenir cou- 
chés, ou assis, ou debout, nous ne procédons pas tous de la 
même façon, parce que nous ignorons les attitudes écono- 
miques et hygiéniques. C'est ce que les mesures d'énergie 
sont venues préciser. 

Le repos complet du corps s'acquiert dans la position couchée, 
inclinée sur le ventre et non pas sur le dos ('), de préférence 
à droite ; l'économie est de 7 à 8 0/0 sur la position assise. 
Dans celle-ci, le buste doit être droit et symétrique, les jambes 
touchant terre sans effort, surtout elles ne seront pas pendantes. 

Si Ton est assis pour lire et écrire, il faut que les avant- 
bras posent sur la table et que les épaules soient effacées; 
un bureau trop haut oblige à une attitude engoncée très- 
fatigante, et qui contrarie les mouvements de la main dans 
l'écriture ; un bureau trop bas force à se pencher... 

La station debout est plus intéressante encore ; elle con- 
cerne l'ouvrier comme l'ingénieur, surtout les surveillants; 
elle est celle du soldat, du garde, du sergent de ville, du 
conducteur d'omnibus. Elle comprend deux attitudes symé- 
triques et une asymétrique ou hanchée, que la figure 59 
explique clairement (de gauche à droite). 

(>) LiLjsTKAXo et VVoLLiN, S.'cafu/. Arch. r. Vh'js,, l. XXX, p. 199; 1913. 



l'art de travailler 163 

Ualêiliide normale (Normal-Slellung des Allemands) est 
régulière ; elle place toutes les articulations dans un même 
plan vertical; mais elle est une source de fatigue. Uattitude 
commode (Bequeme-IIaltung) est plus stable et contracte 
moins les muscles; toutefois, elle ne réduit pas an minimum 



Ji 



^ y. 



21 




FiG. 59. — Stations debout du corps. 

la dépense d'énergie du corps, comme le fait Xatlitude han- 
chée^ celle dont nous avons tous une expérience instinctive. 
La maintien doit réaliser une attitude commode, symétrique, 
qui dégage la colonne vertébrale, creuse légèrement les 
reins, bombe la poitrine en effaçant le ventre et les épaules. 
Cet état de tension musculaire incontestable cause un peu de 
tatigue, mais il retentit fort heureusement sur toute Técono- 
mie ; il conserve la force et la taille. 

Comparons les prix de ces diverses attitudes, en égalant à 



164 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

iOO la dépense (rénergie de riiomme couché ; nous aurons ('): 

Allilude couchée (en pronation) 100 

— assise 107 

c. I- i Altitude hanclit''e 110 

■ — commode i\3 

debout / _ „^,,„.i,e 132 

LXXl. — Locomotion. — Gt/mnaslique, — La locomotion 
ost, elle aussi, susceptible de perfectionnements; nous 
avons indiqué les facteurs économiques de la marche ; il 
faut ajouter qu'à partir de la cadence de i 70 pas à la minute, 
il est plus avantageux de courir; c'est ce que font d'ailleurs 
tous ceux dont les membres inférieurs sont courts. La fré- 
quence et le peu d'amplitude des pas occasionnent une 
prompte fatigue: je hasarderai, à ce sujet, une critique légi- 
time contre les jupes étroites des femmes; c'est moins grave 
qu'au sujet du corset; mais enfin l'hygiène mérite tout de 
même quelques égards: elle n'est pas l'ennemie de la modcy 
au contraire... 

Certaines populations, comme les Arabes, obtiennent une 
économie de 2»J à 25 0/0 dans leur locomotion, et en géné- 
ral dans l'exercice des jambes. Leur rendement est ainsi 
supérieur de beaucoup à la moyenne. Or. ces gens pra- 
tiquent la marche dite en flenon dont j'ai dit le nécessaire 
ailleurs, laquelle avantage la progression et réduit les efforts 
de contraction. C'est, du reste, la démarche du laboureur 
fatigué, du terrassier qui revient du chantier, de l'homme 
de peine attelé à une lourde voiture à bras (^y. 60); elle 
diminue les oscillations du centre de gravité du corps et 
accroît la stabilité sur les jambes. Dans les circonstances 
ordinaires, l'éducateur combinera les exercices de marche et 
de course pour activer jusqu'au degré convenable les rythmes 
du cœur et des poumons; il les notera au bout de 20 à 
30 minutes d'entraînement. Encore est-il qu'une progression 

V) Voir Le Moteur humain^ p. 4ii. 



LART DE TRAVAILLER 165 

sera ohscrvi'cciiii iir laisse (Mviiiidre auciini' forme de surii»'- 
iiag;t'. 

Noml>rcuscs enfin les applications relatives aux altitudes 
éconoiniijues, depuis la personne qui dessine ou écril, ou 
joue d'un inslruinenl de musique, jusqu'aux variélés spor- 
tives el militaires. 



Fie. 60. — Type de marche en flexion. 

I.a marche, la course, le sanl, le grimppv, le ramper, et les 
modes d'activité tels (|ue la boxe et l'escrime ol>éissenl aux 
mêmes lois de rytliuu', de mesure et de réglage pliy.siolo- 
gique. J'en îii dit le nécessaire dans le livre Vl_du Moteur 
humain (p. 4(>y) auquel le lecteur voudra se référer. 

La gyiimanfi'/tie devient, elle aussi, k une certaine période 
(le la rééducation, quand les articulations ont repris leur 
jeu normal, un procédé d'entraînement de grande valeur, 11 
s'agit, surtout, desmcmyements des hras el des jambes ; j'y 
ajoute les exercices avec haltères de 1 à 3 kilogrammes^ 
pour finir à '•> kilogrammes, dans les meilleures conditions. 
Les mouvements se feront en pronation, puis en supination,, 
au rytiimt! de 80 à 100 iiar minute {fit/, fil et fî2}, toujours 
avec vigueur, el le cm-ps dans Viiililut/e normale. 



L ART DE TRAVAILLER IBT 

Tous aulres exercices d'acrobatie ne font que mcUre en 
harmonie les mouvements du centre de gravité du corps et 
la force de contraction des muscles. 



ïxa. 6i. — MnuvemenU gymnastiques en torce. 

Le déi)ulé dorleur Lacliaud a insisté sur les exercices 
gyitinasliijucs simples, avec poids, cordes et poulies; il a 
recommandé ce qui a cic appelé, improprement, la mann- 
ihérapie. Je ne puis me rallier sans réserves aux vues du 
distingué parlemcnlairc, car les mouvemenfs doivent d'abord 
être dirigés, pour éviter qu'ils ne dévient et ne produisent 
<lcs déformations sur les organes, Jt un âge où, souvent, le 



168 OnGANlSATlON PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

soldat n'a pas le squelette entièrement ossifié et les muscles 
à leur terme de développement. 

La gymnastique convient aux sujets normaux, et les déve- 
loppe harmonieusement ; appliquée aux blessés, aux impo- 
tents, c'est un pur adjuvant; elle ne peut être une méthode 
absolue de rééducation fonctionnelle. En combinant l'éduca- 
tion des mouvements et l'observation de la fatigue, nous 
avons réalisé l'entraînement de quelques jeunes gens et de 
plusieurs centaines d'impotents. Aux nombreuses attesta- 
tions qui, dans un tel ouvrage, me paraîtraient déplacées, 
je préfère les vérifications personnelles. Chacun doit éprou- 
ver lui-môme ces procédés à la fois simples, rapides et peu 
coûteux. L'expérience, aidée d'un jugement éclairé, ne les 
utilisent jamais sans succès. 

LXXII. — Résumé sur l'activité physique. — L'identité 
des méthodes, qui doivent diriger l'éducation physique et 
Taclivilé professionnelle, est évidente. Elle résulte des 
formes géométriques et harmoniques de la contraction des 
muscles; elle se révèle, enfin, dans les effets mêmes de cette 
contraction, puisque, en dernière analyse, la fatigue est tou- 
jours une intoxication. 

Des principes de Vart de travailler, nous retiendrons sur- 
tout Vordre et la sélection des mouvements. Si, pour exécuter 
un acte physique quelconque, nous faisons les mouvements 
strictement nécessaires, seuls utiles à son exécution, si nous 
éliminons les mouvements inutiles et réglons la succession 
des autres, l'avantage sera grand et pour notre temps et pour 
notre fatigue. Le profit sera considérable pour notre éduca- 
tion; une richesse morale viendra s'ajouter à l'amélioration 
de notre bien-être. — L'organisation que j'indique suppose 
donc Tart d'approprier les mouvements à un but, et d'y faire 
une sélection rigoureuse pour tendre à Véconomie de Cefforty 
en d'autres termes pour l'ordonner et l'utiliser au mieux. 

Choix et ordre sont, à vrai dire, les caractéristiques de la 
méthode nouvelle qui, bientôt, opérera une révolution éco- 



l'art de travailler 169 

nomique incomparable à nulle autre. Elle n'est pas purement 
mécanique et ne fait pas de Tliomme un corps sans âme, 
une force aveugle et infatigable ; elle embrasse toutes les 
données physiologiques et psychologiques dont elle seule 
montre le parallélisme, et qu'elle harmonise avec sûreté. 
Elle semble avoir pris pour guide ce jugement de Montaigne : 
1 « Ce n'est pas un corps, ce n'est pas une âme que Ton 

L dresse, c'est un homme ; il n'en faut pas faire à deux. » 



CHAPITRE VII 



L'ART DE TRAVAILLER (Suite) 



L'ACTIVITÉ INTELLECTUELLE {*) 

LXXIII. — Dans le domaine inlellecluel, qui, de loules 
paris, environne le domaine des forces physiques et le 
déborde, nous avons essayé d'introduire la discipline de 
Tari de travailler, c'est-à-dire les mêmes lois de sélection et 
de coordination, d'organisation du mouvement. L'applica- 
calion, aux choses de IVsprit, des lois de la mécanique géné- 
rale semble, en soi, quelque peu hasardeuse ; elle n'est, en 
tout cas, rien moins que définitive. Mais, appuyée sur des 
faits parfailemenl établis quoique en petit nombre, et d'ail- 
leurs contrôlée avec soin, elle ne manque ni d'intérêt ni de 
vertu sociale^ et, plus spécialement, pédagogique. A ce 
double titre, elle est digne de l'altention du lecteur. 

LXXI\'. — Complexité du travail intellectuel. — Le 

problème à résoudre ne suppose jjas nécessairement la con- 
naissance de ce ([uehpie chose qui a fait, tour à tour, 
l'objet de la méditation des philosophes, des théologiens, 
des physiologistes, et qui est l'ilme ou l'esprit, dans une 

'') Ce chapitre avail été publié en article dans la lievue, du 1" juin 1914, sous 
le titre : V Art de penser. Je liens à signaler que, sous ce même litre, a paru 
depuis (1916) un volume dont l'auteur, un certain Clément Goh, a plagié mon 
article, et l'a, très malheureusement, délayé en 200 pages î 



l'art de travailler 171 

acception plus étroite : Y intelligence. La méthodologie clas- 
sique distingue, en effet, l'intelligence de la volonté et de la 
sensibilité ; elle les constitue en facultés hiérarchisées, de 
plus en plus spiritualisées à partir de la dernière. Mais, du 
point de vue expérimental et physiologique, il n'en va pas 
de môme. Volonté et sensibilité sont, à un degré inégal, 
toutes deux fonctions de Yactivité nerveuse et en suivent 
rigoureusement les modalités ; elles en sont l'expression qua- 
litative. Le bien ou le mal que nous faisons, écrivait Dide- 
rot, dépendent de Tétat de noire diaphragme. Cette déter- 
mination, ou en doctrine : ce drterminisme^ ne retentit pas 
sur le fonctionnement de la pensée; elle voit, par une sorte 
de vue intérieure, ce ([ui est bien et ce qui est mal, apprécie, 
compare et juge, en apparence très librement. 

L'intelligence est donc la série d'opérations qui réalisent 
la représentation et le classement de nos idées. Parce qu'elle 
fait revivre les images et les ramène sur son plan de vision, 
elle remplit une fonction de l'ordre affectif, c'est-a-dire 
subordonnée à la condition du système nerveux; elle 
ébranle de nmlti|)les neurones, ranime la vibration cellulaire 
et l'accorde avec les vibrations d'autres cellules ; un circu- 
lus de vie unit les éléments de la substance cérébrale. C'est 
là un pur travail physiologi(jue, et qui a différentes origines. 
Tantôt il est provoqué par les neurones sensitifs périphé- 
riques, la vue, le toucher, l'ouïe ; tantôt par les variations 
humorales : une mauvaise digestion, comme une émotion, 
éveillent tout l'essaim des rêves et le dispersent à tous les 
vents de la fiction. A ces sollicitations, la cellule nerveuse 
répond par une activité plus grande, et les r/^/7é'j'^5 viennent 
peindre sur les muscles de la face, en traits plus ou moins 
accentués, les rides du flot d'émotions qui les a traversées 
{fig. 63). Les contractions musculaires ont loute la diversité 
<:les émotions elles-mêmes, et, par leur force et leur durée, 
olles traduisent la gravité du j)hénomène sensitif ; c'est par- 
fois une contracture^ un spasme douloureux. Ce travail mus- 
<'ulaire fait affluer le sang dans l'organe de la pensée. Aussi, 



172 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

dans un exercice intellecluel prolongé ou intense, dans un 
sommeil agile par les rêves, la température du cerveau subit 
un léger accroissement ; le pouls est très marqué aux tempes; 
on éprouve de la chaleur et de la cuisson au visage, mais 



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Schémas de. ]' express tan cfes émafiDna 



p 



Fie. 63. 



les organes périphériques sont sacrifiés; on a froid aux 
jambes. 

^)uand de tels i)hénoménes se renouvellent souvent, quand 
les repos sont mal combinés aux périodes d'activité de l'es- 
prit, alors se manifeste la fatigue cérébrale: la tôle s'alour- 
dit, les yeux s'injectent, la vue se trouble j)ar dimintition 
de la convergence du regard et de la convexité du cristallin ; 



LART DE TRAVAILLER 173 

la respiration est superficielle et sans régularité, le cœur se 
ralentit. 

Dans Forganisme s'accumulent des déxhets toxigiies^ qui 
s'éliminent ensuite par les urines. Mais leur effet sur la pins- 
sance des imiscles se remarque déjà par un décroissement ra- 
pide des courbes chirographiques, et sur la sensibilité par des 
valeurs esthésiomélriques élevées. Les échanges respiratoires 
augmentent d'intensité, d'environ 7 à H 0/0, et la consom- 
mation d'oxygène mesure la grandeur de cette activité com- 
plexe que V attention aggrave, que l'habitude et l'entraînement 
diminuent (*). Les sécrétions digestives sont, au contraire, 
modifiées, partiellement inhibées (-). La vie végétative 
chôme, pour laisser tout son essor à la vie des centres ner- 
veux supérieurs. Alors, disions-nous, les images revivent^ et 
rintelligence a accompli un travail dénature physiologique. 
Seuls, le choix et l'ordre des idées apparaissent en elle 
comme d'une essence différente, un pouvoir réellemeni 
transcendant. 

C'est précisément ce que nous voulions établir, à savoir 
([ue l'exercice de l'esprit confond des opérations qui sont de 
véritables réactions nerveuses, des réflexes, des élals affectifs, 
et aussi d'autres opérations éminentes qui dominent la sphcrc 
de la sensibilité. Mais nous entendons bien dire que celles- 
ci et celles-là résultent de l'activité physiologique et souffrent 
de tous les troubles et remous de la vie ; elles prélèvent un 
tribut sur les ressources de l'organisme; elles lui coûtent; 
elles entraînent une certaine dépense d'énergie qui produit 
la fatigue, car dans la nature rien n'est gratuit. 

Et nous voici au cœur même du problème posé au début : 
si, dans le monde vivant aussi bien que dans l'autre, les 
énergies ne font que se transformer; si, par exemple, l'éner- 
gie musculaire a sa source dans l'énergie chimique des ali- 
ments absorbés, à quelle origine rapporter Vénergie intellec- 

(M JoiiAXâsoiiN, Sknnd, Arch., l. XVlll, p. 8"»; 18)S ; — Rëckrh et Olsen, ift., 
t. XXXI p. 81 ; 19! S; — Die Umscliau.n" 19; 1912. 
(■-; I3ku.n\cc[ et Dr Sanctis, Archirio diFisioL^ t. XII, p. 4U ; 1914. 



174 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

tuelle? D'où jaillit-elle? Et comment Tuliliser sans perte? 

LXXV. — Origine de l'énergie intellectuelle, — Deux 
savants américains, Benedict et Carpenter, après de labo- 
rieuses expériences, réussirent à démontrer que ïexercice de 
la pensée occasionne, â lui seul, très peu de frais ; il figure pour 
une très faible part au budget alimentaire. Telle personne, 
qui dépense 2.400 calories pour son entretien énergétique au 
repos et en 2t heures, en utilise à peine 9 à 10 de plus 
quand elle se livre à de longues méditations, résout des 
équations dlflîciles, effectue de savants calculs, pense 8 heures 
par jour. 

On enfermait la personne dans la chambre calorimétrique 
décrite plus haut {fig, 3), et on lui confiait un gros traité 
allemand de Physique mathématiqui». L'énergie, rayonnée 
sous forme de chaleur, était mesurée du dehors et à son insu. 

J'ai vérifié, d'autre part, que la consommation d'oxygène se 
modifiait /or/ joew quand des étudiants, parfaitement au repos 
se livraient à des opérations mentales compliquées ('). Il 

est clair que, dans ces différents cas, il s'agissait d'évaluer 
y accroissement de la dépense it énergie intellectuelle, attendu 
que la pensée ne se repose pas absolument. Mais me faire 
dire que l'énergie passe, au moment où l'intelligence tra- 
vaille, de zéro à une valeur .positive, et relever dans mon rai- 
sonnement une véritable « contradiclio in terminis » ('-), qui 
ne voit que c'est pure injustice, même dans une revue hol- 
landaise ? 

« La grande [difficulté, répéterons-nous après Voltaire, 
est donc de comprendre comment un être quel qu'il soit a des 
pensées. » 

Effectivement, la difticulté est là toute entière. Pour ce 
qui regarde les opérations nerveuses qui fixent les images, 
les conservent et les représentent, il est aisé de concevoir 
qn'elles ne s'arrêtent jamais, qu'elles sont le propre de] la vie 

(') J'ai décrit ces expériencss dans /.» Moleiu' hwïviin, p. 278. 
(-) Weilenschappelijke UlaUen, t. IV, p. 1; 1912. 



l\\rt de travailler 175 

el se déroulent avec elle. Il n'y a point de repos qui les in- 
terrompe définitivement, et à partir duquel on puisse mesu- 
rer la dépense qu'entraîne leur exercice profond et invisible. 
A cet égard, le principe de la conservation de l'énergie qui 
gouverne l'univers ne reçoit aucun démenti. Mais la pensée 
garde son mystère; elle demeure lointaine, en dehors du 
cycle des énergies, el cela est tout à fait déconcertant. 

A moins de recourir à une solution dernière, inspirée par 
les phénomènes dits de radioactivité. Certaines substances, 
en effet, se désagrègent, se dissocient spontanément avec une 
lenteur séculaire, et produisent de la lumière, de la chaleur, 
de l'électricité. L'exemple du radium indique cette transfor- 
mation de la matière qui s'épuise, s'évanouit après avoir 
libéré toutes ses réserves d'énergie. 

Est-ce que la pensée sérail, elle aussi, une manifestation 
radioactive? Se dégagerait-elle de la substance cérébrale 
évanouissante par un procédé encore inexpliqué? 

S'il en était ainsi, les différences entre les pouvoirs radio- 
actifs ou de dissociation de la matière cérébrale rendraient 
compte des différences de vigueur et de vivacité intellec- 
tuelles. Ce serait comme la caractéristique des sources de 
lumière, leur intensité ou leur pouvoir éclairant. Toutefois, 
Torigine radioactive de la pensée n'est pas démontrée. Si l'on 
a remarqué que les tissus nerveux, et notamment le cerveau, 
sont très radioactifs (*), on a aussi reconnu que celle pro- 
priété résulte de Tabsorption des traces Radioactives conte- 
nues dans les aliments solides et liquides, el dans toutes les 
eaux minérales. 

Tout ce que Ton pourrait hasarder, c'est que la désagréga- 
tion des cellules du cerveau libère directement ^i uniquement 
de l'énergie intellectuelle, sans les intermédiaires habituels, 
sans chaleur, sans émissions électriques. Car nos cellules 
sont à coup sûr le théâtre d'une évolution matérielle qui 
atteint jusqu'à la molécule, la brise en fragments infimes et 

{}) A. Caan, Silzungsb. d. Heid. d. Akad, rf. Wissemch.^ mémoire V;1911. 



176 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

en délruil spécialement les éléments el noyaux phosphatés. O 
sonl les composés riches en phosphore, la portion colo- 
rable de la cellule nerveuse, c'est-à-dire la chromatiney (pii, 
mis dans un étal moléculaire instable par les bases oi^a- 
niques, semblent voués à cette destruction lente, el s'épuisent 
dans le travail de Técorce cérébrale ; le corps même de la 
cellule se réduit;/). Et, comme dans l'activité musculaire, 
l'évolution oi^anique qui s'accomplit dans ces substances 
nucléaires produit des toxines, et rend acide le milieu chi- 
mique qui, normalement el au repos, est alcalin; cc>{ une 
désagrégation réelle qui s'aggrave par les excitations exté- 
rieures, telles que les impressions lumineuses ['- , mais sur- 
tout par la fatigue. Alors les réactions nerveuses s'affai- 
blissent, el la pensée s'arrête, inhibée, empoisonnée: on a 
même vu que les filaments des neurones se crispent, se tv- 
tractent, et les connexions multiples qu'ils assurent dans |c 
cerveau deviennent moins lîdéles -^ . 

Le repos, le sommeil, l'rt/iiw^/i/. c'est-à-dire surtout le san*/^ 
répareront ce trouble momentané. 

Kn attendant des précisions sur l'œuvre délicat et admi- 
rable qui épuise graduellement la substance nerveuse au pro- 
fit dune énergie du rang le plus élevé, occupons-nou*^ du 
travail propre de Cesprit, El déclarons f|u'il est possible d'or- 
f/aniser ce traraiL de mieux l'employer si Ton recourt à de-^ 
mélhoiles rationnelles, el dV réaliser d'importantes écono- 
mies. i'.ar, sous rinlinie variété de ses formes, il néce****ilo 
lies opérations de même nalurt*. et rien ne dislingue, quant 
à l'économie «le l'effort, l'exercice de l'esprit de l'exercice 
ties musch*s. 

LXX VI. — Organisation dn traTail intellectaeL — Mais 
le travail intellectuel est donhle. D'une part, il con-*i-*te à 

' U-G\RO. Arvh, titi. H."l. t. XXIV. p. à'."*: \<**y: — r.cFRRiM. ih. '\, i. XXXH. 
p. tii: IS99: — M^rwk-io, En^j^ftA. A'fh. f. /'A.,*i../...,i>. p. S9: !>!*:•. 

- 3iiLLuet OrT. /•fu;. i/cA-.l LlILp. i'Ji; lAu: — Ln.iT.el M: ti. I -i, 
»/. '*^faim. L X. p. 2»4 et 3iT: «»«J. 

■ r'-u,-. Lj^. /*•«/. >.> »./. B.uir-U'-^. l- I et II: l-JT l>V'*. 



l'art de travailler i77 

trouver en soi-même ou à chercher des icldes. En second 
lieu, il s'emploie à les organiser, el par là il faut entendre 
Tutilisation de ces idées dans un ordre el sur un pla?i qui les 
fassent valoir supérieurement. 

Il semble (|ue la première entreprise, relativ(»ment com- 
mode, ait moins besoin que la seconde d'être améliorée cl for- 
titiée. Les réserves d'idées que l'on ])Osséde dans son cerveau 
s'enrichissent par la lecture, la conversation el Texpérience 
de chaque jour. Or, cela aussi veut une certaine discipline. 
Lire ou entendre lire ne servirait à rien d'essentiellement 
utile si l'allenlion ne s'appli([uait à dégager les idées neuves 
et à en meubler l'esprit, si elle n'éloignait de celui-ci, par un 
travail d'élimination rationnelle, toutes les réflexions inci- 
dentes et les chevilles littéraires qui, généralement, bourrent 
le discours san.<> le nourrir. 

Il appartient à la pensée, douée précisément du pouvoir de 
choisir, de l'exercer avec rigueur et en y dépensant le moins 
d'énergie possible. 

On doit élever Venfant dans ces principes, en lui appre- 
nant à ne s'attacher ([u'aux idées maîtresses d'un propos, au 
lieu de courir à toutes celles qui brillent et dont l'éclat sou- 
vent mascjuc la fragilité. Le maître ou le conférencier 
doivent lui montrer comment l'art de parler, de bien parler, 
sert à donner un relief saisissant aux choses de l'esprit qui 
en sont dignes et les impose à l'intention. Je refuserai tou- 
jours ma confiance universitaire au professeur qui parle mal, 
el, loin d'ex])oser comme en vitrine les perles du savoir, les 
enfouit dans le fumier de son obscur verbiage. En outre, 
l'éloquence n'est véritable que si elle est ordonnée. Les meil- 
leurs orateurs ont le cerveau parfaitement organisé; ils ne 
l'ont pas nécessairement très chargé. L'érudition en toutes 
sortes de matières leur serait presque une gêne, tandis qu'en 
s'exerçant dans les mêmes sillons de la pensi'^e, elle les dis- 
pose à disserter aisément et comme sans effort, elle les 
entraîne et les adapte à un mode d'activité intellectuelle 
spécialisée. 

ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL. 12 



178 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Celle spécialisalion, nous ne voulons pas qu'elle soit exclu- 
sive d'une culture générale solide ; elle y trouverait, au con- 
iraire, son cadre naturel qui s'harmoniserait le mieux avec 
elle. Mais il faut bien moins redouter la division du travail, 
([ui limite lechampVle Tesprit, que le dérèglement de ce der- 
nier sous l'empire d'un travail surabondant et divers. On ne 
s'«*gare point dans une allée, tandis que la fonH est traî- 
tresse. 

De même que la parole, l'écrit veut de l'ordre et de la 
méthode pour faciliter chez le lecteur l'assimilation des idées 
nommantes, les seules qui comptent, et pour ne pas disperser 
l'attention. \Jart d'écrire revient donc à être simple, droit, 
précis, c'est-à-dire clair, et à bien concevoir pour « énoncer 
clairement! ». En définitive, l'écrivain est toujours compris 
quand il sait profondément et méthodiquemeift. Il pourra, sui- 
vant le mot de Montaigne, enseigner « sans larmes » le grec 
elle latin, et avant tout les sciences, dont Tobjet essentiel 
est Y économie de la pensée \\^r Ae^ démonstrations et des lois 
générales. (^)ue de temps et d'efforts seraient épargnés aux 
étudiants de tout âge, s'ils n'étaient trop souvent obligés de 
relire plusieurs fois un auteur avant de le comprendre ! Mais 
combien d'auteurs seraient épargnés si l'obscurité cessait de 
régner dans les centres d'enseignement! \otre temps répu- 
gnerait à une police qui ne laisserait plus circuler les écrits 
désordonnés, qui interdirait sur les routes delà littérature le 
vagabondage des idées. Tout de même, c'est une question 
qui mériterait examen. On n'écrit pas pour soi; on s'adresse 
aux lecteurs, jeunes ou vieux, et on prétend les instruire. 11 
s'agit de décider que cet enseignement soit élaboré de telle 
manière qu'il coûte à qui le recjoit le minimum, d'effort^ et 
lui procure la joie et le profit de forger sa conscience. 

Les faits qui instruisent sont les faits importants, parce 
qu'ils fixent l'attention et sont représentatifs : ce sont de 
vrais symboles, La science emploie de tels symboles pour 
nous éviter le détail ; elle recherche des relations numé- 
riques, puis, ne retenant que le caractère général de ces rela- 



i/art de travailler 179 

lions, elle néglige les nombres. L'algèbre à cet égard con- 
duil à une épargne intellectuelle par ses notations ; de même 
la physique, et toute science qui a un caractère mathéma- 
tique. 

Le caractère logique de la liaison des faits doit être établr 
avec un égal souci. C'est, par exemple, le lien de causalité. Il 
est bon qu'une chose en entraîne une autre comme sa con- 
séquence. Quelle merveilleuse découverte que celle d'un 
enchaînement universel et logique des conquêtes du savoir \ 

Les lois les plus belles ont le domaine le plus étendu ; 
telle est la loi de la graritation universelle de Newton ou do 
la réfraction de Descartes. Et c'est parce qu'elles exigent une 
moindre fatigue intellectuelle. 

D'autres idées se forment, enfin, de l'expérience de la 
vie, vécue dans sa plénitude, telle qu'elle est, toute accidentée 
comme une mer où abondent les récifs. N'arrachons jamais, 
entièrement l'adolescent à ces difficultés de Texistence, encore 
moins à celles qui naissent des hommes que des choses. 
L'égoïsme et les défauts d'ordre moral qui se peuvent ren- 
contrer chez nos semblables lui donneront d'inoubliables, 
lecjons. Mais il faut veiller ù ce qu'il se tire des mauvais- 
|)as, et soutienne les batailles sociales par une conduite droite 
et honnête. La vertu, comme la vérité, sont des armes ter- 
ribles, qui triomphent de tout. On doit apprendre à les manier^ 
et c'est un apprentissage d'action. 

V'oilà comment on entretient et règle le travail de l'esprit^ 
considéré au point de vue de son ravitaillement, de son ali- 
mentation régulière. Pas d'aliments inutilisables ou de mau- 
vaise qualité, pas de gaspillage d'énergie cérébrale, 

liXXVIL — Le second point de vue, remarquions-nous, 
embrasse le travail de la pensée utilisant les matériaux accu- 
mulés. Elle procède ainsi : voulons-nous réfléchir à un sujet,, 
résoudre un problème scientificjue ou philosophique? Peu 
à peu nos idé<\s s'éveillent, se pressent, s'agitent. Générale- 
ment, elles apparaissent Aixxx^iV ordre naturel^ c'est-à-dire iso- 



180 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

lées, sans lien, déterminées chacune par une sorte de réac- 
tion ou de réflexe. 

L'ordre naturel, c'est, par comparaison, celui d'une troupe 
en marche quand on a fait rompre le pas. Les hommes vont 
en tous sens, attirés diversement, livrés ait hasard. Pour qui 
les voit de loin, la troupe marche avec ensemble, malgré la 
confusion des rangs et des grades. Mais elle progresse moins 
vite, elle présente moins de cohésion et de solidité, et aussi 
moins d'élégance qu'une troii{)e qui observe le pas, serre les 
rangs derrière ses chefs et se plie à leurs directions. 

La même discipline doit s'applicpier aux idées qui che- 
minent en foule sur toute l'étendue de l'esprit. Dans les 
débuts, en faisant notre apprentissage, nous les laisserons se 
succéder spontanément sous notre plume, et quand il n'en 
restera plus une qui vaille la peine d'être notée par écrit, 
nous les soumettrons à un examen sévère. Telle idée sera la 
première qui, dans l'ordre naturel, s'était trouvée troisième 
ou quatrième, et ainsi des autres. Toutes seront classées,, 
hiérarchisées, pour que l'accessoire ne l'emporte point sur 
le principal, et qu'une succession réglée intérieurement leur 
conserve à la fois et leur vertu propre, et cette vertu seconde 
qui résulte des relations logiques établies entre elles. 

Vn pareil enchaînement exclut les longueurs, interdit les 
digressions et les inutiles propos. L'économie de mots, c'est 
l'économie de temps par des moyens qui accroissent singu- 
lièrement la vigueur du raisonnement, et le dévelo|)pent 
dans une lumière concentrée. 

Il appartient h Yhabitude^ régulièrement entretenue, d'im- 
poser à la penséeVette manière de travailler, quel que soit 
le fond d'idées livré à son labeur. Ainsi elle parvient à rendre 
aisée, presque automatique, le classement des idées, pourvu 
que \ attention rectifie, à tout moment, les écarts de cette 
discipline. On conçoit que celle-ci s'accommode mal des 
excitations vives et nombreuses qui, du dehors, ébranlent ses 
cadres, et pourquoi la réflexion, la méditation sont plus effi- 
caces quand on réussit à s'abstraire de son entourage. Viii 



f/art de travailler 181 

cerveau richemenl garni élaborera, dans cette tour d'ivoire, 
des pensées cohérentes et ordonnées. Un savant, un direc- 
teur d'usines, un ingénieur, pourront confronter plus utile- 
ment et sûrement les faits de leur expérience acquise. Ne 
suivons jamais le « premier mouvement »; c'est le plus irré- 
fléchi, c'est un réflexe déterminé par une action extérieure ; 
au contraire de l'adage populaire, il n'est pas le « bon mou- 
vement ». Instruisons-nous et prenons le temps de discuter 
avec nous-mêmes. Habituons nos voies cérébrales (f inhibition 
et \es neurones de contrôle au travail d'élimination nécessaire. 
L'homme qui, un peu par hérédité, beaucoup par éducation, 
offre ce type d'organisation nerveuse, doit l'emporter en toute 
circonstance sur les autres hommes ; car il aura de la fermeté^ 
du jugement y de la méthode. Il sera compris et obéi sans effort. 

On peut élre également assuré qu'une des préoccupations 
les plus hautes de Y orateur, c'est de faire saisir sans fatigue, 
et dans un ordre parfait, les divers éléments de son discours. 
Sa mémoire est-elle peu sûre, il a recours à un plan tracé 
d'avance. Les ornements qu'il emploie ont pour raison de 
capter l'attention pour la préparer à suivre l'exposé, et de là 
soutenir tout du long. Ils favorisent la mise en train du tra- 
vail intellectuel que l'on réclame d'autrui, et en rompent la 
continuité. Car l'activité de l'esprit est rythmique ^i intermit- 
tente comme l'activité des muscles. La vie psychique se 
dérobe par intervalles au courant des idées et se réfugie, de 
préférence, sur des berges fleuries. 

Il semble ([ue la rhétorique soit née de ce double besoin 
d'ordre et de méthode. Il faut donc de la rhétorique, mais 
pas trop n'en faut. Ce serait aller contre les principes scien- 
tifiques expliqués en ces lignes que de réduire le domaine 
des idées au profit de celui des mots, fussent-ils des plus 
heureux et des plus somptueux. La parure du discours est 
un moyen, et non pas une fin. Quand je parcours plusieurs 
pages d'un livre fardé de belles phrases, sans pouvoir y 
relever de belles idées, au moins quelques-unes, bien vite 
je l'abandonne. 



182 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Heureux Fauteur qui peut donner à ])enser! Il n'aura 
jamais de sols lecteurs. 

LXXVllI. — Applications. — Le mouvement, dans la 
nature, est donc gaspillé^ parce qu'il ne trouve pas les con- 
ditions qui favorisent sa parfaite utilisation, pas plus dans 
Tordre physique que dans Tordre intellectuel. La mécanique 
s'efforce vers cette perfection pour les moteurs inanimés et 
les moteurs vivants; elle ne Talteindra qu'à la longue, mal- 
gré les sérieux progrès de ces dernières années. 

En ce qui concerne la pensée, elle ne peut guère fournir 
cjue des indications, de simples règles pratiques, qui j)er- 
metlent de réduire la fatigue et de bien orienter l'exercice 
<le l'esprit. Cet exercice, écrivions-nous, u est susceptible de 
discipline et de méthode. Une grande puissance intellectuelle 
peut se manifester dans le désordre et le débordement. Un 
pareil gaspillage est la suite d'une éducation anti-scienti- 
fique et d'habitudes ce raisonnement déréglées. Les méca- 
nismes délierais du cerveau ne doivent être ni faussés, ni 
excédés (*). » 

11 faut, par conséquent, raisonner ses actes, approprier et 
disposer clairement ses idées, en les habillant, si l'on veut, 
à la mode du jour. Autrement, on [s'exposerait à rebuter ou 
îi n'être pas compris. Dans l'élude, il faut prêter toute son 
attention, peser chacjue mot, délibérer de chaque dessein. 
Si le travail est d'une importance secondaire et si, [)ar néces- 
sité proftîssionnelle, son ejcvcution doit être rapide^ il convient 
de sacrifier à cette vitesse un peu de l'intelligence qu'on 
meta l'ouvrage, à moins (|u'il ne soit possible de les concilier 
loutes deux. Uefforl psychique se mesure par ratlention, et 
■la vitesse de la pensée par le nombre de faits différents qu'elle 
4.Mnbrasse dans un temps donné. La fatigue cérébrale est la 
résultante de ces deux facteurs. 

Pour diminuer la fatigue, on coupera le travail intellectuel 

(}) Le Moteur humain, p. 590. 



l'art de travailler 183 

en périodes d'une à deux heures suivant sa nature, et on les 
fera alterner avec des périodes de repos relatifs c'est-à-dire 
que ces intervalles de temps seront consacrés à un exercice 
physique modéré : promenades, jeux, conversation. 

Un effort psychique de plusieurs heures affaiblit les réac- 
tions cellulaires, intoxique les neurones, et par là il nuit à 
la qualité comme à Tordre des idées : Técrivain hésite, l'ou- 
vrier se trompe ; Tun et l'autre ont subi une dépréciation 
momentanée ; il faut éviter qu'elle s'aggrave. 

Consacrer deux heures de classes aux sciences exactes, 
sans une interruption de quelques minutes, c'est commettre 
une faute de pédagogie; car à la fin de la première heure la 
capacité d'attention, et Taptitude à comprendre sont déjà 
déprimées ('); elles le sont davantage l'après-midi [que le 
matin. Mais le fond d'énergie nerveuse peut se reconstituer 
par une alimentation convenable et quelques mouvements au 
grand air, par les spectacles gais, les distractions de la vue 
et de l'ouïe. Il faut rompre la monotonie du travail quel 
({u'il soit, en se conformant à la loi du rythme qui gouverne 
l'organisme et qui est inscrite particulièrement dans les 
centres du cerveau. Elle seule permet à l'activité humaine 
de demeurer intacte, régulière, efficace. 

Voilà pourquoi on doit profiter de ces saines doctrines et 
chercher à approprier les efforts de l'esprit au résultat à 
obtenir, à les coordonner, à n'en rien dissiper en pure perte. 
A mesure des progrès de cette discipline, on s'aperçoit que 
la fatigue, pour la même durée et le même mode d'exercice 
de la pensée, diminue graduellement. 

LXXIX. — Tels sont les principes nouveaux que je m'étais 
proposé d'expliquer, et dont on aperçoit les nombreuses appli- 
cations, soit industrielles, soit sociales. Il en est une, cepen- 
dant, qui touche au développement intellectuel de l'enfant : 
c'est Vart d'apprendre, sur lequel M. Marcel Prévost a disserté 

(ï) Bellei, Hiv. sp. freniat. e med. leg.^ t, XXX, p. 17; 1904. 



184 ORGANISATION PHY^IOLOGigUE DU TRAVAIL 

avec force dans quelques maîtresses pages (ï). L'éminent écri- 
vain a montré tout ce que l'organisation scientifique de l'en- 
seignement aurait de vertu éducative, et toutes les vérités 
profondes qu'elle contient. Ni Taylor, ni moi, qui avions 
considéré le problème dans toute sa généralité, et formulé 
des lois en quelque sorte universelles, n'aurions pu aborder 
aussi utilement une matière spéciale comme l'art d'apprendre. 
Et tandis qu'on voit un élève de Taylor condamner jusqu'à 
l'abus des on^ements calligraphiques Ç^), que la comptabilité 
commerciale et administrative affirme, au moins en appa- 
rence, des velléités de progrès dans la réduction des paperasses y 
il me plaît de rappeler ce passage très curieux de Montaigne : 
« Les lettres de ce temps, écrivait-il, sont plus en bordures 
et préfaces qu'en matière. (!lomme j'ayme mieux composer 
deux lettres que d'en clore et plier une, et résigne toujours 
cette commission à quelque autre, de même, quand la matière 
est aclievée, je donnerais volontiers à quelqu'un la charge 
d'y adjouter ces longues harangues, offres et prières que 
nous logeons sur la lin, et désire que quel<[ue nouvel usage 
nous en descharge. » 

(') Voir Annales politiques et littéraires du 21 décembre 1913 au 29 mars 1914. 
(-) GiLBRETii, Motion Sludy^ p. 100. 



CHAPITRE VllI 



L'APPRENTISSAGE 



LXXX. — Apprentissage et réapprentissage. — L'ap- 
prenlissage est le facteur décisif de la fortune des nations. 
Il consiste dans la formation technique et psycho-physiolo- 
gique de l'homme. Touleprofession nécessite un apprentissage 
par lequel elle devient une habitude de Tesprit et du corps, 
habitude qui laisse plus ou moins de traces dansTorganisme, 
et crée les dispositions. 

Sans aboutir à une sorte d'instinct, comme chez les 
abeilles Tinstinct de construire une ruche, de telles disposi- 
tions héréditaires favorisent la perfection, l'habileté dans un 
métier. La répétition des infinies actes, des infimes raisonne- 
ments, donne au système nerveux une sensibilité particulière 
qui rend plus aisée l'exécution de ces actes et oriente et 
guide les pensées dans une voie déterminée. On connaît de 
nombreux exemples de vocation professionnelle, soit de musi- 
ciens, soit de médecins, de littérateurs, de militaires; et 
dans les siècles écoulés, la vocation du métier avait une 
très grande force au sein des corporations, et régnait en sou- 
veraine sur les familles. Tout cela, depuis 40 à 50 ans, s'est 
complètement modifié, au détriment de notre prospérité. 
Nous avons cessé d'aimer la profession pour elle-même ; la 
jeunesse est fière et ambitieuse... « Ouvrier ne suis, apprenti 
ne daigne, fonctionnaire suis. » On cherche les situations 
qui demandent le moindre effort et procurent, cependant, 
richesse et honneur. A voir l'ignorance et l'incompélenre 



186 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

gouverner partout la société, on se décourage et on comprend 
pourquoi tant de personnes clairvoyantes dénoncent la 
crise de f apprentissage. Car tous, à quelque niveau social (jue 
nous soyons, nous avons besoin d'apprentissage, c'esl-à-dirc 
de leçons de choses, leçons de la vie si fécondes en vertus, 
en idées, en principes de discipline et d'enseignement. 

L'âge où ces leçons donnent les meilleurs fruits, c'est, 
avons-nous vu (§ 19), le jeune âge, entre 13 et 20 ans pour 
les garçons, 11 et 18 pour les filles. Att point de vue purement 
industriel, l'armée du travail doit avoir achevé son appren- 
tissage à l'heure de passer sous les drapeaux. Elle est donc 
éduquée, instruite dans la période de sa croissance physio- 
logique et morale. Maisaujourd'hui, les blessés que la guerre 
oblige à changer de métier, les impotents graves et les mu- 
tilés, entreprennent un nouvel apprentissage à 25 et parfois 
30 ans. Ce réapprentissage est évidemment facilité par l'expé- 
rience générale et la maturité de l'esprit; ce n'en est pas 
moins un système d'éducation très délicat, où il faut craindre 
de se tromper sur Vorientation professionnelle à prendre, et 
sur les capacités physiques disponibles. Nous en reparlerons 
en son temps. 

L'organisation de l'apprentissage pose donc un double 
problème, de technique à la fois et de physiologie, de praticjue 
professionnelle et d'hygiène sociale. 

LXXXI. — État actuel de l'apprentissage. — Mais 
d'abord en quoi consiste la crise dont il est question, quelle 
en a été l'origine, et quels remèdes lui ont été trouvés? — 
On se plaint que le milieu où se formait l'apprenti n'existe 
plus, par cela même que les corps de métiers et corpora- 
tions ont cessé d'avoir une existence légale [loi Chapelier du 
n juin 1791), et (ju'ainsi l'atmosphère de travail, le compa- 
gnonnage, la direction et le conseil permanents nécessaires 
à l'élève ont comj)lèlement disparu. La Constituante aurait 
détruit à tout jamais la véritable école d'éducation technique. 

On incrimine encore le progrès inévitable du machinisme^ 



l\pprentissage 187 

car à l'usine ou àTalelier qui travailleiil avec inlensilé, les 
ouvriers, les manœuvres, les apprentis sont occupés chacun 
à une besogne élémentaire qui fait partie d'une besogne 
générale ; ils sont les rouages d'un système mécani(|ue où 
les fonctions ne sonlguères interchangeables. De telle sorte 
que l'ouvrier connaît seulement un fragment du métier, un 
seul élément du travail. Il lui est impossible d'embrasser 
l'ensemble de la profession ; livré à lui-même, hors de 
l'usine, il éprouve bientôt sa profonde ignorance : ouvrier 
horloger, il ne sait pas faire une montre; cordonnier, il est 
incapable de faire un soulier. — Ce défaut est réel ; il est 
inhérent à toute organisation fondée sur la division du tra- 
vait ; il est donc inéluctable. 

On dit enfin que les rapports entre apprentis et patrons, 
que leurs droits et devoirs sont mal définis, faute de lois 
bien élaborées et d'arbitrages adéquats. « L'intérêt bien 
compris, écrit Beignet, est dans le rapprochement des deux 
entités sociales : les milieux ouvriers et les milieux patro- 
naux, au moyen de groupements professionnels (*). » Mais cela 
ne résout rien, et l'arbitrage ou l'entente, qui sont toujours 
utiles, ne modifient pas les conditions de l'apprentissage. 

La loi du 22 février 1851 sur le contrat d'apprentissage a 
certainement fait beaucoup en cette matière; elle oblige le 
maître à enseigner à l'apprenti tout son métier, et à ne pas 
l'occuper à des besognes sans profit pour son instruction, ni 
supérieures à ses forces physicpies, ni insalubres (article 8). 
« Un jugement du tribunal de Limoges, du 30 janvier 1906, 
s'appuyanl sur la loi de 1851 et sur les articles 1134 et 1137 
du (^ode civil, consacre le droit des parents de rompre un 
contrat et d'obtenir des dommages-intérêts pour le temps 
perdu, quand un patron ne fait faire à un apprenti qu'une 
partie du^ travail de la profession, qui n'augmente en rien son 
instruction personnelle. C'est là, déclare Dubief, une garan- 
tie sérieuse, une protection véritablement efficace (^). » 

(•) A. BEir.NRT, ÏM Décadence de t'appi'en tissa f/e en France ^ p. IS; Angers, 1911. 
{'^j F. Dl'bief, LApprenlissaye et renseignement technique^ p. 15 ; Paris, 1910. 



188 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE Dl TR.VVAIL 

La loi do 1851 est, néanmoins, insuffisanle: si elle combat 
les abus possibles, elle nY*difîe pas un système d'éducation 
contrôlée ; elle ne vise pas à améliorer l'instruction des 
apprentis, et n'apporle. aucun élément d'ai)précialion sur la 
renaissance des corps de métiers, et la défense du métier 
intégral contre sa fragmentation par le machinisme. Légifé- 
rer n'est pas organiser. 

LXXXII. — Écoles professionnelles. — Ce qui a été 
une œuvre maîtresse d'organisation à la fois cl de contrôle 
sérieux, c'est la création des écoles professionnelles, dont rol:>jet 
essentiel est d'instruire et d'é(lu([uer, de former l'esprit et la 
main, d'apprendre tous leséléments, théoriques et pratiques^ 
du métier. « S'il est exact, disait Millerand, qu'en quelques 
semaines, un manœuvre puisse apprendre à conduire une 
machine, il n'en est pas moins vrai, d'une vérité profonde, 
que l'intérêt de la production nationale, comme du produc- 
teur lui-même, l'intérêt du pays qui a besoin d'une race intel- 
ligente et instruite, exigent impérieusement des ouvriers 
connaissant l'ensemble de leur profession, possédant des 
notions scientifiques suffisantes pour comprendre le fonc- 
tionnement d'une machine, la réparer, lui trouver au besoin 
des améliorations. » |(>ité par Dubief : /. cit,^ p. 41.) 

Les écoles d'apprentissage, il y en eut déjà en France, 
sous l'ancien régime, même au xvi" siècle ; il y eut \di Maison 
de tahbé Etienne de Barheré, fondée en 1640 au faubourg 
Saint-Antoine; et la Maison de la Trinité, encore plus vieille^ 
dans le quartier Saint-Denis, en faveur de laquelle un édit 
royal de 1531 autorisa les patrons k prendre deux apprentis 
au lieu d'un, comme c'était la règle. 

Ces établissements recrutaient surtout les orphelins ; 
c'étaient des ateliers où le travail, la charité, la religion se 
mêlaient en des proportions curieuses. Des ecclésiastiques 
dirigeaient, des patrons, retirés en ces milieux de piété, ensei- 
gnaient. On se disputait, avec les patrons libres et en bou- 
tique, les faveurs du roi et la protection de la police. 



L APPRENTISSAGE 189 

El inatgrù ccUc siluatioii précaire, ii se forma, dans ces 
ateliers, tlos apprciilis faisant. « cliemiscs de maille et brîgan- 



Fifi. fit. — Mélier k faire des bas (v\ 



lines, que l'on porte de pays étranges; tissuUcrs qui font les 



anciens passements, les autres draps d'or et de soye(/î(/. Ci) ; 
■espingliers, os<[uilliei-s {fig. 65), boursiers, faiseurs de 



190 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

cardes à carder et autres inestiers usités en France (*) ». 

Mais on y travaillait peu afin de chanler plus souvent les 
psaumes. 

L'inlention n'en élait pas moins louable; et je rappelle 
cette tentative pour montrer que l'éducation de l'apprenti 
doit ^\vG purement professionnelle. Si les maisons de charité 
avaient une excuse pour donner le pas aux exercices reli- 
gieux, les corporations de jadis, les patrons, commettaient 
un abus en faisant de Télève un domestique. « L'apprenti 
était, en effel, suivant le mot de Dubief, la cAo.ve du patron. » 

L'école, au contraire, lui donne la liberté, mais une liberté 
méthodif/tfe. Le ministère du Commerce y a insufflé l'âme 
universitaire, non pas, comme le redoute justement Bour- 
rey ('*), pour confondre les méthodes de l'Instruction publique 
et de rindiistrie, ni pour accepter les empiétements d'un 
office sur un autre, mais à coup sûr pour nourrir davantage 
l'éducation technique et la réchauffer et Téclairer de tous les 
feux du savoir humain. Le choix des maîtres est une garantie 
contre les excès; à eux de doser l'instruction générale, sans 
laquelle toute instruction spéciale demeure obscure et bor- 
née; il leur appartient de proportionner et d'harmoniser, de 
sélectionner et d'adapter. Tel doit être l'esprit des pro- 
grammes. 

On compte, actuellement (^), 80 écoles professionnelles de 
degré primaire, dont 15 de la Ville de Paris. Ecoles privées 
ou de TEtal, elles assurent l'instruction de 25.000 élèves; 
elles sont aidées par la Société philotechnique de Paris 
(7.508 élèves), la Société d*Enseignement professionnel du 
Rhône, à Lyon (5.632 élèves), les Cours industriels et com- 
merciaux du Nord sortis du labeur admirable de M. Labbé 
{i.lW élèves), si bien que i^3.000 jeunes gens reçoivent 
l'enseignement qui leur est utile, et coûtent plus de 7 mil- 

(*) M. FossKYKux, Les Maisons iVapprenlissage sous l'ancien rë</i/«<'; Paris, 1913. 

(-) G. BoL'RHKY, Le Problème de V apprentissage et renseignement technique ; 
Paris, 1913. 

{^) Je me sers des chiffres de M. Barbe, Li Question de l'apprentissage (Ligue^ 
française de renseignement; Paris, 1913 . 



l'apprentissage 191 

lions au budget (année 1907), soit 56 francs par élève. Il 
reste, cependant, plus de 800.000 élèves possibles, n'ayant 
pas 18 ans, et qui ne trouvent pas de place à ces foyers 
d'action et de pensée. Les partisans des écoles profession- 
nelles déclarent, par conséquent, qu'il faut persévérer dans 
Teffort et consentir de nouveaux sacrifices budgétaires. Mais 
cprest-ce donc qui caractérise la méthode dont on voudrai! 
un si grand élargissement? « C'est, d'après M. Barbe, l'in- 
troduction de l'atelier à l'école, l'union intime de la théorie 
et de la pralicjue, et leur collaboration par l'atelier et le 
bureau commercial, dans le but de rendre nos élèves immé- 
diatement utilisables, dès leur sortie, à l'usine ou au maga- 
sin. » (L. cit., p. 16.) 

Celte collaboration n'est pas réalisée de la môme façon 
dans tous les pays. En Allemagne, où l'on compte plus de 
700.000 élèves, qui reviennent chacun à 50 francs, comme à 
Ilagen, en Prusse (école de construction mécanique : 
240 élèves), les écoles d'apprentis, les Fortblldungs-Schulen 
sont organisées de manière à compléter l'œuvre de l'atelier, 
mais celle-ci doit précéder et, pour ainsi dire, façonner le 
jeune travailleur. Les corps de métiers ont une existence 
effective, et l'apprentissage tout pratique qu'ils donnent est 
nécessaire pour être autorisé à exercer un métier, et, aupa- 
ravant, pour pouvoir suivre les leçons de l'école. Le dres- 
sage ducorpsavant celui de l'esprit, les besoins économiques 
avant les besoins intell(»ctuels. Le cerveau allemand est un 
rouage de l'industrie allemande, commandé par elle, dans le 
sens et à la vitesse qui lui conviennent. Les écoles sont 
faites pour les fabriques et croissent en nombre et en spécia- 
lités suivant les nécessités régionales {}). Les cours sont 
gradués et choisis en vue de produire des intelligences d'une 
orientation déterminée, mais toujours l'instruction pratique 
l'emporte sur l'autre et retient davantage l'apprenti. Le 
goi\t de rutile est stimulé officiellement dans l'Allemagne 
tout entière. 

(') GuRT KoHLMANf Fahrikschulen, p. 65-72; Berlin, 19H. 



i92 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Les deux exemples contraires, de la France et de l'Alle- 
magne, caractérisent Tensemble des idées dont les autres 
pays, avec des variantes nombreuses, se sont inspirés; ce 
sont surtout nos méthodes que l'on a a[)pli(iuées, et l'école 
j)rofessionnelle type français assure iï abord l'instruction 
technique générale sans perdre le contact de la pratique, et 
même des usines et ateliers extérieurs. 

Voilà quel est, en résumé, l'état présent de l'apprentis- 
sage : d'un côté le Gouvernement s'efTor(^ant à une organi- 
sation, si l'on peut dire, dont il n'a guère les plans; d'un 
autre côté, le monde industriel, animé de velléités d'entente 
et d'action, tantôt 'courant vers les lumières de la science 
économique, et tantôt s'arrélant au seuil des réformes 
sociales. Désirs, volontés généreuses ou courroucées, mais 
chimères qui s'évanouiront au jour des réalités. L'apprentis- 
sage veut une méthode scientifique, c'est-à-dire des principes 
<]ui ne laissent rien à l'imprévu et qui se suffisent à eux- 
mêmes. C'est ce que nous allons ttU*lier à préciser briève- 
ment. 

LXXXIII. — Organisation de l'apprentissage. — C'est 
à l'école professionnelle, et par elle, que doit être entreprise 
l'œuvre d'organisation de l'apprentissage. Prolongement 
naturel de l'école primaire, elle prend l'enfant dans les meil- 
leures conditions pour lui enseigner un métier, (^aril aura eu 
le temps, juscju'à 13 ans, de s'instruire dans les éléments de 
la langne française, des . mathémati([ues, des sciences 
physiques et naturelles. Et ces notions indispensables ne 
peuvent pas avoir déterminé chez lui une vocation quel- 
conque. Il est donc tout préparé pour recevoir une instruction 
spéciale, un entraînement théorique et pratique en vue du 
métier choisi. 

Je dis que V entraînement théorique est nécessaire : il facilite 
l'apprentissage en l'expliquant; il projette sa lumière sur 
tous les détails du travail, et en révèle les défauts et les qua- 
lités, sans quoi les progrès seraient lents, les perfectionne- 



l'apprentissage 193 

menls très pénibles ou impossibles ; il développe surtout 
l'esprit d'invention, le goût du « fini », et Taniour profond 
de la profession. Son empreinte ne s'effacera pas du cerveau 
du travailleur qui, non moins que le savant, se réjouit de 
voir Texpcrience répondre exactement aux prévisions de la 
théorie, et la géométrie gouverner Fart véritable. 

Dans la société moderne, l'avenir est aux plus instruits ; 
nul, je Tespère, ne voudra répéter l'hérésie de Voltaire 
« qu'on n'a besoin que d'une plume pour deux ou trois cents 
bras ». La plume de Voltaire, certainement. Mais la plume 
de l'ouvrier, il la faut innombrable. Et quand les leçons de 
sciences sont conçues de telle façon qu'elles donnent à l'ap- 
prenti une connaissance raisonnée de son métier, étendent 
son horizon, affinent son intelligence, ce serait folie d'en 
discuter l'utilité primordiale. Il n'y a pas d'exemple d'ou- 
vrier qui ait regretté ces leçons ; et il y en a beaucoup du 
contraire. Taylor, de simple homme d'équipe, devint ingénieur 
à force de s'instruire, en payant des maîtres très doctes. Je 
gage qu'il eût aimé mieux perdre son immense fortune que 
son savoir théorique. 

Les cours que l'enfant a rédigés sur le banc de l'école se 
gravent dans sa mémoire et le dirigent toute sa vie ; il y 
reviendra, il consultera ses cahiers pour redresser son juge- 
ment et guider ses actes, car cet enseignement, il l'a pratiqué, 
il l'a éprouvé, et il y a confiance. Combien d'entre nous se 
replongent parfois dans la lecture des vieilles leçons pieu- 
sement conservées, et sont heureux que le papier jauni leur 
parle encore le langage incomparable de leurs maîtres! 

De l'école primaire à l'école professionnelle il doit y avoir 
continuité par les voies de la spécialisation et de la grada- 
tion. La nature du métier fixe le choix des matières à ensei- 
gner et les proportions à y observer; l'apprenti horloger, ou 
mécanicien de précision, veut plus de dessin, de sciences 
exactes, de métrologie; notre école de C/2/5e6* réalise admira- 
blement ce mode d'instruction. Mais on imagine qu'il faut, 
par exemple, plus de sciences naturelles, de notions agri- 

ORGAMSATION PHYSIOLOGIQUE DO TRAYAIL. 13 



194 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

coles, de chimie — et toutes appliquées aux besoins régio- 
naux — dans les écoles qui préparent les futurs ouvriers de 
la terre, de cette terre de France si riche, que délaissent 
trop souvent, par un calcul malheureux, les bras de nos tra- 
vailleurs. Ce nest pas mon objel d'en dire davantage, et je 
laisse aux maîtres qualifiés d'en débattre avec les préjugés, 
et de faire aimer les champs et la moisson autrement que 
dans les Géorgigttes. 

L'école professionnelle, a-t-on dit, produit des théoriciens 
et arrête l'essor de la conscience personnelle. — Plaisante 
prétention ! Théoriciens, ils voudraient tous Tétre ceux qui 
en médisent; ça leur a manqué Assavoir si jeunes; et dans 
un mouvement de dépit, ils protestent contre les routes 
royales : « Peinez comme nous, attendez tout de la longue 
et douloureuse expérience de la vie », semblent-ils dire à ces 
apprentis de 13 à 14 ans. Ce sont là généralement des 
reproches d'ouvriers. J'en sais qui ne pensent pas comme 
eux. Et combien s'efforcent à rattraper, aux cours du soir, 
quelques rudiments de théorie, malgré les fatigues du jour! 
Ceux-ci répondent à ceux-là et les condamnent sans appel. 

Quant à la conscience et à l'initiative personnelles, elles 
sont mal accusées à l'âge dont nous parlons ; mais après 
l'école elles s'épanouiront normalement, claires et régulières; 
la vie, en très peu de temps, achèvera leur développement. 
J'ai déjà expliqué à quelle impossibilité physiologique et psy- 
chologique on se heurte, en essayant de transformer la ;9mW^ 
(F absorption de l'esjïrit humain en une période de restitution 
et de création; il .est môme imprudent de vouloir trop hâter 
celle-ci, comme Ostwald l'a tant de fois préconisé. Car la 
nature évolue par transitions lentes; si l'on brusque son mou- 
vement, il en résulte une perte de forces vives, plus grave 
dans l'organisme vivant que dans les machines. 

Et je prétends aussi que l'école professionnelle a sur l'atelier, 
— dont les défenseurs sont encore nombreux, — sur Talelier 
exclusif s'entend, une double supériorité : supériorité scien- 
tifique, cela est évident. I/ouvrier, à supposer qu'il enseigne 



l'apprentissage iy5 

tout son métier à l'apprenti, ne fait lui-ménic aucun progrès. 
D'ouvrier à ouvrier la chaîne se prolonge et se ferme sans 
(jue le moindre chaînon de science s'y soit ajouté. C'est un 
cercle vicieux. L'horizon se limite à Télabli — tandis qu'au 
dehors, des (lots radieux inondent le firmament. Au con- 
traire, les maîtres sont plus doctes de génération en géné- 
ration ; ils participent à tout moment de l'universel progrès, 
et leurs élèves en profitent. L'industrie moderne exige ce 
développement constant de l'instruction des ouvriers. 

Et il y a, en outre, une supériorité morale dans l'apprentis- 
sage par l'école, d'autant plus appréciable qu'il s'agit d'en- 
fants, et que sur eux le mauvais exemple, les actes et les 
paroles inconsidérés ont une infiuence plus pernicieuse. On 
ne saurait mieux dire à cet égard que Liébaut, dans un rap- 
port plus que trentcnaire fait à la Chambre syndicale des 
mécaniciens : « Chacun connaît, disait-il, les tristes fruits de 
l'apprentissage à l'atelier : au point de vue de l'éducation, 
il produit trop souvent la paresse, la haine irréfléchie et 
presque toujours injuste du patron, du contremaître et de 
tout ce qui commande et a droit à l'obéissance, les funestes 
habitudes de l'ivrognerie et de la débauche; — au point de 
vue de l'instruction professionnelle, l'apprentissage manque 
complètement de méthode, et ne procède que par esprit de 
servile imitation et de routine. » 

LXXXIN'. — Technique de l'apprentissage. — Pour que 
l'école donne intégralement cette instruction professionnelle, 
ce n'est pas assez des avantages de l'enseignement théorique 
et du milieu qu'elle procure à l'apprenti; elle doit assurer 
l'enseignement, V entraînement pratique, celui-là môme 
qu'ofTre l'atelier. 

La pratique du métier est un art, incontestablement, mais 
l'art est toujours l'expression d'un effort méthodique, disci- 
pliné, c'est-à-dire d'une science qui a des lois propres. Les 
arts et métiers sont des sciences appliquées dont l'éternelle 
beauté enchanta l'imagination, aux temps reculés, à tel point 



196 OnGAMSATION PIlYSlOI.OfiigUE DU IRAVAIL 

qu'elle en fil des [divinités olympiennes. L'ouvrier qui pos- 
sède à fond un métier est l'égal du savant. 

Les principes qui doivent guider Tapprenlissage pratique 
sont d'ordre physiologique et mécanique. D'abord, le maître 
examinera avec soin l'aptitude de son élève ; il ne laissera pas 
larmoyer sur le tovr celui qui se trouvera bien de manier la 
charrue ; il éloignera des métiers de force les sujets débiles; 
tous les facteurs, en un mot, que nous avons définis plus 
haut, seront considérés pour que les futurs ouvriers soient 
bien armés dès leur entrée dans la profession. C'est ici que 
l'action de rinsliluteur sera des plus utiles, pour conseiller 
les familles et renseigner le directeur de l'école profession- 
nelle. 11 conviendrait que ces renseignements fussent ins- 
crits sur le carnet scolaire de l'élève, et servissent i\ éclairer 
la conscience des jïarents et des maîtres. Mais j'ai dit aussi 
coml)ien ces indications demandent d'attention, et quelle 
restriction on doit toujours y apporter. Leur inq^ortance 
n'en est pas moins sérieuse. 

On montrera aux apprentis les précautions d'hygiène qui 
garantiront leur santé, suivant le genre de travail qu'ils au- 
ront à faire, et les accidents du travail ix redouter. Ils seront 
ainsi des hommes avertis. 

On Jeur fournira des ouvrages élémtîntaires qui soient de 
nature à stimuler l'amour du métier, sa fierté, sa noblesse ; 
il faut substituer aux traditions de corps et de corporations 
l'îimbition féconde d'être des ouvriers modèles, instruits, sui- 
vant et même pressant la marche du progrès. En créant cet 
état d'esprit, on aura résolu tout le problème psychologique 
de l'apprentissage, (pii complète si heureusement le problème 
physiologique. 

LXXXV. — Education des mouvements. — Mais c'est à 
la méthode graphique, en ses applications innombrables, et 
telle que je l'ai expli<juée j)ar l'exemple de l'apprenti limeur 
(§ 58), qu'il faut demander les leçons expérimentales qui 
instruiront et disciplineront la jeunesse, (pii rempliront, 



Apprenti ILmeur Jans la bonne [4 gauche) et la mauvaise atliluJe (ii droite). 



198 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

mieux que la parole ou récrit, Toffice de corriger les défauts 
du débutant, de redresser ses erreurs, de solliciter son atten- 
tion. Les tracés dynamographiques, aisés à recueillir en 
s'ingéniani un peu, devront être mis conslammenl sous les 
yeux des élèves, afin qu'ils jugent par eux-mêmes de ï irrégu- 
larité des uns si c'est un débutant, de la régularité et de luni- 
formité des autres si c'est un habile ouvrier. Quelques expé- 
riences intéresseront infiniment les élèves, éveillant leur 
curiosité toujours vive, et leur apprenant toute la valeur des 
faits. A mesure qu'ils seront dressés à la vraie technique, 
ils éprouveront que leurs mouvements sont mieux éduqués, 
et adaptés au travail. 

L'éducation des mouvements est nécessaire pour les rendre 
efficaces, et augmenter le rendement en diminuant la fatigue. 
Le nombre et la vitesse de ces mouvements, Teffort même 
((u'ils développent, changent suivant les individus et le genre 
de travail. Il conviendra de les déterminer sur des sujets 
modèles, 1res habiles dans leur art, et de commenter aux 
élèves les graphiques du travail iiormaL Les mouvemenis 
désordonnés et inutiles, qui donnent lieu fatalement à une 
fatigue précoce, seront reproduits au cinématographe, en les 
exagérant au besoin. Des films, où apparaît ainsi la mala- 
dresse des débutants, des impotents, et sj)écialement des 
amputés munis de bras artificiels, auront une valeur consi- 
dérable pour Tapprenlissage et le réapprentissage. On con- 
servera dans les écoles, en vue de cet enseignement par 
Texemple, quelques films caractéristiques relatifs aux prin- 
cipaux métiers [fig. 60). 

11 s'agira, ensuite, de conditionner l'apprentissage afin de 
porterie rendement peu à peu à sa limite maximum, et d'or- 
ganiser l'atelier pour réduire au minimum les pertes de 
temps et les causes de fatigue. Mais entendons-nous bien. 
\u économie de temps n'a pas seulement pour but d'accroître 
la production ; elle vise avant tout à donner des habitudes 
d ordre, et à fortifier l'idée que nous serrions plus utiles, aux 
autres comme à nous-mêmes, si nous éj)argnions tout acte 



l'apprentissage 199 

musculaire sans but, si nous veillions à bien dépenser noire 
énergie physiologique. 

Il résulte évidemment, de ces conditions de travail métho- 
dique, une efficacité plus grande et une production plus 
intense. 

C'est alors que des règles sur le repos et la fatigue^ les 
périodes de distraction et d'instruction, la durée continue des 
leçons pratiques, serviront à protéger la santé. 

Quels que soient les métiers, le devoir s'impose à l'ap- 
prentissage moderne de leur donner une organisation scien- 
tifique, de sélectionner et former les apprentis d'après leurs 

aptitudes, et d'assurer l'exercice normal de l'activité hu- 
maine. 

LXXXVI. — Dispositions mécaniques. — Au point de 
vue mécanique, il existe, avons-nous dit, un effort et une 
vitesse de travail conduisant au plus grand rendement. C'est 
encore la méthode grapliique qui les fait connaître, ensei- 
gnant par là quelles manœuvres doivent être interdites à 
l'apprenti si son âge ou ses forces les condamnent. L'adresse 
des mouvements en diminue certainement la fatigue ; mais 
cela ne suffit pas, et il y a, dans les opérations élémentaires 
du travail, de quoi occuper chacun utilement, sans excéder 
l'ensemble de ses capacités. 

Il y a autre chose encore : le choix des outils peut être 
approprié non seulement à l'ouvrage, mais à fâge de l'ou- 
vrier, pour arriver à constituer finalement un outillage 
optimum dont le travailleur accompli sera doté à l'usine. 
Au terme de son apprentissage, le jeune homme devra s'être 
exercé à manier cet outillage en vue duquel sa pensée comme 
son corps ont été disciplinés ; il aura fortement gravé dans 
sa mémoire chaque détail de la pratique, organe de machine 
ou opération élémentaire. On ne lui fera pas étudier une par- 
tie du métier avant que la précédente ait dVk parfaitement 
apprise et exécutée. Se hûter, en matière d'instruction, c'est 
perdre son temps. Les bons ouvriers emploient pour leur 



200 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

préparation plusieurs années, copient plusieurs maîtres, 
clierchent la faveur des circonstances et s'opiniûlrent à leur 
tache. Le rôle de la science consiste à diminuer la durée 
que nécessite la pratique exclusive des ateliers. 

Il n'est pas jiossible que l'apprenti connaisse toutes les 
opérations de Tatelier. Le travail moderne n'exige pas un 
tel effort de Tesprit, qui serait d'ailleurs quasiimpossible. 

La loi de la division du travail, qui régit les organismes vi- 
vants, commande les organismes industriels, en sorte que 
chacun, dans la mesure de ses capacités, y remplit une fonc- 
tion déterminée, et n'a pas besoin d'en savoir une autre. Je 
voudrais, cependant, que l'enseignement général donnât une 
me d'ensemble de la profession, de l'agencement des organes 
de transmission qui se succèdent depuis la direction jusqu'à 
l'exécution, et que les ouvriers ne fussent pas lancés dans la 
vie d'action qu'est la leur sans gouverne et sans boussole. 
II est clair (|u'un patron, n'ayant qu'une spécialité, sera inca- 
pable de donner cette instruction complète. L'école profes- 
sionnelle est donc la grande organisatrice de la prospérité 
économique, à condition (ju'elle procède à la fois parla théo- 
rie et la pratique, celle-ci après celle-là. 

Il semble utile de rappeler (|ue les mathématiques et la 
géométrie, indispensables au mécanicien, présentent des 
lacunes que l'expérience seule est à même de combler. Par 
exemple, la théorie sur les frottements, sur le mouvement 
des corps, est toujours loin de cadrer avec les données de la 
l)rati([ue, cela en raison de la complexité des facteurs qu'il 
faut embrasser dans une science plus précise, et des pro- 
priétés physiques des corps. Très simplement, on expli([uera 
aux élèves l'induence des facteurs physiques, tels que trempe^ 
composition chimique du métal, résistance, forme, etc., en s'ins- 
pirant de l'expérimentation qui se poursuit dans nos écoles 
sui)érieures et instituts industriels. Les faits, beaucoup de 
faits, éclairés par un minimum de science. 

L'heureuse disposition des usines, la division du travail 
feront que l'apprenti s'attachera à répéter le même détail 



l'apprentissage 201 

avec une habilelc croissanle, une [)lus grande économie de 
lemps et de faligue; il cherchera, s'il est ingénieux, à mieux 
s'adapler aux conditions de travail dont on lui a montré la 
liauleimporlance. J'irai jusqu'à dire que Topéralion coûtera de 
moins en moins à son effort d'attention, et deviendra presque 
automatique. L'ouvrier à qui l'exécution d'un ouvrage est 
ainsi rendue facile, grî^ce à Tliahilude, pourra consacrer 
toute son intelligence au « fini », aux soins délicats qui ont 
fait, indiscutablement, la réputation de la fabrication fran- 
çaise. 

Qualité et quantité, il nous les faut toutes deux, malgré la 
rareté de notn» main-d'œuvre et l'incohérence des techniques. 
L'organisation de l'apprentissage et des usines, sur des bases 
scientifiques, nous est donc imposée par le souci de notre 
avenir et l'éclat de notre renom. 

LXXXML — Durée de l'apprentissage. — Ateliers, — 
La durée de l'apprentissage est, évidemment, une difficulté 
et une source de mécomptes. Autrefois, le sens du bien-être 
manquait au |)euple; la misère permanente, l'ignorance, 
l'absence de liberté, l'avaient atrophié. Et le travail était 
mal payé. Aussi, la plupart des marchands faisaient eux- 
mêmes ra[)prentissage de leurs enfants, <|ui leur succédaient 
dans le métier. Une ordonnance de i61S avait disposé qu'à 
17 ans accom|)lis l'apprentissage était, dans ces conditions, 
réputé fait. Le travail du {)cre s'aidait par consécpient de celui 
des enfants. 

Mais quand il fallait entrer chez un patron, tout secours 
cessait pour les familles; elles ne devaient rien attendre des 
enfants, et supportaient leur gène jus(ju'à la fin de l'appren- 
tissage, le<|uel durait de 3 à S ans. 

D'après les statuts, on accomplissait : 

Trois ans chez les drapiers-chaussetiers, les épiciers, dro- 
guistes, confiseurs, merciers, joailliers; 

Quatre ans chez les apothicaires, pelletiers, cordiers, four- 
reurs ; 



202 ORGANISATION 1>HYS10L0G10UE DU TRAVAIL 

Cinq ans chez les bonnetiers, «aumussiers, gantiers; 

Huit ans chez les orfèvres-joailliers. 

Les mélhodes modernes ont réduit le temps d'apprentis- 
sage à 3 ou 4 ans. Avec une organisation scientifique, cette 
durée suffira à former de très bons ouvriers. 

Or, Tapprenti est hanté, aujourd'hui, j)ar Tidée de gagner 
de l'argent tant pour soi que pour ses parents. Il ne conçoit 
plus la nécessité du sacrifice qu'impose Fétude d'un métier; 
il est trop jeune pour le comprendre et la famille trop pauvre 
pour le supporter. On le voit alors quitter un [)atron du jour 
au lendemain parce qu'il ne le paie ]>as assez, ou ne le juge 
pas en état de gagner. Cet apprentissage à cheval prépare des 
déclassés, dégrade la profession. 

Tant (pie l'école ne pourra pas s'ouvrir à toute notre jeu- 
nesse, les patrons feraient de bons apprentis si l'on contrô- 
lait davantage l'œuvre des petits ateliers, en précisant les 
devoirs réciproques et, au besoin, en usant d'encourage- 
ments, matériels et honorifiques. Mais qu'il s'agisse de 
l'école ou de l'atelier, l'Ktat doit s'efforcer d'aider les pa- 
rents, d'accord avec les communes, et d'agir sur eux mora- 
lement par les instituteurs. Il fera un large apj)el à l'expé- 
rience et au dévouement des industriels, que je voudrais voir 
dans tous les conseils d'écoles professionnelles. Et au terme 
des études, lorsque l'apprenti sera jugé digne d'être ouvrier, 
il conviendra de le soumettre à un stage d'un an, de le ras- 
sujettir dans un atelier, (^'est à quoi servira grandement la 
collaboration des chefs d'industrie. Les rasstijettis feront 
d'excellents ouvriers; à l'usine surtout, ils apprendront 
l'inéluctable besoin de production du monde économique, et 
les exigences de la société; ils sauront, comme dit Taylor, 
« qu'on ne vend pas de bonnes paroles ». 

LXXXVIM. — Science sociale et industrie. — Cette le- 
çon de la vie économique d'un pays, la science sociale, la 
connaissance psycho-physiologique de l'homme, manquent 
aux élèves de nos grandes écoles comme aux ouvriers 



l'apprentissage 203 

instruits des écoles professionnelles. Les uns et les autres 
doivent donc faire un stage à l'usine et se rassujettir. « En 
travaillant coude à coude avec un manœuvre couvert de 
graisse, déclare Taylor, avec un ouvrier ignorant les règles 
de la grammaire et étranger à toutes les formes de la poli- 
tesse, il leur faudra bien reconnaître la pénétration inlellec- 
tuelle de ces hommes ... Dans nos écoles, la majeure partie 
des études est consacrée aux propriétés des matériaux ina- 
nimés... En revanche, la matière vivante... est entièrement 
laissée de côté ; on ne lui consacre pas même une heure 
d'étude. Les contrôleurs, les directeurs, les présidents de nos 
grandes sociétés ont une seule matière à travailler : les ou- 
vriers. Les élèves de nos écoles auront toute leur existence 
consacrée à Télaboration de cette matière première si pré- 
cieuse, et ils finissent leurs éludes à 22 ans, sans en avoir 
entendu parler (*). » 

En France, après un sommeil d'un demi-siècle, on revient 
à la science de Thomme, et sous l'impulsion du ministère du 
Travail, de Léon Bourgeois principalement, rien de ce qui 
touche à l'ouvrier ne nous est plus étranger. Mais tandis 
que se poursuit cette analyse des travailleurs dans leurs 
besoins de travail et d'hygiène, et que progresse leur bien- 
être, il est devenu d'une extrême urgence ([ue le ministère 
du Commerce y associe son effort, en organisant scientifi- 
quement l'apprentissage, et en l'organisant à l'école. 
L'œuvre de l'usine sera complémentaire. Le Conservatoire 
des Arts et Métiers serait le centre tout indiqué pour coordon- 
ner et guider l'entreprise indispensable qui s'impose à notre 
pays. Il réunit l'autorité scientifique et la puissance indus- 
trielle, dont la marche isolée serait un désastre national. 

Et, autour de lui, recevant son rayonnement, de nom- 
breuses écoles devraient s'ajouter à celles qui existent. En 
Allemagne, dans la seule ville de Munich, qui compte 
520.000 habitants, il y a 60 établissements dont iS enseignent 

(»} F.-W. Taylor, Revue de mèlallurgie, vol. II, p. 648; 1910. 



204 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

le commerce el 12 les arts iiiduslriels. delà seul dicte son 
<levoir à Tliltal français. 

Il y a vraiment beaucou}) à faire, dont ces modestes pages 
ne sauraient donner l'idée. Si je ne craignais de décourager 
les bonnes volontés, je souscrirais à ce jugement de l'Améri- 
cain Gilbreth : 

« Le système d'apprentissage actuel est pitoyable et cri- 
minel, considéré au point de vue de l'apprenti; il est ridi- 
cule au point de vue moderne, et il n'y a pas de mots pour 
en décrire la vanité au point de vue économique (*). » 

(') V. Gilbreth, Motion Sludt/, p. 41 ; 1911. 



CIIAPITHE IX 



LA MAIN-D'ŒUVRE 



LXXXIX. — La main-d'œuvre s'enlend du travail dos 
ouvriers, mais c'est, à vrai dire, l'ensemble des ouvriers effec- 
luanl un même ouvrage. On semble confondre les personnes 
avec la chose, tellement il est démontré et il s'impose à Tes- 
prit que l'on n'a pas de travail utile, ni de richesse, ni, par 
conséquent, de bien-être sans l'ouvrier. 

La main-d'œuvre est donc l'instrument de la prospérité 
économique, et c'est pourquoi elle doit être nombreuse, 
instruite, éduquée, dirigée avec art et habileté. 

En France, elle a toujours été rare; aujourd'hui qu'elle a 
j)ayé à la Patrie une très lourde contribution, ses rangs se 
sont davantage clairsemés. Il a déjà fallu recourir aux tra- 
vailleurs italiens^ et plus récemment aux Kabyles et aux 
annamites. Désormais cet appel sera nécessairement plus 
frécjuent, et j'imagine que notre industrie songe à bien utiliser 
tout le contingent français et indigène avant de s'adresser à 
nos voisins. Toujours est-il ([ue ce recrutement pose un pro- 
blème très important : celui des aptitudes et des conditions 
])hysiologiques de travail d'hommes qui appartiennent à des 
races variées et à des climats autres que celui de France. 
\J acclimatement n'a d'ailleurs été l'objet d'aucune étude 
l>récise; il est livré à l'c^mpirisme, on peut dire, dans le 
monde entier. 

XC. — Main-d'œuvre italienne. — Je ierai de; brèves 
remarques à l'endroit des ouvriers ilaliens. C.e sont, incon- 



206 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

leslal)Iement, des travailleurs très près des nôtres par Tes- 
prit et la tendance à contracter des habitudes sœurs. Leur 
existence a évolué dans le inôme monde d'idées et de senti- 
ments. Par la race, par la force héréditaire d'une culture 
semblable, ils possèdent des éléments d'affinité qui les ci- 
mentent, plus que tout autre peuple, à notre édifice social, 
sans laisser voir les joints. 

Bien mieux, entre eux et nous, des guerres communes, des 
souvenirs de gloire ont scellé un pacte, pour ainsi dire, 
indéfini, de cordialité humaine. Et il n'y a jamais eu, il ne 
peut plus y avoir de ces « haines vigoureuses » qui nous 
opposent aux races d'évolution anormale. 

Toutefois, ritalien, même en Italie et dans les pays méri- 
dionaux où il émigré volontiers, manque de puissance ; il tra- 
vaille intelligemment, mais avec une certaine nonchalance: 
il n'a pas la continuité d'effort que réclament nos modernes 
industries; il procède par à-coups, et ménage ses ressources 
d'énergie bien plus que l'ouvrier français. 

Généralement, quand il s'expatrie, il vit modestement; son 
labeur, qui n'est jamais fiévreux, se prolonge tard dans la 
soirée et débute de bon matin. Notre système d'organisation 
du travail, qui voudrait un minimum de présence à C atelier et 
un maximum de production, lui serait donc d'une application 
malaisée. C'est, en tout cas, un point important à examiner, 
sur lequel mon attention s'est portée au cours d'une mission 
scientifi(|ue dont je fus chargé dans la l^éninsule, en d907. 

Et c'est pourquoi je ne partage pas absolument la doctrine 
de Témincnt sociologue italien, le député Cabrini, écrivant (^) : 

« L'Italie est fi^re de collaborer au développement de 
l'industrie française, en lui fournissant la main-d'œuvre 
complémentaire qui lui manque, et qui chez nous est en 
excès. Certes, la victoire de l'Entente éveillera ici une mer- 
veilleuse floraison industrielle. Mais, de longtemps encore, 
bon nombre d'ouvriers continueront à émigrer. 

{}) Voir le Journal du l" juin 1916. 



LA main-d'oix'vre 207 

« Nous verrons volonliers nos conipatrioles s(^ diriger vers 
un pays de langue latine elde lenipéramenl fraternel, vers la 
France, notre alliée par l'esprit, le cœur et la raison poli- 
tique. L'émigration en Europe est temporaire, bien plus que 
celle d'Amérique : pour ces émigrants la patrie est proche. 

« Il faut cependant que la France et l'Italie, nations par 
excellence démocratiques, disciplinent le mouvement. Vous 
avez intérêt à ne pas accueillir des travailleurs qui pourraient 
abaisser les salaires. Nous ne voulons pas envoyer des natio- 
naux (|ui puissent jouer ce rôle de « kroumirs ». 

« L'Flat français a des devoirs à l'égard de son proléta- 
riat qui, souffrant d'inouïs sacrifices, reste l'admiration du 
monde. La route ne saurait être barrée à ceux quj^ revien- 
dront des tranchées. La France ne pourra jamais accepter 
l'importation d'une main-d'œuvre de mendiants. 

« La vieille théorie qui proclamait que l'argent envoyé 
par les émigrants à la patrie est toujours le bienvenu, 
quelque humiliation qu'il cache, a vécu. Le gouvernement 
même la rejette. 

« Il importe donc d'établir de part et d'autre des conditions 
claires. Ce faisant, nous consoliderons en durée et en force 
l'alliance scellée par les armes. Ainsi s'affirme la nécessité 
d'un contrat de travail, tel que le proposait Luzzati. Le traité 
d'émigration devenu contrat de travail peut se résumer en 
ces points : 

« 1° L'ouvrier italien en France doit jouir des mêmes liber- 
tés que l'ouvrier français; 

« 2" Pour toute question syndicale, il ne pourra être 
expulsé qu'après jugement rendu par les autorités reconnues ; 

« 3"* Tout engagement, par vos industriels, doit se faire d'un 
commun accord entre le gouvernement et les organisations 
professionnelles du capital et du travail. » 

XCI. — Les salaires. — Quelles que soient les modali- 
tés de cette participation étrangère au travail économique 
de notre pays, il n'en demeure pas moins vrai que la main- 



208 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

d'œuvrc s'est raréfiée sérieusemenl, et que le inachinismc 
sera de plus en plus sollicité, dans Tindustrie, le commerc** 
et ragricullure. Le moteur inanimé emj)iétera sans cesse 
sur le domaine du moteur animé ; la culture mécanique fera 
la loi aux paysans; la machine-outil régnera, dans les usines, 
en souveraine. Et pour diriger, commander toutes ces forces 
aveugles et infatigables, l'ouvrier devra se spécialiser, 
accroître son instruction, affiner son intelligence. Si Yap- 
prentissage ne vient pas à son aide pour l'adapter à cette 
tâche délicate, il emploiera beaucoup de temps à s'y faire, 
son rendement sera médiocre et son salaire tout petit. Car, 
à mesure des progrés du machinisme, on exigera de nos tra- 
vailleurs^ plus de capacités, et la sélection entraînera un 
déchet important. L'exemple de ce perfectionnement néces- 
saire de la main-d'œuvre est donné par les professions elles- 
mêmes : mécaniciens, ouvriers d'art, horlogers, électriciens, 
sont intelligents, adroits, habiles. -On les élèverait encore 
d'un échelon dans la société si Ton organisait leur appren- 
tissage comme il a été formulé précédemment. 

Tous les travailleurs sont loin de cet état; il en est i\\x\ 
peinent et gagnent peu. C'est inévitable; on n'empêchera pas 
l'ignorance d'être une source de misères. Or, plus que 
jamais, les hommes comprennent leur droit à la vie, à une 
vie (pii ne soit pas de continuelles privations. La question 
des salaires, ave(* sa variété, sa complexité très grandes, doit 
tenir compte de celte revendication et n'avoir pas seulement 
égard au rendement. Le salaire lyî rétribue pas un orga- 
nisme dont les besoins se règlent uniquement sur le travail, 
ce qui serait le cas d'une ma(*hine à vapeur, par exemple. 11 
doit assurer largement la vie de l'ouvrier, c'est-à-dire les 
frais de son alimentation, même quand il ne travaille pas, 
pendant le repos, les fêtes, le chômage» forcé; de l'entretien 
de sa santé, par Fhygiène du foyer, le logement, le vêtement; 

de l'entretien de la race, par l'hygiène sociale le dis que le 

salaire, à l'endroit de tout travailleur digne de ce nom, ne 
peut pjis s'abaisser au-dessous d'une certaine ra/^?;^/- sans être 



LA main-d'œuvre 209 

inhumain. El je déclare que toutes les fois qu'un homme ne 
trouve pas les moyens de vivre, c'est la société seule qui 

est coupable. 

11 y a dans la division du travail une solution scientifique 

pour occuper toute personne à la besogne qui lui convient. 

El il y a lanl de développements possibles pour l'activilé 

humaine que chacun doit trouver son emploi à bref délai. 

Par quelle aberration en arrive-l-on aux grèves, <{uand il 

existe des solutions rationnelles des conflits du capital avec 

le travail ? Les grèves frappent la production et gênent 

également patrons et ouvriers. Elles disparaîtront devant 

une organisation qui ne néglige rien des besoins matériels 

et moraux des travailleurs, et quand les lois auront cessé 

d'être des sabres de carton. 

XCII. — Main-d'œuvre française. — De la main-d'œuvre 
française, tout ou à peu près a été dit par nos économistes, 
et dit excellemment. Elle possède en propre Tespril d'entre- 
prise qui la porte à inventer, à perfectionner, à aimer le 
progrès; le goût du bon travail, de la précision, c'est sa 
qualité dominante, appréciée universellement ; elle répugne 
à la routine dès qu'elle en comprend les défauts. Cette intel- 
ligence est moins développée chez les travailleurs de la terre 
(jui sont, ainsi, plus routiniers. 

L'ouvrier français s'assimile facilement les notions nou- 
velles, d'autant plus vite qu'elles frappent davantage sa 
curiosité ou lui semblent agréables. Mais il a l'esprit prime- 
sautier. Faute d'une longue éducation, et par ignorance de 
la méthode^ il se plaît à touchera tout sans rien approfondir. 
Cet inconvénient est compensé par les qualités précédentes; 
il n'en est pas moins réel. C'est pour toutes ces raisons que 
nos écoles, à la ville et à la campagne, doivent servira orien- 
ter et favoriser l'exercice des vertus nationales dès l'enfance 
ouvrière; à instruire la jeunesse de tous les éléments du métier, 
en lui montrant clairement les avantages du travail moderne 
sur l'ancien, de la science sur l'empirisme. De m^^me que 

ORGANISATION PllYSIOLOOiQUB DU ThAVAlL. 1 i 



210 OnCANISATION PHYSIOLOGrQUE DU TRAVAIL 

l'ouvrier, le paysan iiiérile la collaburatioii, avec ses procé- 
dés liabiluels, d'une leelinique ]>lus ])aifaile, Ellle associe- 
rait à son activilé, ulileineut, celle de sa femme et de ses 
enfants. Sous une forme moderne, ce serait la vie rustique 
d'autrefois {fig- 07), mais productive, féconde. 



La proti?ctiou de la race nécessite d'autres mesures : ate- 
liers et chantiers seront coiutîtiounés |)our que Vhijtjiène n'y 
perde aucun de ses droits. Des afiiclies enseifj;ueront aux 
hommes les précautions à |)rcmii'e contre les causes pos- 
sibles de contagion cl d'intoxication, l'immense profit d'une 
alimentation rationmielle, conforme aux jtrincipes (]ue nous 
avons exposés. 

Il est clair (juc c'est là pUifrtt la mission des iiispecleum 
dit travail, mission <]ui exijje de lu C(»m])étence et ilu tact, et 
qui pourrait être simplifiée par l'organisation de conférences 
du soir sur Vhyijiène du travail, où seul scn-a doniu't un ensei- 



LA main-d'œuvre 211 

gnement expérimental. Le verbiage doctoral est le pire de 
tous : il éloigne de la vérité. 

Il manque, enfin, à nos ouvriers Yardeur colonisatrice; 
c'est, probablement, un effet de notre prospérité et de notre 
« sociabilité ». Chez nous, des habitudes sociales, la jcama- 
raderie, l'inertie mentale nous retiennent fortement; mais 
l'homme toujours renfermé échappe à cette attraction ; chez 
lui ou ailleurs il demt^ure le même. 11 est bon <|ue la vraie 
main-d'œuvre française se rende un j)eu aux colonies et y 
contribue à assurer notre con<[uéte économique, par elle- 
même d'abord, par son exemple vivant, et aussi en formant 
la main-d'œuvre coloniale, nombreuse et médiocre. 

Le travail dans les colonies suppose l'expérience du monde 
indigène et la connaissance du milieu. Il sera question plus 
loin de la main-d'œuvre indigène et de sa résistance physio- 
gique. Mais tout ce qui a trait au milieu^ c'est-à-dire à la 
température^ aux actions solaires^ à V humidité si grande des 
régions africaines où Hotte notre drapeau, tout ce qui con- 
cerne Yalimentation et le genre de vie du colonial, mérite 
un exposé complet. Je ne puis que renvoyer à mon livre : 
Le Moteur humain (livre IV) et aux pages très courtes qui 
précèdent. Au point de vue pratique, il faut insister sur la 
nécessité de modérer l'activité et la consommation d'énergie 
qui lui correspond, de travailler à des allures plus faibles 
que dans nos contrées, de commencer tôt et de finir tard le 
travail pour bénéficier des heures où la chaleur n'a pas son 
maximum d'intensité, et somme toute de rattraper sur la 
durée ce que l'on est obligé de perdre sur là puissance. Il faut 
réduire dans les repas la quantité de viande, et s'interdire les 
boissons alcooliques, sous peine d'être la proie de toutes les 
infections possibles, et de ruiner à jamais la résistance orga- 
nique. J'attribue à l'excès de travail et aux eaux-de-vie absor- 
bées inconsidérément, la forte mortalité des ouvriers que l'on 
avait employés à Madagascar pour construire le chemin de 
fer de Majunga. 

D'ailleurs, nos travailleurs ont pour devoir de guider la 



212 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

main-d'œuvre indigène, naturellement désignée i)our les Ira- 
vaux de fatigue, qui n'entameront pas sa résistance au môme 
degré que celle des nôtres ; et à apprendre eux-mêmes à se 
servir des moteurs industriels que leur confient les colons. 
Il n'y aura bientôt plus d'usine ou d'exploitation agricole 
sans un bon outillage mécanique. Formons donc le cerveau 
de nos ouvriers; ils ne négligeront pas leurs muscles. 

Le Français qui se rend aux colonies doit abandonner une 
|)artie de ses coutumes métropolitaines et les remplacer par 
quelques-unes de celles des indigènes, spécialement quant à 
l'alimentation, au vêtement et au logement, dont nous par- 
lerons tout à l'heure. Faute de quoi, les variations brusques 
de la température auront vite raison de sa santé, après avoir 
diminué sa capacité de travail. Le temps d'acclimatement est 
de trois à quatre ans si l'on suit um^ vie régulière, exempte de 
surmenage et d'intempérance. Pour les Européens (|ui se 
rendent à Sumatra, où la température est en moyenne de 27*" 
toute Tannée, Glogner admet une période d'acclimatement 
de 4 ans. Encore faut-il ajouter que l'état antérieur de la 
personne, son âge, sa condition, modifient cette durée. 11 
convient surtout de ménager Vaccoutuinance des cellules dans 
leur labeur à produire de l'énergie. Les phénomènes physio- 
logiques ne se prêtent pas aux passages brus(|ues; il leur 
faut une lente transition, un entraînement graduel. Je rap- 
pellerai, à ce sujet, que le principal facteur de dépréciation 
des soldats envoyés aux colonies, c'est le défaut d'entraîné- 
ment de la vitalité cellulaire. Déjà, le physicien Coulomb 
avait constaté le faible rendement (pi'ils fournissent dans ce 
cas : « J'ai fait, dit-il, exécuter par les troupes de grands 
travaux à la Martinique; le thermomètre y est rarement au- 
dessous de 20° (exactement 25°). J'ai fait exécuter en France 
les mêmes travaux par les lroup(^s, et je puis assurer que 
sous ce 14" degré de latitude, où les hommes sont presque 
toujours inondés de leur transpiration, ils ne sont pas 
capables de la moitié de la quantité de travail journalier 
qu'ils peuvent fournir dans nos climats. » Je persiste donc 



LA main-d'œuvre 213 

i\ défendre l'idée que nos travailleurs doivent so contenter 
de surveiller et d'organiser la main-d'œuvre indigène, 
(^elle-ci est adaptée au milieu; et les Français ne pourront 
jamais la suppléer sans péril, à un moment où notre pays 
réclame toute leur activité pour se relever économiquement. 



XCIU. — Main-d'œuvre indigène. — En vue de ce 

relèvement, il a été question de renforcer l'armée de nos 
travailleurs d'un prélèvement effectué sur les indigènes 
d'Afrique^ et plus particulièrement de Kabyles, Ce sont des 
sujets français. A ce titre d'abord, pour les services qu'ils 
peuvent rendre ensuite, ils méritent une attention spéciale. 
On les a trop souvent vus du dehors^ sous le voile de la lit- 
térature (^), dans les récits émerveillés des amateurs de pitto- 
resque, et hier dans les splendeurs de l'héroïsme. Il faut 
encore les voir du dedans, sous tous les aspects de leur vie 
matérielle et morale, et le rayonnement de leurs traditions. 
Les connaître ainsi, c'est, à mon sens, leur faire beaucoup 
de bien, car ils gagnent à être compris. 

L'étude scientifique des Arabes m'a occupé de 1907 à 1909, 
au cours d'une mission officielle dans le nord de l'Afrique. 
J'enquêtai sur les conditions de leur travail, sur leur force et 
leur capacité productive. Mes nombreuses expériences ten- 
daient à faire ressortir l'influence de V alimentation, de la 
température, de la radiation solaire. Autant que le problème 
physiologique, je cherchai à préciser le problème social et 
militaire, car il était alors fortement question de l'intéres- 
sant projet de M. Messimy sur la conscription indigène. Je 
résumerai ici mes observations, éparses dans des Rapports 
ministériels que la poussière des Archives n'a point souillés, 
ou encore dans des ouvrages techniques (^j. 

XCIV. — 1° Considérations techniques et sociales. — 

(*) On en peut lire un exoeUent exemple dans l'article de Charles Géniaux, 
Scènes de la vie kabyle {Revue des Deux Mondes du 15 avril 1916, p. 920). 

(*) Jules AsiAR, Le liendement de la machine humaine; Paris, 1910 (épuisé;; 
— Le Moteur humain f livre VI; Paris, 1914. 



214 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TBAVAIL 

Les Kabyles, — Les populations arabes doivent à la religion 
musulmane qui leur est commune la puissance des traditions 
qui les gouvernent; elle constitue le lien robuste de races 
très différenles, celles du moins qui occupent les rivages 
méditerranéens. L'âme arabe est tout enveloppée et péné- 
trée de l'atmosphère religieuse. Elle se dérobe dans un 
passé à la vérité très beau et riche de gloire. 

Je parlerai exclusivement de la population kabyle. Elle 
intéresse davantage le monde du travail. On la rencontre à 
l'est du déparlement d'Alger, dans celui de Constantine et 
en divers points de l'Afrique occidentale, surtout au Maroc. 
Au point de vue ethnique, il est fait mention, dans les 
Annales égyptiennes, d'un peuple lybien, vivant à l'ouest de 
TEgypIe, autochtone et à type blond. Un papyrus, datant de 
3.000 ans avant Jésus-Christ, l'appelle Tamahou, Je ne sais 
ce que vaut ce témoignage; mais, lors de la rivalité de 
Rome et de Carthago, il existait bien un royaume de Numi- 
die, habité par des Berbères, là où vivent aujourd'hui les 
Kabyles. Ces Berbères seraient-ils les descendants de 
quelques immigrés phéniciens, conlemporains de la fonda- 
tion de Cartilage ? Seraient-ils ainsi de souche sémitique? — 
Leur type les distingue des Arabes, tard venus dans le nord 
de l'Afrique. Et ils n'ont point acKiellement de parents recon- 
naissables. Ce sont les images d'un original disparu. 

Lorsque Rome eut défait Carihage, elle nomma son propre 
allié, Massinissa, roi de toute la Numidie, avec Cirla ou 
Constantine pour capitale. Cependant, l'instinct de la liberté 
reprit le dessus, le joug romain parut trop lourd au prince 
Jugurtha, fils de Massinissa. Les fougueux cavaliers nu- 
mides — Nimndœ infripni cingunt — se révoltèrent. Et 
Marius dut combattre pour écraser l'armée de Jugurtha. En 
l'an 106 avant Jésus-Christ, il le défit et traîna au cachoL 
L'âme berbère, elle, ne fut pas domptée, la pureté de la race 
ne fut pas alteinte, car nul ne prélend retrouver dans les 
Kabyles de notre Djurdjura les traits connus des Romains, 
pas plus au physique qu'au moral. 



LA main-d'œuvre 213 

Nouveaux assauts et nouvelles révoltes en Numidie quand 
passe le torrent de l'invasion arabe, vers 646 de notre ère. 
Une Jeanne d'Arc berbère se dresse contre Fenvahisseur, la 
Kahina organise la résistance et conquiert, sinon Tindépen- 
dance du pays natal, assurément l'admiration de l'histoire 
et les lauriers de la légende. 

Puis vinrent au xvi* siècle les Turcs, dont la domination 
s'évanouit au jour de notre approche... N'insistons pas sur 
des événements (jui ne pourraient rien préciser du passé 
mystérieux de la Kabylie, et plus généralement de la Ber- 
bérie. Le qui survit de ce passé, c'est le type humain avec 
ses caractères propres, c'est le Kabyle avec ses <|ualités 
intrinsèques que nous voudrions apprécier. Et comme il se 
retrouve en Tunisie, en Tripolitaine, au Maroc, il est bon de 
le connaître parfaitement, et de mettre à nu ses sentiments 
et ses pensées. L'ethnographie devient, à cet égard, un 
moyen supérieur de civilisation. 

Comment s'étonner dès lors que le Gouvernement romain 
ait institué, pour faciliter la colonisation de la Lybie, une 
Commission de spécialistes chargée d'analyser tous les élé- 
ments psychologiques, physiologiques, ethnographiques 
dont celte pénétration aura besoin (•)? Je ne sais quelle orga- 
nisation garantit notre succès au Maroc ; mais nous aurions 
tout pour réussir. D'accord avec nos voisins de la Péninsule, 
el joignant nos efforts, nous exercerions en Afrique une 
action de progrès sans exemple dans l'histoire du monde. 

XCV. — La vie kabyle. — Revenons aux Kabyles. Ce sont, 
presque tous des gens laborieux ; ils sont constamment à 
leurs afTaires, soit dans le commerce, soit dans Tagriculture. 
Ils travaillent avec ardeur et intelligence, et sont redou- 
tables dans la concurrence qu'ils font aux autres races afri- 
caines. Je les rapprocherais volontiers des Mozahites, peu- 
plade saharienne et d'un esprit également éveillé, très 
commerçante à coup sûr, et dont ToriiTino elhni([ue n'est 

(•) s. Ottolexoiii, Nuova Anioloyia du l" mai 1914. 



216 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

pas moins éiiigmatique. Os Mozabiles sont disséminés en 
Algérie et en Tunisie ; partout ils s'assimilent aux habitants 
et s*iniposent à eux par une rare diligence. 

Les Kabyles vivent généralement groupés; ils ont con- 
servé des mœurs pour ainsi dire bibliques^ en ce sens que leur 
constitution rappelle l'époque où Moïse réparlissait en tribus 
un peuple informe, et donnait à ces tribus une constitution 
patriarcale. On n'a pas oublié ces groupements par dix, cent 
et mille habitants, ayant des conseils et des juges, de sorte 
que les autorités supérieures synthétisaient les autorités 
inférieures, et (jue le moindre hameau se reflétait dans la 
commune, et celle-ci dans la ville. Je retrouvai ces fédéra- 
tions, ces assemblées étagées, ces (Conseils d'Anciens, cette 
puissance familiale d'une antiquité reculée, dans l'organisa- 
tion des Berbères. Et cela aussi pourrait me confirmer dans 
riiypothèse — je ne dis point la certitude — que les Kabyles 
sont d'origine phénicienne. 

Jusqu'à la dhne sur les grains et le centième sur les trou- 
peaux ; jusqu'à l'affirmation des rapports de maître à esclave 
entre l'homme et la femme, mais d'un doux et courtois escla- 
vage ; jusqu'à l'hospitalité vis-à-vis du pauvre et de l'étran- 
ger, et le respect de la parole jurée, et le vif sentiment de 
l'honneur, — tout ici reproduit ce que l'histoire sacrée nous 
raconte avec détails. 

Voilà qui expliquerait même l'existence sédentaire, l'amour 
du pays natal et du foyer chez les Kabyles, à condition qu'ils 
trouvent auprès de leurs demeures les moyens de travailler 
pour vivre. Sinon, ils quittent leurs chaumières, ils des- 
cendent de leurs plateaux, ils désertent une terre ingrate et 
des champs désolés ; et ils s'en vont vers les cités où leur 
travail sera estimé à haut prix ; ils s'y emploienl, ouvriers à 
la tûche ou à la journée, mais ouvriers économes, dévoués, 
loyaux. 

Dépensant peu, ils se créent bientôt une relative indépen- 
dance, deviennent de petits commerçants el réussissent dans 
la plupart des métiers. 



LA main-d'œuvre 217 

Ce ne sont pas des cuUivaleurs que rien n'attache hormis 
le sillon. Au contraire, ils aiment les arts el y montrent une 
certaine adresse. A ces gens industrieux, les machines à 
tisser et à broder ne conviennent pas moins que la charrue. 
L'enseignement professionnel ferait d'eux des artisans mo- 
dèles, comme il ne s'en observe pas parmi leurs coreligion- 
naires arabes. Car ils se distinguent de ceux-ci par l'horreur 
de la paresse et de la misère ([u'elle engendre, et ce ne sont 
pas des fatalistes absolus ou des superstitieux; ils ont, sur- 
tout, un sentiment plus fier de leur dignité et de leur 
liberté. 

On éprouve qu'ils sont les vrais indigènes, les autochtones 
perdus dans la forêt humaine qui a poussé autour d'eux. Leur 
patriotisme, il ne faudrait pas le confondre avec le fanatisme 
religieux. On m'a souvent affirmé, et j'ai pu me convaincre 
que la foi ne soulève pas les montagnes kabyles. 

En résumé, hommes de travail, unis et mus par l'intérêt et 
Thonneur, — ce qui n'est pas contradictoire, — dominés par 
la ferveur familiale, prêts au sacrifice et à l'entreprise proche 
ou lointaine, possédant pour tout dire les capacités des bons 
travailleurs, tels me semblent les Berbères en général. Et 
quand ils ont épargné quelque argent, ils s'en retournent à 
leur parys, renouent les traditions interrompues et pour- 
suivent, à côté d'un foyer renaissant et sous des cieux amis, 
le labeur diligent du boutiquier ou de l'agriculteur. 

Le Kabyle a donc conservé les mœurs des ancêtres, qui, aux 
temps fameux de la République romaine, firent la prospérité 
économique des territoires numides et carthaginois. C'est de 
quoi, pour leur propre compte, les Italiens espèrent tirer 
parti en s'installant dans la région lybienne. En matière de 
colonisation, le passé gouverne et enseigne l'avenir. 

XCVL — 1° Considérations anthropologiques. — Le 

Kabyle possède une taille légèrement supérieure à la 
niovenne. Sur 800 Berbères adultes, les mensurations m'ont 
donné une taille de l^yGS, celle du Français atteignant à 



218 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

peine 1",05; le busie est pariiculièremenl développé, et It^ 
coefficient thoracique, dont on a vu plus haut Fimporlance, 
s'élève à 0,54, comme chez tous les sujets robustes et bien 
proportionnés. 

L'architecture du corps est assez grossière, muscles gros 
s'insérant par de fortes attaches sur un s({uelette massif; 
poitrine large, membres grands et vigoureux; tête irrégu- 
lière, à cheveux blonds ou châtains, et parfois d'une vilaine 
couleur maïs. Le visage n'a point la finesse de celui de 
l'Arabe ; mais il est expressif, énergicpie ; les yeux sont vifs, 
le regard pénétrant. 

Tout cet ensemble est quelipie peu sévère, et inspire, non 
de la sympathie, mais de Tintérél ; il reflète la volonté et la 
décision. Un autre Irail physique spécial du Kabyle, c'est la 
coloration de sa peau, toujours moins foncée que celle des 
autres Berbères. L'hérédité, qui accroil l'action immédiate 
de la radiation solaire et renforce la pigmentation, est ici très 
faible; nous avons affaire, visiblement, à une peuplade médi- 
terranéenne, implantée en Afri(|ue à une épocjue assez rap- 
[)rochée. A cet égard, Kabyles et Arabes ont une parenté 
étroite qui en fait un groupement distinct de celui des 
nègres. 

Chez les nègres, l'inlluence héréditaire est puissante et a 
marqué de son cachet le type anthropologicpie du noir ; la 
transformation est profonde dans le sens d'un amoindrisse- 
ment de l'énergie nerveuse et des capacités intellectuelles, 
tandis ([u'une sorte d'induction pholochimifjue se révèle dans 
tous les éléments é|)idermiques : peau, cheveux, barbe. 

Mais, parmi les Arabes, la pigmentation est légère. J'ai 
même cité le cas des bonnetiers ([ui, de père en (ils, travaillent 
dans des quartiers couverts appelés souks; ils ne voient 
pres(pie jamais le soleil, et n'en subissent pas le luile. Aussi, 
leur teint est-il plutôt blanc, (*t parfois sont-ils un peu 
étiolés (^). 

(1; Jules Amar, Journal de Physiologie^ p. 235, 1908. 



LA MAlN'Il'uEUVPE 219 

Je pourrais signaler liieii tratitres caractères pour diffé- 
rencier les races (jue j'ai observées; leur aspect esl par lui- 
même assez insiruclif {(ig. 68). [I faul ajoulor que les 
Kabyles parlent français el arabe, encore (|u'ils s'exprimeni 



AmbrH ilu eiid. Ki-ini. Kaliyle. 

Fio. 68. — Types d'arabes africains. 

<le préférence en berbère, H m'est impossible d'indiquer ce 
que cette laiif^ue révèle sur leur bisfoire nu tenqis m\ celle-ci 
ne se confondail avec Tiulle aulre. L'accent, <jui esl brusque, 
n'a nullein<-nt l'Iiarnionie du parler aiahe. De ipielles voix 
éteintes est-il jiaiini nous t'échu lointain ? Aux épiifrapiiisles 
de nous l'apprcTidre. 



220 OnGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

XCVII. — Considérations physiologiques. — L'énergie 
des Arabes. — I-e problème physiologique concernant 
Vénergie arabe a nécessité de miniilicuses expériences, que 
j'ai pu étendre à près d(* 250 personnes recrutées dans tout 
le nord de l'Afrique, de façon à comparer régions et races 
différentes. 

La force indigène varie d'une ville à une autre suivant les 
conditions économiques. Dans certains villages d'Algérie, 
l'homme est physiquement déprimé, il est émacié faute de 
nourriture. 

Mais alors même que son alimentation est régulière, le 
travailleur de la cité est presque toujours plus fort que celui 
de la campagne, l'ouvrier plus que le paysan. Au dxjnamo- 
mètre, ce sont les débardeurs qui ont fourni le maximum de 
force, puis les coltineurs et les cultivateurs, en dernier lieu 
les boutiquiers à vie sédentaire. Les premiers sont capables 
d'un effort à peu près double, et plus soutenu. Cet avantage 
subsiste quand on les compare à nos paysans de France, et 
disparaît vis-à-vis de la force de nos ouvriers parisiens que 
j'ai étudiés longuement. 

La considération du travail est plus intéressante que celle 
de la force. Je fis donc transporter des fardeaux^ variant de 
30 à 60 kilogrammes, à des allures réglées, en marchant à 
plat ou en s'élevant sur escalier. Je fis aussi un emploi mé- 
thodi(|uc de mon cycle à frein pour mesurer le travail des 
jambes et analyser la double influence de l'effort et de la 
vitesse. 

11 faut immédiatement déclarer que Marocains et Kabyles 
remportent sur tous les Arabes par la quantité de travail 
journalier, et la rapidité de leur allure. Plus nerveux, ils 
recherchent instinctivement l'exercice de vitesse, et l'on a du 
mal à modérer leurs mouvements. Au contraire, les indigènes 
de Tunisie, adoptant des allures lentes, travaillent avec 
nonchalance, et il n'est guère facile d'accélérer leurs mou- 
vements. Ce sont là des caractéristiques frappantes. 

Dans l'industrie, dans l'armée, la vitesse est un facteur 



LA MAIN-D OEUVRE 221 

précieux, et suppose une faible « équalion personnelle », une 
(lisposilion névro-musculaire k réagir sans relard. Les Ber- 



Fio. 69. — Un kïbyle en expérience sur le cycle ergomélrique, à Biskra [1908], 

bores m'ont paru avoir la vivacité de réaction de nos ouvriers 
de Franco, les autres arabes la lenteur de nos paysans, sans 
posséder leur ténacité. 

En mesurant, au bout de plusieurs heures de travail, la 



22i ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

fatigue el la dépense d'énergie, au moyen des apj)areils déjà 
décrils, j'ai pu déterminer les ï^c{i)\\vf>i\\x meilleur rendement 
journalier [fig. 69). 

Dans le transport des fardeaux, Tliomme marchant à plat, 
on a trouvé Ic^s mêmes résultats (pie sur les sujets de la 
métropole, résultats exposés ci-dessus (chap. vi). Pour 
s'élever sur une hauleur, l'Arabe est moins ])uissant que TKu- 
ropéen et le Berbère, on doit Tc^mployer à des exercices con- 
tinus nécessitant un elTort modéré, soil de 20 à 30kilogramme>, 
ou enfin aux travaux agricoles. Le Kabyle seul convient aux 
travaux industriels, aux exercices raj)ides coupés de courts 
et fréquents repos. Kn considérani la production de la jour- 
née de travail, dans s(»s aspecls variés, on peut eslimer (pie 
;î Kahgles valent 6 bons Arabes. Les Marocains et les nègres 
sont dans le même cas. « Us nous ont semblé d'une endu- 
rance très grande, et leur rendement est, en effet, le phis 
élevé. Celle (Miduranc(» seremanpiait surlout dans la manier*! 
de reprendre le même travail, plusieurs jours de suite, sans 
paraître en souffrir. Nos colons de l'Oranais le savent bien : 
toute ou pres(pie toute la main-(r(euvre (ju'ils emploient se 
compos(* de Marocains ('). » Mais si Ton lient compte (1(* 
l'intelligence el de Tadresst» des éléments kalnies, c'est à 
ces derni(M*s que nos indusliies devront demander l'appoint 
de leurs cadres (mi personnel. Le* Marocain, et a plus forte 
raison le ii(''gre, ne peuvent servir (jue de manœuvres. 

\(l\'lll. — L'alimentation des Arabes. — La maiii- 
d'(euvn* indigène n'est maniable el parfaite que si l'on res- 
pecte ses traditions. 11 va de soi (pie pratiques religieuses et 
vie en commun lui doivent être assurées, car rien ne pourra 
les remplacer; d'ailbnirs ce serait un 7nal de le faire. L'Aral)e 
a tout à perdre au contact d(*s nôtres, dans les discussions 
politiques des cabarets. Nous savons si peu le noble usage 
de la liberté, qu'il convient de nous en interdire renscign(î- 

(*) Jules Amak, Le Heudement de Ut macJiïne humaine, p. 88. 



LA main-d'œuvre 223 

ment. Mais ce sont les conditions physiologiques que je vise 
spécialement. Et d'abord V alimentation des Arabes. 

Il n'y a point, dans toute l'Afrique, une chaumière où le 
plat national, le couscous, ne soit de rigueur. C/esl de la 
semoule grossière, roulée en petits grumeaux par l'action 
combinée d'un peu d'eau et de beurre légèrement ranci. On 
la met dans une casserole à fond perforé couvrant le pot- 
au-feu ; on plâtre môme la ligne de jonction des deux usten- 
siles pour assurer une fermeture hermétique. Les vapeurs du 
pot-au-feu traversent alors la farine et la font foisonner ; 
elle cuit et se parfume de tout l'arôme du j)otage. On la sert 
dans un grand plat de bois, où elle est arrosée du consommé 
et ornée des viandes et légumes que celui-ci contenait en 
abondance. 

Les indigènes sont friands de couscous, et nos colons 
eux-mêmes y ont pris goût. En fait, il est nourrissant, léger 
et stimule l'appétit (voir sa composition dans la table, p. 85), 
et la présence iVacide butyrique, due au rancissement, en 
accroît la valeur nutritive. Cette observation, déjà faite par 
Young, Boussingault, s'est vérifiée dans mes expériences, 
attendu que le couscous m'a donné un rendement énergé- 
tique supérieur de 15 0/0 à celui du {)ain ; il est donc mieux 
utilisé par l'organisme, probablement parce que, psychique- 
jyient (Pawlof), et directement, il favorise les sécrétions diges- 
tives. En raison de cet avantage appréciable, on ne doit pas 
changer les habitudes alimentaires des Arabes, sauf à amé- 
liorer la ({ualité des repas. Il en sera dans la vie industrielle 
ou agricole comme ce fut naguère, sur mes instances, dans la 
vie en campagne, où nos indigènes supportèrent le froid et 
les plus grandes fatigues (*). Le problème de la boisson est 
plus important. Ils ne devraient boire que de Veau, purifiée 
par ébullition ou chimiquement, car c'est leur boisson habi- 
tuelle, et, d'autre part, leur religion leur défend les li([ueurs 
fermentécs. Mais les ivrognes, en dépit de c<*tte défense, 

{') Jules Amar, Comptes rendus Acad. des Sciences^ 14 décembre 1914. 



224 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

sont noinbroux parmi eux, nn^me des ivrognes de manjue... 
si jose dire. 

Or, c'est encore une tradition arabe que de faire usaj^e de 
café et de thé. (|ui ajifissent comme n^rvins grâce à la caféine 
qu'ils contiennent tous deux. Le café se prend, chez eux, en 
décoction : la farine se dépose au fond de la tasse sous un 
liquide trouble et mousseux, d'une agréable saveur. 

Le thé constitue le breuvagt* de prédilection des Maro- 
cains; ils en absorbent plusieurs lasses bien sucrées chaque 
jour, et toutes parfumé«*s à la menthe fraîche. C'est par une 
invitation au café ou encore au thé que se traduit l'hospita- 
lité des indigènes. Tant (jue l'Arabe ne consomme pas plus 
de 30 grammes de café torréfié, ou de 5 grammes de thé se<* 
par jour, son travail n'en sçra que plus actif, son effort plus 
continu, et somme toute les aliments seront utilisés avec une 
épargne moyenne de 5 0. 

Il y a donc des aliments et des hoissons d'épargne que les 
hommes recherchent instinctivement, et dont il faut savoir 
tirer parti en évitant l(*s dos(*s toxiques. 

Au point de vue de la soif, qui <*sl particulièrement tyran- 
nique dans les climats chauds, cpii augmente en été, ou 
encore par les fatigues du métier, de la guerre, j'ai réussi à 
composer une boisson rafraîchissante que mes sujets accep- 
taient avec plaisir. C'est une limonade à base Ak^ citron, dont 
on peut s'explicpier aisément les j)ropriélés hygiéniques, 
nutritives et loni(iant(\s. En voici la composition : 

Sucre 25 gr. 

Eau \ 1. 

Jus de cilron 1. 025 

Vin de 10° 1. 070 

Cette limonade vineuse dispense des boissons alcooliques, 
et son abus n'offre aucun inconvénient. 

IC. — Climat et acclimatement. — Les effets du climat 
dans l'Afrique du Nord ont créé un mode de vie et une résis- 
tance physiologique particuliers aux indigènes, et par les- 



LA main-d'okuvre 225 

quels on s'explique la nature de leur alimentation. Les popu- 
lations arabes sont accoutumées à vivre clans une région 
tempérée, en plus d'un endroit chaude. Uéiéy la température 
affaiblit considérablement leur capacité de travail, car cha- 
leur et humidité sont défavorables à la contraction des 
muscles et au bon fonctionnement des centres nerveux. Et 
cependant, elles s'y comportent mieux que nous; elles se 
défendent par Tentraînement des fonctions organiques, et par 
la protection que leur assurent des maisons et des quartiers 
tous abrités du soleil. Pour éviter les accidents dus à une 
transpiration excessive, et la forte absorption de la radiation, 
les Arabes s'habillent de laine, été comme hiver, et de laine 
blanche parce que très peu absorbante et perméable à Fair, ce 
qui évapore lentement la sueur. Leur êpiderme coloré ne 
subit pas d'inllammation et rayonne la chaleur en plus 
grande quantité que Tépidcrme du blanc. Tous ces facteurs 
de défense disparaissent quand les Arabes sont transjjortés 
dans un climat froid, comme l'est celui du nord de la 
France. Fatalement, la résistance organique est alors dépri- 
mée. Il faudra du temps pour la remettre au niveau normal, 
car Y acclimatement est un phénomène d'allure toujours lente; 
il agit graduellement, on Ta vu plus haut. Il résulte d'une 
série de transformations élémentaires où la cellule vivante 
a le rôle essentiel ; et il dépend d'un grand nombre de cir- 
constances... Ce qui protège la santé contre les basses tem- 
pératures, ce sont les mécanismes nerveux qui harmonisent 
l'intensité des combustions vitales avec nos besoins, et, par 
les vaso-moteurs, activent de plus en plus la circulation du 
sang. Os mécanismes marchent régulièrement quand on 
s'est acclimaté, habitué au froid, et leur automatisme ne 
connaît point de défaillances. Mais quand la chaleur exté- 
rieure les a pendant longtemps condamnés à l'inaction et 
rendus presque inutiles, ils acquièrent une inertie considé- 
rable, ils ont alors besoin d'une véritable rééducation fonc- 
tionnelle. Chez des sujets qui passent d'un climat chaud à un 
climat froid, les mécanismes nerveux régulateurs se trouvent 

ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL. 15 



226 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

sollicités brusquement, et ils ne peuvent réagir dans la 
mesure nécessaire, d'autant plus que les réactions chimiques 
de l'organisme sont devenues paresseuses. Un cercle vicieux 
s'installe par conséquent dans les opérations de la vie. Les 
cellules ne sont plus cai)ables d'élever leur production calo- 
rifique ef de défendre la santé contre les rigueurs du froid 

On se souvient de la cruelle expérience dont furent vic- 
times les contingents créoles de la Martinique et de la Gua- 
deloupe. Amenés en Francepar une décision hAtive,beaucou[) 
de ces conscrits périrent en peu de temps. Ce sont les 
brusques variations de température qu'il faut seules incriminer. 
Entre le climat des Antilles françaises et le nôtre, il existe; 
un écart de température de 12 h 15°, et les conditions hygro- 
métriques sonl extrêmement différentes. L'évolution physio- 
logique fut donc brutalement contrariée. 

J'avais conseillé, cependant (*), pour les créoles comme 
pour les Arabt*s, de faire Tappel des classes au mois davril^ 
et de cas(*rner les hommes en Provi^nce; ou encore de les 
diriger sur divers points de la Tunisie, quitte à les utilisera 
notre frontière de l'Est aux manœuvres de septembre. 

C'est ce dernier parti qui, trop tard malheureusement, fut 
enfin choisi, en dépit de l'opposition d'un grand quotidien 
((ui opinait pour le rapatriement, sans plus, des créoles. 
L'abstention est une vertu d'ignorance. 

Les mêmes précautions doivent être prises à l'égard des 
travailleurs arabes, dont près de WXiOO étaient occupés 
avant la guerre par nos industries ; il faut les embaucher 
d'abord dans le Midi, et ne les prendre (ju'au bout de 2 ou 
3 ans dans nos provinces du Nord. Toutefois, les éléments 
kabyles et montagnards de l'Atlas sont plus résistants et se 
font plus vile au froid. Ils connaissent les hivers les plus 
durs; leurs muscles et leurs nerfs ont été fouettés par la 
radiation des neiges. Bien alimentés, entourés des soins 
hygiéniques dont ils n'ont pas la moindre idée, et que nos 

<*) Voir, par exemple, La Petite Hépublique, du 12 juiUet 1913. 



LA main-d'œuvre 227 

îndusiriels sauront leur assurer, ils endureront les plus 
grandes fatigues et les frimas rigoureux sans que leur puis- 
sance en soit atteinte. 

Et ce qui convient à l'organisation induslvielle convient 
aussi bien à Torganisalion militaire. Mais Tune et Tautre 
seraient impossibles, acclimatement et entraînement tourne- 
raient court, si Ton ne prenait des mesures énergiques 
contre C alcoolisme, 

C. — Le prix de la main-d'œuvre arabe. — Tel est le 

devoir qui incombe au Gouvernement et aux chefs d'usines, 
à rheure où la vie économique du pays va déborder son lit 
en balayant les ruines et les horreurs des hommes. 11 s'agit 
de préparer les réserves de l'armée du travail. Or, en Algérie, 
250.000 indigènes, soit le 1/20 de la population, servent nos 
colons. Ils peinent prés de 12 heures par jour, se nourrissent 
irrégulièrement, et sont exploités par ceux de leurs coreli- 
gionnaires qui les recrutent et se paient, abusivement, frau- 
duleusement, leurs l)ons offices ('). 

I^es salaires sont très modestes, mais aussi le travail est 
médiocre. C<\s hommes ne savent, à vrai dire, aucun métier 
<|ui rellétf* une méthode ou un art étudié. 

Le défaut de notre colonisation fut précisément d'avoir 
niéconnu la vertu de l'apprentissage et de l'enseignement 
techni(|ue, au point d'y substituer je ne sais quelle vague 
litlératun» dont les Arabes se repaissent, tandis (|u'ils 
manquent de pain. Ils aiment le clinquant, et on leur a laissé 
croire (|uc» les diplômes et les carrières libérales acheminent 
au foncfionnarismr, sans effort. De là leur est venue l'ar- 
dente ambition des droits civiciues... Il eût fallu, bien au 
contraire, nudtiplier les écoles professionnelles et y ensei- 
gner, avec les éléments indispensables de notre langue, tous 
les métiers utiles, industriels et agricoles. 

Non pas seulement afin de rendre |)rospères nos colonies, 

>) Jules Amar, Rapport <Iii 3 avril 1909 à M. Reaé Viviani, ministre du Travail 
«t de la Prévoyance sociale. 



228 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

stimuler Taclivilé de ceux qui y vivent, et souvent les arra- 
cher à la faim, maîtresse de crimes; mais encore pour for- 
mer des ouvriers qui viendraient, un jour, utilement, en 
PVance. 

L'amour du travail n'a pas d'autre origine ([ue le bien-être 
qu'il procure. L'Arabe sera ouvrier ou soldat avec ardeur, 
avec dévouement, à la seule condition (|ue le pain de chaque 
jour lui soit garanli('). C'est ce (pie nos hommes politiques 
semblent comprendre maintenant, en observant eux-mêmes 
et en s'aidant de l'expérience impartiale de (piehpies-uns de 
nos colons. Car, peuples et races ne se s(»ntent solidaires, 
depuis l'aurore de l'humaiiilé, que par la chaîne infrangible 
de l'intérêt. 

Cl. — Au cours de cette gut*rre de 1914, on a fait un 
certain emj)loi de la main-d'œuvre annamite. I^es Annamites 
ont quelcpe aflhiité avec les Malais et les Japonais; ils sont 
intelligents et travailleurs; ils conviennent à l'industrie: 
mais leurs habitudes les éloignent de nous beaucoup plus 
que les Arabes. 

Est-il concevable en (in cpie j'aie traité de la main- 
d'œuvre sans déclarer (|ue le droit au travail est imprescrip- 
tible ? Le droit de tons, évidemment, car (h* lui dépend le 
droit de chacun; la récipro(|ue n'est pas vraie. Comme je 
l'ai dit i)our les grèves, c'est l'organisation meilleure des 
conditions de la vie, ce sont les lois bitMi faites (pii donne- 
ront sa véritable solution au [u-oblème scxMal : et pour être 
parfaite, l'ceuvre du législatiuir devra s'appuyer sur la 
science expérimentale^ et les enseignements très exacts de la 
physiologie du travail ; mais, surtout, s^app/iqféer larfjementh 
tous les travailleurs, hommes, femmes, (Mifants, aux ouvriers 
groupés de la cité comme aux paysans perdus dans les replis 
de la glèbe. On s'impose aux sociétés humaines |)ar la droi- 
ture et l'impartialité, même parfois aux sociétés cultivées. 

(ï) Jules A.MAH, leltre-rapporf, adressée, le 4 juin 1009, à M. G. Clemenceau, 
présulent du Conseil des ministres. 



CHAPITRE X 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS (0 



I. - RÉÉDUCATION FONCTIONNELLE 

Cil. — Un grave problème s'est posé à la science et à la 
conscience humaines le jour où il a fallu se préoccuper du 
travail des blessés militaires^ victimes glorieuses de la plus 
effroyable guerre ('^). 

Il a ému naturellement les plus nobles esprits el sollicité 
toutes les compétences. Je n'entreprends pas de rappeler 
tout ce qui a été tenté, en France et ailleurs, pour faire 
œuvre utile. On s'est inspiré généralement de rexem|)le un 
peu vieilli des pays Scandinaves. Il existe, en effet, des 
ii^ww^s à' assistance aux mutilés qu Danemark, en Suède et en 
.Xorvège. I/œuvre de Copenhague, due à Tiniliative du pas- 

[^) Je développerai, dans ce chapitre et les suivants, mon Mémoire du Journal 
lie I*hyswlo(/iej p. 821, 11)15, et ma Conférence aux (JEucres pour les mutilés, du 
12 janvier 1916, qui fut présidée par M. Painlevé, ministre de Tlnstnictiou 
publique (publiée en brochure, chez Dunod et Pinat, Paris). 

(2j Quelques définitions sont nécessaires. Nous appelons infirme ou invalide 
toute personne qui n'est capable d'aucune restauration fonctionnelle, par impos- 
sibilité anatomique ou physiologique; — Vimpolent, au contraire, en est toujours 
capable; — le mutilé peut être infirme ou impotent; ce qui le caractérise, c'est 
l'absence d'un membre, d'un segment de membre, ou d'un organe quelconque ; 
et on réservera plus spécialement le nom û'ampulés à ceux qui ont subi la 
mutilation d'un organede la locomotion. Le terme de blessés désigne, en général, 
les impotents el mutilés par suite de causes externes, et il doit être confondu 
avec celui d'estropiés. D'après cela, il est évident que nous nous occupons de la 
rééducation des f)lessés. 



230 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

leur Ilans Knudsen, est la plus ancienne (1872). Celles de 
Stockholm et de Christiania furent créées 20 ans plus tard. 
Et sur quelque pays qu'on jette les yeux, on s'aper(;oit qu<* 
ce fut toujours de la conception d'une assistance aux mutilés 
et estropiés, d'une aide réelle et iï\x\\secoiirs de bienfaisance^ 
que se sont inspirés les émules de Knudsen. C'est une con- 
ception religieuse ou si l'on veut morale, dont l'ébauche 
appartient aux plus anciennes civilisations. Mais, [faute d<* 
bases scientifiques, et par ignorance des questions sociales, 
il n'y eut jamais un essai de rééducation professionnelle en 
faveur des blessés, même pas à la suite des guerres qui 
ensanglantèrent l'Europe et l'Amérique de 1854 à 1871. 

L'heure est venue, croyons-nous, d'organiser le travail des 
blessés, de manière ([ue chacun soit à sa vraie place dans 
la machine sociale, v contribue de son mieux à son fonc- 
tionnement, et ainsi marche vers la prospérité. 

L'objet de cette organisation est donc d'utiliser rationnel- 
lement les capacités humaines, même quand elles sont 
amoindries, et dans le cadre d'une vie normale. « De Tétiagc 
un peu inférieur de l'assistance, comme disait M. Viviani, il 
s'agit de s'éh.*ver à la prévoyance parle travail (*). » 

cm. — Nécessité d'employer les blessés. — (^est là, 
sans doute, une question technique cl scientifique par essena*, 
qui était réservée à notre temps; mais elle apj)artient aussi à 
l'ordre des choses sociales où se mêlent, en des proportions 
que je ne saurais bien définir, l'action législativ(» et l'action 
politique au sens élevé de ce mot. 

N'oublions pas, en etTet, que de sa solution dépendent et 
Vavenir tnatériel et moral de plusieurs milliers de familles 
fran(;aises, et l'essor économique, si lent encore, de notre 
pays. Voudrait-on stimuler le labeur industriel, commercial, 
agricole, que nulle part il ne devrait y avoir de force perdue 
ou gaspillée. C'est la condition de notre richesse. Nous 

(0 Officiel de la sôance du 10 mars -1916 (discours de .M. René Viviani, garde 
des Sceaux, devant le Sénat). 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 231 

remarquions plus haut que, depuis quchpies années, le 
monde du travail s'est de plus en plus raréfié. Employés et 
ouvriers font défaut, non seulement sous le rapport de la 
qualitéy mais également du nombî'e. Que sera-ce demain ! 

Telles sont les préoccupations qu'éveille le problème des 
blessés militaires et des accidentés du travail^ quant aux res- 
sources d'énergie qu'ils apporteraient à la nation si leurs 
aptitudes professionnelles étaient, pour ainsi dire, évaluées 
et renforcées par une rééducation méthodique^ en vue d'un 
emploi immédiat. 

Pour nous en tenir aux seuls mutilés^ 80 OjO d'entre eux 
sont rééducables et reprendraient leur rang dans la société, 
en gagnant sûrement des appointements et des salaires suf- 
fisants. Ils se répartissent en rééducables inconditionne Is^ 
environ 65 O/Oj les autres conditionnels, en ce sens que 
ceux-ci demandent une installation spéciale des ateliers, et 
ceux-là non ; différence qui entraîne, pour les derniers, une 
certaine difficulté à se placer, à forcer la résistance des 
patrons, peu enclins généralement à faire les frais de cet 
outillage pour mutilés. Mais nous voulons, justement, que 
le placement soit entouré de toutes les garanties qui eu 
feront une chose durable, à la satisfaction des parties inté- 
ressées. 

D'ailleurs, ne soyons pas dupes des apparences. Le blessé 
ou le mutilé possède une capacité de travail parfaitement 
utilisable ; il représente une valeur, quelquefois intégrale. Il 
compense même le déficit physique par une bonne volonté 
agissante qui accroît son rendement. C'est un fait psycholo- 
gique dont patrons et instructeurs doivent faire leur profit, 
car il est indéniable. Nos soldats, que j'ai pratiqués pendant 
18 mois, ont montré constamment un esprit admirable, du 
sang-froid, du courage, de la fermeté d'âme. Quelques 
paroles de réconfort, ou mieux un bon conseil étaient par- 
fois nécessaires. Jamais ils n'ont refusé d'écouter un avis 
autorisé. 

Les nombreux blessés non mutilés qui accusent une inca- 



^32 OnCAMSATlON PHYSIOLOGIQUE DU TBAYAIL 

pacité de travail à des degrés divers, se réadaptent plus ou 
moins rapidement, et peuvent se passer de la rééducation 
technique ; ils ont quelquefois besoin de compléter leur 
instruction générale pour s'orienter vers une profession de 
bureau, et c'est précieux à tous égards. On peut donc 
affirmer que W 0/0 à peine des mutilés, une très insigni- 
fiante proportion de blessés tout à fait impotents, et la plu- 
part des aveugles relèvent seuls de VAssistance, qui est en 
France le domaine du Ministère de l'Intérieur. 

Mais la grande majorité, heureusement, c'est-à-dire tous 
les rééducables, attendent qu'une organisation scientifique 
les ramène, par des voies certaines, aux professions où cha- 
cun donnera son exacte mesure. Ils comprennent que le 
recours à l'Assistance ou à la charité est une chose dégra- 
dante pour celui qui peut encore travailler de ses mains ou 
de son cerveau. Et je puis attester que les héroïques soldats 
de 1914 furent toujours loin de nourrir des idées dépri- 
mantes et de céder à Tinstincl du moindre elTort, qu'ils au- 
raient été bien excusables cependant d'écouter. 

Telles sont les raisons qui nous ont amené à définir une 
méthode efficace de rééducation, et à exposer un programme 
d'action sur l'organisation du travail des blessés. De mul- 
tiples applications dans des pays différents répondent de la 
sûreté de l'un et de l'autre. 

CIW — Principes généraux de rééducation. — La 

rééducatiou doit, à notre avis, comprendre trois périodes. 
Dans une j)remière période dite de rééducation fonctionnelle, 
il s'agit d'analyser les mouvements de l'honjme pour établir 
son état lV)nctionnel, restaurer agitant (pie possible la capacité 
motrice, et enfin s'assurer qu'un exercice prolongé ne com 
promet pas la résistance organique. 

Dans une seconde i)ériode, on s'elTorcera de suppléer le 
déficit dû à l'impotence, par un système orthopédique ; on 
adaptera aux mutilés des appareils de pj^othhe convenables, 
et alors commence la rééducation professionnelle proprement 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 233 

dite, qui sera la troisième el dernière période. Dès qu'elle 
aura pris fin, on procédera au placement des blessés. 11 est 
clair que les blessés faiblement impotents, ou susceptibles 
d'un traitemenl orthopédique immédiat, reprendront sans 
larder leur ancien métier. En tout cas, ils le pourraient 

Mais rimpolence est-elle plus grave ou plus étendue, est- 
elle réfractaire à toute rééducation fonctionnelle, à toute, 
suppléance mécanique simple, il faudra songer à chamjer de 
métier. 

Quelque prudence qu'il faille apporter dans la question du 
changement de profession, où se perd une expérience labo- 
rieusement acquise, précieuse, souvent lucrative, le réap- 
prentissage est parfois une nécessité. C'en est une pour beau- 
couj) de mutilés, spécialement parmi les amputés de bras. 

C\\ — La rééducation fonctionnelle des blessés. — l"" Les 

IMPOTENTS. — Examinons la première de ces trois périodes, 
celle dite de rééducation fonctionnelle, dans laquelle on traite 
de l'état moteur du sujet et de sa valeur physiologique. On 
emploiera, dans ce but, la technitpie détaillée ci-dessus 
(p. 23i), en s'elTorçant à rétablir la mobilité normale des 
articulations et la synergie musculaire. 11 ne faut pas, en 
effet, |)erdre de vue que le mouvement d'un membre se pro- 
duit jiratiquement dans un plan déterminé, et que si Ton 
obtient qu'il y réalise son maximum d'amplitude, tout autre 
mouvement est par cela môme rendu possible; d'autant plus 
que l'exercice sur cycle, chirograpbe ou poire dynamogra- 
phi(jue, s'elTectue en force. De toutes façons, il fimt tendre 
aux résultats pratiques. L'expérience montre que la mobi- 
lité, graduellement assurée aux articulations, jus(iu'à la 
limite imposée par les besoins de la vie professionnelle, le 
gain de force qui en est corrélatif, l'activité Immorale répa- 
ratrice qui s'ensuit, sont un tout solidaire et suffisant. Le 
travail est alors possible, et favorise la puissance motrice» 
des organes. 

Avec le cycle ergométrique, les grandes articulations sont 



334 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

r4'é(Ju(iui>es rapidemenl, dans lu mesure où s'oxercc leur jeu 
normal habituel, soit pour marcher, soil pour aclioniier des 
outils. Le cliirograplie assure plus étroitement et efficace- 
ment la mobilisation des raideurs siégeant aux doigts ou au 



Kiii. "0. — Trat-é rliirograpliiiiiie normal ries doists. 

poignet. Les tracés fournis progressivement |)ar le patient 
sont comparés h un tracé normal [fiij. 70), celui de la main 
saine. On achève d'as-souplir et de fortifier les muscles de 
la main sur la poire dynainograpliique, d'un emploi simple 
et rationnel. Les impotences, ainsi traitées, s'améliorent 
vite, et ne laissent, dans un grand nonihre de cas, subsister 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 235 

aucune gène. Il convient de pratiquer, aj)res les séances, 
un massage qui consolide les progrès ac(|uis. 

Dans d'autres cas, Timpotence est d'un traitement labo- 
rieux ; il ne faut jamais désespérer des ressources de la réédu- 
cation pour obtenir, au moins, un avantage qui permette de 
réadapter le blessé à une profession conve- 
nant à son infirmité. 

Un grand nombre de l)lessés de membre 
inférieur sont condamnés à porter toujours, ou 
très longtemps, des béquilles. Il faut que (celles- 
ci ne soient |)as cause d'un affaiblissement de 
la molilité ; au contraire, la rééducation tirera 
profit de leur usage pour entraîner peu à peu 
les jambes à leur activité ordinaire. 

Juscpi'ici, les modèles courants n'ont pas 
empêché qu'il y ait une proportion de 19 pa- 
résies sur 100 béquillards(^). La plupart de 
ceux qui échappent à ces accidents le doivent 
au fait qu'ils s'appuient davantage sur la tra- 
verse du milieu (]ue sur la crosse. Mais cette* 
pression des mains esi p/mible, et d'autre part 
la marche offre moins de stabilité Aussi, le 
système de cannes-soutiens, avec un ressort 
appuyant l'avant-bras, n'était-il qu'un pis-aller 
(Tuffier et Amar). 

Plus tard, j'ai imaginé la bènuillv exten- 
sible('), qui me donne j)leine satisfaction 
[fig, 71). La crosse pose latéralement sur des 
ressorts, calculés en vue d'amortir les chocs 
et de faire basculer la masse du corj)s : d'où 
accélération du mouvement de propulsion, et 
diminution de la compression axillaire. En 
outre, l'instrument [)ossède une traverse qui se déplace à 



FiG. 71. — Bé- 
((uille physio- 
logique exten- 
sible. 



{}) TiFFiER el Amah, Comptes rendus Acad. Sciences^ tome CLXl, p. 302, 13 seiv 
tembre 1913. 

(2) Jules Amar, Jm Nature, du 29 avril 1916, p. 28'î-288. 



236 OnCAMSATIO.N t>tlVSIOLDGlyt-E DU TRAVAIL 

voliiiili'-, doiil l'excursion est de 9 rpiiliiii»'lres, cl un quillon 
foruic de deux lubes qui, en roulissant, assurent le réf^lage de 
la boquillc à la (aille du sujel ('). 

Simple, jiralicjue cl 1res résislanl, re modèle extensible 
remplit les condilions j)liysîologi(]ues b exiger de toute bé- 



Pii'. 11. — Klu.k'delnfalipied'un l)<-i[iiillar(I. 

quille, les conditions niéeiiiii(|ues élanl réalisées par tous les 
modèles, mais jamais par une canne, quelle qu'elle soit. — 
Il s'agit d(; conduire le blessé par étapes progressives, à de- 
inander de moins en moins la stabiMIé de ^oii rorps au 
double ap|»ui des aisselles, cl ù faire travailler les muscles 

(I) [.'i li:iutc<ir .l'une bt''i|iillli' esl dv i-.r. eu iiiciyenac pour [l's l»i[]<ts de l-,6:; 



LA ntÉDUCATION DES BLESSÉS 

des inombres, sans fatigue, comme j'ai pu iii'e 
en mesuranl i'énergie respiratoire [fig. 7'2). 

<^:VI. — Résultats. — Je ne menlîonnei-ai pas 



Fio. "3. — Travail i la liioe d'un impotent qui se réiïduquc (aii boulde 15 ji-u 

tais, nombreux <léjà, de ces principes de rééducalion l'u: 
tionnelli-. La jilupart des hommes <(uî leur doivent la ri'-' j 



238 ORIi AN t STATION PllYSIOLOUtQUE DU TKAVAtL 

ration àv k-iir capacilc dynamiijiii' ont i'U' riH-duquos au; 



j)ror(iSsioiini'lliMiiciil ; et on coii-.lal«, dans li>s actes profes- 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 339 

sionnels qu'ils accomplissent, la sûrcié el l'efficacilé des 
procédés physiologîfjucs que nous venons de formuler. Je 
citerai, par exemple, le cas d'une fraclure du poignet accom- 



Fii;. 1^. — Le même, au bout île oinq semaines. 

paguéo de raideur laissant les articulations presque immo- 
biles. Les figures 73 à 75 montrent avec quelle rapidité la 
force el le mouvement se sont rétablis, permettant au sujet 
de se remetire au travail. Les exercices au chirographcsonl 
ici d'une utilîlé frappante, l'iie élongation du plexus brachial 



240 ORtiAMSATION PllYSIOLOtilQUR DU TRAVAIL 

droil, tloiil on voit les effets au d(''but [fig. 76), ne laissa 
aucune suite visible. Une ankylose eoniplêtc <le deux doigts 
(index et annulaire) ; une main aver les doigts fléchis en 



Vil': 711. — Tr.'Lvnll it I» lime il'im im|>otont au ilcbul de s^i rééihicalion. 

forme de campanule; une ankylose à )teu |H-és complète de 
l'épaule ilroile résidlant d'une blessure par balle, et qui a 
cédé, donnant une mobilité suflisante au sujet pour qu'il 
reprenne au Méiro son métier de conln^lcnr de Uckcls 



LA RÉÉnUCATIO.V DCS BLESSÉS 211 

{fig. 77); un cas semblable, affeclanl l'ôpaule ol le coude 
gauches, d'un jeune soldat atteint déjà de scoliorie et qui 
a pu rejoindre l'armée après quelques semaines d'un trai- 
tetucnl énei^ique ; des doigis rigides, des paralysies plus 



Pic. 71. — Résultat de I& rééilu'-atïon d'une ankylose complile de l'épaule. 

ou moins graves de la main, des ablations osseuses de l'avanl- 
bras (yîy. 78). dans toutes ces circouslances il n'a subsisté d« 
rimpotcncc initiale que des ^traces, "pour ainsi dire, négli- 
geables. 

Si je donnais le tableau, jour par jour, des aiicroissetnenls 



242 ORGANISATION PlIVâlOLOGIgUB DU TRAVAIL 

fi 'ampli tilde des arliciilatiuns, et di' force des muscles, coiis- 
(alca riffourcusemenl h rartlirodyiiamomètreje ne ferais c)ue 
mullipliep des observalions pepsonnclles auxquelles je préfère 
cenl fois le témoignage de ceux qui s'occupent de ces graves 
questions, et m'en écrivent dans une excellente pensée de 



solidarité scientifique. Le seul point sur lequel je dois insis- 
ter, c'osi que la rééducation des mouvements serve de prépa- 
ration à celle (lu travail utile ou professionnel, et que celui-ci 
se règle sur les dispositions ptiysiques et morales. 

Si le nombre des impotents, par blessures de guerre ou 
accidents de travail, est très élevé, celui des miiti/ês ne l'est 
pas moins; Il appelle une étude loule spéciale, à raison de 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS âi3 

l'évaluation précise de la perte fonctionnelle qu'entraîne telle 
ou telle mutilation, et des moyens, assez complexes, d'y remé- 
dier par la prothèse, 

CVII. — 2° Les mutilés. — Valeur fonctionnelle des 
MOIGNONS {}). — C'est, en effet, au double point de vue de la 
prothèse et de la physiologie que l'on doit envisager la réé- 
ducation et la valeur d'un moignon. 

Généralement, on se borne à apprécier la perte de force 
résultaTit de l'amputation ; on ne pousse pas plus loin l'ana- 
lyse des consécjuences que celle-ci entraîne» et des moyens qui 
pourraient permettre de les enrayer. Or, il faut bien se dire 
([ue l'amputation ne fait pas que viiAmvaV action musculaire, 
considérée dans vses facteurs mécaniques: force des muscles 
<ît bras de levier squelettique. Klle a une répercussion pro- 
fonde sur Y évolution hi.sto-phf/siologiçue de tout le membre, 
cela dans les circonstances les plus normales, en dehors de 
loutes comj)licalions. Elle atteint, en particulier, le domaine 
sensiiif doni on sait l'étroite solidarité avec le domaine mo- 
teur. Il s'ensuit une diminution de la capacité fonctionnelle, 
que personne encore n'a cherché à évaluer. Elle importe, 
cependant, pour guider la prothèse et la réadaptation des mu- 
tilés au travail, surtout si l'on admet, comme nous le verrons 
ultérieurement, que la sensibilité des moignons est suscep- 
tible A' éducation à un degré absolument insoupçonné. Faire 
cette éducation seusitive des moignons et porter au maximum 
leur utilisation fonctionnelle, tel a été l'objet de mes re- 
cherches pendant deux ans. 

CVIll. — Puissance des moignons. — Tout d'abord, 
avons-nous dit, l'amputation diminue la puissance motrice. 

Le bras de levier, depuis le centre de l'articulation proxi- 
male, est raccourci ; la force musculaire s'abaisse du fait de 



(}) Jules Amar, Comptes rendan] Acid. Sciences da 29 mii et Jdu o juia 1916 ; 
t. CLXII, p. 8i3 el 887. 



244 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU THAVAIL 

ralrophie el de rimmobililé à laquelle esl condamné le pa- 
tient, souvent plus qu'il ne faudrait. 

Mais dans quelles proportions varie la puissance du moignon y 
eu égard à sa longueur ? — Sans doute, plus il se rappor- 
cliera de la longueur normale du segment, plus il donnera de 
prise, d'adhérence à Tappareil prolhélique ; et, en même 
temps, il assurera une inlervention supérieure de la syner- 
gie musculaire du membre. — Il n'en est pos moins vrai que 
ces deux avantages ne progressent pas régulièrement avec les 
dimensions du moignon. Un exemple va le montrer. 

Soit Taction des muscles fléchisseurs de Tavant-bras sur 
le bras; elle s'exerce à 3*"", 50 de l'articulation du coude à 
l>eu {)rés, et surmonte la résistance totale de Tavant-bras et 
de la main, dont TeiTet agit au centre de gravité, environ à 
16 centimètres de la même articulation. Il est clair que si 
l'amputation respecte l'insertion des muscles qui réalisent 
les mouvements utiles; si, dans notre exem[)le, elle laisse un 
moignon de 4 centimètres au minimum, ce dernier aura une 
valeur physiologique lolale, qu'il appartient a la prothèse 
scientifique d'utiliser habilement. Or, précisément, cette 
mesure anatomique est insuffisante ; car, d'une part, il 
n'existe pas de mouvement auquel ne collabore pas tout un 
groupe musculaire, avec ses éléments en apparence opposés ; 
dans les courts moignons, cette synergie, qui est physiolo- 
gique et non pas anatomique, se trouve compromise ou res- 
treinte. D'autre part, il faut compter avec la solidité et la 
stabilité de fixation de l'appareil de prothèse, qui dépendent 
de la longueur du moignon. Les deux facteurs sont également 
importants dans le cas des amputations de membre inférieur^ 
vu le poids et la force vive du corps pendant la marche. 
Tandis que, pour le membre supérieur^ la stabilité constitue 
le facteur principal ; elle a pour but d'autoriser des mouve- 
ments sûrs et rapides. 

Il semblerait, cependant, qu'avec des moignons juste 
assez longs pour réaliser leur fonction, la prothèse offrirait 
un avantage sur la nature: elle remplace le segment amputé 



LA nÉÉDUCATION DES BLESSÉS 2io 

par un segment plus robuste et plus léger. Mais ce n'est 
point là un avantage, car une amputation trop haute fait 
disparaître des éléments musculaires dont la force eût com- 
pensé rinertie de Torgane ; elle affaiblit les phénomènes de 
nutrition et la vitalité cellulaires ; et, par contre, favorise 
Tatrophie et la dégénération. Nous reviendrons sur ce 
point. 

Le chirurgien pourrait, toutefois, se rallier à un mode opé- 
ratoire qui sacrifie la longueur du moignon pour mieux étof- 
fer celui-ci à sa base, et lui épargner toutes causes d'ulcéra- 
tions et de douleur. 

De ces brèves considérations, il résulte, en toute évidence, 
c[ue la chirurgie, la prothèse et la rééducation profession- 
nelle doivent se guider sur la mesure exacte de la pmssa?ice 
des moignons. Bornons, ici, notre exposé au dispositif expé- 
rimental propre à ces mesures. 

CIX. — Technique pour mesurer la puissance des moi- 
gnons. — La technique est très simple. On évalue en degrés 
Tamplitude des mouvements angulaires du moignon sur son 
articulation, et aussi la force absolue des muscles qui en dé- 
terminent la flexion. En les comparant à la force et à l'am- 
plitude (lu membre sain, on calcule le taux de la perte résul- 
tant de l'amputation. 

Pour de» telles mesures, on peut employer Y arthrodynamo- 
mètre. Mais, pour nous rapprocher des conditions mêmes où 
s'exerce l'activité d'un moignon, nous avons adopté la gout- 
tière dynamométrique du cycle, avec laquelle, depuis 18 mois, 
nous rééduquons les membres amputés. 

Le moignon s'engage dans cette gouttière, soit brachiale 
-ifig, 70), soit jambière [fig, 80), l'articulation exactement au 
niveau de l'arbre. On lui imprime sa plus grande oscillation, 
de l'adduction à l'abduction extrêmes, et, dans ce mouve- 
ment, l'arbre entraîne l'aiguille du cadran gradué. 

D'autre part, un ruban d'acier frotte sur le volant: on le 
tend avec des poids, ce qui permet de régler le frottement. 



PHYSIOLOGIQUE 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS â47 

et (le river une résistance à vaincre variable à volonté, et 
d'ailleurs marquée sur un dynamomètre. Le parcours du 
volant et le frottement donnent, par leur produit, le travail 
effectue. Connaissant la durée de cette oscillation, la plus 
rapide et la plus ample, on calcule la puissance par mi- 
nute ('). 

Cette puissance fonctionnelle des moignons change sui- 
vant les sujc^ts. Aussi, doit-on comparer le membre sain et le 
membre amj)ulé, effectuer les mêmes déterminations sur plu- 
sieurs j>ersonnes, et en déduire des valeurs moyennes. (Vest 
d'après l'observation de 2W amputés, de bras, avant-bras, 
cuisse ou jambe, (|ue nous avons calculé la puissance fonc- 
tionnelle d'un moignon de longueur donnée, c(dle du segment 
normal étant suj)posée égale à 100. 



ex. — Résultats des mesures de puissance des moi- 
gnons. 

Amplitude en degrés. 

A. — Meubrk supkrikur 

a) linu{^) 

.... n ,t • T » 1 Puissance 

Anlerieure Poblérieure Totale totale 

32à 13centimèlres 140° 90° 230° 100 

12 à 7 — 100° 52° 152° 64 

Oà 5 — 85° 45° 130° 44 

4 — 55° 25° 80° ^f 

b) Avant-bras :^) 

24 à 12 centimèires Flexion de 140° 100 

11 à 7 - — 1^S° 68 

6à 4 — — 95° 40 

Au-dessous de 4 centimètres — 00° n.^pligeable 



(ï) 11 est inutile de faire observer que le travail et la longueur «lu moignon per- 
mettent de ralculer la /b»-ce que celui-ci développe. 

(2) Longueur h partir du niveau de l'aisselle. 

(3) Longueur à partir du pli de flexion du coude. 



2i8 ORGANISATION PIIYSIOLOGIQIE DU IHAVAIL 

B. — MkMBRR INFéRIF.l'R 

a) Cuisse {*) 

Aiilérieure Postérieure Totale "^"loUle*^ 

40 à 18 centimètres 1 iO« 40« 1 oO*» 100 

n à 10 — 70» 32» 102° 62 

9 à 6 — 55° 30» 85» 38 

5 — 40» 28» 68» 24 

4 — inuUli.sable 

b) Jambe (*) 

38 à 17 centiiiit'tres Flexion de 125» 100 

16 à 7 — -- 110» 73 

6 — — 90» négligeable 

Les valeurs indiquées dans ce tableau présentenl une cer- 
taine analogie et comportent divers enseignements. 

En particulier, toul moignon inférieur à 4 centimètres n'est 
pas i< appareil/able )> tUilement. Entre 4 et 6 centimètres pour 
l'avant-bras, jusqu'à 9 centimètres pour la cuisse, les dispo- 
sitions prothétiques doivent être combinées de manière que 
ni rami>litude ni la force disponibles n'en soient amoindries. 
C'est ce qui sera examiné plus loin. 

CXI. — Modification histo-physiologiques des moi- 
gnons. — Mais la puissance d'un moignon n'exprime pas 
toute sa capacité fonctionnelle. La solidarité des éléments 
nerveux, sensiiifs et moteurs, s'y révèle de telle sorte que la 
moindre hypoesthésie diminue l'adresse des mouvements et 
le rendement des appareils de ])rolhèse. 11 convient, par 
conséquent, de savoir quels changements a[)porte l'aniputa- 
lion dans les conditions histo-physiologiques d'un moignon. 
Ce sont des troubles trophiques et des troubles sensitifs. 

A, Troubles trophiques dus à Camputation, — Des modifica- 
tions tropliiques, la plus rapide est celle des /!/>/Ts;?22/sf?//«ire5/ 
leur épaisseur se réduit, et celles qui ont été sectionnées 
forment de nouvelles insertions tendineuses auxdépensde leur 
substance contractile. Il en résulte un pouvoir de raccourcis- 

(*) Longueur à partir du pli inguinal. 

(') Longueur à partir de l'articulation fémoro-tibiale. 



LA nÉÉDUCATlON DF.S BLESSÉS 249 

sèment plus limité, cV*sl-à-dire moins de force absolue, 
olors que, l'insertion s'élanl rapprochée de Tarticulation, un 
effort plus grand est nécessaire à l'exéculion du mouvement. 

Normalement, le raccourcissement du bras de levier des 
muscles aurait entraîné leur grossissement. Si cela ne s'ob- 
serve pas sur les moignons d'amputés, c'est f[ue les ôlémentii 
nerveux^ sans lesquels la vitalité des fibres musculaires s'ef- 
face, sont le siège d'une di' générât ion que favorise l'absence 
de mouvement . Cette dégénération s'accompagne A' infiltra- 
lions graisseuses, aussi bien dans tes nerfs ([ue dans toutes 
les cellules. La section transversale du moignon montre sur 
les bords, à l'endroit des lambeaux, quand il y en a, les 
signes très accentués de ces transformations histologiques. 
Elles sont très fâcheuses pour l'appareillage des mutilés, 
puisque les organes de prothèse y prennent appui, sans pro- 
vo(|uer une sensibilité qu'on voudrait intégrale i)Our l'adresse 
des actes de la vie. 

Plus lentement que les autres tissus, celui du squelette évo- 
lue à son tour. Nos observations, faites sur moignons de 
grenouilles depuis mois environ, ont permis de constater 
une certaine raréfaction osseuse, une densité [)lus faible du 
fémur sectionné comparé au fémur sain. Toutefois, des re- 
cherches suivies plus longtemps, et sur d(*s espèces ani- 
males capables de grands efforts, avaient montré que les 
lamelles du tissu spongieux changent de disposition et réa- 
lisent un nouveau mode de résistance. Il faut donc toujours 
avoir sous les yeux la diminution de force du moignon et sa 
moindre vitalité. 

CXII. — B. Troubles sensitifs dus à ramputation. — Édu- 
cation sensitive, — Du point de vue de l'évolution nerveuse, 
tout amputé possède un champ de sensibilité réduit. La somme 
des sensations, provenant de la surface cutanée du membre 
mutilé, ne suffit j)as à entretenir la marche normale des 
réactions cellulaires, d'où les troubles trophiques constatés ; 
car les phénomènes nutritifs sont indirectemcMit stimulés par 



250 OnGANI?ATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

les impressions extérieures venant solliciter Timpuision ner- 
veuse motrice. 

En outre, la sensibi/ilé des moignons, au contact ou à la 
pression, est affaiblie^ et les centres nerveux, séparés de 
leurs connexions analomiijues normales, traduisent fausse- 
ment les sensations. 

Sensibilité (1rs moignons, — En effet, la section transver- 
sale d'un moiî^non est assez peu sensible au toucher. L'ex- 
ploration, faite h Veslhêsiomètre (type Weber, à deux pointes 
d'ivoire), montre qu'il faut écarter les pointes à 20 milli- 
mètres environ pour les rendre perce[)libles, alors que sur 
les doigts 2 millimétrés suffisent. Malgré cette hypoesthésie, 
la section est plus sensible au voisinage de la cicatrice i\\}l\ 
la surface latérale du moignon. Ainsi, un amputé de bras, au 
tiers moyen, donnera: près de la cicatrice, 17 millimètres; 
bords, 22 millimètres: surface latérale, 3 J millimètres. 

(Juand il existe un lambean terminal, sa sensibilité est con- 
fuse ; elle est parfois négligeable, et c'est là que Ton constate 
de la dégénération grasse. 

Un second trait important est celui du rejel latéral. On 
louche un point de la surface transversale; c'est en un point 
de la surface latérale, situé sur la génératrice voisine de l'en- 
droit touché, ([ue la sensation tactile est perçue. Elle est 
perçue d'autant plus loin de la section que l'amputation est 
plus récente et le moignon plus atrophié. 

Le plu'momène du rejet est constant chez les amputés de 
bras ou de jambes, mais point définitif. 

L'éf/acation et la réadaptation sensitives des moignons cor- 
rigent les erreurs de localisation. On y arrive par des exer- 
cices concenab/emenf réglés. L'amputé actionne, avec son moi- 
gnon, la gouttière du cycle ergométrique, en surmontant des 
résistances graduellement variables. L'intelligence et l'at- 
tention aident à lui faire apprécier ces variations. 

Mais on doit procéder avec plus d'exactitude, en faisant 
usage du bracelet à poids [fig, 81). Celui-ci se place à l'exlré- 
mité du moignon, et l'on introduit, dans le plateau qu'il 



LA RÉÉDUCATION DK8 BLESSAS 231 

porlc, (les poids de jour f.n jour plus Paiblos. Le sujci devra, 
les jeux baniiés, dire si )e poids a été mis ou enlevé, si c'est 
toujours le même, si ou l'a diminué et de combien, toutes 
indications qu'il faut savoir obtenir du patient. Puis, on 



Pio. SI. — K\pi''rience d'éducaliun sensilire d'un mulili! aveujile 
au moyen du braceliil û poids. 

déplacei'a le bracelet le lorip; du luoi^non, pour ex|>iorer la 
sensibilité ('). 

Au moyen d'un petit ifi/namomètre de pression, on recon- 
naît aussi que le moifïnon réagît diversement suivant les 
|)oinls iitipressionnés ; au voisinage de la eicairiec, il surilra 

(I) foinp(Mrfrt</H3.lc'«/. ,-i.-i>nrMdc!i2etl6ocl(ibr.. l9Hl,l.f:l.X1ll.|i.3S^c:t lOt, 



25i ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

(ruiie pr(*ssion, en moyenne inférieure de W grammes à eelle 
<|ue réclament les bords, el de 75 f^rammes à celle que néces- 
site la surface latérale. Et le phénomène du rejet se mani- 
festera tant ([ue la valeur absolue de la pression ne dépasse 
pas 300 grammes. L'éducation sensitive a raison de cette 
hypoesthésie, notamment à l'avantage des aveugles, pour 
lescpiels une technique spéciale doit être employée (voir 
plus loin). 



('A 111. — Phénomène de Weip-MitcheU ( ' ) . — Les am- 
putés offrent une autre particularité, sur la(|uelle Weir- 
Mitchell a insisté le premier (1807). 11 s'agit de V illusion 
qu'ils ont tous d<* sentir encore <^t de j)osséder le segment de 
membre absent, qu'ils localisent phis près de leur moignon 
cpi'il ne Tétait dans la réalité: cette illusion est précédée par 
un (t fourmillement » siégeant loul prés de la cicatrice. 

Admettant la persistance, toute la vie, de cette hallucination, 
le savant américain avait conclu (pie l'origine de tous nos 
act<;s est centrale, cérébrale, et nullement |)ériphéri(pie. Nous 
décidons et concevons nos mouvements sans que rien, du 
dehors, les provo(|ue : la sensibilité n'y a aucune part. 

Mes (expériences sont loin de continuer les vues de Weir- 
Milchell. Le phénomène (|u'il a décrit n'est pas permanent: 
la rééducation le fait disparaître en (luc^hjues mois, et le re- 
tour au travail quotidien en détruit les dernières traces. 

(V(\st dans l'inaction, l'oisiveté allristée par les soucis, le 
mauvais temps, (]ue se manifeste la sensation douloureuse 
du membre « fantôme ». De [)lus, l'amputé sent unif/uemeitt 
le segment terminal, main ou pied, jamais un segment inter- 
médiaire ; et il les sent tels qu'ils étaient habituellement, dans 
féial df/namiqne, la main serrant l'outil de travail, le pied 
orienté dans la position qu'exigeait le métier. Il n'éprouve 
pas de fourmillement la nuil, mais ce dernier s'avive au 
souvenir de la vie professionnelle, de sorte (pi'il est déter- 
miné par une cause morale el uiu* cause phgsiologique. 

(')\Vfih-Mih:iieli., Lénon des 7ierfs (traduction Trançaist'). 



LA RÉÉDUCATION DES DLESSÉS 253 

Le phénomène de Wcir-Milchell ne vise qua la première. 
Mais la seconde est plus essentielle, et se rapporte au Cf/cle 
sensitivo-uioteur. Par cela même que l'éducation sensilive du 
moignon met lin au rejet latéral et à Tillusion du membre 
absent, qu'elle corrige parfaitement l'extériorisation, il n'est 
point douteux que la sensibilité gouverne tous nos actes; la 
périphérie du corps est en relations physiologi(iues avec les 
centres nerveux, ('/est ainsi (pie Tenfant se forme une notion 
exacte de l'espace réel et de ses distances relatives. 
Et la théorie du fourmillement serait la suivante : 
La voie sensitive, par laquelle cheminent les impressions, 
est quelconque. Si, par exemiile, la main est amputée, c'est 
du bras et de l'avant-bras que les impression parviennent 
aux centres. La réaction motrice, émanant de ces derniers, 
s'arrêtera au terme du trajet moteur, ici interrompu par 
Tamputation. Or, la section créée par cette amputation est 
une surface dont tous les éléni/îids nerveux sont obtus, le 
plus souvent dégénérés; une telle surface fait écran, et alors 
la réaction motrice met en branle des fibres récurrentes, ce 
([ui engendre un fourmillement spécial. 

CXIV. — L'expérience démontre donc (|ue la rééducation 
des inoiynons améliore h*ur état physiologique, les réadapte, 
et combat la menace* d'une dégénération nerveuse. Elle leur 
jiermet d'agir sur les appareils de prothèse avec une force par- 
faitement nuancée et une meilleure utilisation du sens tac- 
tile et du sens musculaire, delà est très important, surtout 
pour les amputés doubles et les aveugles mutilés. 

A ces avantages, précieux i)our la chirurgie orthopédique, 
s'ajoute l'avantage moral de donner aux blessés comme un 
sentiment de leur force et d'espérance en l'avenir. 

CXW — La rééducation et Tétat organique des blessés. 

— La rééducation ne se borne pas aux organes moteurs ; 
elle s'étend de plus en plus à tous les agents de notre acti- 
vité, à ceux <{ui dispensent l'énergie (cœur, poumons) ou 



2S4 uniiiMSATioK l'iivsiot.oiiiijuE du travaii. 

assuiviil nos n^lîitioiis avi'c le iiioiide exlôrieur (sens), il t-sl 
possiMc, en ciTcl, de ivadapti*!-, coiiinic on vient de le voir, 
lo toucher, ca sens su|i;'i-ieurt>inenl développé eliez les 
iiveujflcs, cl doni hi prollièse des nximbres sH))éncurs liro 



Fi'j. 82. — Examen de l'élat organique d'un nmputé. 

un si ^l'and parti. Le sens amliiif, diniinui- à la suite d'acci- 
denls de l'oreille externe, piirnlt susceptible également do 
progrés sérieux, encore que je ne m'en sois pas rendu compte 
personnellement, lil chacun se doule bien que la vision peut 
recevoir, ajkrès traifemenls appropriés, de notables amé- 
liorations. 
Ce que je puisaflirnier, en ces matières, c'est i[ue la plu))arl 



LA RKÉDUCATION DES flLESSÉS 25S 

des sons se frouvent émoussi's à la suilc dos tmublcs ner- 
veux el des coiniriolions, et auiîsi des trauin» Usines du «Tâne. 



La guérison acbevéc, on les voil reprendre leur acuité, suiis 

l'empire d'un exercice constant el intelligeintnenl surveillé. 

Mais, |>lus(|tie les défaillances des organes sensoriels, il faiil 



236 ORGANISATIO^ PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

savoir déceler les affections cardio-vasculaîrcs el pulmo- 
naires, pourélablir avec sûreté l'aplitude physique, le degré 
d'endurance du blessé. Il ,y a d'abord un premier examen. 



Fin. 84. — Respirations au repos, au traTaîl et après le travail, 
cbez un emphysémateux. 

portant sur les caraclèrisliqucs tlioraciques el morpiiolo- 
giques. Il y a, ensuite, l'examen clinique. On y ajoutera, 
cnlin, pour les constituer en documents objectifs, les iracéx 
pneumogra/ihiçues et cardiograpliiijueii, obtenus après un exer- 
cice de fatigue sur le cycle. Cet exercice consiste, générale- 
ment, en une course de lOminules à l'allure de 200 tours par 
minute, sous un poids frénalour de 3 kilogrammes [fig. 82), 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 257 

La figure 83, obtenue à la suite d'un tel exen^ice montre, 
par exemple, que les cardiogrammes des amputés récents ont 
une faible amplitude; les systoles manquent de force, el, 
en conséquence, la tension artérielle est abaissée. Mais ce 
phénomène est passager; la rééducation ramène le cœur à 
son mode normal d*activilé. 

Du côté des poumons oit observe de la dyspnée, des respi- 
rations îré([uentes et profondes, toutes les fois cpie la venti- 
lation n'a pas le débit nécessaire, ou qu'elle est troublée |)ar 
une cause pathologique {fig. 81). Il y a, de même, sous ce 
rapport, nn^ gymnastique respiratoire à pratiquer, combinée 
avec le traitement médical. J'estime que l'étal organique des 
blessés de la guerre, pour ne pas empirer un jour ju^ochain, 
doit être surveillé par les médecins agissant comme réédu- 
cateurs et comme cliniciens, plus peut-être dans la |)remièrc 
de ces deux fonctions que dans l'autre. 

11 reste encore à faire le diagnostic de Vétat pst/chique. La 
guerre de 1914 y ramène toute notre attention. Terrible dans 
ses êtTets, elle a ébranlé les centres nerveux supérieurs, et 
souvent troublé le bon fonctionnement du cerveau. Elle a 
disposé des milliers de blessés à des désordres intellectuels, 
des phobies, hallucinations , et diverses psgehoses encore 
obscures (troubles de la volonté). 

Quand on s'est donné la tAche de rééduquer les blessés et 
les mutilés, la |)rincipale i)réoccupation consiste à les dé- 
fendre contre leur |)ropre affaissement moral, et à leur rendre 
la confiance en eux-mêmes. Savoir leur parler, tAter leurs 
l)références, deviner leur goût, et faire valoir à leurs yeux les 
progrès de leur rééducation et le mérite du travail, c'est là 
tout l'art véritable, où se confondent le devoir national et la 
science humaine. 

Avant donc de confier à l'atelier ou au bureau un de nos 
blessés, avant de le doter d'un appareil de i)rothèse, il est 
indispensable d'avoir obtenu le maximum d'amélioration 
<lans son état fonctionnid et 5a résistance à la fatigue, d'avoir 
analysé les moucementa qu'il est encore capable de faire, aux 

OHGANIBATIO.N rilYSIOLOGK^UB DU TIUVAIL. 17 



258 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DL TRAVAIL 

points de vue de la précision, de Télendue et de la force. Ces 
données renseignent utilement l'employeur et remployé, et 
leur inspirent dans la Science toute la confiance que celle- 
ci mérite, el cpii fait d'elle la forme supérieure de l'écononiie 
sociale. 



^ 



CHAPITRE XI 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS (Suite) 



II. — PROTHÈSE SCIENTIFIQUE 

GXVI. — 1* Principes. — Abordons, maiiitenanl, la ques- 
tion des appareils prothéiiques, Tune des plus importantes 
entre toutes celles qu'embrasse la rééducation professionnelle. 
Nos constructeurs devront s'efforcer de mieux harmoniser 
ces appareils au travail des mutilés. La prothèse n'a pas, en 
effet, pour but essentiel de remplacer un membre ou un 
segment de membre absents, mais de suppléer une fonction 
abolie ou fortement lésée. Si, par définition, elle est anato- 
mique, en fait elle est physiologique et utilitaire. Tout en 
copiant la nature, elle n'en est pas esclave, parce qu'elle est 
obligée de proportionner les poids et les dimensions des organes 
artificiels à la puissance musculaire encore disponible. 

Gomme l'exprime l'étymologîe du mot, la prothèse (du grec 
zpiôsatç = addition) consiste donc dans l'addition de pièces 
et de mécanismes qui rétablissent ou facilitent l'exercice de 
la fonction primitive. 

Ainsi, elle aura à respecter l'état fonctionnel, à le favori- 
ser môme, et à préserver le moignon de toutes causes de 
douleur et de fatigue. Ce dernier point est, bien entendu, de 
la compétence du chirurgien ; lui seul peut voir la possibi- 
lité de sauver du membre le maximum de longueur u^ile, et 



j 



260 ORGANISATION PIlYSlOLOfilQUE DU TRAVAIL 

dans un ôtat tel que rinslrunienl prolhéti([ue y Irouve une 
solide /ijaiioji; il est aussi à même d'apprécier que rien ne 
subsiste dans le moignon, ni esquilles, ni traces d'irritation 
ou de suppuration, ni douleur qui doivent relarder Tintcr- 
vention de la prothèse. Il faut laisser un délai de 5 à 
s(Mnaines, à partir de la cicatrisation complète, avant d'ap- 
pareiller le moignon: celui-ci se rétracte en général, dimi- 
nue de volume et devient plus ferme. Des exercices convena- 
blement réglés lui impriment une bonne orientation, y 
raniment l'activité humorale et entretiennent la vitalité cellu- 
laire, par quoi sont enrayés les foyers d'ostéite et les menaces 
de dégénération. Alors le membre est prêt. La prothèse 
sera mise en œuvre, (»t il n'y aura pas assez de toute l'ingé- 
niosité de la mécaniipie pour combiner entre elles et adapter 
à leur fonction les organes artificiels. Le terme ingéniosité 
est celui qui convient, car tout en utilisant les |)rincipes de 
la cinématique dans l'agiMicement des pièces, le construc- 
teur aura le goût de la recherche expérimentale (pii surprend 
et imite les actes naturels. 

Fontenelle raconte (pi'un prêtre, le Père Sébastien, excella, 
de son temps, dans cet art de l'invention adroite et élégante. 
Sur sa réputation, un gentilhomme suédois vint même à 
Paris lui redemander, pour ainsi dire, ses deux mains, qu'un 
coup de canon lui avait emportées : il ne lui restait que deux 
moignons au-dessous des coudes. 11 s'agissait donc de faire 
deux mains artificielles, commandées par lesdits moignons, 
dont le mouvement serait transmis à des doigts flexibles 
grAce à des fils api)r()priés. Le Père Sébastien ne s'effraya 
pas de la tâche et |)résenta, dit-on, des essais intéressants à 
TAcadémie des Sciences. 

On peut, à cet égard, et en tirant profit de tous les progrès 
de la mécanique, pousser très loin la virtuosité. Mais il est 
des principes dont il importe <le ne point s'écarter en j)ro- 
thèse. Nous les formulerons comme suit : 

a) Constituer des appareils prothétiques à fixation robuste^ sans 
gMer les mouvements intéressés^ ni ceux tl autres articulations; 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 261 

b) Les proportionner, comme poids ci dimensions^ à la force 
des inoignons ; 

c) Adapter aux appareils de membre supérieur un organe de 
préhension qui pennette un usage long et varié. 

Celle triple condition garantit la solidité^ la simplicité et le 
hon rendement des instruments de prothèse ; il en résulte un 
emploi toujours désirable de Ténergie humaine, dans des 
|>rofessions où il eût semblé que les amputés ne trouveraient 
jamais accès. 

CW'II. — Utilisation des moignons. — Analysons le 
problème de plus près. Ou'il s'agisse d'un bras ou d'une 
jambe — je néglige pour Tinstant les petites mutilations — 
le but est d'adapter au moignon un appareil qui remplace 
le segment amputé, et soit commandé mécaniquement par la 
puissance nmsculaire encore disponible. Or, Tanalomie et 
la physiologie nous enseignent quels mouvements ont été 
supprimés dont le rétablissement est nécessaire, et dans 
quelle mesure de force et d'amplitude le moignon pourra les 
produire. Ces détails sont connus; nous ferons sinq>lement 
remarcpier (|ue Varticulation de l'épaule ou celle de la hcmche 
sont des articulations maîtresses; chacune d'elles gouverne 
tout le membre dont elle fait partie et l'actionne efficace- 
ment; les muscles y ont un développement qui permet de 
les faire servir à distribuer la force motrice aux segments 
subalternes. 

Il y a toutefois une limite à l'utilisation rationnelle des 
moignons. 

Pour le membre supérieur^ c'est dans les cas d'ampu- 
tations laissant un moignon de 5 centimètres tout au plus, 
comptés 5 partir du niveau de l'aisselle. A ce niveau, en effet, 
les muscles de Tépaule, spécialement le deltoïde et le sus- 
épineux, sont incapables de réaliser, par leur contraction, 
tous les déplacements voulus du bras de levier auquel ils 
s'insèrent. 

Chez les am|>utés iVaranf-bras, la puissance du bras est 



262 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

évidemment totale, sauf accident d'ordre pathologique, 
ankyloses ou atrophies, et celle de Favant-bras môme peut 
♦Hre considérée comme satisfaisante lorsque le moignon 
mesure 5 centimètres à partir du pli interne du coude; elle 
est totale depuis 10 centimètres, avec flexion, supination 
et pronation totales. Au-dessous de 10 centimètres, la perle 
subie par Tarticulation huméro-radiale est difficile à com- 
penser. Toutefois elle ne se fait guère sentir dans les exer- 
cices ordinaires de la vie, tant que l'épaule conserve sa 
complète liberté de circumduction. 

IJankylose du coude crée, au contraire, une gène fonction- 
nelle assez grave, parce qu'elle retire k cette articulation — 
plus mobile que puissante — la possibilité d'orienter les 
mouvements de Tavant-bras en modifiant automatiquement 
son inclinaison sur le bras. Ce qui se traduit par une oscil- 
lation pénible de l'épaule et du tronc. 

CXVIII. — Dans le membre inférieur^ la mohiliié du moi- 
gnon de cuisse n'a point une importance absolue; il suffit 
qu'elle assure l'exercice de la marche en autorisant un mou- 
vement angulaire de 30°. Physiologiquement, tout moi- 
gnon, supérieur à 5 centimètres à partir du pli inguinal, 
satisfait à cette condition. Mais sa longueur n'est pas indif- 
férente pour le port de Tapparcil prothétique. l'n bras de 
levier trop court diminuerait l'adhérence du Cîa'5,vrtrt/ et pour- 
rail compromettre la solidité delà fixation. Ce qui obligerait 
de recourir à des modes d'attache de plus en plus robustes, 
(juc l'on recherchera de préférence sur la ceinture pelvienne. 
Les points de fixation trop éloignés sont défectueux, parce 
qu'ils créent, à la longue, une dissyméirie du corps avec 
fatigue excessive, et parce qu'ils intercalent, entre l'appareil 
et son attache, un système mobile et déformable qui laissera 
inévitablement du jeu. Donc, brèves transmissions et réparti- 
tion symétriguc de la surface dinscrtion^ tels sont les fac- 
teurs d'une bonne prothèse. 

On ferait les mêmes observations sur \^ jambe. Cependant, 



LA RéÉDIICATION DES BLESSÉS 263 

si rarticulalion dugenou commande un petit moignon (ampu- 
tation dite « au point d'élection ») Tappareillage sera tout de 
même compatible avec une locomotion normale. Tout 
segment inférieur à 7 centimètres sera impropre à la marche 
en articulation libre; il faudra le fléchir et faire marcher sur 
le genoff, comme dans les cas d'amputation intra-condylienne. 

CXIX. — Les moignons résultant des petites mutilations 
sont ceux des doigts, des métacarpiens, etc. Ici, la valeur 
fonctionnelle exige une grande attention et une expérience 
rigoureuse. S'agit-il de la perte de phalanges? Pour les 
quatre doigts de la main — \e pouce étant hors décompte — 
les deux phalanges extrêmes sont remplaçables ; la sensibi- 
lité seule n'est pas remplacée, ou ne l'est que partiellement au 
contact de l'organe prothétique avec le moignon. — S'agit-il 
de perte totale des quatre doigts? Il seraencore possible de les 
suppléer par des segments artificiels prenant appui sur le 
métacarpe. Toute mutilation plus rapprochée du poignet 
complique l'appareil de prothèse, mais ne doit jamais empê- 
cher de constituer un ensemble de doigts artificiels opposable 
au pouce. Le mutilé conservera, par conséquent, les moyens 
de se servir de ses mains avec une adresse suffisante. 

Il faut toujours se rappeler que Toffice de la main est dans 
la grande majorité des cas celui d\me pince ; le pouce s'op- 
pose aux autres doigts joints, et mérite ainsi son nom grec 
(ïantimain (avT'xsip), plus expressif que la racine luiine pollere 
qui signifie : être puissant. Il y a, dans sa fonction, un élé- 
ment géométrique, celui de l'opposition, et un élément dyna- 
mique, celui de la force que, sans lui, la main cesserait 
d'exercer. 

La réduction du nombre des doigts atteint les deux élé- 
ments précédents ; elle compromet la solidarité nécessaire à 
la précision des gestes et à la répartition des efforts sur un 
instrument ou un outil donnés. 

Si l'on fixe à 7 kilogrammes Xeffort de serrement entre 
pouce et index, il sera de 10 kilogrammes après addition du 



SH4 ORGANISATION PHYSiOLOGIQrE DU TRAVAIL 

médius, <.lel2aj)rès leur jonction avec Tannulaire. Le dernier 
doigt n'y ajoute à peu près rien. 11 a un rôle de direction. 

Quant au pouce lui-même, il est reniplaçable par un 
pouce artificiel non articulé à la première phalange. Mais 
en l'absence du métacarpien, sa fonction est très diminuée. 

CX\. — Facteurs mécaniques. — A un autre point do 
vue, la valeur fonctionnelle des moignons est liée à la masse 
et aux dimensions des organes prolhéliques, des mécanismes 
cprils ont, non seulement à commander, mais d'abord à 
porter. En principe, on distribuera aitiour (Tetix les partie> 
pesantes de l'appareil, soit en les y appuyant directement, soit 
en les ramassant. Par contre, les parties moins lourdes 
seront rejetées à la périphérie. 

11 est clair (pie les organescreux, les formes parabolicpies, 
présentent, à cet égard, de précieux avantages. C'estcecfu^la 
nature réalise dans- h^ branches des arbres ou les plumes 
(rémiges) des oiseaux. 

Maximum de résistance avec minimum de jnasse, dans la 
constitution du membre artiOciel, c'est une loi fondamentale 
dont le sens est expliqué par l'absence de force motrice 
multfpliée. Sur un membre inférieur, par exemple, les 
muscles se répètent, coordonnent leurs efforts, depuis l'ar- 
ticulation coxo-fémorale jusqu'aux articulations du pied; ce 
n'est donc pas la musculature pelvienne seule qui actionne les 
divers segments du membre. Or, c'est une commande isolée, 
une force motrice unique qui doit, souvent, donner le mou- 
vement à plusieurs segments artificiels. Ainsi on veillera 
à réduire le plus possible la masse, c'est-à-dire l'inertie de 
ces derniers, et aussi le ratjnn des parties rondes mobiles, la 
longueur restant ce qu'elle doit être anatomiquement. Dans 
ces conditions, on diminue ce que les géomètres appellent : 
le moment d'inertie du membre. — Enfin, des considérations 
mécanicpies, ipie je ne puis développer ici, démontreraient 
que le centre de gravité d'un appareil doit toujours être à 
proximité de son axe d'oscillation. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 265 

Sur un homme motjen^ et bien proportionné, les segments 
du corps fournissent les valeurs numériques suivantes : 



SEGMKNTS 
DU non PS 


POIDS 


POUR CENT 

DU POIM 
DU CORPS 


LON- • 
GUEUR 


DISTANCE 

DU CENTRB 
DE GRAVITÉ (•) 


MOMENT 

l/lMERTie (3) 


Têle 

Bras 

Avant-bras. 

Main 

Cuisse 

Jambe 

Pied 

Tronc 

Totaux,. . . 


4»^^ , 590 

2 ,180) 

1 ,480 X -2 

,550| 
7 ,530. 

3 ,425X2 

1 ,165) 
27 ,750 


7,06 

3,36 1 

2,28 X2 

0,84 ) 
11,58 i 

5,27 X2 

1,79 ) 
42,70 


0'°,16 
,35 
,24 
,19 
,45 
,44(«) 
,26 
,72 


0-,165j 3, 

,200i 

,185 0,38 

,112^ 


0,00244\r: 

(© 
0,00350;©"^ 

0,01500 g 
0,00800 2 
0,00070 o 


ôo»»»? ,000 


100,00 


(1) A [laiiir de l'articulation supérieure ou proximale. 

(2) Kn y comprenant la hauteur du pied (« centimètres;. 

(3) C'est le produit de la masse par le carré du rayon de giration. produit qui intervient 
dans le calcul de l'énergie de rotation d'un corps. (Voir sur ces définitions : Le Moteur 
Humain, page 54 et suivantes). 



Ces données indiquent les limites pondérales extrêmes; 
mais on doit absolument se régler sur la puissance fonction- 
nelle du moignon déterminée comme on l'a vu plus haut. 

Pour le choix et les propriétés des matériaux qui entrent 
dans la construction des appareils prothétiques, on se guidera 
sur ce qui a été dit dans Le Moteur humain (livre I). Il suffit 
de signaler que la résistance de ces matériaux (bois, cuir, 
métal) est importante surtout pour le membre inférieur, qui 
a le poids du corps tout entier à supporter dans la marche, 
et qui, aux allures rapides, supporte un poids de 25 à 30 0/0 
su[)érieur. — La nécessité de réduire Tinertie des appareils 
de cuisse nous fait conseiller l'usage de matériaux spéciale- 
ment très tenaces et légers, tels que le bois contre-plaqué^ en 
couches minces et collées immuablement; le carton com- 
primé ; le duralmnin ([ui a pour caractéristiques : 

Densilé 2,8 

Limite élastique 27 kg/mm* 

Résistance à la rupture 36 kg/mm^ 

Allongement à la rupture 17 0/0 



266 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

La tâle cTacier, employée sous Tépaisseur de 1 millimètre 
à 1"'',5, répond au même but. Mais il convient d'éviter la 
sonorité mélalliquc au moyen d'une couverture de parchemin 
1res adhérente. 

Uacier sera toujours recherché, néanmoins, pour la cons- 
truction des pièces travaillant beaucoup. La prothèse a 
besoin d'aciers dont la composition et les qualités soient 
sensiblement les suivantes : 

Carbone 0.35 à 0,45 

Manganèse. moins de 0,70 

Silicium — 0,20 

Soufre — 0,t«5 

Phosphore — 0,05 

Le chauffage du métal sera effectué à 850°; on laisse 
refroidir à Pair et on trempe à 750°; on fait revenir à 500° 
pendant 30 minutes. 

La ténacité est de 100 kg/mm^avec 10 0/0 d'allongement. 

11 faut, à mon avis, abandonner Valvminivm pur; il se 
déchire, se travaille et se soude mal, et manque de ténacité. 

Ot aperçu, forcément très court, sur l'objet et les principes 
de la prothèse scientifique, nous permet de jeter, maintenant, 
un coup d'œil sur les applications. 

CXXI. — 2° Applications. — Le point capital en prothèse, 
c'est Yapplication anatomo-plastiqite des appareils. Elle exige 
<les connaissances solides et une longue expérience. 

Prothèse du membre inférieur, — Celle-ci est tout particu- 
lièrement une prothèse de force^ simple ou nuancée d'après les 
modèles que l'on se propose. Simple, s'il s'agit d'appareiller 
des personnes fatigant beaucoup et désireuses bien plus de 
posséder un appui solide (|u'un membre artificiel véritable. 
Généralement, on ne cherche pas, dans ce cas, à réaliser 
des pas réguliers. On adoi)te le mode de locomotion avec 
pilon, soit rigide, soit articulé, très analogue à la locomotion 
sur échasses. 

Les modèles les plus compliqués sont les jambes dites ard- 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 267 

ficielles, dont la disposition imite celle du membre inférieur, 
pour assurer révolution du pas, dans toutes les phases qui le 
composent. Celte harmonie l'emporte nécessairement sur la 
solidité, en raison du nombre d'articulations qu'elle éche- 
lonne tout le long de Taxe d'appui. 

Je restreins la série des modèles à ceux qui me paraissent 
les meilleurs, et qui forment actuellement (^), en partie^ le 
cahier des charges de l'orthopédie militaire de la France. 

CXXII. — A. Amputation de cuisse. — a. Type pilon à 
verrou, — On doit tout d'abord considérer, pour les amputa- 
tions de cuisse, le pilon à verrou, articulé au genou, et propre 
aux gens des professions rurales, comme à toutes celles, 
d'ailleurs, qui nécessitent beaucoup de déplacements et une 
certaine fatigue. Le pilon rigide ou non articulé, connu déjà 
au temps de Périclès, est un appareil d'attente ou, suivant 
le mot de Paré, « la jambe des pauvres ». 

Aujourd'hui, le progrès industriel et social condamne 
l'usage d'une prothèse à ce point misérable et informe. 

Au contraire, le pilon à verrou, tel qu'il doit être construit, 
offre de notables avantages sur le précédent. — 11 comprend 
un organe de fixation, le cuissard, le genou et lequillon. 

L'organe de fixation est formé d'une ceinture abdominale C, 
d'une bretelle B et d'un sous-cuisse {fig, 85). La ceinture 
est en cuir souple et large de 4 centimètres, ou en fort coutil, 
large de 8 centimètres. Elle se boucle devant. — On la réu- 
nit au cuissard par l'intermédiaire d'une pièce de hanche P 
ayant, à peu près, la forme d'un T, et toute en acier. La par- 
tie horizontale de la pièce de hanche, rivée et brasée sur la 
partie verticale, s'articule par deux rivets tournants de part et 
d'autre de la ceinture, que l'on sectionne à cet effet. La 
branche verticale présente deux articulations : une chape O 
à 4 millimètres en arrière de l'articulation anatomique coxo- 



(I) Depuis le 15 juin 1916 (Travaux de la Commission du Cahier des charges, 
réunie au Laboratoire de prolhe-se du Conservatoire national des Arts et Métiers). 




Pli.. 63. — PJlun s veri'uii a' I el jambe <le parade. 



LA RÉÉDUCATION DES DLESSÉS 269 

fémorale, et orieniée dans un plan antéro-])osteneur; elle 
atteint le bord du grand trochanter. La seconde est une 
charnière II, avec un point d'arrôt limitant à 30** la llexion 
externe du bassin; elle se place immédiatement au-dessous 
de la branche horizontale. Le sommet est à 1 cenlimi''tre en 
arrière et au niveau de la crête iliaque. 

La pièce de hanche se double de cuir ou de coutil avec 
rembourrage, et elle prolonge le montant externe M du cuis- 
sard. Il faut s'assurer qu'elle s'applique très exactement au 
corps dont elle épousera le contour. 

Pour les moignons courts, on doit supprimer la char- 
nière H. 

LdL bretelle sera faite en fort tissu élastique, large de ;i''",50. 
Ses extrémités sont rivées à la surlace externe du cuissard, 
en avant vers le milieu du corps, et en arrière latérah^menl; 
elle se boucle par-devant, après avoir passé sur l'épaule op- 
posée ; elle y est maintenue par une seconde bretelle pre- 
nant l'autre épaule. 

Enfin, le sous-cuisse est constitué par une corde à hrn/au, 
roulant, sans pouvoir la quitter, sur une petite poulie A fixée 
au montant interne du cuissard; elle rejoint la ceinture sur 
laquelle elle se boucle avant et arrière. 

(^XXIII. — Le cuissard est une gaine conique G en cuir de 
vache moulé, le plus rigide possible (densité = l)etdoublée 
de peau de chamois très résistante. Il présente une surface 
sensiblement plane correspondant à la partie externe et laté- 
rale du moignon ; ce qui assure une bonne fixité (voir sec- 
lion S, fig, 85). 

Toute la bordure d'appui sera aussi rigide (|ue possible, et 
-d'une épaisseur réduite. 

La gaine est armée de deux montants en acier M et M', 
ayant 23 millimètres de large et 4 d'épaisseur, renforcés au 
niveau du genou (4""", 5 d'épaisseur). Ils longent l'axe du 
fémur en dehors et en dedans, et sont rivés solidement au 
<:uissard (rivets en cuivre); un cercle d'acier doux R, égale- 



270 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

ment rivé et avant 2 millimètres sur 30 millimètres, les 
assemble infèrieurement. Le montant externe s'articule à la 
pièce de hanche ainsi qu'on Ta vu. 

Un second cercle en acier nickelé réunit, à la partie supé- 
rieure et intérieurement, les deux montants : il dépasse le 
montant interne par une extrémité, de 5 à6 centimètres, des- 
cendante. Il est donc complet en arrière et ouvert en avant. 
A la partie postéro-interne, il sera fortement évasé, le bord 
supérieur éversé en dehors par rapport à Taxe du membre. 

Le cuissard est fendu devant jusqu'à une échancrure E qui 
sert de fenêtre d'aération, et les deux moitiés de la gaine se 
recouvrent. Elles laissent un intervalle suffisant entre deux 
rangées d'œillets pour permettre un serrage progressif du 
lacet à mesure du rétrécissement du moignon. On complète 
la fermeture au moyen de trois courroies cousues et rivées, 
se bouclant du côté du montant externe. 

La margelle du cuissard est échancrée sur le bord postéro- 
interne, correspondant à une ligne (f appui ischiatiqve con- 
cave. Cette partie sera faiblement rembourrée pour ne pas 
frotter et gêner la cuisse opposée. Le reste de la margelle 
aura une forme convexe, infléchie, et j>lus ascendante au 
niveau de la pièce de hanclie. La cuisse, appuyée par l'is- 
chion, se trouvera donc calée de toutes parts, et ne pourra 
pas tourner dans le cuissard. 

Ce dernier se termine, enfin, par une calotte de cuir T dis- 
tincte, emboutie et sans couture, que Ton rive cl consolide 
grâce au cercle métallique inférieur, nickelé comme l'em- 
brasse supérieure. 

CXX1\'. — Le genou comprend un étrier en acier forgé, 
fixé par deux vis aux montants, que l'on a incurvés pour 
disposer l'axe des articulations à / centimètre en arrière A^ la 
verticale qui descend de la coxo-fémorale. Ces articulations 
du genou sont deux charnières avec butées, donnant une 
flexion de ÎK)"*. On leur a réservé un méplat avec épaulemenl 
à l'exlréinilé inférieure des montants. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 271 

La forme de Tétrier est celle d'une courbe rapide (parabo- 
lique); son épaisseur sera de 4"",5 et sa plus grande largeur 
de 38 millimètres. 

L*axe de chaque articulation est rapporté et rivé à' Tinté- 
rieur de Tétrier; Tépaulement est évidé cylindriquement, 
déjiÇagé aux extrémités, les faces se rencontrant à Taxe d'alé- 
sage suivant un angle de 60". 

L'étrier est distant de la calotte du cuissard de 15 milli 
mètres au centre. A sa base, on a assemblé perpendiculai- 
rement, suivant un axe vertical, et par deux tenons en bout 
opposés diamétralement, un tube creux en acier où sera fixé 
le quillon. Les tenons servent de rivets et sont logés dans 
des mortaises réservées dans l'épaisseur de Tétrier. On brase 
ensuite. Un méplat facilite l'ajustage des deux pièces sans 
réduire l'épaisseur. 

Le genou comprend, d'autre part, un verrou bilatéral^ arc 
de cercle en acier dont les extrémités sont fixées par des 
vis aux montants du cuissard, extérieurement. Il occupe la 
surface antérieure ou postérieure de celui-ci indifféremment, 
et présente un éperon dans le plan de chaque articulation de 
rétrier. Il sera rapproché le plus possible du cuissard. 

L'éperon doit être tel qu'il s'engage rigoureusement dans 
l'angle formé par l'épaulement du montant. Il est semblable 
des deux côtés ; sa section est ovale, sauf aux extrémités où 
c'est un méplat de 5 millimètres d'épaisseur. 

Un tracteur élastique puissant prend le verrou bilatéral 
au sommet de l'arc, et s'insère inférieurement au tube en 
acier du quillon. Il sert à rappeler le verrou quand il doit 
bloquer l'articîulation du genou. Mais pour permettre le flé- 
chissement, le verrou est soulevé à l'aide d'une corde à 
boyau, qui s'insère d'une part au centre de l'arc, et d'autre 
part traverse un œillet fixé par un rivet au tiers supérieur du 
cuissard. Elle s'attache à un gland de tirage. 

(HXXV. — Le quillon sera en frêne, de préférence à tout 
autre bois, et cylindro-conique : diamètres de 43 et 33 milli- 



272 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

nièlivs. Le bout en sera élargi à 70 milliinèlres, prenaiil la 
Ibniie d'un petit sabot avec une semelle de cuir clouée. La 
surface externe du sabot est convexe, à rayon de O^jQO. 
Entre la semelle et le bois on place une rondelle de caoul- 
cbouc de 5 millimétrés. 

La fixation du quillon au cuissard a lieu par rintenné- 
diaire du tube creux brasé sur Tétrier. Dans ce but, Texiré- 
mité supérieure du <piillon est cbaussée d'un tube cylindrique- 
en acier fixé par vis ; il doit pénétrer à frottement doux dans 
le manchon de l'étrier. On pratique un trou lisse dans it* 
(|uillon et on brase un renllement sur le manchon externe en 
les taraudant tous deux en regard du trou. La fixation se fait 
au moyen d'une vis à portée. Pour les travaux de la cam- 
pagne, le ([uillon aura un sabot de 12 centimètres de dia- 
mètre, et fait exacteuK^nl sur le modèle de l'autre. Si le temps 
est humide ou le sol détrempé, la semelle sera graissée pour 
éviter les phénomènes d'adhérence qui ont lieu, par exemple, 
dans le tire-patés. 

L'inconvénient des (piillons en bois (»sl leur fragilité; ils 
exposent aux accidcMils; on [)()urrait employer le duraluniin 
en lul^* creux, le sabol en bois se vissant dessus ; ou encore, 
adopter d(»s (]uillons en bois creusé, sous un diamètre plus 
grand. 

Le pilon à verrou n<* <loil jamais dép'-asser le |)oids de 2''*^,000, 
toutes pièces comprises. 

lU'venant aux |>rincipes cb» la prothèse scientifique, nous 
trouvons ([ue les appareils du type pilon possèdent une faible 
inertie, une grande^ sûreté d'appui, et causent un minimum 
de fatigue dans la marche. A ce dernier point de vue, il est 
plus pénible de faucher ([ue (bî boiter légèrement avec un 
(piillon insuffisamment long. 

Ajoutons (pie certains orlliopédisles remplacent parfois le 
sabot j)ar un pied réel en hois^ et articulé en avant. C'est un 
contre-sens pliysiologi([ue. 

La figure 80 monln* une mauvaise jambe de parade, avec 
sa jambière de cuir: on la visse par son quillon intérieur sur 



LA RÉéoUCATtON DES BLBfSÉS 



Kic. 86. — Pilons ï verrou n* I et jambe de parnde dérectueuse. 
A droite, un piloD tout en but». 

lY'tricr du pilon, après en avoir séparé l'autre tjuîlloii que 
retenait une clavette. La vraie jambe de parade {fig. 83) est 
articulée au cou-de-pîed, 

OHilAIIISATmN PMYSIOLOUIOUE OU TU.tV\IL. 18 



271 oi«;a>is.\tio?» i'IIVMologiquk du travail 

Le jiitoii H verrou. 11'! cju'il vifiil d'élrp tlécril, s'applique 
bien à| tous les moi- 
fanons lie cuisse [qui onl 
plus de r> ccntimi' 1res 
(le bras de levier ii par- 
lîr du pli inguinal. Pour 
les amputations IrtX-; 
bnutes. inférieures à 
celle liinile de 5 cenli- 
iiièlres. ou pour désai'- 
lieuliilion, on adoplem 
la disposition représen- 
léesur la figure 87. II y 
a trois types de pilons 
il verrou : n"' 1, 2 et '.i, 
les deux dernici-s carac- 
térisés par une lai^c 
eeinture moulée, le n°3 
possédant un tenon à 
iloiilifc effet \ et un 
rail lî, avec un cuis- 
sard, |K)slérieurenienl, 
en cuir sou[)le S, 

CXXVI. — h. Tm^e 
jaiitfte aitifkielte. — 
Mais <''esl à la « jambo 
arlilicielle » <|u'onl re- 
cours la pluiiart des 

Kii). 87. — Pilon ft verrou n- 3. pour ilésarti- . , , . 

culMion de hinche Ouvriers. Ics employés 

de bureau.\, b.'s per- 
sonnes exerçant une profession libérale, tous ceux, en nu 
mot, ipii doivent sacrifier à restliéliipie et à la montre. 

La jamlie artiliciefle, munie d'un pied articulé, rétablit la 
locomotion {marche seulenieni) dans une mesure à jteii prèn 
normale, loul à fait si le sujet es! amnuté bas au-dessous du 



L.\ RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 275 

genou, et s*il n'existe pas d'ankylose à cette articulation im- 
portante. 




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Il faut rappeler brièvement les données expérimentales de 



276 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

la marche (^) pour éclairer tout le problème de la prothèse des 
jambes. 

Les phases du pas sont expliquées par la figure 88 ; la 
jambe portante forme avec le pied un angle de 90°, qui peut 
augmenter de 20 à 25**, mais rarement diminue. L'articula- 
tion libio-tarsienne d'une jambe artificielle doit donc autori- 
ser une excursion moyenne de 20°, au delà de Tangle droit, 
mais non pas en deçà. Elle est, d'autre part, sur le sujet vu 
de face, en arrière de l'articulation du genou, et celle-ci à 
1 centimètre en arrière de l'articulation coxo-fémorale ; la 
cuisse a donc une direction antéro-posiérieure oblique, et 
la ligne de gravité du corps passe en avant de la tibio-tar- 
sienne, empêchant le fléchissement aux genoux. La contrac- 
tion du quadriceps produit ce même effeL II faut, par consé- 
({uent, donner à la charnière du genou ram[)litude nécessaire 
pour marcher en terrain plat, s'élever sur un escalier, s'as- 
seoir, mais tûcher d'éviter la tendance aux flexions brusques, 
cause de chutes. La marche ne saurait être une série d'os- 
cillations du membre artificiel, par impulsions périodiques 
du moignon. On sait également (jue les segments cuisse et 
jambe forment un angle inférieur à 180°, et que, dans la 
phase d'impulsion du pas, la jambe arrière quitte le sol étant 
fléchie à 160° environ. 

J'ajouterai enfin ce détail important, que le pied doit être 
tourné de 15° en dehors et relevé légèrement quant à son bord 
interne. On évitera, par là, les démarches défectueuses et les 
oscillations latérales du corps. 

De nombreux modèles de jambes, faites en cuir ou en bois, ont 
essayé de reproduire tels ou le's des éléments physiologiques 
de la marche. 11 n'en <»st point A(t parfaitement rationnelles. 

Les modèles américains, perfectionnés au cours des années 
qui ^ont suivi la guerre de Sécession (i8()0-1865), ont semblé 
parfois très avantageux. En réalité, ces appareils sont co- 
piés les uns sur les autres, c»t demeurent fidèles à des règles 

(ï) Le développement en a été fourni dans Le Moteur humain^ p. 440-468. 



LA ri^:ëducation des blessés 277 

uniformes de construction qui sont loin d'être satisfaisantes. 
Le pied y est trop lourd et son excursion mal calculée ; le 
ffenou, trop lâche^ manifeste par des chocs Tinertie considé- 
rable de la jambe: celle-ci a donc une oscillation brusque, 
que rimpulsion de l'autre jambe doit corriger, sous peine de 
ne pas avoir Y extension nécessaire du membre dans sa phase 
d'appui vertical. El surtout, \e^ articulations ne sont pas à leur 
vraie place ; Tampulé reste donc exposé à une flexion acci- 
dentelle des genoux, c'esl-à-dire à des chutes. 

Ces défauts sont assez graves pour me dispenser d'insister 
sur Xinsuffisanle fixation par simples bretelles, la mauvaise 
conformation des cuissards qui n'épousent pas la surface 
d'appui des moignons, la sonorité du bois qui fait boîte de 
résonance et sa fragilité. 

Locomotion défectueuse, parfois dangereuse, toujours fati- 
gante, c'est ce que j'ai observé sur les mutilés portant des 
jambes américaines, et parcourant 1.500 à 2.000 mètres à 
une allure facultative. Il en existe, cependant, qui me 
paraissent très satisfaisantes. 

CXXVII. — Expertise d'un modèle de jambe ou de 
pilon. — La méthode d'observation des appareils de pro- 
thèse des membres inférieurs est double. D'un côté, j'enre- 
gistre, sur mon trottoir dynamographique [^), toutes les phases 
d'appui et de propulsion, les efforts locomoteurs et les durées 
élémentaires de l'activité des deux jambes normale et artifi- 
cielle [fig, 89). D'un autre côté, je mesure, au moyen du comp- 
teur à échantillonnage (i). 75) la dépense d'énergie qu'entraîne 
le parcours de 1 kilomètre avec un des modèles étudiés. 

Disons brièvement que le trottoir fournit, pour chacun des 
deux membres inïérieuru, quatre sortes de forces: la pression 
à l'appui, l'impulsion en arrière, les poussées latérales, in- 
terne et externe telles que les indique la figure 90. L'appareil 
est composé de leviers appuyant sur des ressorts calculés, 
lesquels sont au contact de petites poires en caoutchouc. 

{}) Comptes rendus Académie des Sciences du 31 juillet 1916, l. CLXIll, p. 130. 



278 
Les tr: 



ORGAMSATION PHV!'IOI.OGIQUE DU TriAVAII. 

; [fig. 91) monlrenl «|ue les paysans ont, nalurel- 



lenicnl, une niarclie assez voisine de celle avec a]>parcil arli- 



LA BééDUCATtON DES BLESSéS 



Trottoir djnainogrnpnicjuE 
Fie. 'JO 



Fii^ 91. — Tracés île pus obtenus avec le Trollojr dyaamographique. 



280 ORGANISATION PilYSIOLOGIQL E DU TRAVAIL 

ficiel ; ils fauchent un |)eu et négligent Timpulsion en arrière- 
Tout défaut dans la locomotion, imputable au modèle exper- 
tisé, se révèle très nettement sur le graphique. En parti- 
culier, si l'amputé appuie beaucoup moins que sur sa jambe 
saine, c'est qu'il y a une mauvaise application, ou une cause 
de douleur ou simplement de fatigue. On peut ainsi se pro- 
noncer, sans crainte de se tromper, sur la valeur comparative 
des différents modèles, et sur les progrès obtenus dans leur 
fabrication. 

Analyse fidèle, précise, impartiale, qui peut guider sûre- 
ment la technique orthopédique et féconder l'invention. 

Le trottoir est également employer pour contrôler les effets 
de la rééducation fonctionnelle des jambes; il la corrige et 
accélère. 

CXXVIII. — Réalisation d'un modèle de jambe pour 
amputation de cuisse. -*- Je décrirai, ici, le modèle de 
jambe artidcielle (92, îi gauche) actuellement le meilleur. 

D'abord, le citissanl. Ce sera exactement le cuissard du 
pilon à verrou, avec ses organes de fixation, ceinture et 
pièce de hanche, bretelle à double boucle; ses organes de 
consolidation, deux montants latéraux et deux cercles métal- 
liques. Le ^^noî/ se caractérise par deux articulations à char- 
nière prises, au niveau de l'axe transversal, sur les mon- 
tants du cuissard et de la jambière. Elles sont fraisées avec 
point d'arrêt limitant leur course à 85** de flexion. La joue 
externe provient du montant métallique de la jambe : elle 
est fixée sur l'autre par boulon et contre-écrou. 

Sur l'appareil monté, le centre articulaire du genou doit 
se trouver à 1 centimètre en arrière de la coxo-fémorale, les 
montants sont coudés pour donner ce résultat. Le cuissard 
est modifié inférieuremeni : la calotte en cuir est échancrée 
suivant un méridien antéro-poslérieur pour laisser passer un 
tendeur élasti(jue T. Celui-ci a pour but de donner plus ou 
moins de résistance à la flexion du genou. Il est donc ré- 
glable à volonté. A cet effet, une corde à boyau se fixe à 



LA ri': ÉDUCATION DES BLESSÉS 281 

riiitéi'ieur el eii^avanl sur l'embase inférieure des montants 
du cuissard; elle dépasse de 3 centimètres au moins la hau- 
teur totale de U» calotte et vient s'attacher à un ressort à 



Jambe (moii^iio 
mhes artiQriettes Cn cuir. 



boudin fait on acier d'une force jn>propriéc. Une courroie, 
en cuir souple el rf'-sistanl, ])ercée de plusieurs trous muiii>. 
d'œillets, termine le dispositif du tracteur, Hlle s'engage 



282 OKGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

dans une petite fenc^lre ménagée à la base du mollet dans un 
prolongement du eercle malléolaire et permet de régler la 
tension en aceroeiiant tel ou tel des œillets au bouton de 
la parti(» antérieure. 

L'écjui libre élasli(jue du genou est complété j)ar un trac- 
teur T' prenant la face postérieure et s*inséranl par rivets so- 
lides aux embrasses opposées, inférieure du cuissard et supé- 
rieure de la molletière. 

Enfin, pour éviter rallaissement du cuir, on borde Téchan- 
crure de la calotte et le bord supérieur de la molletière d'un 
ruban d'acier cpii en d<*ssine rigoureusement la forme, et rivé 
|)ar de petits rivets en cuivre. 

Ldi jani/jière est une gaine en cuir moulé se rapprochant 
le plus possible de la forme et des dimensions du mollet 
sain. Deux montants latéraux de 18 millimètres de large, 
rivés sur ce cuir, en assurent la rigidité. Ils se terminent en 
haut par les articulations du genou, c^t sont alésés à leur extré- 
mité inférieure pour recevoir Taxe d'articulation malléolaire. 
l'n demi-C(Mcle en acier |)lacé postérieurement et un peu au- 
dessous du genou consolidera les montants et le cuir. 

Le pied sera tout imi bois, ou avec avant-pi<*d en feutre F, 
celui-ci collé sui' la j)artie malléolaire. Dans les deux cas, 
on aura une « malléob* bois » articulée à cliajie ; la partie 
jambière fournit la chape proprement dite, c'est-à-dire la 
mortaise, et le pied donne h* tenon. 

l'n axe en acier, recouv^M-t de cuir, travers»* l'ensendile de 
l'articulation ci les extrémités inféiieures des montants jam- 
l)iers; il sera incliné d'avant (m arrière et de dedans en dehors 
pour rejeter le pied extérieurement, à 15" environ d'une direc- 
tion antéro-poslérieure. 

La course de la jambe sur le pied (»st réglée à 90° en 
avant, pouvant augnienter jusqu'à 1 10** seulement: ces limites 
sont assignées par le travail régulier et souple d'un ressort 
dit « à dôubh* effet », formé d'un (il de 4 millimètres. 
L'avant-pied <mi feutre donne de la légèreté, et, en outre, 
une lh^\ibilité cjui peut dispenser d'articulation antérieure. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 383 

La ligure 93 groupe, à oôlé du modèle (|ui vient d'être dé- 
crit, et dont le poids moyen allcinl 3'",300, des modèles en 



bois, soil de construction fran(;aisc, soil iimériraiiii'. Le pied 
possède deux articulations, et les butées se produisant sur 
dos tampons en caoutchouc. L'appareil porté par l'amputé est 



enou 



t] 



284 ORGANISATION PI1YS10L0<;IQUE DU TRAVAIL 

le plus intéressant. Ce modèle français se caractérise par Tin- 
géniosilé de Tarliculationdu genou. On y voit un butoir deux 
fois coudé AB, formé d'une pièce d'acier qui pivote autour d'un 

axe antérieur situé à la base du 
cuissard, et qui va buter, d'autre 
part, à la surface postérieure B 
de la jambe [fig, 94). Il y de- 
meure appuyé grâce à un trac- 
teur T. Ce mécanisme remplît 
un double rôle : il limite à 180** 
en avant la position de la cuisse 
sur la jambe : il redresse auto- 
liHitiqnement celte jambe en cas 
^ / ^ de flexion supérieure à 90°, ce 

^ ^ ' qui supprimi» toute j>ossibilité 

de chute. 

Au-dessous de 9(/, <|uand on 
vient, par exemple, à s'asseoir, 
le tracteur cesse d'agir. Ce ré- 
sultat dépend, évidemment, de 
la position de Taxe du butoir, et peut se calculer avec préci- 
sion. 

L'appareil entier, pour amputation de cuisse, pèse 2*'^,7<X), 
et permet une locomotion extrénu^ment commod(^ 

Quoi qu'il en soit, s'agissant d'amputations de cuisse, il 
s'impose aux orthopédistes depoursuivn* la construction de 
jambes pesant 2 kilogrammes tout au plus. I^e conlre-pla- 
quage ou le duraluinia sont de nature à donner ce résultat, 
sans dommage pour la solidité des ai)pareils. 

CXXIX. — B. Amputations de jambe. — A tout moignon 
de jambe supérieur à 7 centimètres, on applique un appareil 
du modèle des jambes tibia/es numérotées 1, 2 et 3 ; elles 
concernent des moignons de longueurs différentes {fig, 95), 
et Tampulation dite tibio-tar sienne [fig, 96) qui supprime le 
pied seul. Dans tous ces cas, il faut ménager une échancrure 




Fie. 91 



.B-ai. ^-w ^ - -^---^-^--jfc^— ^^" 



LA RÉÉDUCATION DEB BLESSÉS 



II 

II 



Fi'i. Ul/. — Jambe tibiale n' I. 



1 



286 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

suffisanlc à la partie postérieure du genou. La jauibière sera 
en cuir moulé .très rigide, doublée de peau de chamois résis- 
tante. Le n»l)or<l supérieur est rembourré en avant ; il scMi 
d'appui au poids du corps, iV appui principal, auquel s'ajoute 
la pression uniformément répartie sur le moignon : il se 
moule, par conséipient, sur les tablettes sous-condyliennes 
du tibia. 

C'est ici (|u'un bon moulage doit guider le constructcnir, 
i)\ que l'application anatomiijue de l'appareil demande une 
grande attention. L'appui portera surtout latéralement, à 
la face externe de la jambe ; à la face interne, il serait dou- 
loureux. 

11 doit en être de même dans mw amputation de Choparl {^). 
qui j>ermet au sujet de pos(»r sur son moignon ; mais les 
deux surfaces de pression seront harmonisées pour interve- 
nir simultanrmenL 

Les moignons d<* jambe, inférieurs à 7 centimètres, seront 
fléchis pour marcher sur le gf nou (voir la figure 1)2 ci-dessus). 

CXXX. — il. Amiutations nornLKs. — Dans les cas 
d'amputations des deux membres inféri(HU's, on combinera 
les appareils suivant les indications précé(h*nles. Toutefois, 
aux amj)ulés des deux cuisses on donnera exclusivement des 
pilons à v(*rrou, parfaitement et solid(»m(*iil construits, en 
réduisant de 5 à 10 centimètres, suivant les j)ersonnes, la 
hauteur normah* des (juillons. Point de sacrifice à l'estlié- 
tique; ils seraient criminels. Les moignons de cuisse, appa- 
reillables avec jambes artificielles à articulation libre, sont 
infiniment rares. 

CXXXl. — Prothèse du membre supérieur. — Cette 
prothèse est plus difficile que celle du membre inférieur. 
Elle fut longtemps négligée; naguère on semblait en déses- 
pérer, et les connaisseurs, ceux-là surtout, de sourire à 

(') Ampulalion qui ne laisse subsister que le la!on et l'os astragale. 



,— ^ 



LA BKÉDUCATION DES BLESSÉS 287 

l'idée de faire travailler les « mancliols ». — Les anciennes 
tentatives, celles de Laurent (xv" siècle) dont Paré nous a 
transmis le nom, celles du Père Sébastien au xviii' siècle, 
du comte de lïeautbrt au xix" siècle, ne furent nullement 
encourageantes. Hugedé, en 1873, n'eut pas plus de succès 
avec son modèle de bras. 



Vw; 91. — Hras di' Iravail eri étude, el divers orjtiincs de préhension pour outils. 

Nous avons donc repris el a])prolbndi le sujet, el conslaté 
«pi'il ne préseiile, à la tt^clmicpie du mécanicien, aucune dif- 
liculté insurmontable. 

Au moyen d'un é/us- ej-prrimriiln/ {fi//. 97), avec arlicula- 
f ion spiiériquo, se blofjuant à volonté, pour remplacer le poi- 
pnet ; avec lige d'acier comme avant-bras, el un orjîane de 
lixation tlioraciquc, toutes pièces modifiables et réglables à 
volonté, nous avons pu éludierel construire le rérilahle hras 



288 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

de travail pour les métiers de force, simple, robuste^ pra- 
tique (*). 

D'autre pari, un habile orthopédiste, M. Cauet, a entrepris, 
SOUS notre direction, des recherches qui nous ont permis de 
constituer un bras mécanique, à commande entièrement auto- 
matique ; il convient aux professions dites libérales. 

(iOs deux modèles, bras de travail et bras mécanique, 
peuvent s'adapter à' toutes les amputations de membre su- 
périeur. Ils offrent Tavantage d'une construction rapide, 
suivant un type défini une fois pour toutes, si bien que les 
modèles se répètent avec de légères variantes (*). 

(iXXXII. — A. Ampitations dk bras. — a) liras de travait 
Amar, — Le modèle dit bras de travail A mar coiwienl à toutes 
les amputations laissant un moignon supérieur à 5 centi- 
mètres, à partir du niveau de Taisselle. Il comprend : organe 
de fixation; gaine brachiale; avant-bras inélallique; pince 
et anneau universels, crochet, main de parade. 

Uorf/ane de fijation est constitué par une |)arlie scapulaire 
et une partie thoraci<iue (fig. î)8). 

La partie scapulaire sera formée d'une plaque de cuir 
moulé et doublé intérieurement dt^ peau fine et résistante 
(agneau ou chamois). Klle devra tiescendre juscpiau niveau 
supérieur de Taissc^lle, el n^couvrir l'épaule sur une largeur 
de 8 à 10 centimètres, en vcMianl au contact de la voûte 
acrromiale sans la débordcM*. La partie thoracique a pour but 
de maintenir solidement la précédente. C'est une ceinture 
de cuir, en veau souple ou en lissu inextensible, large de 
4 centimètres, el fixée à ses deux exlréiniir\s par des rivets 
tubulaires aux exirémilés de la plaipie d'épaule. Elle entoure 
le thorax en passant sous Taisselle opposée où elle se re- 
couvre d'un manchon mol)ile, en peau d'agneau ou de cha- 
mois rembourrée, long de 20 cfîntimèlres. Dans sa portion 

(') Journal (le Physiolof/îe, p. 860; 191.Ï. 

(2) Jules Amar, Comptes rendus Acarl, Sciences, du 13 mars 1916, t. CLXII, 
p. 401. 



L*. néÉDUCATlON DES BLGSSI^S 289 

dorsale, la ceinture comprend j un segment en fort tissu 
élastique de 6 centimètres (tissu Barrère); et en avant, elle 



Fia. 98. — Bras de travail Amar a.vec main de parade et pince univerBelie. 

vient s'attacher par une boucle nickelée (de préférence sans 
ardillons). 

V PllYSlUL'tmiilF, DU TR.W.ML. 19 



21)0 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

La gaine brachiale est en cuir moulé, le plus rigide pos- 
sible, et doublée de peau souple : elle est fendue en avant, 
les bords découvrant une bande de laçure en veau souple 
mince ; la fermeture est assurée par des courroies cousues et 
rivées et de petites boucles. Elle possède une armature mé- 
tallique, formée d'une cupule en tôle d'acier de 2"", 3 d'épais- 
seur, enserrant la base, et qui se prolonge par deux mon- 
tants, externe et interne, le tout étant embouti d*une seule 
pièce. Les montants sont rivés solidement au cuir (rivets en 
cuivre). 

La cupule possède un noyau central en acier et brasé ; il 
est alésé pour un taraudage au pas international [\0 milli- 
mètres et 1 millimètre et demi). 

Le bord externe de la gaine sera convexe (à grand 
rayon) et montant ; le bord interne, légèrement échancré à 
Faisselle. 

L'articulation de cette gaine à l'épaule sera formée de 
trois pattes fixées par rivets tubulaires : une patte acro- 
miale, en cuir souple, qui remonte et maintient tout l'appa- 
reil ; une patte dorsale longue et en fort tissu élastique, 
donnant un allongement de 4 centimètres ; une patte anté- 
rieure en cuir souple ou môme en tissu élastique. 

L'ensemble de l'appareil brachial sera plus court que le 
bras sain, pour permettre d'adapter une pièce d'acier articu- 
lée à l'avant-bras, à moins qu'il ne s'agisse d'une désarticula- 
tion du coude. 

(IXXXIII. — Vavant-bras métallique est formé d'une tige 
d'acier pesant 175 à 180 grammes de l'articulation à l'extré- 
mité libre; sa forme garantit une grande résistance sous 
une petite masse. 

Elle s'articule à chape avec une partie filetée au pas 
de la cupule, et cette chape se commande par une manette 
du côté externe du bras. Un contre-écrou permet de pla- 
cer la tige dans tous les plans, tandis que la charnière du 
coude assure tous les angles de flexion entre 180 et 45*^. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 291 

L'extrémité libre de l'avant-bras est percée et taraudée au 
pas sus-indiqué, pour recevoir les organes suivants : pince 
et anneau universels, crochet, main de parade, 

La pince est en bronze ou en tôle emboutie ; elle a la 
forme des pinces d'écrevisse. Ses caractéristiques sont : une 
rotule ou articulation sphérique, pour lui imprimer des mou- 
vements dans toutes les directions, et, si Ton veut, la fixer 
dans Tune d'elles grâce à une petite manette ; un excen- 
trique pour assurer la fermeture robuste des mâchoires, 
lesquelles s'ouvrent par une commande automatique grâce à 
un petit levier que l'on rabat ensuite (voir la figure). Les bouts 
de la pince permettent de saisir tous les objets et outils ; ceux 
qui ont un manche viennent s'appuyer au fond d'un entonnoir 
spécial et y demeurent immuablement. 

La pince seule suffit à la grande majorité des besoins pro- 
fessionnels. Mais on peut 
y adjoindre l'anneau A 
(^^.99). Celui-ci comprend 
une tôte en acier, avec par- 
tie filetée au pas interna- 
tional, et que l'on perce 
suivant deux axes rectan- 
gulaires, dont un en bout. 
C'est dans ces trous que 
l'on introduit la tige de 
l'anneau en la fixant au 
moven d'une manette; elle 
porte une petite gorge pour 
être à même de tourner 
librement. Le crochet H 
est suffisamment expliqué 

par la figure; on radaj)te à la môme léle que l'annt^au. Pince, 
anneau et crochet seront nickelés. 

Enfin, la main de parade sera en bois (tilleul) et de 
forme élégante, aussi semblable que possible à la main 
saine, les doigts demi-fléchis et rigides, fendus dans leur 



nondclle. 
darrèl 




CroDhch 



dehtoauaqi 



deJanneau, 



serrmtft. 



Aineau universel 

Fio. 99. 



1 



292 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

longueur d'avant en arrière et munis d'un flipol de bois à 
fibres longitudinales pour en augmenter la résistance. Le 
pouce est articulé et opposé à Tindex et au médius réunis. 
La pulpe de ces trois doigts sera fraisée et garnie d'une 
pastille de caoutchouc. Au centre du poignet se fixe une tige 
filetée au pas ci-dessus pour adapter la main à Tavant-bras. 
Et autour du poignet, on applique, au moyen d'une bague 
nickelée et vissée, la partie inférieure d'wwe gaine de cuir 
rigide fermée, qui enveloppe Tavanl-bras jusqu'au niveau du 
coude où elle est échancrée pour dégager la manette. Une 
petite échancrure à la base delà gaine permet de voirie lèlon 
qui doit se visser dans l'avant-bras. 

Toutes les pièces filetées auront une entrée lisse, correspon- 
dant à trois pas, pour éviter au mutilé la |>eine de tâtonner, 
et économiser son temps. 

CXXXIN". — b) Cas d* amputations très hautes ou de désar- 
ticulation de bras, — Si Ton est en présence de moignons 
inférieurs à 5 centimètres à partir du niveau de l'aisselle, ou 
de désarticulation de bras, on procédera comme suit : 

Dans le premier cas, le modèle sera \^ bras de parade n* /. 
Il permet d'utiliser encore, bien que dans une très faible 
mesure, le petit moignon mobile du bras et la puissance mus- 
culaire de l'épaule. 

Ce qui le raractérist», c^'esl son organe de fixation^ formé 
d'un gilet en fort tissu perforé (peau de diable, par exemple), 
avec des œillets en celluloïd, parfaitement ajusté à la cage 
thoracique, «*t se laçant arrière et avant; épaulière en cuir 
souple d'un ccMé, [>our porter l'appareil, contre-appui de cuir 
rembourré à Taisselle opposée; on évitera de trop le décol- 
leter pour ne pas donner de jeu [fig. 100, A). 

On peut, suivant les circonstances, faire le gilet différem- 
ment : la moitié sera en cuir moule sur le thorax et Tépaule 
intéressée, avec une doublure en [)eau de diable, d'agneau 
ou de chamois. De nombreux trous d'aération seront prati- 
qués sur toute la surface du cuir, et une armature métallique 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 292 

en acier de 10 millimètres de large le bordera extérieurement. 
La seconde moitié du gilet sera en coutil très résistant, avec 
un bourrelet sous-axillaire B. 




o~-e 



• iv • ' ' • 

Kl/,' .a- >^ , 





Fio. 100. — Gilets pour amputations hautes de bras. 



Un dernier dispositif est enfin laissé au choix du blessé. 
H consiste à réunir le demi-corselet de cuir perforé à un large 
contre-appui de cuir rembourré placé sous Faisselle opposée. 
La jonction des deux pièces est assurée par des courroies 
conjuguées suivant le modèle C, et rivées à leurs extrémités; 
elles auront un segment élastique. Ce modèle me paraît le 
plus avantageux. 

La gaine brachiale est entièrement fermée; elle atteint 
le sommet de Tacromion d'une part, le niveau de Faisselle 



294 ORGANISATION PIIYSIOLOGIQL E DU TRAVAIL 

de Taulre, et se trouve maintenue dans celle position par 
les trois pattes déjà décrites avec le bras de travail; mais 
celles-ci seront courtes pour ne pas donner trop de jeu à 
Tappareil. Klntin la lige d'avant-bras aura des dimensions 
plus réduites, sauf en longueur. L'organe de fixation sera 
modifié si l'épaule est ankylosée: il ne formera plus qu'une 
seule pièce avec la gaine bracbiale, mais pièce parfaitement 
moulée, couvrant la partie moyenne de la clavicule et de 
Tépine de l'omoplate, et présentant uneéchancrure au niveau 
de l'aisselle. 

Dans le second cas, celui d'une désarticidalion (f épaule, le 
modèle sera le bras (te parade n° !?, dont la caractéristique 
est que le gilet fait place à un demi-corselet en cuir moulé 
et armé de bandes d'acier suivant la disposition B (de la 
figure 100); on complète conformément aux types de gilet à 
courroie ou à demi-corselet en coutil. Le cuir est moulé en 
calotte simulant une épaule, calotte très résistante, au besoin 
armée de bandes d'acier, pour protéger efficacement le moi- 
gnon. On y rattachc^le bras au moyen d'une articulation ù 
charnière démontable, par le jeu de griffes renversées ou 
d'une clavette. Une large échancrure, bordée d'un ruban 
d'acier rivé au cuir, permet au bras de s'appliquer à la calotte. 
Le montant externe de la gaine brachiale est donc prolongé 
de fa^'on à rejoindre la bande d'acier acromiale, après s'être 
articulé une première fois au niveau de l'axe transversal de 
l'épaulière. Une vis et un arrêt limitent l'oscillation du bras à 
45° en avant, et 20° en arrière, ce qui suffit à son usage 
esthétique. 

Quant à la charnière, elle est située au sommet de l'acro- 
mion et son excursion élève le bras à 90°: on doit lui donner 
de 20 à 25 millimètres de large. Le mutilé conserve ainsi la 
possibilité de retirer le bras de parade tout en protégeant 
son épaule contre les chocs possibles. 

CXXXV. — B. Amputations d'avant-bras. — Il y a deux 
cas h considérer suivant la longueur du moignon. 



LA llh^ÉPUCATION DES BLESSÉS 2dS 

a) Moignons siipériettrx « 6" centimètres à partir du pli île 
flexion du coude. — Le modèle sera Yavant-hras de travail, 
dans lequel la giilne bracliiale est fortemenl échancréc au voi- 
sinage du coude [fig. 101), avec montants dessinant parfai- 



M. 



1^ 



fi .â 






■^ 



■ Artint'bras de Iravail Amor. 



temoiit In légiTc bi-couravili'' du bras. Aux exiroinilés de ci's 
montants et de roux de la jïainc d'avant-bras on fixe, par vis à 
portée et rondelles d'arier, deux lani(';res de cuir souple T 
en forme de 8, étroites et longues, pour pcrmctire toute 



296 ORGANISATION PUYJiIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

la pronalion et la supination dont le moignon est capable. 
Un morceau de peau de diable ou de peau de chien C cou- 
vrant le coude est, enfin, cousu aux bords postérieurs et 
opposés des deux gaines, laissant le jeu nécessaire à une* 
flexion au coude de 50**. Et la gaine d'avanl-bras est très 
adhérente, et fermée pour les courts moignons; pour tous 
les autres, elle a un laçage antérieur ou des boucles. 

Echancrée au niveau du coude, elle doit permettre toute la 
flexion possible. 

On la termine par cupule et tige d'acier, à condition que 
la longueur de celle-ci n'ait pas moins de 8 centimètres, 
sinon la gaine sera prolongée jusqu'au poignet. Lorsqu'il 
s'agit d'une désarticulation du poignet, le noyau central N de la 
cupule sera brasé en dehors au lieu de l'être en dedans. On 
tiendra compte de ce fait dans la construction de la main de 
parade M, qui sera creusée au niveau du carpe pour y loger 
la vis correspondant à l'écrou de la cupule. 

Le principe de toutes ces dispositions est de mettre la 
cupule au contact du moignon pour en utiliser la sensibilité 
au profit de l'adresse des mouvements. 

CXXXVI. — b) Moignons d avant' bras de 4 à 6 centimètres. 
— Les courts moignons d'avant-bras sont généralement un 
obstacle très grand pour la prothèse. Le dispositif suivant, 
dit avant'bras bascule^ résout la difficulté. Voici les particu- 
larités qui le distinguent du modèle précédent. 

Les montants de la gaine branchiale se terminent par des 
bouts renforcés et forgés formant charnière avec les branches 
d'un étrier [fig, lOi, El); les axes sont rigoureusement sur Taxe 
transversal du coude, lequel est incliné de dehors en dedans 
et de haut en bas d'environ 10°. 11 est essentiel de tenir 
compte de cette inclinaison. Un anneau en fer C (un fil de 6 
millimètres de diamètre) embrasse tout le moignon, à 3 centi- 
mètres du pli de flexion du coude, et peut tourner autour d'un 
de ses diamètres. L'arc postérieur de l'anneau est recouvert 
de peau de chien cousue, d'autre part, à la gaine brachiale, et 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 297 

qui doitpermelire la flexion la plus grande du moignon (D). Un 
fort tracteur élastique, placé à la partie antérieure de Fanneau, 
et fixé sur la gaine* à Taide d'une fourche en cuir, ramène 
Tanneau à sa première position et empêche le moignon 




Fio. 102. — Avant-bras bascule Amar. 



d'échapper. Tout cet ensemble constitue une véritable cubi- 
tière. Sur Taxe du coude est monfé Té trier, dont le cintre 
réalise un maximum de résistance; le moignon le com- 
mande par l'anneau, et lui fait faire la flexion et Texlension 
possibles. Il est d'une seule pièce, en acier forgé, ayant 



298 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

au moins 12 millimètres de large el 2'"'",3 d'épaisseur. Les 
arliculations permellenl une flexion à 75° ; ce sont des char- 
nières montées avec boulons et écrous. '' 

Au milieu du cintre de l'étrier, on rapportera une partie 
brasée, percée et taraudée au pas international pour recevoir 
la tige d'avant-bras T, longue seulement de 10 centimètres^ et 
d'épaisseur égale à celle des bras de parade. 

Tous les modèles qui viennent d'élre décrits sont parfai- 
tement jH'aliques et d'une résistance éprouvée. Ils s'harmo- 
nisent si bien avec les besoins professionnels, que, depuis 
deux années d'expériences, aucune modification n'a paru 
s'imposer. 

CXXXVII. — Appareils divers. — Avant d'examiner les 
modèles de bras méaniques Cauet, réservés plus spéciale- 
ment aux j>rofessions libérales, nous devons signaler cer- 
tains dispositifs qui ont semblé offrir quelques avantages 
pour le travail ouvrier. 

En France, c'est le type de la pince universelle qui a ins- 
piré les inventeurs. On a préconisé un modèle avec cardan^ 
très mobile assurément, mais impropre à l'exercice des 
grands elTorts; il ne présente pas un réel progrès sur le 
simple anneau universel^ dont la gorge donne précisément la 
mobilité qu'exigent les instruments de labour, et en plus la 
force. La pince à cardan est un organe spécialisé ^ ce n'est 
nullement le but de la [)rothèse, qui doit, au contraire, ré- 
duire au minimum le nombre des organes spéciaux de travail. 

Dans ce défaut sont tombés plusieurs autres inventeurs, 
qui, après examen de telle ou telle opération professionnelle, 
se sont ingéniés — non sans mérite d'ailleurs — à constituer 
une série d'instruments adéquats. Le même mutilé serait 
obligé, dans ces conditions, de monter sur son membre arti- 
ficiel tantôt un porte-lime, tantôt un porte-burin, etc.; gas- 
pillage de temps et mauvaise adaptation du moignon, dont 
il importe d'éviter les inconvénients à tous les blessés en 
quête d'une place. 



LA Rl!:ÉDUCATION DES BLESSÉS 299 

El Ton reconnaît, en outre, que si rexéculion de certains 
mouvements est correcte, avec un de ces organes spéciali- 
sés, d'autres sont faussés, à raison du manque de synei^ic 
dont la spécialisation est cause. 

II ne faut pas viser, non plus, à toujours transformer le bras 
artificiel en appareil de soutien^ et à en compliquer le fonction- 
nement. L'exemple de la main magnétique [^) est, à cet égard, 
des plus édifiants. Elle consiste en un véritable électro-aimant 
dont la forme change suivant Toutil à saisir (tenailles, pince, 
burin, lime). Dans le cas du travail à la lime, Télectro a 
l'aspect d'un pot, rattaché par un manchon à l'avant-bras. 




»//? //tSfi 



Fio. 103. 



et mobile sur rotule {fig, 103). Les pôles reçoivent le courant 
d'une batterie électrique portative, ou de l'installation même 
de l'usine ; il est lancé ou interrompu par la commande de 
l'autre bras ou du pied. 



(') The Electrical Revieu\ du 14 janvier 1916. 



300 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

On imagine bien ce qu'une telle disposilion a d'encom- 
brant, malgré ses apparences de souplesse; il y a, aussi, à 
compter avec Vinerlie magnétique^ les tâtonnements pour 
j)oser rélectro-aimant, Tobligation de munir tous les outils 
de parties en fer, et Tadaptation difficile du sujet à combiner 
ses gestes avec les interruptions et les reprises du courant. 
11 y a lieu d'ajouter la dépense d'énergie électrique, très oné- 
reuse pour rindustriel. 

En Allemagne, on semble s'être rapproché d'une prothèse 
simple et universelle, comme celle dont j'ai défendu ci-dessus 
les principes, et Ton a poursuivi à la fois la commodité du 
travail et son bas prix de revient. Telle est, à mon sens, la 
doctrine vraie. 

CXXXMII. — Bras mécaniques. — Les bras mécaniques 
cherchent à réaliser Y atttomatisme des mouvements, et 
notamment la mobilité des doigts. Ceux-ci sont donc articu- 
lés. On en a un exr^mple dans le pouce articulé delà main de 
parade, quehpiefois commandé par une cordelette tirée grâce 
à l'épaule du côté opposé. Les modèles importants de bras 
mécaniques sont ceux du type Cauet, dont j'ai longuement 
étudié le perfectionnement. Aujourd'hui ce sont incontesta- 
blement les meilleurs. 

L'organe essentiel de ces appareils est la main, entière- 
ment artictdée el métallique, sauf aux extrémités où les doigts 
sont recouverts de liège, de caoutchouc ou de feutre, afin 
d'amortir les chocs et de créer une adhérence. 

Le jeu des articulations est assuré par le mouvement d'un 
collier qui embrasse le thorax, ou de bretelles appliquées aux 
épaules; ils sont transmis à la main ou à l'avant-bras par 
cAblcs d'acier. 

Voyons, maintenant, (piel([ues détails de ces bras méca- 
ni((ues. 

a) Main articulée. — Elle est composée de deux coquilles 
limitant une cavité avant la forme de la main; à l'intérieur 
se trouve une platine qui porte les doigts, tous montés à 



LA réi^:duc^tion di^s blessés 301 

fliariiière sur un ludme axe cl maititcnus en position fermée 
gn\ce à des ressorts fixés à leur base. Les charnières sont 
4!ominaniJées par des leviers ou tendons en acier T passant 
sur une came K. C'est précisément à celte came que le cAblc 



Fio. 104. — Main articulée Cauet (modèle Ainnr). 



d'acier ilexiblc aboutit; il glisse dans un fourreau et va se 
rattacher au collier de poilriiie (fig. 104). 

b) Ce dernier est en cuir, léger à porler, ci il comprend 
«ne ]>ortion élastii|ue, formée de ressorts <|ui l'appliqucuL 



302 ORGANISATION PHYSIOLOCIQUK Df TRAVAIL 

parfaiicmeiil au lliorax. On fixe aii\ deux bouls du collier k> 
câble el le fourreau. Au nioinoul où la poitrine accroll son 
diamètre, par un etTort d'inspiration, le rAble agit sur la 



Fin. im. — liras inéi:aDL')Lie pour amputé d'Bvant-bras. 

came el ouvre les doigts, pro'jressipemeiH. Il n'y a donc 
jamais de mouvements brusques. On peut encore mettre les 
doigts d'abord en extenxion, el faire agir la came dans le 
sens opposé. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 303 

c) Divers organes, d'une très grande simplicité, permettent 



JôrtMlts vùtélUout* fretêUÊftrtei ettir) 




(inférieur tià^) 



Fio. lOG. — Bras mécanique pour ampulê de bras. 



d'adapter la main articulée non seulement au^ amputes 
d'avant-bras, mais à ceux de bras et aux désarticulés. Dans 



'Mi ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

ces deux derniers cas, on introduit une commande pour le 
coude ; cette commande est faite par les épaules (bretelles 
en acicM*) et transmise à Tavant-bras au moyen d'un second 




0" 0%IW M^ ( ■> »' ■• 



FiG. 107. — Brus mécaniiiue pour désarticulé d'épaule. 



ciible d'acier. Los organes qui remplacent une partie de 
l'avant-bras ou du bras, ou tout le membre, sont en feuille 
d'acier recouverte de cuir, ou seulement en cuir ; ils 
répondent aux indications de l'anatomie et de la pbysiolo- 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS ^05 

jîic, sans |)réjudico des qualités mécaniques, qui i-eslciil les 
plus iiiiporlaiilcs. Du reste, le bras méranique peut être com- 
Inné avec le bras de travail, en ce sens que la main articulée 
se monte sur ce dernier bras; on aura, en même temps, 
l'automatisme des niouvcmciits el la grande n'isislance du 
hras de travail (voir les li^çuros 105 à 107, et |)lus loin). 

CXXXIX. — Usage et qualités. — Ces bras niécani({ues 
rendeni servi«'e à toutes les [lersonnes qui ont une profession 



Kio. 108. — AnipiiU iliki:lylo^ra[ilic muni ilii brns iiUM-aniqtic. 

«le bureau, el sans falifi^iie, sans elTort de leur part. Ils satis- 
ibut à une nécessité supérieure, celle de donner aux désarti- 
culés el nm[iulés des deux bras la possibilité de xaisir les 
ohjets el de faiie les intïims actes de la vie. Car la main arti- 



306 umiAMSATION PlIYHIOLOurQLE DU TRAVAIL 

cul«;e, avec sa cofiiu', sa came cl ses letulons, avec ses 
doigts articulés aux iiiouveiiieiits si uuain'cs, peso en tout 
300 graiHUios: reliée, par «les '«rj^aiies «l'acier, à un avant- 
bras, elle alleiiit un poids lolal de fCiO à 700 ffranimes ; cl 
jamais !c bras enUer n'cxcéiic I.KiO f^pammes. Klle perni<^t, 
cependant, de s«»ulevprdi,'s poids de? à 8 kilogrammes entre 
les doi^ls flécliis et appuyés au pouce, de [irendre avec les 



ongles une [diiine, une épiufrle, une alluiiielie, «I«; boulonner 
ses vOt«;meuls, de sortir son mou«'!ioir, d'écrire, de feuille- 
Icr un livre. L'ouveilure de la main esl d'environ 95 milli- 
mètres à l'exlension «•oniplélc «tes doigis, sous un elTort d'ins- 
pii-alioi) «pii n'a rien de (lénible. J'ai même conslaté «|ue 
celle gymuiislitpie respiraloin' développe le tliorax. D'ail- 
leurs, pour les amputés d'avanl-bras, la commande de la 
inaiii doit se l'aire par les épaules. 

L'éducalion (pi'exiprent les brastiié{-aiii«pii'sfsl trèscourle ; 



LA RÉÉDUCATION ni£S BLtSSÉS 307 

Cil (luarante-Iiuil heures, le mutilé s'en sert parfailement. Et 
l'on peut, suivant les ri-glcs sus-indiquées iX éducation sensi- 
tire du moignon, le dresser Ji graduer les efforls qu'exercent 
li's doigts métalliques, à s(! donner une sensibilité indirecte 
au tau<lier. Par quoi nous avons vu gouverner, avec suffi- 
saiiimcnt d'adresse, le jeu du clavier sur la macliinc à écrire 



PiG. 110. — Offlrier supérieur nmpulé et muni ilu bras m<Tanic|u<.'. 

ou à calculer {fi<j. KW), et sur le [tiaiio, ou cnrore le jeu d'un 
archet de vinjoii [fig. 10!)}. 

De nombreux ol^ticiers, ainj>iités très haut d'un bras, ont 
été a|i|iareillés du bras mécanique dans des conditions (jui 
leur ont [icrmis de montei' à <-tieval en tenant rorteinenl les 
rênes, de saisir la poignée de leur é|)ée et, le plus souvent, 
de repartir utilement aux armées en campagne [fig. tlO 
et 111). 



308 ORGANISATION PlIVSIOI.nr.tQUB DU TRAVAIL 

S'il arrive, parfois, qu'iiii diMaîl de roiistrurlîoii semble «le 
naturel favoriser In foroe ou le moiivemeiil du blessé, eu 
nucun cas il u'est difficile à trouver et à réaliser. Les bras 
méennifjues coiiiiiie les bras de travail convieniienl rigourcu- 
seiiienl et luiiversellemeul aux professions pour l'cxereicc 



dosi[ueli('s ils ont élê élablis, f.a tliéorie el l'expérieuee 
s'ac«'ordeiil Mir ce '|ioiiil ; il esl iiii|»ossihl(> de ue pas le 
reeoini;ii)re. 

(;xr.. — Autres modèles de bras articulés. — Le labo- 
ratoire do prolliése a eir, néaiiiiioins, différeids modèles de 
bras à experliser. Dans le eourl espaee que j'ai nl-servc à la 
proLlièse, dans ce livre de vulf^arisation, il me serait difficile 
de les décrire lous ; (m>I pounpioi j'ai seulemenl insislé sur 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSES 309 

ceux dont le mérite a j)aru incontestable, tant aux essais faits 
en laboratoire, qu'aux démonstralions pratiques devant les 
milieux compétents. 

Je mentionnerai, de toutes façons, un modèle américain, 
dont la carcasse est en bois, et les mécanismes orientés 
dans le sens des efforts de traction, principalement. L'appa- 
reil est lourd ; il ne permet pas d'enlever les objets quand la 
main est dans un plan liorizonlal, ne serre pas assez, el son 
prix est élevé. 

D'autres modèles ne sont utiles qu'aux amputés d'avant- 
bras, parce qu'ils se commandent par la flexion du coude. 
Mais aussi on ne peut plus rien prendre à bras tendus. Et 
réciproquement, lorsque le levier placé au coude intervient 
à l'extension. 

Il faut dire aussi que la plupart de ces types sont cons- 
truits en bois, et, par conséquent, fragiles. Ce n'est i>as tout 
que d'obtenir l'automatisme des doigts, si l'on n'a point la 
force nécessaire à l'exécution des actes où leurrùle est indis- 
pensable. 

Je néglige, à dessein, de parler des appareils où ce point 
essentiel a été perdu de vue, comme ceux, par exemple, dans 
lesquels la main s'ouvre par la rotation d'uneplaque de bois 
formant une seconde paume, rotation qui obéit à la pression 
d'une petite poire en caoutchouc gonllée par transmission 
d'air. Absence totale d'esthétique, de réglage, de force, je 
dirais volontiers de possibilité dutilisation quelconque. 

(iXLI. — Prothèse fonctionnelle. — On a donné le nom 
de prothèse fonctionnelle à la technique qui aide ou supplée 
l'exercice d'une fonction musculaire, dans tous les cas d'im- 
potence. La dénomination iï orthopédie physiologique serait 
plus exacte. 

Il y a, dans ce genre de prothèse, deux directions diffé- 
rentes : ou bien l'on doit protéger le siège de la blessure el 
soutenir un membre définitivement impotent; — ou bien 
l'état névro-musculaire est susceptible A' amélioration en 



310 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

raison du rétablissement de la fonclion, favorisé par un dis- 
positif mécanicjue à combiner. 

Opération statique dans le premier cas, opération dyna- 
mique dans le second, telles sont les modalités de la pro- 
thèse fonctionnelle. Klle est donc diverse quant à ses 
méthodes ; elle est nombreuse quant à ses applications, 
parce (|ue les blessures ne se ressemblent pas, les lésions 
produisent des effets très variés, et, somme toute, il n'y a 
jamais, dans ce domaine, que des questions (fespèces, La 
mécanicjue et la physiologiesont ici absolument souveraines. 
Elles se complètent, et l'on p<»ut ajouter que l'une serait peu 
de chose sans l'autre. 

En principe, les appareils statiques se rapprochent du tyi>o 
ordinaire d(îs appareils de prothèse, tout en cuir et articulés ; 
ce sont des tuteurs, convenant aux fractures des membres, 
aux pseudarthroses, aux affections articulaires et aux anky- 
loses. Les appareils dynamiques utilisent la traction des res- 
sorts ou des bandes élasli(|ues pour ("orrij^rer et, au besoin, 
améliorer l'état moltnir de la main, de l'avant-bras, de la 
jambe, du pied. Ils concernent les lésions paralytiques^ h\s 
résections du coude, etc. 

Il faut que le (îhoix de rap|>areil elson mode d'application 
soient ins|)irés par la simi)licilé, la commodité, l adaptation 
au travail. (Vest, par exenq)le, ce qu*on obtient avec Va gout- 
tière en aluminiunt pour paralysies radiales ; une petite plaque; 
redresse la main, tandis ([ue la gouttière enveloppe le poignet 
et maintient le redressement [fig. 112). 11 suflit qu'il en soit 
ainsi pour restituer au membre intéressé la force et le mouve- 
ment : le sujet récupère à peu près toute sa valeur profes- 
sionnelle (fig. 113). Duchenne de Boulogne (') a particulière- 
ment étudié ce problème des paralysies musculaires de la 
main et des doigts. Ses modèles d'appareils à traction élas- 
tique ont été imités à l'infrni. L'invention, dans ces sortes 
de mécanismes, est dev(»nue presque impossible. Je renver- 

(ij De Vélectrisalion localiaée; Paris, 1861 ; 2* édîUon. 



LA ItÉKDUCATlON DES BLESSl':S 311 

rai, pour celle vieille technique, à VArsenal de Chirurgie 
iontemporaine {'). Et je ne citerai que i>oirr inénioire des mo- 
dèles très simples et économiques dus à Privât et Belot. 

Toutefois, l'ingéniosité dans l'application est capitale, 
surtout si elle s'appuie sur les données de la physiologie. La 
ligure H4 représcnle, à cet égard, un modèle perleclionné 



Fio. 112. — Gouttière pour paralyvie railiale. 

utilisant le principe des bras mécaniques. Le pori de l'ap- 
pareil a rétabli, en l'espace de deux mois cl demi, le mou- 
vement normal de la main cl du poignet, ("est-à-dire qu'en 
intervenant de lionne heure, on réussit souvent à enrayer la 
dégéncration nerveuse et l'atrophie. 

(') Caujot cl Si'iLLMASN, Aruital..., t. I, p. 60! et suivantes ; Paris, 1861. 



dit ORUANISATrON PHYSIOLOGIOL'E [11' TRAVAIL 

Bien rares les cîrtonslanres où la jirotlièsc foncHonneU*" 
ne puisse pas aider le blessé k se réaf/apler au Irarail; le 
médecin el l'ortliopvdiste ne doiveni pas l'oublier. C'csl assez- 
pour guider leur expérieurc. 

La Francca beaurou]>rait, par ses chirurgiens, ses physio- 



logistes, ses mécaniciens, pour diminuer l'inlbrlune do ceux 
que la guerre ou les accidetils proressioiinels ont gravement 
atteints. Il eût été extraordinaire iine, dans ce pays où la 
prothèse a pris naissance, oii de loul temps les chevalier» 
qui avaient eu les mains emportées par une bombarde 
venaient i-edemander. pour ainsi dire, leurs membres à nos 
spécialistes, petits serruriers et ouvriers en chambre; ïl eiU 



LA RKKIkUCATION ULS Bl.tSSKS 3I'I 

(''lé liifii surprenant, tlis-je, «lue l'iiigéntosilé de nos savanis 



Fio. lit. — Appnrcil pei'rci'lioniii'' pour jinral^sle raillulv, 

ot de nos ouvriers ne se i'ùl pas nianir<'sléc avee èclal dan? 
un domaine o(i sorenconlrciil l'Art, la Seieiieeel rifunianilé. 



CHAPITRE XII 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS (Suite) 



III. — RÉÉDUCATION PROFESSIONNELLE 

CXLII. — Généralités. — Réoduqurs fonclioiinellement, 

puis (loirs (le l'appanMl prolli(»li([ue (jui nMiic^die à Timpo- 

tonce, à la pcMile mulilalion d(,* doigts ou à rampulalion, les 

I)l(»ss('\s scroni soumis a\ec fruilà la ixu^ducalion profession- 

n(*ll(3 propnMiKMil dil(\ J'ai d('»jà dil(î:; 102) que, depuis 40 ans, 

les pro(*(»(l(''s eniplo\(!\s pour cette r(}(^»ducation ont eu un 

earacliu-e iïassis/ance inconipalihle avec l'esprit d'entreprise 

industrielle (|ui s'impose. L(\s Instituts Scandinaves, où les 

(enfants es/ropié.s, aj)j)artenant aux deux sexes, rec;oivenl un 

appr(»ntissage sommaire, et travailh^nt en ateliers privés, 

ignorant tout des lois de la vie (îconomicpie, et des conditions 

de la production, constituent des modèles à ne pas copier 

(|uand il s'agit des solfiais, (^ar ces derniers sont i\(t^ adultes ; 

ils savent g('m(iralement un nnMier, et sont loin d'être — 

comme là-has — des anormaux, des déclassc'^s. 11 serait 

uRMue impardonnable (|u'une pareille confusion persistai 

dans l'esprit de nos organisateurs. Et il serait absolument 

contraire à la réaliti? de croire ces soldats bless(>s impropres 

à une utilisation industrielle m(Mliodi(iue. Il faut, enfin, les 

rendre, à peu pn'^s tous, à la liberl(Mle disposer d'eux-mêmes 

et de travailler dans les usines ou les ateliers, à la ville ou 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 315 

à la campagne, sans que s'exerce sur eux la moindre con- 
trainte. 

Voilà pour quelles raisons toute œuvre de rééducation 
vraie doit recourir à une technique rigoureuse qui oriente 
professionnellement les blessés, évalue et discipline leurs 
forces, analyse et adapte leurs mouvements aux organes 
|)rolhétiques et aux outils, en un mot, obtienne le maximum 
des réserves lalenles d'énergie individuelle. 

En Allemagne, Tlnslitut de Munich, avec trois ou quatre 
cents jeunes g«Mis, réalise un certain progrés sur les cruvres 
susdites, parce (ju'il vise à l'apprentissage régulier; mais 
l'esprit général n'en est j)as très diiTérent. C'est encore de 
l'assistance pour des enfants. Depuis le début de cette guerre, 
les Allemands et les Autrichiens se sont efTorcés à une orga- 
nisation plus adé(|uate aux besoins des mutilés, et qui repro- 
duit celle qu(* je préconise depuis deux ans ('). lîlssayons donc 
de résumer les élémcMits de cette rééducation scientifi(|ue. 

(ilXI.lIl. — 1° Éducation et évaluation des efforts. — 

<y(\st surtout en cette matière que devient décisive l'analyse 
de tous l(îs facteurs j)hysiologiques et mécani(pies du travail. 

Au point i\c wii" p/it/sio/of/i(/ite, on détermine lt»s conditions 
de vitess(\ de» force et d«î durée journalière du travail, pour 
obtenir le maximum de nMidement du blessé. On enregistn* 
f/raphiqifentenl les efforts musculaires pour en apprécier 
rint(Misilé, la régularité, la succession dans l'espace et dans 
le temps. 

Celte analyst» ne laisse échapper aucune anomalie dont la 
raison pourrait être une impotence peu apparente, un(î mau- 
vaise prothèse» ou l'inhabileté du sujet. De cet examen cir- 
constancié résultent des enseignements d'une grande râleur 
pratique. 

D'abord celui-ci, qu'un moignon de bras, inférieur à 
13 centimètres, ne permet |)as un travail coidinu et régulitM- 

(') Jules Amai», Comptes rendus Acad. Sciences^ t. CLX, p. 559, avril 191.". 



316 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

de quelque durée, s'il n'a pas été rééduqué fonclionnelleinenl 
au degré voulu. Aulrement, la faligue sérail telle que le 
sujet n'y résisterait pas longtemps. — Vn moignon df^ 
cuisse, inférieur à 15 centimètres, rend la locomotion pénible* 
pour ceux (pii doivent marcher fréquemnn^nt en raison de 
leur travail. Le facteur fatigtte est capital pour api)récier 
sûrement les capacités professionnelles des blessés et muti- 
lés, quels que soient les appareils d'orthopédie dont on les a 
dotés. Fiante d'en avoir tenu compte, les amateurs de rééduca- 
tion ont vu déserter leurs écoles — si je puis dire — par ceux 
qui y étaient venus chercher naïvement des leçons d'avenir. 

S'agit-il, ensuite, d'un bras impotent dîins l'un (pielconque 
de ses segments, ou même d'un bras prothéli(pie? — L'ins- 
cription donnée par l'outil — lime, varlope, marteau — mon- 
trera que l'intensité des efforts est diminuée», accusant une 
incapacité déterminées pour presser ou ])ousser, et j)Our gou- 
verner l'outil (^^. 115). Dans V irrt*(jiilari(é des courbes^ on sent 
une action musculaire hésitante, mal affermie, d'autant plus 
que l'on se trouve au début de l'entraînement fonctionnel. 
Ouand cette action, nuMne afTaiblie, n'est point bridée par le 
membre arlidciel, les courbes dynamographi<pies sont toutes 
semblables^ le tracé revél, j)our ainsi dire, un caractère per- 
sonnel^ individuel^ auquel se reconnaît le degré d'incapacité au 
travail. En prenant un tracé juotjen^ où se résument les 
courbes des ouvriers normaux ex<MTaut habilement le même 
métier, et en considérant que dcvs courbes inégales, dissem- 
blables, trahissent la simulation, on aura une base scienti- 
fique pour évaluer les incapacités de travail et démasquer sûre- 
ment les simulateurs. Tout autre j)rocédé me paraît un leurre. 

J'ai toujours souhaité l'inlroduction, dans les expertises 
(f accidents du travail et la détermination d(\s pensions de 
ré/orme, d'une technique ayant ce caractère objectif indiscu- 
table. On s'v décidera fatalement. 

« 

Toute '.'utalive, de la part d'un impotent, pour augmenter 
son effort, entraîne un trouble resj)iraloire, comme le montre 
la figuie. 



I DES BLEïSÉS 317 

Vioiii-oii h étaler les courbes, cii imprimant au cylindre 
enreffislreur une plus grande vitesse '.' — On pourra voir plus 
netlemcnt tous les dôlails. I^'action du bras gauclie com- 



! 
I 

I 
I 



menée avant celle du bras droit, iniine en cas d'înipolence, 
el ce dernier remplit une fonction de xontien, en particulier 
quand il esl constitue^ par uu membre ai'Liliciel (fig. IKi). La 
notion d'orie/ifalion des bras dans le travail résulte de cet 



LA R^^ÉDUCATION DES nLESSKS 31!l 

examen, en lw|ucl consislo, pi-écisément, ra[ipropruilLoii de 
la prothèse à la rcédiicatioii professionnelle. I.e inenibn- sain 



doit, en général, fjouKemer l'outil, le inonibre arliPiciel ou 
inipolent servant de simple soutien [fig. llfii(.s). 

Dans le cas des amputés de bras (/ig . 117), ondéiUnlde l'en- 



LA RK EDUCATION DES OLESSi:S 311) 

examen, eii l^tiuel coiisislp, précisément, l'approprialion di- 
la prothèse à la i-éédiieation ]>rofossiomn'ile, I^e membre sain 



doit, en géiiéial, ffoiii;cnter l'outil, le membre artiliciel 
impotent servant de simple soutien {fig. 116 /«'.v). 

Dans le cas des amjmiés île bras [fig. 117), ondéduil del'e 



i'ia. 120. — éducation des moiivcmecils nu mnrleau ilyDamograpbiqui'. 



L\ RÉÉDUCATIUN DES BLESSÉS 323 

Mais, dans le cas coiilrairo, ii faut absolument rééduquer le 
bras gauche pour lui faire acquérir la force et l'adresse du 
membre amputé. On y arrive aisément : d'abord, avec la 
varlope inscrivante [fitj. 119), l'amputé vérifie l'adaptation 
de son appareil cl l'étal de ses mouvements, qu'il exerce en 
force et en précision, augmentant de jour en jour son allure 
et son effort de travail. Puis, il s'assure que son bras gauche 



arrive à fra])peruii coup iIp nvirteanA-Aw^ un tf.inps 1res cou M, 
et à atteindre un petit morci^ou de <Taie pincé sur une en- 
clume, malgré l'amplilude du mouvement. 

Le marteau di/namngraphiqve {/if/. i20) donne l'inscription 
(les élémenls qui forment <'i^lte pédaijoijie p/it/siologii/ne 
\fig. 121) : l'amiilitude du coup de marteau se mesure sur 
celle de la courbe, la durée t se relève sur le cyiindn', la 

force est exprimée par le proiluil -— t »< étant la masse du 



32 i ORGANISA TIOS PHYSlOLOGIQf E DV TRAVAIL 

inarlciui et v sa vilcsse. La course du marteau se mesure 

d'après la longueur du fil que débîl»; 

iini> o-i-ande poulie en aluminium ; 

entraîne une pelile poulie mon- 

le nn>me a\e, el commandiM- 

ressort de rappel {fig. 122). 

le, *[ui va du ressort à la petîl«* 

porte l'aiguille inserîvanlr 

devant le cylindre enregis- 

). 

loil, en lin, hahituer la main 
à tracer une ovale de 25 siii" 
?0 miHiniélri's. et un carré de 
35 uiilliiuèli-cs, que l'on décou- 
pera sur une lame de cuivre. 
(Iclle-ci est posée sur le papier, 
ri iiii cOloif avec une jioinle 
les bords des ouver- 
tures ainsi ménagées. 
La répétition de ces 
dilTérenls exereîres. ;V 
une allure eroissanle, 
giirniilit. en ô ou (1 se- 
maines, lii formalioi) 
de lions gauchers, 
pouvant travailler, 
écrii-e. jouer cl dessi- 

Ki,>. vil. - Mnrtrau in-criplenr. lier COrrCClemcnt. 

Les mulilés ins- 
ti'uils, ou intelligents, ac(|uîèrenl celle habileté <;n très peu 

(<j Ia cléiiiulli|>lk'!itiu[i des poulies esl île 1.1. île sorlc que l'amplitude Af» 
cnurbes. miiltipliOe par Mi, cfonne le piin-nur» clu marlcau; on lire de ce par- 
i-oiirs et lie la ilurâe enref^iilrée tu vitesse u ilii marteau pnr seconde. El comme 

on a le pniils P de cet outil, on cnli'ule la, mnpwe m. D'où le pruiliill -r- iiu - x; - 
{g étnnt la valeur de la [.esanleui-, en moyenne fl.Si;. On cxprinieni r en mètres 
cl Ven kilogrammes. 



r^^ 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 325 

<le temps. Les cultivateurs sont d'adaptation plus lente, et 
Ton est obligé d'agir sur leur esprit par des exemples sou- 
vent répétés, et par le maniement fréquent des instruments 
aratoires. 

Tout bien considéré, il subsistera une certaine maladresse 
<*iiez les nouveaux gauchers, assez longue à disparaître, mais 
beaucoup moins sensible dans les métiers de force que dans 
ceux d'adresse et de bureaux. La faculté d'adaptation n'en 
est pas moins souveraine, et tel amputé se servira de ses 
moignons comme de ses membres entiers. On connaît des 
exemples prodigieux que nous ne rapporterons pas, vu que 
de tels phénomènes s'écartent des lois naturelles, dont nous 
nous préoccupons exclusivement. 

CXLV. — 3° Éducation physiologique. — Parallèlement 
à cette série d'observations, il faut en poursuivre dont le but 
soit Ve.ra7nen des échanges respiratoires, j)our en déduire le 
degré de fatigue. D'une position à une autre du corps ou de 
l'outil, ou du bras artificiel, il se révèle dans ce genre de me- 
sures, soit un gaspillage d'énergie, soit une économie. 

De là de très hauts enseignements pour l'apprentissage et 
le travail ; une véritable leçon de choses pour l'ouvrier qui se 
plaîtjà observer et recherche la clarté, mais surtout une ga- 
rantie contre le surmenage par essoufflement ou dyspnée. 

Je n'insiste [pas sur les autres facteurs physiologiques, 
comme la taille, le poids, la force du blessé, l'état de ses ré- 
flexes et la vitesse de ses réactions, qu'il est possible d'amé- 
liorer. Ces constantes individuelles guident, également, le 
choix du métier. On les détermine à la fin de la rééducation 
fonctionnelle. Si celle-ci n'était pas jugée nécessaire, on ferait 
état simplement de V équation personne lie, àG la vocation, des 
goûts du sujet et de sa profession antérieure. Uu ouvrier qui 
a servi plusieurs années chez le même patron est réputé 
ouvrier convenable, de bonne société. 

Le caractère individuel ne saurait être négligé, car il infiue 
sur le placement. Il révèle, d'ailleurs, un autre aspect de la 



3i6 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

vie ouvrière : le souci de la famille. Quand Tenlourage, femme 
et enfants, ne laissent pas à Tliomme la tranquillité néces- 
saire à son labeur, quand la maladie ou la tristesse s'abattenl 
sur le foyer, les sources profondes de Tactivité humaine sont 
empoisonnées. 11 y a du désordre dans les actes et dans les 
pensées. Le caractère en est altéré visiblement, malgré la 
résistance de la plus ferme volonté. 

Le blessé reçoit, [)ar conséquent, une éducation qui règle 
son effort et sa vitesse, discipline ses mouvements et les 
adapte à des opérations précises dont tous les détails ont été 
étudiés. Toute fatigue superflue, tout gaspillage de temps et 
d'énergie lui sont évités. 

Cette économie, l'adresse et Thabileté au travail sont tou- 
jours accrues par rintelligence du sujet qui, si elle n'était 
pas antérieurement éveillée, lésera par une instniction théo- 
rique donnée pendant sa rééducation, enseignement qui s'har- 
monisera avec V orientation professionnelle choisie : notions 
de mécanique, de dessin, de français, de comptabilité ou 
encore de chimie agricole, de motoculture, d'économie ru- 
rale. Et de l'ensemble des aptitudes reconnues, stimulées, 
évaluées, on déduit la direction de l'apprentissage ou de la 
réadaptation, et la valeur sociale du hlessé, la facteur humain 
étant seul considéré. 

CXLVL— 4' Adaptation de routillage. — Or, h côté de 
ces aptitudes physiques et inorales, sollicitées et mises, en 
quelque sorte, à pied d'œuvre, il faut considérer les /"flc/ew?'^ 
rnécaniques du travail. Ils concernent d'abord la recherche 
des înouvernents principaux que nécessite l'exercice d'un mé - 
tier. Car, généralement, l'ouvrier ne fait que répéter, sans 
variations importantes, un certain nombre de gestes, dan^ 
lesquels les divers segments do ses membres occupent de 
positions bien déterminées. De cet examen, qui peut être 
simplifié et rendu aussi exact que possible par la cinémato- 
graphie, on déduit la hiérarchie professionnelle des deux 
membres, supérieurs ou inférieurs, la prépondérance de l'un 



s 
s 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 327 

sur Taulre, leur action séparée ou solidaire, Tordre de leur 
succession dans le temps, leur trajectoire dans l'espace. 

11 n'est pas de base plus voisine de la vérité pour [entre- 
prendre la réadaptation du blessé et son orientation vers tel 
ou tel métier. 

En second lieu, le facteur mécanique vise le choix des ou- 
tils^ l'emploi de machines, de moteurs, de dispositions spé- 
ciales qui, dans les usines et les ateliers, placeront les muti- 
lés dans des conditions 'professionnelles favorables à leur 
bonne utilisation. On se doute bien qu'un perfectionnement 
mécanique pourrait modifier la commande d'une machine, 
faciliter l'exécution d'une manœuvre, simplifier les mouve- 
ments du mutilé, et par là rendre des services considérables. 

Telle opération, qui exigeait l'usage des deux mains, s'ef- 
fectuerait avec une seule, et occuperait un grand nombre 
d'amputés de bras. Telle autre, où un petit moteur collabore 
avec la puissance de l'homme, servira la même cause. Si, 
par exemple, l'accélérateur d'une voiture automobile est com- 
mandé à la main, grâce à un levier convenable, un chauf- 
feur mutilé de jambe pourra conserver son métier. Et on lui 
donnera une jambe artificielle et non pas un pilon. 

Nombreux sont les outils où la substitution mécanique est 
possible et à très peu de frais. On peut grouper les com- 
mandes pour que l'ouvrier n'ait pas à se déplacer, équili- 
brer le poids de la pièce en œuvre, améliorer les dispositifs 
de réglage (cas des tours-revolvers, machines à aléser, etc.). 

(l'est ainsi qu'il m'est arrivé d'adapter au mouvement des 
manchots l'usage de la pince perforatrice, qui sert à poin- 
çonner les tickets de chemin de fer. Au lieu détenir le ticket 
d'une main et la pince de l'autre, le manchot suspend l'ou- 
til à son veston, par deux boutons de pression, ou par un 
crochet; un petit ressort retient le ticket; il suffit donc d'ac- 
tionner le manche libre pour déclancher le poinçon et le 
composteur [fig, 123). Cette transformation revient à quelques 
sous, et il y a plusieurs milliers de places dans le railway 
français qui pourraient profiter aux amputés d'un bras. 



328 OHGA.MSATION i'HVSIOI.OGlQUE DU TRAVAIL 

les ouvriers noi'iDaux élaiil diriges sur d'autres services. 
La Compagnin du P.-L.-M.. rjui a ra^u mes propositions 
à ce sujet, sVst eug:afi;ée dans la voie indiquée, soucieuse du 
bien-ôtro de ces lioninics adinîraliles (|uc sont les cheminots 
français. 



t'ii^ 123. — Ampulé contn'ïlanl \es lickels de rheiiiin.a de Ter 
ï In pint^e i>erforalrice. 

De semblables progn'-s doivenl lîtrc sans cesse stimulés, 
s'il le faut, par îles primes, et poursuivis si»écialcment dans 
les choses de l'agriculluro. Il en résultera un outillage de 
réadaptation dont les mutilés oux-mômes fourniront les don- 
nées physiologiques, el qu'il sera nécessaire d'introduire 
dans la pratique II y a, toutefois, à prendre garde à la com- 



LA RKÉDUCATION DES BLESSÉS 321) 

pliralion de cet outillage. Lorsqu^ou a doté le mutilé de 
son hras de travail^ avec la pince et l'anneau universels, il 
est peu de circonstances où des outils spéciaux lui soient 
nécessaires : il n'éprouve pas les hésitations et les retards de 
mise en train qu'un patron, justement soucieux de son temps, 
serait tenté de lui reprocher. 

La mtiltiluJe d'organes de préhension^ en matirre de pro- 
thèse y est un contre-sens industriel ajouté à un contre-sens phy- 
siologique. 

Dans les Instituts de Danemark ou de Munich, les estro- 
piés font usai^e d'instruments de travail adaptés à leurs 
infirmités. Mais, piécisément, là ne comptent ni le temps ni 
l'argent. Xous sommes bien loin de ce point de vue, du reste 
tort explicable. 

Si j'avais projeté de traiter la question du travail des 
aveugles ou des antputés doubles, j'aurais décrit iciVoutillage 
spécial qui lui convient, dans la majorité des cas, et qui, pour 
eux, est absolument indispensal)le. Mais cela m'eiU écarté 
de mon programme actuel. 

Je réserverai donc pour la fin un court aj)erçu sur Vassis- 
tance par le travail, 

(^XL^ H. — Avantages de rorganisation scientifique. — 

1° Valel'r physiologique Di: BLESSÉ. — Cette méthode d'or- 
ganisation, dont la rigueur détie le doute, a semblé parfois 
trop rigoureuse (^t savante, et a fait craindre des difficultés 
d'application. Otte crainte, en outre de ce qu'elle a de regret- 
table pour ceux ([ui l'ont exprimée, n'est nullement fondée. 
La méthode scienlifi([ue est, au contraire, aussi simple ([ue 
lîdéle. Ai)rès une mise en marche qui nécessite (pielqu(» 
attention, les applications sont très rapides. J'ai observé trois 
mille persoimes environ, de tout Age et de toutes conditions, 
et je n'ai jamais exigé d'elles la moindre sujétion expérimen- 
tale désagréable. En moins d'une heure^ on réunit la plupart 
des données relatives au blessé, à l'origine et aux suites d(» 
sa blessure, à ses aptitudes physiques et psychiques, à sa 



330 



ORGANISATION PIJYSIOI.OGIOL'L DU TRAVAIL 



DIRECTION 



TÉLÉPHONE : 



ECOLE SUPERIEURE 



FICHE D'APTITUDE 



SUJKT N» 



Nom. 



Prénoms 



Age ..- - 

SituatioQ militaire 
Adresse 



hieu- - 

Cause 

Région lésée. 



Interventions 



Blessure 



reçue i 



le 



Tissus lésés 



Complications 



Résultais 



Profession antérieure 
Personnes ; Femme 
à sa ' Enfants 



charge ' Parents 



APTITUDES PHYSIQUES 



Poids. 



Taille 



y Debout (D) 



f Assis f A' - 

Coefficient Ihoracique ( jr] 
Liberté des mouvements 



Longueur du membre sain 



Dimensions du ou des moignons 



Puissance musculaire utile 



État physiologique du sujet 



Perte de capacité fonctionnelle 



Appareil de prothèse approprié 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 



331 



DE RÉÉDUCATION 



ri AU TRAVAIL 



VILLE DE 

le 



19 



APTITUDES PSYCHO-PHYSIOLOGIQUES 



Générale 



Degré 



< 



d'Instruction 1 Technique 



État des réflexes. 






Équation personnelle 



Vocation 



Goûts.. 



Caractère 



Orientation professionnelle qui convient. 



APTITUDES PROFESSIONNELLES 



État du réapprentissage 



Dispositions à observer dans le travail...... 



Durée probable de la rééducation 



Perte de rendement journalier du sujet- 



Observations générales 



Signé : Le Directeur, 



332 ORGANISATION PHYSIOLOGIQLE DL' TRAVAIL 

profession aiilorioure cl aux disposiUoiis nouvelles qu'il 



fut. 13t. — Cas d'ablation des quatre doigts de la main (menuisier]. 

accuse, à ses cliarj^es de famille. Ces divers éléments, 
contrôlés avec soin, hors de toute contestation ou simulation 



LA RÉÉDUCATION DES ULESSÉS 333 

possibles, sont consigm'-s mut un tableau, «[ui sera la fiche 



Fio. 123. — \jp mi^mp, travnjllanl f^riae k àet doigts artificiels spéciaux. 

d'aptitude an liurnii {voir labloau ci-dfssus}. La fiche csl 
int/iiidtie/l''. 11 n'y iiian(|ue que l'iiKlicalion des eapacilés pro- 



334 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

fessionnelles résultant du réapprentissage ou de la réadapta- 
lion; on les y ajoutera plus tard. 

Des renseignements de cette nature et suivant celle mé- 
thode inspirent confiance ; ils permettent d'orienter Tinlé- 
rossé; celui-ci, témoin de plus en plus curieux d'une enquête 
i[u'il comprend, en sort réconforté, et comme déchargé de ce 
poids ohsédant: le souci de ravenir, La science a opéré en 
lui une transformation morale des j)lus heureuses ipi'il ne 
cherche |)as à dissimuler. 

El non seulement le futur ouvrier ou employé retire de 
<*et examen un réel profit moral, mais il prend conscience de 
sa valeur sociale exacte. L'employeur esl guidé lui aussi dans 
<!e domaine insoupçonné où il voit récuj)érer [des forces qui 
paraissaient anéanties!; il sont, surtout, <|u'elles sont édu- 
quées pour servir avec un maximum de rendement. Du reste, 
sur la fiche d'aptitude, on mentionne la perte du rendement 
journalier résultant de la blessure, et évaluée expérimentale- 
ment^ d'^aprh un travail enregistré d mesuré, 

CXLVIII. — 2° Rendement de l.v prothèse. — Dans le cas 
des mutilés, l'évaluation doit être basée sur la gravité d<î la 
mutilation et les ressources de la prothèse. Manque-l-il des 
phalanges, ou même tous les doigts, \(^ po/fce excepté? La 
diminution de la capacité professionnelles sera de 5 à 15 0/0 
suivant les métiers, à la condition de pourvoir habilement 
aux phalanges qui manquent par des segments prothé- 
thiques ('). 

Un menuisier, un petit mécanicien rejirennent alors leurs 
occupations habituelles sans gène appréciable (fig. 12i et 125). 
D'eux-mêmes, ils réussissent à rééduquer leur sensibilité à la 
pression, et à corriger les petites maladresses qui signalent, 
au début, la plupart de leurs mouvements. L'amputation d'une 
main n'oblige que rarement à changer de profession ; de 

\^) La perte d'un pouce est difficile à compenser; les Romains dispensaient du 
service militaire les personnes ainsi mutilées. ToulefoiSf dans les métiers qui 
n'exigent pas de grands efforts de serrage ou de pression avec les doigts, la pro- 
thèse réussit des pouces artificiels assez pratiques. 



LA nÉÉDl:cATlo^ des bi-essés 33S 

iKÎiiie ceWc: d'un arant-brns où le moignon dépasse i- cenli- 
ii<-(i'cs ù partir du \>\ï de llexion i!u coude. On dispose pour 



y remédier, soil de l'avanl-bras de travail, soit dw modèle [\ 
bascule. C'est la profession qui déridera du cltoix, et (.'*esl \\ 



336 OItGAMSATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

la réa(lu|iUilion qu'il apparlient de faire valoir les ressources 
en i>uissaii<'e ronclionnclle du mutilé. OIuî-cî hésite, se 
découraffc, doute de lui-même. Les faits, clairement et adroi- 
tement étalés à .ses yeux, lui doiniciil la volonté iVessayer, 



pir-.. iî:, — Ajusieiir ra*eani.'iernlans râtelier dn aon patron. 

Or, tout esl là. Le mulilé c]ui veut tenter est déjà prî'.'; du 
suceras. Je citerai, à cet égard, des professions variées où les 
blessés — sculpicurs, marliriers (^jf, 126), ajusteurs {/îff. 127), 
relieurs, tailleurs, imprimeurs — ont pu reprendre leur travail. 
a]>rès une courte rééducation; maison s'était assuré, au préa- 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 337 

iable, <|Uti leurs forces avaitml conservé la valeur néL-cssairo 
aux exercices de leurs métiers. L'ampulatioiid(>£j'n.v deiiiandu 
une n';ô(Iuralioii plus laborieuse, que la môlliode scientUi»|ue 



Piii. t28. — Mauviiise protlièse de travail i In Unie. 

seule garanlil. Toutefois, daus ces grandes aiupulaiions, lu 
perle duifiideineineiil alleiiiHô à 30 0/0, eu dépit d'une pro- 
thèse supérieure. Loisque ccUe-ciesl défeclueuso, lual coin- 



338 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

prise, ou abandonnée à Tempinsme, le rendement est ronsi- 
dérablement réduit. Je trouve, par exemple, que dans une 
École de rééducation, on fait limer en serrant le manche de 
la lime dans un anneau [fig, 128); c*est d'abord une faute 
de mécani([ue, attendu que Tanneau ne possède pas Tarticu- 
lation qui permet — comme avec la pince tniiverselle — 
d'orienter Toutil; ensuite, on n'utilise ([u'une fraction de la 
force du moignon. Des détails semblables, qui ont tous leur 
importance, démontrent que la rééducation ne saurait être 
une œuvre de tâtonnements et de hasard. 

Quelles idées, du reste, pourraient avoir les instructeurs- 
pour faire Y orientation professionnelle, sinon celles que la pro- 
thèse en action, la prothèse efficace, leur permet de conce- 
voir sur la valeur actuelle de Famputé et la difflculté du 
métier? Je noterai ici un cas assez démonstratif. Une œuvre 
m'adresse un amputé du bras gauche, avec moignon de 
9 centimètres. Il s'agit d'un maître d'hôtel, et on me l'envoie 
pour savoir s'il ne pourrait pas apprendre le russe en vue 
d'être interprète dans un hôtel. Je n'ai pas besoin de décrire 
la stupeur du blessé quand je lui conseillai de reprendre son 
métier. Et cependant, il le fit avec succès, Muni d'un bon 
bras de travail, il réussit aisément à tenir son couteau et à 
exercer sa virtuosité dans l'art de Vatel. Il en fut de même 
d'un chef boucher. 

Les cultivateurs, amputés de bras, pourvu que le moignon 
soit supérieur à 12 centimètres, doivent suffire à toutes les 
fatigues de leur profession. L'anneau universel et le crochet 
leur sont d'un prix inestimable. Et toujours, ou à j)eu près^ 
l'organe artificiel servira pour soutenir Y o\\{\\, ou pour l'ap- 
puyer. L'ex|)érience ne me laisse aucun doute en cette matière ; 
mais il faut savoir intéresser et instruire nos paysans. D'autre 
part, si on est contraint de s'écarter de la |)rofession primi- 
tive, la qualité du travail s'en ressentira inévitablement. C'est 
une vérité qu'il faut oser affirmer, et qui ne peut pas diminuer 
les mérites de la réaclaj/tation scientifique au travail. 



LA RÉÉDUCATION Di:S BLESStlS 339 

CIL. — S'* Simplicité et rapidité. — A lous ces avantages 
démontrés de la nouvelle méthode de rééducation, ajoutons 
le témoignage des ingénieurs et des médecins qui l'appliquent 
depuis bientôt 18 mois. Un stage de 4 à 5 semaines dans mon 
laboratoire leur permit de se familiariser avec la technique 
des appareils, et les procédés d'examen et d'orientation pro- 
fessionnelle des blessés. 

Des nombreux Instituts <[u'ils dirigent en France, en Italie, 
en Angleterre, au Canada, en Russie, je ferai particulière- 
ment état de l'Ecole supérieure de Bordeaux, de celle de 
Rome, de Tlnstitut de Milan. Ces établissements sont fré- 
quentés par une moyenne de 75, 80 et 130 amputés, mais fré- 
quentation pour une rééducation réelle, dont les résultats 
sont solides. Le nombre des élèves a tendance à augmenter, 
et l'on éprouve que la certitude des procédés exerce une 
inlluence décisive sur l'enthousiasme des candidats. 

Les œuvres dispersées au souffle de l'empirisme, et qui 
s'efforcent au même but, gaspillent du temps et de l'argent ; 
elles sont condamnées à disparaître, à moins qu'elles ne 
reviennent, sur un sol mieux préparé, jeter des racines 
tardives. 

Je signalerai, toutefois, les ateliers de réapprentissage pour 
mutilés des doigts [fig, 129) ; ils sont économi([ues et faciles à 
orienter. 

En attendant, le système scientifique a fait ses preuves que 
nous pourrions caractériser ainsi : 

Rapidité et efficacité pour rééduquer impotents et mutilés ; 
garantie relativement à leur endurance au travail, à leur uti- 
lisation rationnelle, à leur moral ; sincérité des informations 
à donner au patronat et confiance qu'elle établit; discipline 
des actes professionnels, et habitudes d'ordre et de mé- 
thode... 

Ne pas sentir toute la vérité prati([ue et agissante con- 
tenue dans ces principes, c'est se trom|)er gravement et 
accepter les plus lourdes rosponsabilités. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSES 341 

CL. — Modalités de cette organisation. — Venons-en 
maintenant aux modalités de l'organisation scientifique. La 
rééducation ne pouvant être ni obligatoire pouvions, ni limitée 
à une région (*), on fera partout une active propagande, dans 
les familles, dans les écoles, dans les réunions publiques, 
])Our décider les blessés hésitants i\ s'inscrire sans tarder dans 
les établissements organisés pour eux, et où seront accumu- 
lés les trésors d'expérience, de science et d'humaine solida- 
rité qu'aucune nation ne pourrait leur marchander. Depuis le 
jour de leur entrée, jusqu'au jour où ils seront placés dans 
\v commerce, l'industrie ou l'agriculture, rien ne manquera 
d(*s égards, des sacrifices auxquels ils ont un droit absolu. 

J'ai dit et répété (-) — jusqu'à être compris, je crois — que 
la rééducation professionnelle prolonge et achève la rééduca- 
tion fonctionnelle. Elles constituent ensemble une indéniable 
imité phf/sio/ogiqîte{^). Mais il faut aussi qu'elles forment une 
unité psychologique, en ce sens que le blessé sera préparé, dès 
rhApital, à son futur métier. Dans ce butj on lui donnera à lire 
une sorte de carte à conviction , où se trouvera relaté le genre 
d'infirmité dont il est atteint, l'orientation professionnelle 
qu'elle détermine, et les résultats certains de la rééducation 
ou de la réa(laj)tation. Des professeurs de travail manuel 
viendront à rhô])ital faire des leçons avec démonstrations 
cinématographiques. Surtout, que l'enseignement soit con- 
cret, réaliste, plus en faits qu'en paroles. Qu'aucune promesse 
ne soit aventurée, si, demain, elle risque le démenti. Que le 
blessé se sente soutenu par le savoir et l'expérience unis à la 
probité, et j)ar le concours matériel d'un pays généreux. 11 



(') La loi admet aujourd'hui, à la siiile d'nne heureuse intcrvenliou de M. Pierre 
Rameil et du rapport do M. Brunet, tous deux députés, que la rééducation pro- 
fessionnelle est ohlif/aloire pour tout mutilé qui a druit à une pension militaire. 
Remarquons, nvec M. Hameii, que cette rééducation est nn « droit » pour le 
mutilé, droit qui met l'obligation plutôt à la charge de TÉtat (voir, sur cette inté- 
ressante discussion, {'Officiel, séance du !4 avril 1916 . 

('^) Comptes rendus de V Académie des Sciences^ du 26 avril 1915, t. CLX, 
p. 559. 

(3) Ces elTets physiologiques des cxerricea professionnels sont, maintenant, 
mis à profit dans les hôpitaux austro-alleuiaiids sous le noui de Arheiis-ffieropie. 



342 OnCANlèATION PIIYSIOLOCIQIE Dl' TDAVAIL 

importe de dissiper en son cœur ranierUnne qu'y laisse tou- 
jours le concours charitable. 

Je me résume : commencer la rééducation ])rofessionnello 
le plus tôt ])Ossible, et Tamorcer à Thôpital par Faction de 
maîtres compétents et d'un grand tact, par des lectures et des 
spectacles susceptibles d'édifier irrésistiblement, tel est le pro- 
gramme indispensable. 

En ])rati(jue, la rééducation |)rolessionn<*lle n'atteindra jias 
tous les militaires blessés. L<*s uns, qui ont quelque for- 
tune, retourneront à leurs foycM's et trouveront de quoi s'oc- 
cuper : bien appareillés, ils pourront se réadapter au travail 
parleurs proj)res moyens; instruits, ils se rattacheront par 
les liens de rintelligence A de la volonté, à la vie profes- 
sionnelle générale. 

D'autres — une très faible minorité, je l'espère, — se déro- 
beront dans rindiflférence et l'oisiveté par où ils seront menés 
fatalement à la misère. Ces trisl<»s habitudes ont eu le temps 
de prendre un développement inquiétant, hélas! depuis près 
de deux ans que chôme l'organisation du travail des blessés, 
(»t s'épuisent en de vains tâtonnements lesonivres privées de 
rééducation. On a abusé des secours en argent, donnés sans 
la condition formelle d'être la prime ilti travai/, et par là s'est 
constitué un esprit de paresse et de mendicité dont il sera 
difficile de quérir les victinn^s, toujours intéressantes, de la 
guerre. 

Le mal a pu empirer à tel point, et je l'ai scruté si pro- 
fondément cliez h*s blessés <|ue j'étudie*, entre autres rap- 
ports sous celui-là, (ju'il m'a semblé irré/iarab/e ; et je m'en 
suis plaint réccmmcMil (H, dans Tespoir de dessiller des yeux 
que je croirais volontiers fermés sur les réalités de ce monde. 
Mais faisons comme s'ils devaient s'ouvrir un jour, et dé- 
crivons ces réalités. 

CLI. — Les écoles de rééducation professionnelle. — 

La grande majorité des blessés, renseignés et stimulés par 

(ï) Revue scientifique^ p. 367; 1916. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 343 

Texemple, viendront aux écoles supérieures de rêéducaliony 
ainsi dénommées pour indiquer qu'une méthode pédago- 
gique et technique y sera employée, avec des garanties su- 
périeures touchant leur organisation. Il en sera créé une 
par région économique j en se guidant sur la nature et Fimpor- 
tance de la production, et aussi sur les ressources en outillage 
des producteurs. 

J'envisage onze régions, c'est-à-dire onze écoles réparties 
sur les villes de Paris ^ Rennes, Lille ^ Nancy, ^yon, Limoges, 
Bordeaux, Toulouse, Marseille, Alger, Tunis, Le groupement 
régional que j'indique n'a rien d'absolu, encore qu'il me 
semble rationnel. On pourrait substituer d'autres villes à 
celles qui sont mentionnées, et fondre en de nouvelles unités 
les éléments économiques semblables de nos départements. 

Or, précisément, le cadre régional paraît ici s'opposer au 
cadre départemental ; tout au moins, d'aucuns l'ont supposé. 
La vérité est tout autre. C'est faute de centres que de nom- 
breux petits ateliers et écoles de réapprentissage, dispersés 
sur tout le territoire, sont nés de l'initiative privée. Ils 
ont suivi le mouvement des sorties de blessés des dépôts, 
car tous ces hommes, une fois réformés et rendus à la vie 
civile, ont plus ou moins cherché à travailler et à se placer. 
Des personnes généreuses — (ju'il ne faut point se lasser de 
louer, en proportion surtout de l'indifférence des personnages 
officiels — les ont encouragés par des secours en argent, 
des recommandations aux patrons, et l'institution improvisée 
d'ateliers spéciaux. Le Conservatoire des Arts et Métiers en 
a plusieurs d'affiliés au Laboratoire que je dirige, ne fût-ce 
que pour l'orientation professionnelle et l'aide de mon ser- 
vice de prothèse. Est-ce que ces petits organismes départe- 
mentaux peuvent ^'accorder avec l'existence des centres 
régionaux ? Assu7*ément, pourvu que ceux-ci entreprennent 
la rééducation fonctionnelle, étudient et fournissent les 
appareils orthopédiques appropriés, et établissent les fiches 
d aptitude ; après (|uoi, ils enverront les blessés et mutilés à 
leurs départements respectifs, tout près de leurs familles, 



344 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE RU TRAVAIL 

r'est-à-dirc Oiux ateliers hcavx don\ le rôle devient, de ce fait, 
eonipléinen taire et décisif. 

(ILII. — a) OhGAMSATIOX d'iN centre de RÉÉDrCATION. 

— L'école supérieure de rééducation doit subsister à côté de 
ces ateliers élémentaires. Voici quelle en est l'organisation, 
telle qu'elle ei'it dû être à l'origine, et comme l'ont faite, sur 
mes indications, les pays et villes dont j'ai parlé précédem- 
ment, Bordeaux, par exemple. 

(Uiacune ])ossèdc un office technique, j)our la constitution 
des fiches d'aptitude, les besoins médicaux et orthopé- 
diques, l'examen pliysiologique général que la (iche elle- 
même expose. Et on installe, dans le même baliment, des 
ateliers a|)propriés aux professions ordinaires de la région. 
Celles-ci seront nécessairement variées, alin de relenir à 
l'école le plus grand nombre de blessés. On enseignera no- 
tamment les suivantes: 

Orthopédie; mécanique (ajustage, outillage) ; dessin indus- 
triel ; pholograi)lûe (retouche, agrandissement et mémt^ 
tirage) ; cordonnerie ; bourrellerie ; sellerie, montage d'élec- 
tricité ; ferblanterie et petite mécanique; daclylograpbie; 
conduite des macliines agricoles et petits moteurs; travail 
du jouet en bois, des mains et pieds pour membres artifi- 
ciels ; menuiserie. 

Dans quelques centres (Jura, Vienne et Haute-Vienne), on 
dévelop[)era la pratique de l'art lapidaire et de la céramique, 
qui pourraient nous donner une grande avance sur l'étran- 
ger. Si le nombre d'amputés de membre inférieur est élevé, 
et qu'un changement de métier s'impose, on formera des 
tailleurs instruits et des tisseurs. Mais, en général, il faut 
éviter de garder à l'école ceux de ces amputés (|ui peuvent 
reprendre leurs anciens métiers. 

hdidirection de l'école estconfîée à un médecin compétent, 
assisté d'un ingénieur expérimenté, et tous deux hommes de 
tact, de réflexion et de jugement; leur travail psychologique 
est, en effet, de tous les instants. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 345 

Au médecin încombenl la rééducation fonclionnelle, la 
prothèse et Torlbopédie, les observations relatives aux apti- 
tudes psycho-physiologiques des blessés. Il est impossible de 
scinder ces différents services, auxquels sont affectés des 
aides et des instructeurs. Les mutilés travaillent à réparer 
ou à transformer les appareils prothétiques, et à installer les 
ateliers. Mais tout cela est {jroupè, sous peine de sérieux 
mécomptes. 

De son côté, l'ingénieur s'occupe, aidé lui-même de 
(piehiues bons professeurs de travail manuel ou de contre- 
maîtres, à vérifier l'instruction générale et technique des 
hommes, et à les réi)arlir en catégories professionnelles. 11 
surveille h*s mouvements des mutilés, le bon état des 
membres artifi(;iels dont il expli([ue le meilleur mode d'ap- 
plication. J'ai toujours remarqué (|ue l'amputé achève bien 
vite son éducation sensitive, et montre, dans la manœuvre 
de ses outils, une adresse qui émerveille les instructeurs. Il 
est pour eux l'occasion de leçons vivantes et nombreuses, 
car l'expérience, en cette matière, est le seul guide. 

On ne se limite pas au travail des ateliers ; on donne éga- 
lement des cours théoriqitvs^ des compléments de sciences et 
de lettres pour élever le niveau moyen des intelligences, et 
permettre au cerveau de coo[)érer avec les bras, quand ils 
sont défaillants. 

CLIil. — h) OniKNTATION PROKKSSIONNELLE. — A UOtrC 

époque où l'homme a cessé d'être un mécanisme actif des 
merveilleuses machiues-ontils de l'industrie pour en devenir le 
simple signal de marche et d'arrêt, où l'automatisme a 
réduit au minimum l'activité nuancée et volontaire de nos 
muscles, nous devons dresser la plupart des mutilés aux 
métiers économiques, qui ne fatiguent pas et qui sont sou- 
vent rémunérateurs. J'imagine que si de petits moteurs de 
2 à 5 IIP étaient entre les mains de nos cultivateurs, ils 
vivraient plus heureux, et ils rendraient plus productive, 
plus riche, une terre si malheureusement oubliée. 



346 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU m A V AIL 

Une cMude des inslrumenls agricoles, en vue de leur adap- 
lalion aux inuUlés, s'imposait, qui n'a i>as retenu, suffisam- 
menl, Tallention de l'Klat. Pris à l'entrée de l'école, le cul- 
tivateur ine déclare invariablement, s'il est amputé d'un 
bras, qu'aucune opération fermière ne lui est plus possible, 
sauf celle de donner à manger aux bestiaux. Mais rééduque, 
après application du bras de travail, de Tanneau universel 
cl de la pince, il s'adapte, tout d'abord, au maniement de la 
pelle dynamographiqve; puis il emploie, tour à tour, la 
bêche et la pelle ordinaires, aj)puyant et pesant sur le soi 
comme il le faut ; il frappe et tire avec la pioche, appuie et 
traîne avec la binette et le râteau. En peu de jours, rentré 
c< au pays », notre cultivateur m'écrit qu'il se livre à tous les 
travaux agricoles sans l'aide de (juiconque. 

Dans certaines de nos régions du (lentre, dans la Lozère, 
la Corrèze, le Cantal, ou encore dans les Vosges, le paysan 
pourrait consacrer la morte-saison, celle de l'hiver, à tra- 
vailler au jouet en bois où son originalité, ses habitudes de 
faire de tout, et de tout devoir à ses mains, se révéleraient 
utilement. Cette industrie du jouet s'était localisée en Alle- 
magne, à Nuremberg et à Fnrlh. Déjà les Italiens du Nord 
et les Suisses ont réagi contre ce monopole. Nous aussi, 
qui avons le bois — généralement du Jiétre — la main- 
d'a^.uvre la plus habile, nous devons suivre cet exemple qui 
coûtera si peu comme frais d'outillage : un couteau, une 
scie, parfois un petit tour, et un marteau. 

Dans les travaux de terrassements, il y a, de même, place 
pour les manchots. J'ai fait paver cjuel(|ues mètres d'une 
chaussée, j)ar un de ces derniers, en employant le pilon 
pneumatique, vulgairement demoiselle. Il semble que cette 
manœuvre convienne beaucoup plus aux amputés de bras que 
<le jambe, au contraire de ce qui a lieu pour le transport des 
terres; les brouettes à deux roues, aisées à conduire, sont 
tout indiquées dans ce genre de travail. 

Dans tous les métiers, précédemment spécifiés, la con- 
naissance des mouvements et efforts à demander à l'ouvrier 



LA néÙDUCATlON DES BLESSÉS 317 

suppose la connaissance de l'usage des outils. Il y a là un 
point très important. Sans doute, le directeur des alelîcrsne 
.«aurait lître omniscient; mais son instinit-tion générale et 



Fin. 130. — Ampulé mécanicien forgeantiine pièop. 

son expérience doivent l'cmpCclier de se /o/ww tromper, et 
d'abandonner à ses aides le choix de la proft'ssion du mutilé. 
Mieux vaudrait, dan.s ce ras, l'obliger à tout abandonner, il 
faut (ju'il sache (|ue l'iimputé d'un bras est à même de se 



'HH ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

livrer aux ocrupalions du mécanicien : limf r, coiipiT avec 1» 
scie, le tiers-point, le burtii, Ineisiiillo; affûter, percer au 
]>oinleau cl a l'archel, aléser, tarauder el iileler. Le bras 
sain fera loules les manieuvres au niaHeau (fig. 130), C'e>l 
seulement au lour ([u'il se prcsenle de réelles difiicullés. 



Fi(i. m. — Aiiipulù Irnvoilhnt à la varlopp. 

Encore cela Jépend-il du modèle- de loiir: il eu est qui se 
l'ouniiandent sans irop do peine (iour-rcvolver). 

De même dans le travail du ùoix. pour scier el ralioler, 
îisseiuhler et coller des planclies, les dresser, creuser ou 
percer (/ïif. 131 el 132). 

Aujourd'hui, l'inlellif^ence de l'ouvrier es l un l'acteur capi- 
tal, qui s'aecroîl de loule la Torec de l'expcnenee le(dinique. 



LA RKÉl>UCATIO\ HES ItLESSl^ 'H9 

Et r'esl ce (|ui permel de dcsliiier un nombre assez élevé de 
mutilés au travail des machiiies-oulils, dont lo rOle se déve- 
lopi>era, plus (ju'il ne l'est d(\JH, sur le terrain des usines. 
La vivacité d'esprit, une des earaelérisliques de uoire jieuple, 
servira grandemenl celle adaplation professionnelle. 



Kiii. VJî. — Amputé Je brus coupant une planche à In scie k tefendri: 

Si, d'autre j)art, on appurti?, dans ces <|iieslions, la volonté 
ile réalisalion cjui s'iuii»ose, on s"aper(;oit (pie si.'ul un 
lik-lieux préjugé éloignait du travail la plupart des mutilés, 
cl |>lus les niililaii'es que les civils, (Vest vraîiiient faire 
injure il la gloire <|uc de l'érarler di-s ateliers viltraiils de 
l'industrie ou «les plaines animées ]>ar le soe des eliarriies. 



350 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

L'ohjel de rorienlalion professionnelle est de réagir contre 
les préjugés sociaux, en metlanl le blessé à la place qui lui 
convient pour réaliser loul son rendement économique. 

CLIV. — C) Dl'KÉE DE LA RÉÉDUCATION. — OUVRIERS EN 

CHAMBRE. — Mais il arrivera que Toflice technique sera con- 
sulté par les blessés pour des fins multiples : les uns vou- 
dront poursuivre un entraînement physiologi(|ue plein de 
promesses; d'autres rechercheront une amélioration de leurs 
appareils de prothèse, ou une application plus soignée, ou 
simplement — j'en eus quel([ues milliers — un examen cir- 
constancié de leurs capacités pour avoir la fiche d'aptitude ; 
ils la communiqueront à des patrons disposés à les employer, 
ou ils Tuliliseront directement en s'établissant à leur compte. 
Pour ma part, je souhaite voir encourager cet effort de 
renaissance à la vie A ouvriers complets^ « d'ouvriers en 
chambre ». Il n'y aurait point là de contradiction avec la 
tendance à la centralisalion industrielle ; car les grandes 
usines s'habitueraient, sans j)erte pour elles, à laisser les 
menus travaux, les commandes infimes à cette catégorie de 
travailleurs, si capables d'in;a;éniosité et de puissance inven- 
live. L'Etat y trouverait son avantage, attendu ([ue ceux-ci ne 
manqueraient pas de faire de bons apprentis. 

(Juanl aux ateliers de rééducation^ leur but est des mieux 
définis; perfectionner la pratique des métiers et adapter les 
mutilés aux exercices professionnels choisis, suivant qu'ils 
ont à changer de métier, ou à se spécialiser dans une de ses 
parties plus propre à ménager leurs forces sans diminuer 
leur rendement. 

La durée de celte rééducation est variable. Si, au point de 
vue du travail manuel, un an constitue la movenne suffisante, 
il faut ajouter quQ l'instruction théorique exigera davantage : 
on la donnera complète, afin de former une élite ouvrière 
capable d'instruire à son tour. 

Le régime de l'école sera, en principe, celui de Vinternat^ 
les hommes étant nourris et logés, leur salaire réglé d'après 



s 
s 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 351 

un barôme qui pourra varier suivant les régions, cl en se 
rappelant que la perle de rendement est à peu près nulle 
dans la majorité des cas d'amputations de jambe ou de 
cuisse. 

Dans certaines circonstances, exceptionnelles, il peut être 
utile d'adopter le régime du demi-externat, vis-à-vis des 
mutilés mariés, pour qu'ils puissent rentrer chez eux tous 
les soirs. 

Ainsi les écoles de rééducation étendent, dans un but pré- 
cis, les bienfaits de renseignement; elles développent le 
cerveau des travailleurs et achèvent leur formation technique. 
Elles font, en connaissance de cause, Y orientation profession- 
nelle des blessés, et les préparent sûrement à être placés, à 
prendre rang dans la société. 

CLV. — Le placement des blessés. — Tout, en effet, doit 
converger au but réel, qui est le placement. Les ouvriers 
mutilés, que Ton aide à ^'établir, les jeunes gens qui pour- 
raient embrasser les carrières libérales et dont on encoura- 
gerait Teffort par des subventions, ou par la gratuité des 
études, ce sont là des exemples de placement. Et Ton peut 
compter aussi sur laninitiatitesindividnel/es. Tel patron, telle 
usine vous demandent un ou plusieurs blessés. Personnelle- 
ment, je reçus j)lusieurs demandes de ce genre, auxquelles 
je répondis en adressant des mutilés rééduqués et munis de 
leurs fiches. Celles-ci constituent un élément de grande 
valeur, parce que l'employeur y trouve des renseignements 
précis, clairs et sincères. Entre lui et son employé s'établit 
une confiance solide, ayant pour fondement la vérité. 

Plusieurs (patres d'assistance ont entrepris, au cours de 
cette guerre, de centraliser, chacune, les offres d'emplois 
faites aux miltilés, d'en provoquer par des annonces dans 
la presse, et par l'action personnelle et les relations de leurs 
dirigeants. Il est hors de doute que quelques-unes de ces 
œuvres ont, de ce chef, fourni une généreuse contribution de 
dévouement au pays. 



352 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

Mais il faut préférer, à toutes ces initiatives, rinlluenec 
plus sérieuse des chambres syndicales. Je suis forleineni 
d'avis que Ton demande aux cliamhres syndicales leur colla- 
boration pour placer les mutilés et blessés. Les grandes 
fabriques sont à même d'en employer (pielques milliers, étant 
«lonné qu'elles pratiquent la « division du travail » et dis- 
posent de machines faciles à commander. Le Ministère des 
Munitions, (pii a, dans telles de ses usines jus(ju'à iO.(X)0 ou- 
vriers, aurait dû, depuis longtemps, entrer dans celte Yoi(\ 
sans dommage pour le taux de la production. 11 possède des 
moyens d'action supéri<mrs à ceux des autres ministères ('). 

Oîrtaines grosses industries, spécialement en métallurgie, 
ont commencé de faire des essais, |)ar leurs propres moyens , 
cédant à l'esprit de solidarité (jui anime les patrons intelli- 
gents pour leurs ouvriers mutilés. Je souhaite cjue leur 
exemple se propage rapidement. 

Le commerce olTre également des <lébouchés : inspection 
des maisons, représentation de journaux, marcliands et 
crieurs de ces mémtîs journaux. Les jeunes gens, qui, faute 
d'appr(»ntissage, se livrent à celle profession de crieurs, 
seraient instruits dans d'autr(*s méliiMs où leurs bras et leurs 
jambes sont nécessaires. — La comi)tabiIité absorbera un 
certain nombre de bb^ssés, surtout parmi les sujets atteints 
de paralysies radiab^s et les amputés de jamb(^ L(\s banques, 
sociétés de crédit, compagni(îs, en prcMidront comme dacly- 
lographes, employés aux écritures, aides-comptables, etc. 

L'essentiel est dcî préparer le bb»ssé à sa fonction pour 
<pi'il Tt^xerce ^^V^r///'^/;i^/i/ ; alors son placement est solide*, 
f^t l'on évite les aléas {\\x placement cliaritahle. 

A l'heurcî actuelb*, le Ministère; du Travail s'elTorce de coor- 

(') Au bout (le vinfçt et un mois (ie jfuerre, je lis dans les journaux, que M. le 
Sous-Secrétaire d'Ktat aux munitions a « invité les ch(.*fs d'industrie à prévoir 
IVmpIoi des mutilés dans tous les cas où il est jiossible de les utiliser : emplois 
de gardiens, surveillants, travaux «1»^ hnre.iu, eti*. » (Le Journat^ihi 27 avril 1916>. 
l'ne « invitation » plus rérente. « à déleruiin«M* les travaux auxquels l'intéressé 
blessé ou mutilé'; peut être employé sans inconvénients >> {ihid.^ du 22 juin 1916)^ 
constitue, évidemment, un sensible progrès. Depuis le Ministre a poussé à un 
large emploi de celte main-d'œuvre. 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 353 

donner, grâce à un Office central (Arrôlés de mars 1916), 
les entreprises éparses de la rééducation et du placement, 
et de réparer, s'il se peut, les fautes commises. 

CLVI. — Institut d'organisation du travail. — On voit 
si une étude préalable et complète de ce problème s'imposait, 
pour bien se pénétrer de la méthode de rééducation. Il fal- 
lait aussi examiner toutes les modalités de son application, 
et agir fermement et vite, d'accord avec les personnalités 
qualifiées, groupées sous une direction vigilante. Enfin, il 
était indispensable d'avoir un organisme central^ comprenant 
tous les rouages de contrôle et de coordination. L'école à 
installer dans Paris pourrait, sous le nom A' Institut d organi- 
sation du travail^ être cet organisme-là, servir de centF-e de 
liaut enseignement pour cette science méconnue du travail 
et de l'apprentissage, relier les services compétents de plu- 
sieurs ministères, et mettre un peu d'ordre dans un état de 
choses nécessairement confus. 

(Ju'on se représente, en effet, la diversité des services qui 
ont à s'occuper des blessés. Au Service de Santé revient 
celui de la prothèse, de la physiothérapie, des réformes et 
pensions. L'enseignement général et technique, Tapprentis- 
sage et toute la législation qui l'encadre, les retraites, le 
chômage, les accidents du travail appartiennent aux Minis- 
tères du Travail, Commerce, Instruction pubh'que et Agri- 
culture. Le Gouvernement est donc tout entier engagé dans 
cette œuvre sociale; il est bon que, pour l'entreprendre, un 
seul mécanisme entre en jeu. 

Telle paraît être la décision mûrie du Parlement, puisqu'il 
accorde au Ministère du Travail la mission d'organiser 
la rééducation professionnelle en France. Ainsi, on évitera 
un gaspillage redoutable de temps et d'argent ; on fera 
reculer l'oisiveté, qui serait inexcusable dans ce pays où 
toutes les énergies sont nécessaires. J'cstimeque la méthode 
scientifique de rééducation donnera des employés et des 
ouvriers d'une parfaite discipline au travail, et d'un niveau 

ORCAXISATIOX PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL. 23 



354 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

intellecluel et moral élevé. Dès que les écoles seront en 
pleine marche, et le placement assuré, il ne s'écoulera pas 
deux ans que tous nos blessés rééducables seront à même de 
gagner leur vie, sans rien devoir à personne. Ils y comptent, 
nos travailleurs, ouvriers et paysans; ils attendent TeiTorl de 
TKtal avec une impatience dont j'ai souvent regretté la rapide 
progression. Personne ne peut trahir les espérances qui ont 
illuminé leur cœur. 11 faut se décider, car il s'agit d'un grand 
devoir de solidarité, comme jamais l'histoire humaine n'en n 
fourni d'exemple. 

CLVII. — Assistance par le travail. — Lesblessés graves. 

— L'organisation physiologique du travail a une portée 
immense, puisqu'elle s'étend à l'éducation physique et à 
l'apprentissage, à Thygiène sociale et à la rééducation pro- 
fessionnelle. 

Dans le cercle spécial des blessés, nous avons vu qu'elle 
permet le retour à la vie normale de la très grande majorité 
des impotents, des débiles, des infirmes, et d'environ 800/0 
parmi les mutilés aujourd'hui au nombre de plus de dena. 
niillions et demi en Euro{)e('). 

Mais les autres, les blessés (/raves, ceux (|ui ont eu à subir 
une double amputation, et les impotents totaux, et enfin les 
aveugles? Oue peut la méthode scientifique de rééducation 
pour ces infortunés? Les uns ne disposent plus (|ue d'une 
capacité fonctionnelle inutilisable, ou fort peu. Les autres — 
mèjne quand leurs membres sont intacts — ont perdu la 
principale des fondions de relations, la vue ; le monde exté- 
rieur est devenu pour eux plein d'embûches ; de lourdes 
ténèbres sont descendues sur l'horizon qu'ils contemplaient 
naguère et qui leur était familier. 

C'est tout cela que j'avais réservé parce qu'il ne rentrait 
{)as immédiatem(*nt dans mon programme, et parce que le 
rendement social normal seul me préoccupait. Je voudrais, 

(') n y en aurait près de 80.000 en France, contre 2. *81 après la guerre de 1870-71. 
Les pays belligérants comptent, en moyenne, un blessé par trente habitants .' 



LA flÉr:DUCATION DES BLESSÉS 33") 

ccpendan), lia.sardcr un court aperçu sur le probl<!rmc de- 



Pic. 133. — .Viile-complable amputé îles deux avant-bras, attablé au cs.!f. 
Vassialance nar le travail, de hu|uelle relèvent les blcssO 



356 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

graves el les aveugles. Simple conlribulion, sans plus. 

L'appareillage des amputés de plusieurs membres est une 
chose délicate, sur laquelle toute Tattention doit se concen- 
trer. Prothèse parfaite el adaptée le mieux possible, et pro- 
Ihcse plus utilitaire qu'esthétique. Les membres inférieurs 
demandent moins de soins. Le patient, avec deux bons pilons, 
peut vaquer à des occupations sédentaires ; la marche est 
relativement facile, mais il faut être son propre patron ^ maître 
de son temps et de ses convenances. 

L'amputé double, quand il est pauvre, ne peut que recou- 
rir à l'assistance ; elle est un droit pour lui. Des ateliers 
spéciaux permettraient d'utiliser cette catégorie de travail- 
leurs, dont la production est souvent assez élevée. 

La catégorie des doubles amputés de bras ou de mains est 
plus intéressante, si Ton peut dire, car elle bénéficie beaucoup 
de la rééducation scientifique, tant pour exercer la sensibi- 
lité des moignons, que pour les adaptera l'exécution des mou- 
vements d'adresse. Jamais cet entraînement physiologique 
n'a paru plus fertile en bienfaits ([ue dans le cas des aveugles. 

Ce sont les appareils du type Cauet qui satisfont le mieux 
aux besoins des doubles amputés de membre supérieur 
(jui, s'ils sont intelligents, reprennent leurs occupations 
d'autrefois avec un rendement appréciable [fig, 133). Mais 
pour les aveugles il faut davantage. 

(:L^'I1I. — Éducation physiologique des aveugles. — 

Pour mieux définir les principes (juc j'invoque ici, je pren 
drai l'exemple d'un aveugle amputé du bras gauche et de 
l'avant-bras droit. 

G. S., Agé de 41 ans, marié el père de deux enfants, est 
marchand de primeurs. Dans son métier, les sens jouent un 
rôle essentiel. L'homme fut totalement déprimé à la suite de 
ses mulilalions. Je le pris, à peine cicatrisé, à l'hôpital où il 
étouffait sa douleur morale, et m'occupai d'abord de la sen- 
sibilité de ses moignons. 

Voici la techni(pie : 



L\ RI^:ÉDUCATION DES BLESSÉS 357 

Pendant une semaine, on éduque la scnsibililé à la pres- 
sion au moyen du Bracelet à poids [% 112). 

Celle éducation esl complélée par l'exercice de la gout- 
Ucre brachiale, el conlrôléc par t'csUiésiomtlre à poinlcs el 
le dynamomètre à pression. 

On recourt, cnlin, à la platine eslhésiographiqite {fig. 134). 
Ceslune plaque de laiton P rectangulaire, avec un manche M 



i Fio. i3*. — Usage de la platine esthi$iog>-aphique pour aveugles. 

(|ue l'on cliaulTe pour porter le tout au voisinage de 30". Au 
centre de la surface apparaît une pointe mousse en ivoire I, 
qu'une vis micromélrique V permetdc faire saillir graduelle- 
ment. On sait, par conséquent, de combien elle émerge à la 
surface. Elle presse, à sa base, sur un tambour de Marey, 
avec ressort intérieur, et la pression peut s'enregistrer comme 
d'ordinaire. Dans ces conditions, on donne au patient h. 
explorer le dessus de la platine, la [loinle étant au zéro. Il y 
promène son moignon en tous sens ; et peu à peu, on agit 
sur la vis. Quand le blessé parvient à déceler la pointe 



358 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

d'ivoire, on est renseigné sur la hauteur de celle-ci, et sur la 
pression que le moignon a exercée pour la sentir. 

De jour en jour, les résultats sont meilleurs. On appareille, 
ensuite, Tamputé avec des bras mécaniques Cattet, et Ton 
recommence Téducalion sensitive combinée, c(*lte fois, avec 
Tadaplalion des mouvements. G. S. parvient à se rendre utile 
dans son commerce, à ne plus se sentir isolé ; il rentre en 
possession de la vie active qu'à un moment il crut avoir 
quittée pour toujours. — Nous vivons avec nos sens, un peu 
par nécessité et beaucoup par habitude. L'aveugle doii perdre 
l'habitude et se contenter de la nécessité. 

CLIX. — Le travail des aveugles. — Cette j)erte est plus 
douloureuse aux uns qu'aux autres. L'aveugle-né ne s'en 
doute j :is ; l'aveugle par accident y attache, au contraire, une 
valeur qui dépend de la somme de jouissances dont elle le 
prive. L'homme simple souffre, à cet égard, moins que 
riiomme cultivé. Mais il faut parler constamment à leur 
moral, et user envers eux du tact le plus rafliné. 

Le mieux, pour fortifier ce moral des aveugles, est de leur 
procurer du travail, de préférence de les réadapter à leurs 
anciens métiers. 

Le travail manifeste l'action de l'homme sur le monde 
extérieur, et le soustrait aux soucis, aux tristesses, au décou- 
ragement qui, de tout temps, furent le lot de l'aveugle : 

Sminlhée-Apollon, je périrai sans duule, 
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant ! 

Le dieu des bergers n'est certainement pas aussi utile 
qu'un caniche pour guider à travers champs les cultivateurs 
aveugles. Car il me paraît nécessaire de réadapter ces der- 
niers au travail de la terre et aux besognes de la ferme. Ils 
en ont, en effet, l'expérience ; ils connaissent l'aspect cl 
Tusage des instruments aratoires. Bien éduqués au point de 
vue de leur sensibilité tactile, et au besoin aidés par des 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSÉS 350 

gamins, ils peuvent reprendre la vie laborieuse des pay- 
sans. Ils sont la majorité dans le métier rural. 

Tel est le cas de L., entre autres, petit fermier frappe de 
cécité à la guerre et amputé des quatre doigts de la main 
droite, le pouce ayant conservé une certaine, mais insuffi- 
sante, mobilité. La main artificielle dont je Tai doté lui per- 
met de se servir de la pince ou de Tanneau universels, ou 
même de la main de parade. Ses mouvements sont contrô- 
lés et rectifiés grâce à la pelle dynamographique ^ et ses 
efforts appréciés quant à la possibilité des exercices néces- 
saires. Il n'y a point de difficultés pratiques, en général, à 
ce que les cultivateurs aveugles reprennent leurs anciennes 
occupations, sauf, cependant, qu'il importe de leur en facili- 
ter les moyens. S'ils n'ont pas de parents qui puissent les 
employer, c'est aux œuvres d'assistance à les placer dans un 
milieu qui leur soit connu. 

En général, la réadaptation au travail doit être le but de 
l'assistance, car elle économise toute la mise en train et 
tout l'a^^prentissage. J'ai toujours recommandé, par exemple, 
de remettre à l'ajustage et à la grosse mécanique les ouvriers 
aveugles qui appartiennent à la catégorie des mécaniciens, 
ferblantiers, serruriers. L'établissement de Reuilly l'a par- 
faitement compris. 

Ces hommes travaillent à la tâche et sont payés aux 
pièces, ni plus ni moins que les ouvriers normaux de 
l'usine. Voilà une profession où nos grands industriels 
peuvent encourager l'œuvre sacrée de l'assistance aux 
aveugles. 

Les métiers où la réadaptation, et môme le réapprentis- 
sage sont aisés, se classent comme suit, par ordre de ren- 
dement utile: agriculture, grosse mécanique, reliure, brosse- 
rie, rempaillage et cannage des chaises, vannerie, emballage 
(pour fermer les caisses de primeurs), tonnellerie, saboterie, 
raphia (petits paniers), massage, accordagc de pianos, télé- 
phone (pour les clients). 

Il convient, dans tous les cas, d'exercer la sensibilité par le 



360 ORGANISATION PHYSIOLOGIQUE DU TRAVAIL 

conlacl des surfaces et contours des outils, et des pièces ou- 
vragées ; par exemple, en utilisant un cube de laiton à coins 
arrondis suivant des rayons inégaux, et en faisant recon- 
naître et apprécier les différences. Le rempailleur j)roinè- 
nera les doigts sur la paille en comptant les rangs et les 
inégalités de la surface préparée ; et ainsi des autres tra- 
vaux. 

J'ai fait confectionner des petits tapis en cordonnet de co- 
ton ou de soie, pour les tables à thé. Le môme métier permet 
de faire des chandails, cache-nez, etc. 11 est, de plus, très 
facile à apprendre et largement rémunérateur. 

Ces brèves explications laissent entrevoir l'étude dont 
pourrait être l'objet l'assistance par le travail, qui s'adresse 
à tant d'infortunés et les arrache à un destin cruel ; qui 
prolonge l'effort scientifique d'organisation de l'activité hu- 
maine sur un terrain que nous ne foulerons jamais sans une 
émotion profonde et un pieux resj>ect. 

CLX. — Conclusion générale. — A travers les formes 
innombrables de notre activité, dans les exercices du corps 
et dans ceux de l'esprit, un même principe se fait jour: le 
principe (Tordre et d harmonie. La nature entière lui obéit : 
le rayon de lumière se réfracte ou se réfléchit en suivant les 
voies les plus courtes ; la pierre qui tombe ou qu'on lance 
décrit une trajectoire minimum ; le mouvement instinctif est 
également le plus rapide... Et l'homme n'a jamais songé que 
ses actes volontaires gaspillent des forces, du temps, des ri- 
chesses qui profiteraient à la société ! C'est qu'il fallait le 
gouvernement de soi et une science rigoureuse pour éviter 
d'inutiles gaspillages, et se retenir sur la pente de la rou- 
tine. Il fallait une expérience démonstrative pour com- 
prendre que l'économie, en ménageant la dépense de nos 
énergies, en accroît l'utilisation ; et que celle-ci doit être ra- 
tionnelle, méthodique, dans tous les domaines qui nous sont 
ouverts. 

Car on aurait tort de croire inépuisable le capital de nos 



LA RÉÉDUCATION DES BLESSES 361 

énergies physiques et psychiques. 11 représeuie une somme, 
un total que nous ne connaissons pas exactement, mais qui 
ne serait pas loin d'atteindre 150.000 chevaux-heures, pour- 
la durée normale de la vie, avec un effet utile de 10 0/0 en- 
viron. 

Rendement mécanique bien faible en regard de celui des 
moteurs inanimés, s'il n'y avait pas à considérer VinteUi- 
gence du travail et sa variété infinie, s'il n'y avait pas la 
pensée que rien, jusqu'ici, n'a pu égaler. 

L'athlète se trompe en dissipant follement sa puissance. 
L'ouvrier fait un faux calcul en refusant d'améliorer les condi- 
tions de son travail par une technique plus habile, un 
outillage perfectionné et un emploi judicieux de sa journée. Le 
patron s'égare en refusant la main-d'œuvre des mutilés et 
blessés, renfort considérable pour les travailleurs normaux, 
et source importante de [)rofits. Et, en général, c'est mécon- 
naître les lois véritables et profondes de V organisation sociale, 
que de ne pas mettre chaque homme à la place qui lui convient 
pour qu'il y donne sa pleine mesure. 

L'heure est venue d'une conception, scientifique et hu- 
maine à la fois, de cette organisation, source de bien-être et 
de concorde. 



INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 

(Les chiffres renvoient aux pages) 



Accélération nenreuse ou Bahnung, 51. 

Accidentés dn travail; examen orga- 
nique, 119; incapacité fonctionnelle^ 
135; rééducation, 231. 

Accidents du travail (Précautions contre 
— ), 196; expertises des —, 316. 

Acclimatement (Élude de T), 205 ; sa du- 
rée, 212 ; son évolution, 224. 

Adde carboniqae ; sa présence dans le 
sang, 24 ; dyspnée pnr —, 23 ; son éli- 
mination, 26 ; essoufflement dû à T— , 
89. 

Acide nriqne; dose et élimination, 97. 

Acier ; propriétés de V— des orthopé- 
distes, 266. 

Acrobatie (Exercices d ), 167. 

Activité physique, 41, 127; sa durée, 
41 ; ses lois, 168 ; — psychique ; son 
évolution, 41; son siège, 52 ; — in- 
tellectuelle, 170 et suivantes. 

Adaptation fonctionnelle, 34; — du 
corps, 47 ; -— de Toutillage des mu- 
tilés, 326. 

Addison; citation d'— , 114. 

Age et intelligence, 38, 42 ; — et forces 
physiques, 40; — critique, 41. Effets 
de 1—, 41, 53, 113, 142. L'— et l'ap- 
prentissage, 186. 

Agricole (Mécanique), 139; travail —, 
139; utilité, 194; organisation, *210, 
346. 

Air atmosphérique; composition, 2&, 
76 ; — confiné, 26 ; — comprimé, 122. 

Albnminoides organiques, 96 ; aliments 
—, 104 ; minium d'— , 103, 107 ; pri- 
vation d'— , 107. 

Alcool; action sur le tube digestif, 2i, 
116; et sur tout Torganisme, 116 et 
suivantes; effets héréditaires de T— , 



41, 117; —boisson, 113; — et sports, 
138 ; — et colonisation, 211. 

Alcoolisme; ses effets, 116, 119; lutte 
contre 1'—, 118, 227; — parmi les 
Arabes, 222. 

Alimentation ; effets de T— , 5 ; sobriété 
d'— , 43, 143; — mauvaise ou insuf- 
fisante, 103 ; — économique, 107 ; — 
de travail, 110, 145; — des Arabes, 
222. 

Aliments, source d'énergie, 12; trajet 
des — dans le tube digestif, 21 ; qua- 
lité, 77, 104; défaut d— , 105; excès 
d'-, 106, 107; — raffinés, 106; table 
des —, 1 10, 112 ; — d'épargne, 224. 

Allaitement, 113. 

Altitude, effets, 122. 

Amar, loi de (Jules) ou du Bejïos, 102; 
bras de travail—, 288 et suivantes. 

Amontons, 3, 11. 

Amplitude des mouvements, 147; sa 
mesure, 158, 247. 

Amputation, effets généraux, 243, 248 et 
suivantes, 239 ; — de cuisse, 267 ; — 
jambe, 284; — tibio-tarsienne, 284; 

— de Chopart, 286; — double, 286; 

— de bras, 288, 334; — d'avant-bras, 
294, 334. 

Amputés, rééducation fonctionnelle, 
148, 151, 198; définition des —, 229; 

— de bras, 233, 305 ; illusion des —, 
252; état organique des —, 253 et 
suivantes; — doubles, 253, 329, 334: 
marche d'un — de cuisse, 262, 278 : 
éducation des — de bras, 321 ; leur 
travail, 327. 334 et suivantes. 

Analyse des forces, 73, 316 ; — des mou- 
vements, 73, 142 ; — des gaz respires, 
75. 

Annamites (Ouvriers), 203; qualités des 
—,228. 



364 



INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



Appareils de prothèse, 148 ; description, 
266 et suivantes; théorie, 259 ; — de 
prothèse ouYrière, 298 ; — de pro- 
thèse fonctionnelle, 309 ; — d'éduca- 
tion physique, 148 et suivantes. 

Apprenti ; travail d'un —, 128, 130 ; rap- 
ports entre V— et le patron, 187, 190 
et suivantes. 

Apprentissage; organisation de I'—, 8, 
9, 130-135, 192 et suivantes, 208 ; tech- 
nique de 1'—, 185, 195 et suivantes; 
écoles d'— , 1 88 ; leur supériorité , 192 ; 
crise de 1'—, 186; contrat d'— , 186; 

— de la vie, 179. 

Aptitudes; physiques, 45; — profes- 
sionnelles, 46, 206 et suivantes, 345 ; 

— individuelles, 118; —psychiques, 
50 ; — générales, 185, 196, 325 ; — de 
l'ouvrier français, 209. 

Arabes, pécheurs d éponges, 90 ; travail 
des —, 129, 220; genre de marche des 
—, 164 ; études et mœurs des —, 213 
et suivantes; alimentation des — , 
222; salaires des —, 227. 

Arbeitsthérapie, 341. 

Art de travailler, 127, 168 ; — de pen- 
ser, 170 ; — de parler, 177 ; —d'écrire, 
178; — d'apprendre, 183; définition 
del'-, 195. 

Artério-sclérose ; origine de l— , 44, 
117. 

Arthrodynamomètre, 158, 245. 

Articiilations ; surfaces d'— , 34 ; — des 
vieillards, 45; rigidité des —, 123, 
147; suppléance entre —, 147; — 
maîtresses, 261. 

Assistance ; œuvres d'— , 229, 314, 351 : 

— aux mutilés, 229, 314, 354 ; — par 
le travail, 354 ; domaine de 1—, 232. 

Asthénopie ocolaire, 94. 

Ateliers d'apprentissage, 20i, 340, 344, 
350; — ou écoles professionnelles 
188; organisation des —, 196; rôle 
des petits — 202 ; présence dans les 
—, 206 ; — spéciaux, 356. 

Athlète ; cœur de 1—, 30, 84 ; pouls, 81 ; 
muscles, 46 ; éducation physique, 67, 
162. 

Attention; fatigue due à 1—, H, 181 ; 

troubles de 1'—, 118; genèse de 1'—, 

42,55; rôle del'-, 180. 
Attitudes du corps, 39, 74, 125, 129, 162 ; 

— du cycliste, 138. 
Audition, 120. 

Avant-bras de travail, 295, 335 ; —bas- 
cule, 296, 335. 
ATeugles ; toucher des —, 120, 356, 251, 



253, 254 ; travail des —, 232, 329, 354, 
358. 



Balland(A.}, 112. 

Barbe, 190. 

Beanfort (Comte de), 287. 

Beignet (A.), 187. 

Bélidor, 3. 

Bclot(D'), 311. 

Benedict, 14 138, 174. 

Béqulle physiologique, 235. 

Berbères, 214, 216, 222. 

Bernard (Claude], 24. 

Bemoulli (Les frères), 3 ; Jacques —, 61. 

Bicyclettes; trieuses de billes de —, 11. 

BUe, 22. 

Blessés; travail des —, 30, 127; résis- 
tance des —, 119, 253; rééducation 
des —, 168, 229 et suivantes; défini- 
tion du mot —, 229 ; emploi des —, 
230, 351; fiche d'aptitude des —,329; 
graves, 354. 

Bois, en orthopédie, 265 : — contre-pla- 
qué, 265, 284. 

Boissons, 114 ; — alcooliques, 115, 224 ; 
— des Arabes, 224. 

Bouchard, 97. 

Boulimie, 106. 

Bourrey (G.), 190. 

Boussingault, 223. 

Bracelet à poids, 251, 356. 

Bras expérimental, 287 ; — Amar, 288 
et suivantes ; — Gauet, 288, 298 et sui- 
vantes ; désarticulation de —, 292, 304. 

Broca(Cenlredej, oi. 

Brodmann, 52. 

Brouette ; façon de la tenir, 101, 139; — 
à deux roues, 139. 

Brown-Séquard, 26. 

Brunet (Député), 341. 



Cabrini (Député), 206. 

Café, 224. 

Gabier des charges de la prothèse, 267 . 

Calorie (Définition), 14. 

Galoiimétrique (Chambre), 13. 

Caractère de l'ouvrier, 325. 

Carbonique (Acide). Voir Acide. 

Cardiographe, 79. 

Carnegie, 13. 

Cartes d'instruction, 6 ; — à conviction, 

341. 
Cauet (Bras), 288, 300 et suivantes. 



INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



36r> 



Gasalis, 44. i 

Centre de gravité, 3, 167, 264 : ses oscil- 
lations, 167 ; — de Tavant-bras, 244 ; 
— de Broca, 51 ; — nerveux (résis- 
tance), 94 ; — de rééducation, 343 ; 
leur organisation, 343. 

Cerreau, 36 ; écorce du —, 38, 42; diffé- 
rences de — , 41 ; atrophie du — , 45; 
localisations du — , 51 ; — frontal. 
52; radioactivité du —, 175. 

Gerrelet, 39, 45. 

Chaleur du corps, 105; — humide, 26, 
122, 212 

Chambres syndicales (Rôle des), 352. 

GhanTean, 12, 100, 104, 118 ; lois de —, 
100. 

Chirographe, 93, 153. 

Chittenden, 108. 

Chocs par gaucherie^ 67, 71, 73, 133; 
inconvénients des — en mécanothé- 
rapie, 141; — du cœur, 29. 

Chopart (Amputation de), 2b6. 

Chronométrage, 7. 

Chyle, 23. 

Cinématographe, 73, 132, 198. 

Circalation (Appareil de la), 26: fatigue 
el —,79. 

Cirrhose, 116. 

Qémencean (G.), 228. 

Climat, 5 : — cliaud, 121 ; — froid, 121 ; 
effets du -,211, 224. 

Coefficient thoracique, 46. 218; — mor- 
phologique, 46. 

Cœur (Contraction du), 29 : poids du —, 
29, 100 ; rythme du —, 29, 81 ; hyper- 
trophie du — , 44; maladies du — , 
30, 58 ; fatigue du —, 81 ; dég»*nération 
du —, 116; — d'amputés, 254. 

Colonisation, 211, 215, 217. 

Conscience ; sa fonction, 38. 

Conservatoire des Arts et Métiers (Rôle 
du), 203, 343. 

Contraction (Voir ^fusc•ies). 

Contracture, 9i, lil. 171. 

Contrat de travail, 187, 207. 

Coordination (Troubles de la), 153. 

Comaro (L.), 114. 

Corporations, 185, 186, 196. 

Corps ; évolution et résistance, 40 ; 
forme, 45; poids, 40, 113; propor- 
tions, 265. 

Corset, 25. 

Conlomb(C.-A.), 4,7, 11, 212. 

Course de chevaux, 140 ; lois de la --, 
163. 

Couscous, 11, 223. 

Crampe (des écrivains), 94. 



Créoles, 226. 

Cnltivateur ; travail du —, 139, 209 ; 

. démarohe du —, 164; — aveugle, 358. 

Cnltnre physique, 18, 148. 

Cycle ergométriqne, 79, 87, 91, 138, 148, 

221. 
Cyclisme professionnel, 138. 
Cyclographe, 74. 



D'Arsonval, 26. 

Dastre, 45. 

Davy (H.),56. 

De Camns, 3. 

Dégénération (organique), 116, 249 et 

suivantes. 
Delbet (P.), 44. 
Desanlt, 58. 
Descartes, 179. 

Diabétiques (Faiblesse des), 119. 
Diaphragme, 19, 25. 
Diderot, 171. 
Diététique, 114. 
Digestion, 19 et suivantes. 
Dime royale, 3, 4. 
Doigts; valeur fonctionnelle des — ,263 

mutilation des -, 263. 
Douleur physique, 36, 59; -- morale, 

58 ; — organique, 59, 78. 106. 
Droitiers; fréquence des —, 146. 321. 
Dnbief, 187, 188. 
Dnchenne de Boulogne, 310. 
Dnpin(Ch.), 1. 
Duralumin, 26:;, 272, 284. 
Dyspnée, 25, 325. 



Eau, 23, 114, 121, 223. 

Ëchantilionneur respiratoire, 75, 129. 

Écoles; professionnelles, 188, 192, 202. 
227 ; — de Cluses, 193 ; supériorité 
des — sur les ateliers. 200 ; mauvaise 
organisation des —, 316; — de réé- 
ducation professionnelle, 342 et sui- 
vantes. 

Économie ; loi d'— , 7 ; — de temps, 8, 
199 ; — de force, 168 ; — de pensée, 
m ; — de mots, 180. 

Éducation ; nerveuse, 39 ; — des sens, 
41, 120. 249, 2-.4 ; — piiysique, 47, 67. 
127, 140 et suivantes; — de la vo- 
lonté, 56 ; — sociale, 62 ; — des mou- 
vements, 73, 196, 321 ; — alimentaire, 
167 ; — intellectuelle, 177, 194 : — des 
efforts, 31. i ; — physiologique, 32.»; 



366 



INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



— sensilive des moignons, 249, 307, 
356 et suivantes. 

Efforts; statiques. 35, 65; leur durée, 
95 : — et respiration, 84 ; sens de 
!'— , 134; — psychiques, 182. 

Embolies, 122. 

ÉmoUons ; de plaisir. 56. 112 ; — de 
douleur, 56, 58. 172 ; expressions des 
—.171. 

Endurance (Courbes d'}. 96. 

Énergétique, 14, 127. 

Énergie ; dépense d'— , 12, 74 ; — vitale, 
17: — nerveuse, 39, 56 ; — psychique, 
43 ; — névro-musculaire, 91 ; — des 
aliments. 104 ; — minimum du corps, 
108 ; — humaine, 36U ; ses variations, 
1 »4 ; — • intellecluelie, 170 ; son ori- 
f<ine, 174 ; — de rotation, 265. 

Enfant, 41 : sensibilité de T—, 41 ; tra- 
vail à interdire à 1—, 62. 119 ; crois- 
sance def— . 106, 113 ; alimentation 
de l'— . ihit/. : éducation de l' — , voir 
Éducation ; enseignement de 1' — , 183. 

Ennui, 59. 

Enseignement technique, 188 : — géné- 
ral ou spécial, 188 et suivantes, et 
200. 

Entrainement ; physique, 09 ; — des 
muscles, 140 et suivantes. 

Éponges (Pécheurs d'}, 90. 

Équation personnelle, 53. 91. 152. 22), 
325. 

Escalier; déplacement sur — , 136. 

Esssoufflement, 89. 325. 

Esthésiomètre, 95, 173, 250. 

Estomac, lit. 

Eudiomëtre, 76. 

Enler. 3. 

Exercices ; militaires. 100 : — de Tes- 
prit, 1 10. 118 ; — de vitesse, 118, 156. 



Piche psychométrique, 55 ; — d'apti- 
tude, 331, 343, 350. 

Fletcher, 108. 

Fletchériens, 107. 

ncury (M. de), 41. 

Poic, 23, 105, 116; cirrhose du —, 116. 

Fontenelle, 260. 

Force ; exercices de —, 30 ; — psy- 
chique, 39 ; — des membres. 147 : — 
musculaire, 158 ; des Arabes, 220 : — 
des moignons, 247 ; — vitale, 2, 12. 



I 



Galilée, 100. 

Gall, 51. 

Gauchers; formation des —, 321. 

Gaujot et Spillmann, 31 1 . 

Gilbreth (F.), 8, 74, 125, 184, 204 : — 
(M-), 55. 

Gilets prothétiques, 292. 

Glycogéne, 23, 105, 116. 

Gouttière ; pour amputés, 131. 245,250 : 
— pour paralysie, 310. 

GrèTes, 209, 228. 

Grossesse, 25, 119. 

Gueuses de fonte 'Transport de;, 8, 136. 

Gymnastique, 94, 143, 164 : — de masti- 
cation, 109 ; — respiratoire, 255. 

Gyrographe, 161. 



Faim, 105. 115. 

Fantassin Marche du;, 135. 137. 

Fatigue Notion de), 4. 11, 57 ; etfels de 
l.i —, "7 et suivantes ; — statique, 
90; — pathologique, 119: — du li- 
meur, 128 ; — à la poire dynamogra- 
phique, 157: — due aux attitudes, 
162 ; nature de la —, 78, 98, 168 : — 
cérébrale, 172, 182; — d'attention, 
173; — des blessés, 316. 

Fechner (Loi de). 62. 

Féminisme, 33. 

Femme; physique, 41 ; intelligence, i2; 
travail. 11!), 210. 



Hanseman, 45. 

Hégémonie fonctionnelle Loi de T), 31. 
144. 

Hémoglobine, 26, 123. 

Helmholti, 14. 

Hérédité intellectuelle, 56, 206 : — mo- 
rale, 63; — physiologique, 62, 117, 
218. 

Him, 14. 

Hugedé, 287. 

Humidité, 26. 

Hydrates de carbone ; minimum néces- 
saire, 104, 107 ; origines des —, 105. 

Hygiène et éducation physique. 144: 
—du travail, 196, 210 ; — sociale, IIU. 



Impotents, 131. 229; rééducation de» 
—, 140, 145, 167, 233 et suivantes : 
réapprentissage des — . 186 : travail 
des—, 317. 

Inanition minérale, 32 ; — alimentaire « 
105. 



INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



367 



Incapacités de traTail ; évaluation, 315 ; 

simulation, 316. 
Inhibition, 38, 59 ; — de fatigue, 98, 

173. 
Intelligence, 38, 42, 55, 51, 59 ; éducation 

de r— ,143, no, 174, 176, 194;— des 

nègres, 218; — professionnelle, 326. 
Intestin; grêle, 21 ; — gros, 21. 
IntozicaUon de fatigue, 78, 96, 168, 173, 

176. 
Italiens (Ouvriers), 205. 



Jambes artificielles, 266, 274 ; — amé- 
ricaines, 276 ; modèles de —, 280 ; — 
tibiales, 28i. 

James (W.), 62. 

Jenx; influence des — sur la fatigue, 
57 ; — et âge, 143 ; origine des —, 
143. 

Joie, 56, 172. 

Jonets en bois, 346. 



Kabyles (Ouvriers), 205. 213; histoire, 
214 ; vie, 215 ; anthropologie, 217 ; tra- 
vail des —, 220. 

Kénotozines, 26. 

Kilogrammètre, 14, 137. 

Kirschhoffer, il. 

Knndsen (llans), 230. 

Kyrie, 116. 



Labbé, 190. 

Lachand, 167. 

Landonxy, 118. 

Laplace, 61. 

Laurent, 287. 

LaToisier, 1 4. 

LaHire(De), 3, 11. 

Le Ghatelier (H.), 5, 8. 

Lennander, 60, 78. 

Léon Bourgeois, 203. 

LUn(C.\117. 

Liébaut, 195. 

Lime ; efforts sur une — , 69 ; — dyna- 
mographique, 70; travail à la — 
127. 

Limonade Tîneuse, 22». 

Locomotion, 164. 

Loi; de Thégémonie fonctionnelle, 31, 
144; — de Fechner, 62; de — Cliau- 
veau, 100,1 il ;— do Jules Amar, 102; 



— du repos, 102 ; — de Schwann, 140, 
161 ; — du rythme, 183 ; — Chapelier, 
186; — de 1851, 188. 

Lombard, 59. 

Localisations cérébrales, 53. 

Longévité, 45, 114. 

Lussana, 117. 

Lutte, 144. 

Luuati, 207. 



1/1 



Machine; parties d'une —, 2: —outil, 
124, 327, 345. 

Machinisme, 186, 208, 345. 

Maçon; travail du —, 125. 

Main; mouvements de la—, 1j3 ; édu- 
cation de la —, 155, 158 ; — artificielle. 
260, 300 ; mutilations de la —, 263, 
332; — de parade, 291 ; — magné- 
tique, 299 ; — articulée, 300 : paraly- 
sies de la —, 310. 

Main-d'œuvre, 2, 6, 126, 204 ; — ita- 
lienne, 204; — française, 209; — 
indigène, 213 et suivantes. 

Maintien du corps, 163. 

Manchots; préjugé à leur égard, 286 ; 
travail des — . 305. 

Manothérapie, 167. 

Marcel Prévost, 183. 

Marche, 31, 135 et suivantes; — en 
flexion, 164; théorie de la —, 274 ; — 
des athlètes, 46 ; — des amputés, 262, 
279. 

Marey, 68 ; tambour de —, 68. 

Marie, 51. 

Blarinesco, 51. 

Marocains; travail des —, 220; boisson 
des —, 224. 

Marteau dynamographique, 322; coup 
de —, 323. 

Matériaux d'orthopédie, 265. 

Mécanothérapie, 140, 145, 148. 

Membres ; orientation des —, 66 ; force 
et amplitude des — , 147 ; éducation 
des —, 148 ; — fantômes des amputés, 
252 ; utilisation des —, 261. 

Mémoire, 39, 181 ; — organique, 3!i. 

Ménopause, 41. 

Menuisier, 126, 132. 

Messimy (Projet , 213. 

Méthode, 1, 5, 9 ; — pliysique. 2, 10 ; — 
physiologique, 12 et suivantes; — 
d'observation sur ouvriers, îi, 7 ; — 
graphique, 68, 196 (Voir Ordre). 

Métier intégral, 187; — ancien, 189: 
pratique et amour du —, 195; clmn- 



368 



INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



gement de —, 233 ; choix du —, 325, 
347. 

Métronome, 93, 150. 

Metschnikoff, 21, 107. 

Milieu physique, 62, 120 et suivantes ; 
— social, 56, 62, 179,211. 

Millérand, 188. 

Môbiu, 42, 64. 

Mode ethygirne. 23, 164. 

Moignons; rééducation des — , 148, 151, 
246 ; valeur fonctionnelle des —, 243 
et suivantes ; éducation sensitive des 
—, 243, 250, 307, 356 ; état et utilisa- 
tion des —, 248, 258 et suivantes. 

Moment d'une force, 101 ; — d'inertie, 
265. 

Montaigne, 168, 178, 184. 

Monte8<imen, 99. 

Morale; valeur —, 63; égalité — des 
deux sexes; 64; dépression — , 2^)6, 
326 ; condition — des aveugles, 358. 

M0M0(A.),79, 122, 153. 

Motenr; partie d'une machine, 11 ; — 
musculaire; 34; rôle des petits — , 
139, 327,345. 

Motoculture, 139, 208, 212, 345. 

Mouvement humain, 31 ; — automa- 
tique, 31 ; — utile, 7, 168 ; — inutile, 
7,67, 168 ; — volontaire, 55, 73; — de 
lenfant, 58 ; éducation du —, 73, 196 ; 
formes du — 145 ; force et amplitude 
du —, 147; — des moignons, 261 et 
suivantes. 

MosaMtes, 215. 

Muscles, 31; — «les vieillards, 45; S}'- 
nergie des —, 66, 147, 244 ; travail 
«les —, 67 ; ses lois, 100, 140 ; — des 
moignons, 249. 

Mutilations (des doigts), 263, 334. 

Mutilés, U. 67, 125, 243; mouvements 
des —, 148 ; — rééducables, 231, 354 ; 
nombre total des — , 354. 



Newton, 100 ; loi de —, 102, 1T9. 
Nicati, 61. 



Obésité, 36, 107, 108. 

Œsophage, 19, 106. 

Office technique, 344, 350. 

Ordre, 5. 9, 103, 114, 168; — des idées, 
173, 177, 179 ; habitudes d'—, 198. 

Organisation scientifique, 5, 126, 329, 
338, 340; ses modalités, 341;— ré- 
gionale, 343; Institut d'— du travail 
353 ; — sociale, 361. 

Orientation professionnelle, 186, 315, 
326, 327, 350, 351 ; — des bras, 319, 
338. 

Orthopédie, 47, 232 ; principes d— , 239 
et suivantes; matériaux d'— . 264; 
Cahier des charges de T— , 267 ; — 
physiologique, 309. 

Oscillomëtre de Pachon, 80. 

Ostéomalacie infantile, 33. 

Ostéopsathyrose, 32. 

Ostwald, 194. 

Ottolenghi, 215. 

Outil, partie d'une machine, 11; bon 
rendement d'un —, 124; choix des 
—, 124, 199, 327 ; qualité des — pro- 
thétiques, 261, 329. 

Outillage; organisation de T— . 6, 124, 
199 : — pour mutilés, 125, 326; — de 
réadaptation, 328 ; — d'assistance, 
329, 359. 

Ouvrier ; qualités de 1—, 1,7, 129, ir,2, 
198 ; — instruit, 194, 196, 208 ; mé- 
thode des bons —, 199, 201 ; — ras- 
sujetti, 202; étude sur 1'—, 202; — 
italien, 20:5 : — français, 209; — arabe, 
215 et suivantes; rareté du bon — , 
205, 231 ; — en chambre, 350. 

Oxygène, 12. 24. 26, 78, 98. 



N 



Nègres; cerveau des —, 44, 52; pig- 
ment des — , 218, 

Nerveux; système —, 36; vitesse de 
rinflux —, 37 ; centres —, 77, 17J, 
255 ; fatigue —, 90, 91 ; troubles —, 
1!5, 117; épuisement—, 118. 

Neurasthénie, 118. 

Neurone sensitif, 30; — moteur, 36; 
nature du —, 36; - inhibiteur, 38, 
.j2 ; — d'association, 39 ; rôle des — 
dans la pensée, 171, 181. 



Pancréas, 22. 

Paralysie due aux béquilles, 235 ; — 

radiale, 310 et suivantes. 
Paré (Ambroise), 58, 267, 287. 
Pas (inconvénients des petits), 94, 164 ; 

phases du —, 267, 276. 
Pawlof, 22, 105. 

Peau; pigmentation de la —, 218. 
Pelle dynamographique, 71, 346, 359; 

poids normal d'une —, 139. 
Pensions de réforme, 316. 
Père Sébastien, 260, 2.s7. 



INDEX ALPHABÉriQUE DES MATIÈRES 



369 



Péristaltisme, 21. 

Péritoine, 21. 

Phénomène; du rejet latéral, 2o0 ; — de 

AVeir-Mitchell, 2S2. 
Piétinement (du faatassin). 136. 
Pilon rigide, 26T : — à verrou, 267 et 

suivantes; — pneumatique, 3i6. 
Pince nniTerselle Amar, 289, 291, 298, 

338 ; — perforatrice de tickets, 327. 

Plaisir, 57. 

Placement des mutilés, 231, 233, 351 et 
suivantes : — charitable, 352. 

Platine estbésiographic^ne, 357. 

Pnenmographe, 84. 

Poire dynamographiqne, 1 j6. 

Poncelet, 1, 2. 

Ponce ; mutilation du —, 263, 332 ; fonc- 
tion du —, 263 : — artificiel, 263. 

Poule, 30; tracé du —, 79 ; — dans les 
rêves, 172. 

Ponvoir calorifique, 110. 

Pression artérielle, 79, 83, 117, 123; — 
atmosphérique, 122 ; elTort de — de 
la main, lo8. 

PriTat(D'),311. 

Professionnelles; déformations —, 46, 
47 ; fatigues —, 118 ; intoxications —, 
119. 

Prothèse pour amputés. 67, U8, 243 et 
suivantes ; — scientifique ^principes), 
258 et suivantes ; — mécanique, 261; 

— du membre inférieur, 266 : — 
du membre supérieur, 286; expertise 
d'un appareil de—, 277 ; — fonction- 
nelle, 309; rendement delà —, 332: 

— défectueuse, 337; — des amputés 
doubles, 336; — des aveugles, 35B; 
Cahier des charj^es de la — . 267. 

Pseudarthroses, 310. 

Psychique (Aptitude), 50; activité — , 
170; état — des blessés. 253. 

Psycho-physiologie, 3i, 41, 56 : loi de — , 
6Î ; — de l'ouvrier. 196, 202 ; — du 
blessé militaire, 231. 

Puissance des moignons, 243 et sui- 
vantes. 



Rachitisme des os, 32. 

Radio ; — chronopholographie, 22 : — 

scopie du cœur, 8i : — graphie, 147 ; 

— activité, 175. 
Rameil (Pierrel, 3U. 
Rassujettis, 202, 203. 
Rations alimentaires; 77, 107 ; tableau 

des—, 110. 



Rayons X, 22. 

Réadaptation au travail, 232, 243, 310, 
326, 332, 338 ; — sensitive des moi- 
gnons, 2.30. 338 ; — des aveugles mu- 
tilés, 358 et suivantes. 

Réapprentissage des blessés, 185, 198, 
233, 332. 

Rééducation fonctionnelle, 127, 140; lois 
générales, 1 i5 et suivantes, 162 ; tech- 
nique et résultats, 232 et suivantes ; 

— cellulaire, 225 : — organique, 253 ; 

— professionnelle, 152, 229, 314 et 
suivantes (méthode et résultats) ; — 
des moignons, 151, 245 et suivantes ; 
durée de la — professionnelle. 350. 

Réflexe; arc —, 37, 38; contrôle du —, 
52 ; durée du —, 53 ; effets de l'alcool 
sur le — , 117 : — de l'expression, 171. 

Régime alimentaire, 113; science des 
— , 1 14 ; — des écoles de rééducation, 
350. 

Rekkas (courrier arabe}, 46. 

Rendement; évolution du —, 67 ; — de 
fatigue, 90; — économique, 130; — 
maximum. 132; — agricole, 139; — 
industriel, 199; — d'un appareil de 
prothèse, 259, 332 ; perte de —, 332 ; 

— social normal, 354. 
Repas; heures des —, 143. 

Repos; fréquence des —, 4, 103 ; — phy- 
siologique, 98 ; loi du —, 102 ; — des 
ouvriers, 123 ; — hebdomadaire, 124 ; 

— dans le travail du limeur, 130 ; — 
du corps, 162. 

Résistance du corps humain, 40 ; —or- 
ganique, 40, 97, 142. 
Respiration, 24; — des vieillards, 44; 

— de fatigue, 84 ; — pathologique, 
253 ; masque pour — , 16. 

Rêves; origine des —, 171. 
Rhétorique; but de la —, 181. 
Richet (Gh.). 60, 121. 
Robin (A.), 118. 



S 



Salaires; loi des —, 207; avilissement 
des —, 207 ; — des Arabes, 227 : — 
des mutilés, 350. ¥ 

Sang; rôle du |— , 26; mouvement du 
—, 31. 

Schopper, 116. 

Schwann; loi de—, 140,161. 

Science ; rôle de la —, 193. 200, 329 ; — 
sociale, 202. 

S30liose,'2il ; — des écoliers, 120. 



OHGAJÎISATION PHYSIOLOOUjlE DU THAVAIL. 



24 



370 



INDEX ALPHABÉTKjrE DES MATIKRES 



Sécrétions psychiques, 22, 105 ; leur inhi- 
bition, 173. 

Seguin, 16. 

Sélection ;— taylorienne, 7 ; — sociale, 
63 ; — des mouvements^ 168 ; — des 
ouvriers, 208. 

Sens, 36, 39; — de l'enfanf. 42; éduca- 
tion des — . 42, 6», 254: étal des — , 
110. 124, 254; rôle des — dans les 
rêves, 171. 

Sensations ; — organiques, 36, 60, 78 ; — 
tactiles, 36. 250; — visuelles, 36-; — 
ifustatives, 36; — olfactives, 36; — 
auditives. 36: loi des —, 61 ; — de 
fatigue, 78 ; — de soif, 115. 

Sensibilité; — de la femme, 43: — de 
l'enfant, 41 : rapport de la — et de 
l'intelligence, 56; troubles dj la — , 
94, 250 ; — tactile, 94; définition de 
la —, 171 : — des moignons. 2:i0. 

Shakspeare, 39. 

Signal de Déprex, 54, 153. 

Sigand, 50. 

Simnlation chez les blessés, 316. 

Sobriété; — en alimentation, 108 ; 113 ; 

— des vieillards, 113. 

Soif f Sensation de), 115: contre la —, 

«■>•>! 

Sommeil; toxines du — , 98. 
Soupape respiratoire, 75, 85, 128. 
Spectacles, 123, 183. 
Sphygmographe <le Mare y. 79. 
Spillmann (iiaujot et), 311. 
Sports, 67, 165 ; alimentation et—, 106 ; 

— du cvclisme. 138 ; — sont un lu.xe, 
140 ; — et hygiène, 143 ; mouvements 
dans les —, 160. 

Squelette, 32 ; cas de fragilité du —, 32, 
41 ; changement du — par amputa- 
tion. 249. 

Sténon ; expérience de —, 30. 

Stroede, 16. 

Sueur ; toxines de la —, 97. 



Tachyphagie, 23, 109. 

Taylor (K.-W.), 5 ; système —, 5 et sui- 
vantes, 184 ; vitesse à la — , 102 ; pro- 
duction à la —, 136 ; instruction de 
—, 194 ; — et la vie d'atelier, 203. 

TeclIBique ; — de l'apprentissage, 195; 
— d'éducation physique, 148. 

Température du corps, 14: — de l'air 
{(limais), 121 ; —des locaux, 121. 

Temps; inscription du — , 2i, 73 ; — de 
réaction, 54, 152. 



Tendon, 34; — d'Achille, 34. 

Terrasements, 3, 346. 

Thé, 224. 

Thooris, 48, 50. 

Tiegerstedt(R.), 108. 

Tonicité des organes, 32, 57 ; — des 
muscles, 59, 98, 117. 

Tonogrammes de respiration. 85, 103. 

Torticolis rhumatismal, 94. 

Toucher; sens du —, 31 ; — et douleur, 
59 ; — et fatigue, 94; — des aveugles, 
120, 250, 356. 

Transport des fardeaux, 8, 135 et sui- 
vantes, 220. 

Travail ; science du —, 2 ; unité de —, 
137 ; — maximum, 3, 130 ; — surveillé, 
3 : — à la ttVche, 5, 8 ; repos dans le 
—, 4, 102. 123. 130 : organisation tay- 
lorienne du — , 5 et suivantes; — 
musculaire, 65 : ses lois, 99 et sui- 
vantes : facteurs du — humain, 99, 104 
et suivanh\s; — professionnel, 127 
et suivantes: — agricole, 139, 193 ; — 
— intellectuel, 170 et suivantes; — 
de la pensée, 179 : loi de la division 
du —, 1S7, 200, 209 : droit au -, 228; 
incapacités de — , 316 : — des blessés, 
314 et suivantes. 

Trieuses de billes de bicyclettes, 11. 
Trottoir roulant, 82 ; — dynamogra- 
phique, 277. 
Tuffler (Th.), 235. 
Tuberculose ; prédispositions & la — . 

41, 117. 
Types d'hommes, 47 : — de mouve- 
ments, 145; —de pinces pour ampu- 
tés de main, 298. 



U 



Urine, 97 ; toxicité de 1'—, 97. 
Usage des bras artificiels, 305. 



Varlope inscrivante, 71 : éducation à la 
—, 321 : travail à la —, 132. 

Yauban, 3. 

Ventilation pulmonaire, 25. 76 ; courbe de 
la —, 87. 

Verne (N.), 2. 

Vêtements; étroitesse des — , 25; na- 
ture des —, 123 : — arabes, 225. 

Vieillesse, 41 et suivantes, 44 : causes 
de la — , 45 : mesures contre la — , 
113; énergie propre à la —, 143. 

Vitesse et fatigue, 89 ; — éconDmi(|ue, 



INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 



371 



102, 127 et suivantes ; travaux de — , 
118, 156 ; — de la pensée, 182 : — de 
travail, 220. 

Viviani (René), 227, 230. 

Vocation; rùle de la —, 10, 185, 325. 

Volonté ; définition de la —, 38 43 : édu- 
cation de la — , 39, 55, 57 ; détermi- 
nisme physiologique de la — , 118, 
171, 256. 

Voltaire, 174, 193. 



Vue; sens de la —, 31, 120, 2j4; fatigue 
«le la —, 94, 172. 



W 



Weber (Ed.); loi de —, 61; estliésio- 

mètre de —, 250. 
Weichardt, 26. 
Weir-Mitchell, 252. 



N. B. — Tous les appareils décrits dans cet ouvrage sont construits par la 
Maison Pirard et Gœurdevache, 7, rue Blainville, Paris. 



TABLE DES MATIÈRES 



/ 

/ 



Pêgeê. 

Préface de M . Le Ghatelier v 

AVAKT-PROPOS DE L*AUTEUH XI 



CHAPITRE [ 

Le travail humain. — Histoire et doctiines 1-5 

Le système Taylor 5-12 

Recherches des physiologistes 12-17 

CHAPITRE ][ 

Les fondions organiques de l'homme. — La vie de relation 18-39 

CHAPITRE m 

Psycho-physiologie humaine 40-45 

Aptitudes physiques 45-50 

Aptitudes psychiques 50-56 

Rapports psycho-physiques 56-64 

CHAPITRE IV 

Travail et fatigue 65-71 

Mesure de la fatigue 77-98 

CHAPITRE V 

Les fadeurs du travail. — Lois de Chauveau 99-102 

La loi du repos 102-104 

Les aliments 104-114 

Les boissons et Talcool 1 14-120 

Le milieu extérieur 120-126 

CHAPITRE VI 

L'art de travailler. — L'activité physique 127-169 

Le traTail professionnel 127-139 

L'éducation physique 140-148 

Technique d'éducation physique 148-164 

Exercices sportifs 164-169 



374 TABLE DES MATIÈRES 



CHAPITKE VII 

Page». 

L'art de travailler. — L'activité intellectuelle 170-184 

Origine de Ténergie intellectuelle 174-176 

Organisation du travail intellectuel 176-182 

Applications pédagogiques et sociales 182-184 

CHAPITRE VIII 

V apprentissage 185-204 

Son état actuel. — Le« écoles professionnelles 185-192 

Organisation de l'apprentissage 192-196 

Éducation des mouvements. Outillage 196-201 

Durée et statut de Tapprentissage 201-204 

CHAPITRE IX 

La main-d'œuvre 20'J-228 

Main-d'œuvre italienne 20.^-20î) 

Main-d'œuvre française 209-213 

Main-d'œuvre indigène 213-215 

Les Kabyles et les A rabes 215-228 

CHAPITRE X 

La rééducation des blessés * 229-233 

1 . — Rééducation fonctionnelle 233-243 

Valeur fonctionnelle des moignons 243 258 

CHAPITRE XI 

II. — Prothèse scientifique 259-313 

Principes physiologiques et mécaniques 259-266 

Prothèse du membre inférieur 266-286 

Prothèse du membre supérieur 286-309 

Prothèse fonctionnelle 309-313 

CHAPITRE XII 

III. — Rééducation professionnelle 31 4-361 

Les procédés et les lois 314-329 

Les avantages de la méthode scientifique 329-342 

Les écoles de rééducation 342-351 

Le placement des blessés 351-354 

L'assistance par le travail : blessés graves et aveugles 354-360 

Conclusion générale 360-361 

Index ALPiiABKTiQrR 363-371 



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humaine. Les lois de la dépense énergétique. Le rendement de la machine humaine. ËfTets 
physiologiques du travail : fatigue. L'homme et le milieu. Le milieu intérieur. Le milieu 
extérieur : la température ; l'air et l'eau; l'air comprimi, les radiations, l'outillage. 7'«'r/i- 
nique expérimentale. Les mesures, instruments, mesures statique^) de la raachiue humaine. 
Mesures dynamiques de la machine humaine et travail professionnel. KvaIuation.s énergé- 
tiques relatives à l'homme. Le travail professionnel. Kquilibre et mouvement du corps humain ; 
locomotion : marche. Le travail professionnel et la locomotion : marche, course, saut, 
grimper, nager. L'outillage. Travail de la parole et travail inlellecUiel. Hâtions alimentaires 
des ouvriers. Puissance de l'homme. 



H. DUNOD ET E. PINAT, Éditbuus, quai des GnAXDS-Auousnxs, 47 et 49, Paris, VI' 



La sécurité du travail dans l'industrie. Moyens préventifs contre les 
accidents d'usines et d'ateliers, par Paul Razous, ingénieur civil, inspec- 
teur départemental du travail dans l'industrie. In-8° 16 X 25 de 378 pages, 
avec 222 figures (1901) 12 fr. 50 

liégîementation relative à la sécurité dans les établissements industriels (Décrets des 
30 avril 1880, 29 Juin 188-^, 10 mars 1894). Moteurs, passages, escaliers, excavations, monte- 
charges. Organes dangereux des machines; maniement des courroies. Engins tournant à 
grande vitesse. Mise en marche et arrêt des machines. Nettoyage, graissage, réparations. 
Précautions contre l'incendie. Appareils électriques. Vêtements des ouvriers. Précautions 
contre les brûlures. Explosions. Milieux délétères. Asphyxie. Sécurité des enfants et des 
femmes. Vœux formulés par les inspecteurs du travail. Soins d donner en cas d'accident, 

Hyg^iéne et sécurité du travail industriel, par G. Paraf, ingénieur 

des Arts et Manufactures. Ouvrage couronne par V Académie des Sciences. In-8" 

16 X 25 de 632 p., avec 402 fig. (190r»). Broché, 20 fr. ; cartonné .... 22 fr. 

Généralités. Causes de vlciaiion de l'atmosphère dei ateliers. Dispositions comniune:« 

& toutes les industries. Production de la force. Graissage. Transmissions. Appareils de 

levage. Industries diverses. Minesi. Métallurgie du fer. Ateliers de construclion. Métaux 

autres que le fer. Industrie des m;Haux extraits des carrières. Industries céramiques. Lo 

verre. Le bois. Le papier. Législation. Mesures g<.'nérales de protection et de salubrité. 

Mesures spéciales à certaines industries; à certaines catégories de personnes. Réparation. 

necherclies sur riiyg^iënc du travail industriel. Assainissement des 

industries. Prophylaxie des maladies professionnelles y par le D'' Hkim, avec la 

collaboration des I)"» Agasse, Lafont, Coxstknsoux et E. Haas, A. Hébert 

et Sartory. In-8o 16 X 25 de 174 pages, avec fig. et pi. (1902) 7 fr. 50 

Caractéristique du mercure dans l'organisme. Réactions hématiques de rhydrargyrisme. 
Résistance de la bactéridie charbonneuse aux traitements industriels. Existe-t-il une anémie 
professionnelle des photographes? Garactérisation et dosage de l'hydrogène sulfuré. Manifes- 
tations oculaires du sulfo-carbonisme. Garactérisation et dosage des vapeurs d'aniline. Réac- 
tions hématiques du benzénisme. Dosage des vapeurs de benzine. Larmoiement et lésions des 
membranes de l'œil chez les éjarreuse-^. Fiches d'examen pour la surveillance médicale des 
ateliers. Examens hématologiques. Diffusion dans l'air des ateliers des gaz et vapeurs nocifs. 
Fréquence des stigmates nerveux dans le sulfo-carbonisme. Doses expérimentales toxiques 
des vapeurs benzéniques. Dispositifs assurant l'inhalation d'un air à teneur constante en 
vapeurs toxiques. Proportion d'acide carbonique des ateliers. Récolte à l'atelier de l'urine. 

Les maladies professionnelles, par J.-L. Breto.n, député. In-8^ 14 X21 

de 358 pages (191 1) 3 fr. 50 

Historique. Les maladies professionnelles. Ijg saturnisme. Législations étrangères. Acci- 
dents du travail et maladies de profession. Projet et proposition de loi. Le projet de la Com- 
mission. Annexes. 

Asphyxies et g^az asphyxiants, moyens d'y remédier, par le 

D"" A. Cbvidvlu, professeur à l'Université de Parme, traduit de l'Italien. In-8» 
13 X21 de 72 pages (I91(>) 2 fr. 50 

Cours d'hygit^ne générale et industrielle, par le D»" A. Batailler, prof, 
à l'Ecole de commerce et d'industrie de Cette, et E. Tresfo.nt, doct. en droit. 
In-IO 13 X 21 de viii-382 pages, avec 148 (ig. (1913;. Cart 5 fr. 



Tours. — Imprimerie Deslis Fhères et G'*, 6, rue Gambetta. 



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